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Les décisions à prendre avant de migrer ma mailing-liste

dimanche 23 octobre 2022 à 02:00

Les décisions à prendre avant de migrer ma mailing-liste

À ma grande surprise, vous êtes nombreux à vous être inscrits pour recevoir par mail les billets de mon blog. Une mailing-liste, en d’autres termes.

Cette liste est pour le moment hébergée par Mailpoet, service lié à Wordpress dont je souhaite me départir. J’aimerais migrer vers Sourcehut mais, c’est important, sourcehut ne permet pas les mails au format HTML. Ce qui m’a obligé à explorer le terrier à lapin du mail text-only et du format=flowed.

Mes lecteurs sont-ils prêts à lire des emails uniquement au format texte ? Quels sont les plateformes de mes lecteurs ? Comme je me refuse à introduire des liens de tracking, la seule info dont je dispose est la liste des abonnés (info à laquelle je n’aurais plus accès si je migre sur sourcehut, ce qui est une bonne chose).

Armé de cette liste, j’ai écris un script pour analyser les serveurs liés aux adresses (champs MX). Il en est ressorti que 48% de mes abonnés utilisent Gmail ou Google App et 10% utilisent un serveur Outlook. 4% encore avec Yahoo. Ce qui fait 62% d’abonnés rien que pour ces trois mastodontes. Dans une audience particulièrement intéressée par le logiciel libre et le respect de la vie privée.

Le seul "outsider" qui sort un peu du lot est protonmail, avec 6% de mes abonnés. Infomaniak et Free suivent avec 3% chacun. Près de 8% des adresses sont liées à Gandi/OVH, ce qui laisse soupçonner des auto-hébergements.

Tout le reste est en dessous du 2%.

La conclusion est inéluctable : quelle que soit la solution que je choisi, je dois faire en sorte que ma mailing-liste soit facilement lisible sur Gmail, sur Outlook et sur Protonmail. Ce qui implique, je pense, une version HTML du mail avec chaque billet sous peine d’être difficilement lisible sur mobile (le format=flowed ne fonctionnant pas toujours bien avec Gmail, ne fonctionnant pas du tout avec Protonmail, etc). Ce qui exclut sourcehut comme logiciel de mailing-list alors qu’il coche toutes mes cases éthiques.

Je ne sais pas encore comment j’ai vais continuer ma mailing-liste. Mais il est terrifiant de constater à quel point l’impact des monopoles est réel et perceptible dès que l’on se met à creuser.

Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain. Abonnez-vous par mail ou par rss. Maximum 2 billets par semaine, votre adresse n’est jamais partagée et effacée au désabonnement. Pour me soutenir, achetez mes livres. Je viens justement de publier un recueil de nouvelles qui devrait vous faire rire et réfléchir.

Lorsqu’éclatera la bulle publicitaire

lundi 10 octobre 2022 à 15:39

En 2007, espérant monétiser ma réputation naissante de blogueur influent, j’ai installé des publicités Google sur mon blog. Les premiers mois furent de bonnes surprises (entre 100€ et 200€ par mois) avant que Google ne m’annonce qu’en raison des clics frauduleux sur mes publicités, la somme serait revue à la baisse (pour tomber très vite à 30-50€ par mois).

Ne cliquant pas sur mes propres publicités et étant d’une naïve honnêteté, ma première réalisation fut que Google pouvait me raconter absolument n’importe quoi, qu’ils pouvaient décider de leur tarif, que je n’avais de toute façon aucun recours. Que 30€, c’était mieux que rien.

Vraiment ? À ce moment précis, je me fis la réflexion que tout modèle publicitaire était intenable sur le long terme. Que la publicité ne pouvait fonctionner que si elle était une fraction d’un véritable échange économique, mais que, toute seule, la publicité ne permet rien. Si une entreprise paye pour une publicité, c’est parce qu’elle espère augmenter son bénéfice d’une somme supérieure à celle dépensée.

Ce qui nous place devant deux alternatives :

Soit la publicité fonctionne et elle entraine que les personnes exposées (à savoir les lecteurs de mon blog) dépensent plus d’argent que s’ils n’y avaient pas été exposés.

Soit la publicité ne fonctionne pas vraiment et toute l’industrie n’est qu’une gigantesque arnaque de laquelle il vaut mieux rester le plus éloigné possible.

Dans le premier cas, l’affichage de publicités sur mon blog était hautement immoral (je poussais mes lecteurs à dépenser tout en n’en obtenant qu’un très maigre bénéfice), dans l’autre cas je participais à une arnaque qui risquait de s’écrouler rapidement.

Force est de constater que j’étais un peu trop en avance : quinze années plus tard, l’arnaque semble encore fonctionner. Mais les premières fissures semblent apparaitre dans la pyramide. Dans tous les cas, il est clair que la publicité est hautement immorale. Que toutes les personnes qui y contribuent d’une manière ou d’une autre sont de sacrés enfoirés. Oui. Vous ! Votre métier consiste à attirer le plus possible l’attention des gens, à polluer leur esprit afin qu’ils consomment plus et polluent plus la planète. Pourrir la vie des gens tout en pourrissant la planète.

La publicité en ligne, arnaque ou pas ?

Tim Hwang, dans « Subprime Attention Crisis », et Cory Doctorow, dans « How to destroy surveillance capitalism », défendent tout deux la théorie de l’arnaque. Comme le souligne Cory Doctorow, à lire les rapports aux actionnaires de Facebook, leur plateforme serait une espèce de rayon magique invisible pour manipuler l’esprit des gens. Hautement improbable !

Cependant la publicité a un effet très clair : attirer notre attention, nous distraire, détourner les idées et créer des envies. Il semblerait que la publicité ciblée ne fonctionne en réalité pas beaucoup mieux que des publicités génériques. Voire pas du tout mieux. Cela n’empêche pas Google et Facebook de nous espionner sous toutes les coutures en espérant faire croire à leurs clients que ça fonctionne.

Une chose est certaine : Google (Alphabet) et Facebook (Meta) sont parmi les cinq plus grandes entreprises du monde. Avec Twitter et TikTok, elles occupent le centre des vies connectées (et donc des vies tout court) de milliards d’individus. Il est impossible d’acheter un téléphone sans Google. Il est impossible de lire un article de presse sans liens vers Twitter (Rick Falkvinge se plaisait à appeler la presse « Printed tweets from yesterday »). En rue ou dans les transports, l’immense majorité de la population est en permanence sur Instagram (Meta), Whatsapp (Meta également) ou TikTok (une entreprise chinoise qui a largement démontré son irrespectabilité).

L’immense majorité du chiffre d’affaires de ces quatre sociétés est généré par la publicité. On parle de chiffres plus gros que le budget de tout un pays.

Postuler que la publicité est un business « honnête » revient à dire que ces milliards d’euros ne seraient pas dépensés sans elle. Et donc revient à démontrer que la publicité appauvrit la population d’une manière démentielle en entrainant une surconsommation qui détruit littéralement la planète.

Grâce au smartphone, la publicité a colonisé chaque seconde de nos vies. Il n’en reste pas moins que ces vies sont limitées à une poignée de milliards de secondes et que nos portefeuilles le sont également.

Force est de constater que la publicité est, au moins en partie, une gigantesque arnaque. L’autre partie étant un business parfaitement immoral en pleine compétition avec l’industrie de l’armement pour savoir qui entrainera le plus rapidement la disparition de l’humanité.

Des monopoles à la fois juge et partie

Comme je l’avais découvert avec Google en 2007, le véritable problème de ce marché publicitaire est que les entreprises sont à la fois arbitre et partie prenante. Lorsque vous achetez des publicités chez un de ces géants, tout ce qu’ils vous offrent en échange sont… des chiffres qu’ils inventent.

Pour promouvoir un de mes livres, j’avais fait l’expérience d’acheter des publicités sur Twitter et Facebook en spécifiant que je voulais cibler la Belgique. Sur Twitter, j’ai obtenu des milliers « d’impressions » (le terme pour dire que mon tweet a été affiché chez un utilisateur) et des dizaines de retweets. À l’inspection, tous ces retweets provenaient de comptes vraisemblablement faux (comptes sans interactions, dans une langue étrangère, mais, comme par hasard, contentant tous un drapeau belge dans leur description). De son côté, Facebook m’a informé que des centaines de personnes avaient cliqué sur le lien de ma campagne de financement. Chose étrange, aucun de ces clics n’apparaissait dans les statistiques du site de crowdfunding. L’impact sur les ventes a été absolument nul.

Ces réseaux sont tellement remplis de faux comptes et de fausses interactions que cela en devient gênant. Elon Musk a notamment fait trainer son offre de rachat de Twitter lorsqu’il s’est rendu compte de l’importance du problème (ce qui en dit long sur sa méconnaissance de ce type de business). LinkedIn (Microsoft) est confronté à un problème similaire : la majorité des interactions y sont fausses. Même vos statistiques Google Analytics sont majoritairement remplies de visites de robots.

La situation est simple : nous voulons tous plus de « clics » sur nos contenus et des followers, les grandes entreprises ont pris le contrôle du Web pour nous offrir ces clics et ces followers. Ils nous offrent des compteurs de clics et un moyen de faire augmenter ces clics avec une simple carte de crédit. Ils nous vendent une monnaie de singe de leur propre inventions contre notre argent véritable, un peu comme certaines sociétés de jeux en ligne. Tant qu’il y’a des pigeons pour payer, pourquoi s’en priver ?

Le géant Procter&Gamble a d’ailleurs annoncé avoir coupé complètement tous ses budgets publicitaires pour les réseaux sociaux et n’avoir perçu absolument aucune différence dans les ventes.

La faible qualité de l’attention vendue

Tout n’est pas complètement faux. Facebook s’est fait une spécialité de vous permettre de créer une « communauté », mais de vous forcer à payer pour envoyer des messages à une partie de cette communauté. Avec mes 2500 followers sur Facebook, j’avais découvert à l’époque que chaque message touchait en moyenne 1%, mais que, en payant, je pouvais monter à 5% voire 10% de « ma communauté ». Facebook me faisait croire que j’atteignais un public alors qu’en réalité, je devais payer pour contacter moins de gens que si je leur avais conseillé de s’abonner par mail ou RSS.

Mais même lorsque payer permet réellement d’entrer en contact avec un être humain, cette interaction est généralement d’une qualité incroyablement faible. Dans le train, le bus ou l’avion, observez l’écran des autres voyageurs. Ils font défiler à toute vitesse, s’arrêtant parfois une seconde pour mettre un like sans même prendre le temps de lire. Lorsque la publicité n’est pas une simple arnaque, tout ce qu’elle vous offre est donc d’apparaitre quelques fractions de seconde sur un écran en train de défiler.

Sur LinkedIn, j’ai durant quelques mois tenté d’accepter les offres d’emplois qui m’arrivaient par messages privés. Alors que pour les besoins de l’expérience j’acceptais toutes les conditions sans discuter, aucune des dizaines de demandes n’a jamais débouché sur quoi que ce soit. En fait, je n’ai reçu que quelques réponses à mes dizaines d’acceptations et, malgré des relances de ma part, toutes ces discussions ont tourné en eau de boudin, mes interlocuteurs étant passés à autre chose.

Même lorsque les géants publicitaires remplissent leur part du contrat de manière honnête, force est de constater qu’il s’agit d’une arnaque.

La morbidité des métriques

Comme d’habitude, tout n’est que question de métrique. Si vous êtes dans un job où votre chef vous demande d’augmenter les clics sur un site web ou d’obtenir des followers, alors cela a complètement du sens d’acheter ces clics ou ces followers.

Mais si vous avez un peu plus de recul, la véritable question est « Quel est l’objectif du business ? » et « Quelles sont les métriques véritablement corrélées à cet objectif ».

Ce n’est pas parce que Google, Facebook et les autres vous offrent un beau pack de métriques toutes faites et d’un moyen de les optimiser que cela convient à votre business. En fait, de manière générale, tout fournisseur qui prétend vous vendre l’observation de métriques décidées par lui, mesurées par lui et optimisées par lui est par essence un escroc.

À part dans de rares cas, il est même probable que le fait d’avoir un Google Analytics sur votre site soit préjudiciable à votre business. Le simple fait d’avoir accès à ces statistiques va vous faire prendre des décisions pour augmenter le nombre de visites sur votre site, ce qu’on appelle SEO. Ensuite, vous allez tenter de comprendre pourquoi vos visiteurs qui affluent ne passent pas commande alors que vos techniques de SEO ont justement fait affluer une masse de gens (lorsque ce ne sont pas des robots) qui ne sont a priori pas concernés par votre business. En essayant d’être trouvé par tout le monde, vous perdez de vue le cœur de votre marché, à savoir ceux qui vous cherchent.

L’omniprésence des métriques web fournies par Facebook, Google et compagnie fait que plus personne n’imagine ne pas optimiser ces métriques, même les services publics, les écoles, les restaurants, les business de proximité, les entreprises qui ont une relation humaine avec leurs clients. Bref, l’immense majorité de l’économie.

Échapper aux influences néfastes

C’est ce qui a fait la fortune de Google et Facebook : ils ont confisqué l’économie, l’ont pris en otage en convainquant le monde entier qu’il n’y avait pas d’autre manière de faire du business qu’en augmentant les clics sur le web. Et que la seule manière d’y arriver, c’est de passer par leur monopole.

Tant qu’il y’aura des pigeons pour payer des publicités, ces entreprises survivront. Même si les publicités sont pour promouvoir des services vivant eux-mêmes de la publicité ? Sur Android, par exemple, les jeux font souvent la publicité d’autres jeux publicitaires. Sur Facebook, beaucoup de médias, y compris ceux financés par l’argent public, font leur publicité afin d’attirer des visiteurs pour visionner… leurs propres publicités.

Il n’est pas compliqué de comprendre que tout cela tourne en boucle et que le jour où tout cela s’écroulera, ce ne sera pas très beau à voir. Que tous vos investissements pour obtenir des abonnés, pour obtenir des vues et des clics seront réduits à néant.

Briser l’incroyable puissance de ces monopoles morbides ne passe pas par l’utilisation d’alternatives ou de succédanés, mais par la réalisation profonde que nous n’avons tout simplement pas besoin d’eux.

Qu’ils ne survivent qu’en nous faisant croire à la fable qu’ils sont indispensables.

Que sous les apparences de technologie et de scientisme, ces business ne sont que de simples religions qui contrôlent ceux qui veulent bien y croire, qui extorquent l’argent de leurs fidèles en leur faisant croire que c’est la seule option viable pour gagner le paradis.

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

L’année du requin : l’éden amer

mercredi 10 août 2022 à 09:51

À voir l’affiche et la bande-annonce, l’année du requin s’annonce comme une comédie estivale des plus traditionnelles, sorte de croisement entre « Les gendarmes de Saint-Tropez à la pêche au requin » et « Les bronzés au camping 3 ».

Heureusement, la lecture des critiques m’avait mis la puce à l’oreille. L’année du requin n’est pas une énième comédie franchouillarde de type sous-splendid, au grand plaisir ou au grand dam des commentateurs. Les gags de la bande-annonce s’enchainent dans les premières minutes du film. Comme prévu, le gendarme Maja, Marina Foïs, se prend un seau d’eau et une vanne comique de la part de son collègue Blaise, Jean-Pascal Zadi. Rires bien vite étouffés par la réplique tranchante d’une Marina Foïs qui crève l’écran en gendarme fatiguée par une carrière assez terne dans une ville où la spécialité est de poser ses fesses dans le sable et de regarder la mer : « Ce n’est pas gai de se prendre un seau d’eau lorsqu’on est en service. » Sourires gênés de ses coéquipiers et du public.

Le ton est donné. Le prétexte comédie n’était qu’un attrape-nigaud. Si le film regorge de pépites humoristiques, celles-ci se font discrètes, sans insistance (comme le coup de la garde-robe de Maja, entraperçue une seconde en arrière-plan). Là n’est pas le propos.

Le propos ? Il n’est pas non plus dans l’histoire, assez simple pour ne pas dire simplette : un requin hante les côtes de la station balnéaire de La Pointe et, à la veille de la retraite, la gendarme maritime Maja décide d’en faire son affaire.

Pas de comédie désopilante ? Pas d’histoire ? Mais quel est l’intérêt alors ?

Tout simplement dans l’incroyable panoplie d’humains que la caméra des frères Boukherma va chercher. Chaque personnage est ciselé, la caméra s’attardant longuement sur les défauts physiques, les rides, les visages bouffis, fatigués, vieillis, mais également souriants et pleins de personnalité. Au contraire des frères Dardennes, l’image ne cherche pas à servir un ultra-réalisme social. Il s’agit plutôt de mettre à l’honneur, d’héroïfier ces humains normaux. En contrepoint à ces anti-superhéros, le film offre un maire jeune, lisse et sans caractère ni le moindre esprit de décision (Loïc Richard). Parachuté depuis Paris, il se réfugie, symbole de cette lutte des classes omniprésente, derrière une visière anti-covid. Des Parisiens qui sont à la fois détestés par les locaux, mais nécessaires, car faisant tourner l’économie.

** Entracte publicitaire **

Acteur bordelais, Loïc Richard est réputé pour son travail de la voix. J’ai eu l’occasion de collaborer avec lui lorsqu’il a enregistré la version audiolivre de mon roman Printeurs, disponible sur toutes les plateformes d’audiobook. Autant il joue à merveille le personnage fade et lisse dans le film, autant il peut prendre des intonations sombres et inquiétantes dans sa lecture de Printeurs. Je ne pouvais quand même pas rater de placer cette anecdote 😉

=> https://voolume.fr/catalogue/sf-et-fantasy/printeurs/

** Fin de l’entracte, merci de regagner vos sièges **

Dans la première partie du film, Maja part à la chasse aux requins et tout se passe, à la grande surprise du spectateur, un peu trop facilement. La gendarme devient, malgré elle, une héroïne des réseaux sociaux. Mais au plus rapide est la montée, au plus dure est la chute. Au premier incident, qui n’est clairement pas le fait de Maja, elle devient la bête noire. Harcelée, elle en vient à paniquer dans une courte, mais puissante scène de rêve. Le propos est clair : le véritable requin est l’humain, alimenté par les réseaux sociaux et par les médias, symbolisé par une omniprésente radio réactionnaire qui attise les haines sous un vernis pseudohumoristique. Sous des dehors de petits paradis balnéaires, la haine et la rancœur sont tenaces. Sous la plage, les pavés. L’éden est amer.

À partir de la séquence onirique, le film perd progressivement tout semblant de réalisme et l’humour se fait de plus en plus rare. Les codes sont inversés : si l’humour était filmé de manière réaliste, les images d’action et d’angoisse sont offertes à travers la caméra d’une comédie absurde, l’apogée paradoxal étant atteint avec le rodéo impromptu de Blaise et le réveil surréaliste d’une Maja qui s’était pourtant noyée quelques minutes auparavant. Tout donne l’impression que Maja a continué son rêve, que la lutte contre le requin se poursuit dans son inconscient.

Étrange et déstabilisant, le film fonctionne entre autres grâce à un travail très particulier du cadre et de la couleur. Chaque plan résulte d’une recherche qui porte le propos, l’émotion. Lorsqu’elle est sur son ordinateur, Maja est baignée d’une lumière froide alors que son mari, à l’arrière-plan, représente la douceur chaleureuse du foyer. « Tu devrais arrêter Twitter », lance-t-il machinalement en partant dans la nature alors qu’elle reste enfermée devant son smartphone. Lors des confrontations entre les époux, la caméra se décentre souvent, donnant une perspective, un retrait, mais une intensité aux échanges.

Le titre lui-même porte une critique sociale très actuelle : « L’année passée c’était le covid, cette année le requin. Ce sera quoi l’année prochaine ? ». Le requin est le pur produit d’un réchauffement climatique entrainant des catastrophes face auxquelles tant les politiciens, les écologistes et les réactionnaires sont impuissants. Chacun ne cherchant finalement qu’à se dédouaner de toute responsabilité. Comme le dit le maire : « Ça va encore être la faute de la mairie ! ».

Sans y toucher, le film démontre le succès et la nécessité de décennies de lutte féministe. Le personnage principal est une femme qui s’est consacrée à sa carrière avec le soutien d’un mari effacé et très gentil (Kad Merad, incroyablement humain en mari bedonnant). Son assistante Eugénie est une femme (Christine Gautier). Pourtant, encore une fois, aucune insistance n’est placée sur le sujet. Le sexe des personnages importe peu, les relations étant, à tous les niveaux, purement basées sur leur caractère. Aucune séduction, aucune histoire d’amour autre qu’un mariage de longue date entre Maja et son mari, aucune mièvrerie. Le tout avec des interactions humaines profondément réalistes (dans des situations qui le sont évidemment beaucoup moins).

L’année du requin n’est certes pas le film de la décennie, la faute probablement à un scénario un peu simplet, il offre néanmoins une expérience cinématographique originale, nouvelle. Les frères Boukherma nous gratifiant d’un nouveau genre : celui de la parodie sérieuse qui ne se prend pas la tête. Fourmillant de trouvailles (la radio, la voix off particulièrement originale), le film mêle plaisir, clins d’œil aux cinéphiles, critique sociale et cadre original, le tout servi par des acteurs dont les talents sont particulièrement bien exploités.

Que demander de plus ?

Une morale ? Le film se termine justement sur une morale gentille, mais pas trop bateau et parfaitement appropriée : « Il y a deux types de héros. Ceux qui veulent sauver le monde et ceux qui veulent sauver ceux qu’ils aiment ».

Si l’année du requin ne sauve pas ni ne révolutionne le monde, il saura offrir quelques heures de plaisir à ceux qui cherchent des saveurs nouvelles sans se prendre la tête et qui aiment ce cynisme un peu grinçant qui ne s’inscrit dans aucune case précise. Il m’a clairement donné envie de découvrir Teddy, le premier film de ce jeune tandem de réalisateurs jumeaux. Et si après le loup-garou et le requin, ils décident de s’attaquer à la science-fiction, je suis volontaire pour leur pondre un scénario.

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Chapitre 10 : la suppression des comptes en ligne

dimanche 7 août 2022 à 13:25

Si ma déconnexion totale a été un échec, si j’ai repris des connexions intempestives, mon usage de l’ordinateur a cependant été profondément modifié. Il est, par défaut, non connecté. Je suis conscient de chaque connexion. Et je ne regarde mes emails qu’une fois, parfois deux par jour. Ce dernier changement ayant grandement facilité grâce à une action que j’ai commencé il y a près de trois ans : supprimer mes comptes en ligne.

Au cours de ces trois dernières années, j’ai activement supprimé plus de 600 comptes sur différentes plateformes. Chaque fois que je reçois un mail d’une plateforme sur laquelle j’ai un compte inutilisé, je procède aux démarches, parfois longues et fastidieuses, pour le supprimer. Au cours de ces trois années, de nombreuses plateformes sont réapparues dont j’avais oublié jusqu’à l’existence.

Le travail a été de très longue haleine, mais commence à porter ses fruits et m’enseigne énormément sur cette marque de viande en boîte transformée en nom commun par des humoristes anglais déguisés en Vikings : le spam.

Les différents types de spams

J’ai identifié trois sortes de spams : le random-spam, l’expected-spam et le white-collar-spam.

Le random-spam est le pur spam dans la plus ancienne tradition du terme. Des emails envoyés à des millions de personnes sans aucune logique, pour vous vendre du viagra, pour vous convaincre d’installer un spyware, d’aider un prince nigérien à récupérer des millions ou de verser une rançon en bitcoins, car vous avez été soi-disant filmé en train de vous palucher devant un site porno. Une fois que votre adresse est publique, il n’y a rien à faire contre ce type de spam si ce n’est tenter de les filtrer. Il est complètement illégal. C’est d’ailleurs sa caractéristique première : il n’est lié à aucune entité juridique évidente. Vous ne pouvez pas vous plaindre ou vous désinscrire. Si le random-spam était une vraie plaie historiquement, je suis surpris de constater que sur mon adresse la plus spammée, une adresse publiée partout depuis quinze années, présente dans une kyrielle de bases de données publiques, je reçois en moyenne un random-spam tous les deux ou trois jours (il est automatiquement détecté comme tel et placé dans mon dossier spam, les faux négatifs étant très rares). La moitié de ces spams concernent les cryptomonnaies. J’en déduis que sur une adresse relativement récente et peu publique, vous recevrez très peu de ces spams.

L’expected-spam est exactement le contraire : c’est du spam envoyé par des plateformes ou des services sur lesquels vous êtes inscrits de votre plein gré. Notifications, enquête de satisfaction, newsletters ou autres annonces de nouveautés. La particularité est que vous pouvez vous désinscrire, même si ce n’est souvent que très temporairement (comme pour Facebook ou Linkedin, qui s’évertuent à créer des nouvelles newsletters ou catégories d’emails pour se rappeler à vous). Au final, il est très simple de se débarrasser de ce spam : supprimer définitivement votre compte de ce service. En théorie. Parce que certains continuent à vous envoyer des messages dont vous ne pouvez plus vous désabonner vu que vous n’avez plus de compte. Une menace de plainte RGPD suffit généralement à résoudre le « bug » informatique. Il est donc possible de réduire l’expected-spam à zéro (sauf s’il provient de votre employeur. Les entreprises se plaignent du manque de productivité des employés, mais paient des gens pour les assommer sous les newsletters internes complètement inutiles, allez comprendre).

Vient ensuite la troisième catégorie : le white-collar-spam. Le white-collar-spam est en fait du spam qui se donne des fausses impressions de légalité. Ce sont des entreprises qui ont acheté vos données et qui vous contactent comme si vous étiez inscrits chez eux. Un lien de désinscription est généralement toujours disponible. Mais plutôt que de me désinscrire simplement, je contacte chacune des entreprises et demande d’où elles tiennent mes données, les menaçant de poursuite RGPD. J’ai ainsi découvert que l’immense majorité des white-collar-spam proviennent, en francophonie, d’un ou deux fournisseurs. Ces fournisseurs sont absolument peu scrupuleux sur la manière dont ils collectent les données. Ce n’est pas étonnant : leur métier est littéralement d’emmerder les utilisateurs d’emails. Leurs clients sont les entreprises, les organisations non gouvernementales et les services publics. Ils classent les emails en catégories et vendent ces bases de données pour une durée limitée. Ce dernier point est important, car un an après avoir été en contact avec l’un de ces spammeurs-légaux-professionnels et avoir clairement fait comprendre que mes données ne pouvaient plus être vendues, j’ai reçu du spam d’un de leur client. Il s’est avéré que le client, un service public français à vocation culturelle, avait réutilisé une base de données achetée deux ans auparavant, ce qui était interdit par son contrat.

J’ai donné le nom « white-collar-spam », car ce spam n’est guère différent du random-spam illégal si ce n’est qu’il est accompli par des sociétés ayant pignon sur rue très fières de leur métier de spammeur. Au lieu de lutter contre le spam, nous en avons fait une activité honorable et rémunératrice !

Outre ces quelques acteurs professionnels du spam, une grande quantité de white-collar-spam provient indirectement de Linkedin. En effet, certains outils permettent aux professionnels du marketing (le nouveau nom pour spammeur) de récolter les adresses mails, même cachées, de leurs contacts Linkedin. Si vous avez un de ces très nombreux spammeurs dans vos contacts sur ce réseau, vous êtes foutu. La solution la plus simple : supprimer votre compte Linkedin et laisser les spammeurs entre eux (la fonction première de ce réseau). Le simple fait d’effacer mon compte Linkedin a divisé par deux, en quelques semaines, le nombre de spams que je recevais.

La majorité du spam que je reçois aujourd’hui est donc ce white-collar-spam qui est plus ou moins légal et complètement immoral.

Une idée m’est venue pour le combattre très simplement : interdire la revente d’une donnée identifiante sans l’accord de la personne concernée. Simple comme tout : si une société souhaite vendre des données, elle doit en demander l’autorisation à chaque transaction. Cette règle s’appliquerait également en cas de rachat d’une société par une autre ou en cas de transfert d’une entité juridique à une autre. Il semble en effet évident que l’on peut partager ses données avec une entité, mais ne pas vouloir le faire avec une autre. La société machin sur laquelle vous avez un compte se fait racheter par truc ? Vous devez marquer votre accord sans quoi vos données seront effacées après un délai de quelques mois. Simple à implémenter, simple à surveiller, simple à légiférer.

Ce qui signifie que si nous avons du spam, c’est parce que nous le voulons. Comme la cigarette ou la pollution industrielle, le spam fait partie des nuisances dont nous nous plaignons sans réellement oser les combattre parce que nous sommes persuadés qu’il y’a une raison valable pour laquelle ça existe, parce que nous nous y sommes habitués et parce que certains se sont tellement enrichis avec qu’ils peuvent influencer le pouvoir politique et médiatique. Pire : nous admirons même un peu ceux qui gagnent leur vie de cette manière et sommes prêts à travailler pour eux si une offre juteuse se présente.

Les bénéfices insoupçonnés de la suppression de compte

La solution la plus radicale et qui fonctionne à merveille reste de supprimer tous ses comptes. C’est un processus de longue haleine : je me suis découvert plus de 600 comptes au fur et à mesure que je fouillais mon gestionnaire de mot de passe, les comptes liés à mes comptes Google, Facebook et LinkedIn. Chaque fois que je crois avoir fait le tour, des comptes complètement oubliés réapparaissent dans ma boîte mail lorsqu’ils modifient leurs conditions d’utilisation.

Supprimer un compte qu’on n’utilise plus est un processus pénible : réussir à se reconnecter, à trouver la procédure pour supprimer qui est souvent planquée et artificiellement complexe (pas toujours). Mais c’est encore plus difficile lorsqu’il s’agit d’un compte qu’on utilise ou qu’on pense pouvoir réutiliser. Le plus difficile étant lorsqu’un historique existe, historique souvent agrémenté d’un score : nombre d’amis, points, karma, récompenses, badges… Après Facebook et Twitter, Reddit et Quora furent probablement les comptes les plus difficiles à supprimer. Je me suis rendu compte que je tirais une fierté absurde de mon karma et de mes scores alors que je n’ai jamais été un utilisateur assidu de ces plateformes.

Mention spéciale tout de même à ces sites qui ont prétendu avoir effacé mes données sans réellement le faire. Dans le cas d’une chaine de restaurants de sushi, le gestionnaire s’est contenté de rajouter « deleted_ » devant mon adresse email. Ce fut encore pire pour un grand site immobilier belge. Plus d’un an après la suppression totale de mes données, le site s’est soudain mis à m’envoyer journalièrement le résultat d’une recherche que j’avais enregistrée une décennie auparavant. Sans possibilité de désactiver, mon compte étant officiellement supprimé. Il a fallu plusieurs semaines d’échanges par email pour résoudre le problème et obtenir un semblant d’explication : un très vieux backup aurait été utilisé pour restaurer certaines bases de données. Je vous laisse juge de la crédibilité d’une telle raison.

De toutes mes histoires, j’ai appris une généralité : l’immense majorité des services est en réalité incapable de supprimer vos données, que ce soit par malveillance ou par incompétence. Toute donnée entrée sur un site doit être considérée comme définitivement compromise et potentiellement publique. Si j’ai très souvent accordé le bénéfice du doute, attribuant les erreurs ou difficultés à l’incompétence, j’ai plusieurs fois été confronté à ce qui ne pouvait être que des mensonges manifestes et éhontés. Une grande majorité des services web réclamant vos données sont donc soit incompétents, soit profondément malhonnêtes. Soit les deux. L’exception venant des petits services artisanaux, généralement développés par une toute petite équipe. Dans tous les cas de ce genre, l’effacement s’est fait rapidement, proprement et parfois avec un mot gentil personnalisé. Preuve que la suppression n’est pas un acte techniquement insurmontable.

Contrairement à l’abstinence ou au blocage d’accès à ces sites, la suppression du compte a eu chez moi un impact absolument incroyable. Du jour au lendemain, j’ai arrêté de penser à ce qui se passait sur ces plateformes. Du jour au lendemain, j’ai arrêté de penser à ce qui pourrait avoir du succès sur ces plateformes. J’ai arrêté de penser pour ces plateformes. J’ai arrêté de me plier à leurs règles, de travailler inconsciemment pour elles. J’ai arrêté d’avoir envie de les consulter. Et lorsque me vient l’envie d’y poster ou d’y répondre, le fait de devoir recréer un compte pour l’occasion est assez pour m’arrêter dans mon élan et me faire remarquer que j’ai mieux à faire. Lorsqu’une plateforme est soudain vraiment nécessaire, je recrée un compte, si possible avec une adresse jetable et le supprime après emploi. Une fois le réflexe pris, ce n’est plus tellement contraignant.

Plateformes et militantisme

N’ayant pas supprimé mon compte Mastodon, par simple soutien idéologique au projet, je me retrouve mécaniquement à explorer cette plateforme. Plateforme elle-même complètement biaisée (si je devais la considérer comme représentative de la France, Mélenchon aurait dû devenir président avec près de 95% des voix, le reste étant essentiellement des abstentions).

Dans le militantisme, il existe deux écoles. La première prétend qu’il faut aller chercher les gens où ils sont. Militer pour le logiciel libre sur Facebook par exemple. La seconde soutient qu’il faut d’abord être fidèle à ses propres valeurs, ses convictions.

Je suis désormais convaincu de la seconde approche. Je pense avoir soutenu la première approche pendant des années entre autres pour justifier ma quête égotique sur les réseaux propriétaires, pour résoudre mon conflit interne. Car, quelle que soit l’intention derrière un message, son impact sera toujours contrôlé par la plateforme sur laquelle il est posté. Le simple fait d’utiliser une plateforme nous déforme et nous conforme à ladite plateforme.

Je pense également qu’il ne faut pas aller « chercher les gens là où ils sont ». Ne pas crier pour tenter de couvrir le bruit ambiant. Il faut au contraire construire des espaces de calme, des espaces personnels et faire confiance aux humains pour les trouver lorsqu’ils en ont besoin. Le simple fait d’avoir un compte sur une plateforme justifie pour tous vos contacts le fait de rester sur cette plateforme. Le premier qui quitte la plateforme s’exclut du groupe. Le second force le groupe à se poser des questions. Le troisième implique que « le groupe » n’est tout simplement plus sur cette plateforme, que celle-ci est devenue inutile dans le cadre du groupe.

Aucun discours ne convainc autant que montrer l’exemple. Faire plutôt que dire. Être plutôt que convaincre. Vivre ses propres choix, sa propre personnalité et respecter ceux qui en font d’autres en acceptant que cela puisse nous éloigner.

Oui, en supprimant mes comptes j’ai raté des opportunités sociales. Mais soit je ne m’en suis pas rendu compte, ce qui a épargné mon énergie mentale, soit cela a eu pour impact de faire prendre conscience à mon entourage qu’ils ne pouvaient plus faire entièrement confiance à Facebook ou Whatsapp. Dans tous les cas, le rapport coût/bénéfice s’est révélé disproportionnellement en faveur de la suppression.

À chaque compte effacé, j’ai eu le sentiment qu’on m’enlevait un poids des épaules. Je me sentais revivre. Certes, je perdais une « audience potentielle », mais j’y gagnais en liberté, en plaisir d’écrire sur mon blog, sur mon gemlog voire sur ma machine à écrire plutôt que de sans cesse réagir, répondre, être en réaction (au sens le plus Nitzchéen du terme).

Si j’ai replongé dans la connexion intermittente, un progrès énorme s’est fait : la connexion m’ennuie de plus en plus. Le nombre de plateformes sur lesquelles lire du contenu s’est à ce point restreint que j’en fais très vite le tour. J’ai également compris que mon addiction n’est pas uniquement due à la connexion, elle est également technophile. J’aime être sur mon ordinateur, devant mon écran. Je tente de trouver des excuses pour garder les mains sur le clavier, pour mettre à jour un logiciel, configurer mon environnement, améliorer mes processus, découvrir, coder. Bref, « chipoter ».

La découverte de cette composante de mon addiction m’a convaincu de faire entrer ma déconnexion dans une nouvelle phase. Celle de la matérialité.

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Chapitre 9 : l’échec

mercredi 29 juin 2022 à 13:29

La digue s’est rompue. Sous la pression des flots furieux, je me suis reconnecté, j’ai été inondé.

La cause initiale a été l’organisation de plusieurs voyages. De nos jours, organiser un voyage consiste à passer des heures en ligne à faire des recherches, trouver des opportunités, comparer les offres, les disponibilités puis à réserver, attendre les emails, confirmer les réservations. Au moment de la confirmation finale d’un vol, j’ai par exemple eu la désagréable surprise de découvrir que les bagages n’étaient pas autorisés. Mais bien sur le même vol le lendemain. Il m’a fallu décaler tout le planning, revenir aux réservations des hébergements, etc.

Lorsqu’on passe sa journée en ligne, papillonnant entre les sites web, répondant à un mail de temps en temps, ce genre d’exercice s’inscrit naturellement dans la journée. Mais quand, comme moi, on chronomètre le temps passé en ligne, l’énergie consacrée à organiser un voyage est effrayante. Outre le temps passé à explorer les possibilités, à chercher activement et remplir les formulaires, il y a également le temps d’attente pour les confirmations, les dizaines de mails à déchiffrer dont la plupart ne sont que des arguties administratives ou, déjà, des publicités desquelles il faut se désabonner.

Le tout évidemment devant être synchronisé avec les autres participants desdits voyages.

Entre deux créations de comptes et deux mails de confirmations, attendant la réponse urgente d’un des participants, mon cerveau n’a pas la capacité de se concentrer. Il attend. Et tant qu’à attendre, il y’a justement des dizaines, des centaines, des milliers de petites tranches informationnelles divertissantes. Les résultats d’une course cycliste. Les élections en France. Des sujets passionnants. Voire inquiétant pour le dernier. Mais un sujet inquiétant n’en est que plus passionnant. J’observe avec un intérêt morbide la montée de l’extrême droite comme on regarde un film d’horreur : impuissant et sans pouvoir me détacher de l’écran.

Dans mon cas, le fait de voyager a été la cause de ma reconnexion. Mais cela aurait pu être autre chose. Comme les problèmes que j’ai eus avec mon ex-banque, qui force désormais l’utilisation d’une application Android revendant mes données privées afin de fermer les agences et virer le personnel.

Le point commun entre les banques et les voyagistes ? La disparition du service client. La disparition d’un métier essentiel qui consistait à écouter le client pour ensuite tenter de transformer ses desiderata en actes administratifs. Désormais, le client est seul face à la machine administrative. Il doit remplir les formulaires, tout connaitre, tout comprendre tout seul. Se morigéner pour la moindre erreur, car personne ne vérifiera à sa place.

Mais, si le service n’existe plus, la fiction du service existe toujours. Les départements marketing bombardent d’emails, de courriers papier et d’appels téléphoniques intempestifs. Pour vour faire signer ou acheter un énième produit dont vous ne pourrez plus vous défaire. L’agression est permanente. Le pouvoir politique est incapable d’agir pour plusieurs raisons.

La première est qu’il ne veut pas agir, les politiciens étant les premiers à vouloir envahir les gens sous leurs publicités. Les administrations publiques, peuplées de spécialistes du privé dont on a vanté les mérites organisationnels, se retrouvent… à faire de la publicité. C’est absurde et inexorable. Pourquoi les chemins de fer mettent-ils tant d’effort à promouvoir, à travers des publicités risibles, des systèmes compliqués d’abonnements incompréhensibles ? Ce budget ne pourrait-il pas être utilisé à mieux payer les cheminots ?

Le second point est lui plus profond. Les pouvoirs publics se targuent de vouloir faire la différence entre le « bon » marketing et les arnaques malhonnêtes. Le problème est que la différence est purement arbitraire. Les deux cherchent à exploiter une faiblesse quelconque pour soutirer de l’argent.

Pourquoi, par exemple, faut-il explicitement mettre un autocollant sur sa boîte aux lettres pour éviter de la voir se remplir de publicités sous blister ? L’inverse serait plus logique : n’autoriser la publicité que lorsqu’elle est explicitement demandée.

Pourquoi le RGPD est-il tellement décrié alors qu’il tente de mettre de l’ordre dans la manière dont sont utilisées les données privées ? Parce qu’il a été, à dessein, rendu incroyablement complexe. Il suffirait de mettre dans la loi que toute donnée personnelle ne peut-être utilisée qu’avec un accord explicite valable un an. Que cet accord n’est pas transférable. Cela impliquerait que toute revente de données forcerait l’acheteur à demander l’accord aux personnes concernées. Et à renouveler cet accord tous les ans. Simple, efficace.

À la base, le rôle du pouvoir public est de protéger les citoyens, de faire respecter cette frontière en perpétuel mouvement entre la liberté de l’individu et le respect de l’autre. Mais lorsque le pouvoir public prétend devenir rentable et agir comme un acteur économique plutôt que politique, son action devient ubuesque.

Comme lorsque l’état engage les grands moyens pour empêcher la contrefaçon de cigarettes. En tentant d’arguer que les cigarettes contrefaites sont… dangereuses pour la santé. Oubliant que les cigarettes « légales » sont responsables de plus de morts que le COVID (dont le tiers ne fume pas), d’une destruction grave de l’environnement et de l’émission de plus de 1% du CO2 annuellement produit.

Plusieurs fois par semaine, mon téléphone sonne pour tenter de m’extorquer de l’argent selon une technique quelconque. Je suis pourtant dans une liste rouge. À chaque appel imprévu, je porte plainte sur le site du gouvernement ainsi que, lorsque c’est possible, auprès de la société appelant. Cela m’a valu un échange avec un enquêteur travaillant chez le plus gros opérateur téléphonique belge. Grâce à lui, j’ai compris comment la loi rendait difficile de lutter contre ce type d’arnaque sous prétexte de défendre le télémarketing « légal ».

On en revient toujours au même problème : l’optimisation de l’économie implique de maximiser les échanges économiques, quels qu’ils soient. De maximiser le marketing, aussi intrusif, aussi absurde, aussi dommageable soit-il. D’exploiter les faiblesses humaines pour soutirer un maximum d’argent, pour générer un maximum de consommation et donc de pollution.

La pollution de l’environnement, la pollution de l’air, la pollution mentale permanente ne sont que les facettes d’une seule et même cause : la maximisation politique des échanges économiques. Jusqu’à en crever.

Nous achetons des bouteilles en plastique remplies de sucres morbides à consommer en attendant le énième message qui fera sonner notre smartphone. Un message qui, la plupart du temps, nous poussera à consommer ou justifiera l’argent que nous recevons mensuellement pour continuer à consommer. Sans message, nous serons réduits à rafraichir compulsivement l’écran, espérant une nouvelle info, quelque chose de croustillant. N’importe quoi. La mort d’un animateur télévision de notre enfance, par exemple, histoire de se taper plusieurs heures de vidéos postées sur YouTube.

Le fait que j’aie en partie replongé me démontre à quel point la connexion est une drogue. Une addiction savamment entretenue, un danger permanent pour les addicts comme je le suis.

Chaque connexion est jouissive. C’est une bouffée de plaisir bien méritée, un repos intellectuel. Je peux compulsivement consommer, cliquer sans penser. Le simple fait d’utiliser la souris, de multiples onglets ouverts sur des images ou des vidéos permet de ralentir l’esprit tout en donnant une fausse sensation de contrôle, de puissance.

La problématique touche d’ailleurs depuis longtemps le monde professionnel. Comme le raconte Cal Newport dans son livre « A world without email », la plupart des métiers se résument désormais à répondre à ses emails, ses coups de téléphone, le tout en participant à des réunions. L’échange est permanent et a été largement aggravé par l’apparition des messageries professionnelles comme Slack.

Le monde professionnel n’a plus le loisir de penser. Les décisions sont prises sans recul et acceptées sur base du simple charisme d’un manager. Ce n’est pas un hasard. Penser est dangereux. Penser remets en question. Penser fait de vous un paria.

Les élections en France m’ont donné envie de politique, de débat. Alors j’ai lu « Son Excellence Eugène Rougon », de Zola. En version papier. Je me suis remis à penser. J’ai retrouvé la motivation de reprendre le combat. Un combat contre mon addiction. Un combat contre toute la société qui m’entoure. Un combat contre moi-même.

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