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Chapitre 4 : les messageries instantanées

vendredi 14 janvier 2022 à 09:37

10 Janvier

La fin de la journée arrive. J’ai répondu aux mails, j’ai consulté ce qu’il fallait. Au lieu de lire en ligne, j’ai été forcé de terminer certaines tâches. Je sais qu’il n’y aura rien de nouveau sur mon ordinateur. Pas besoin de le consulter avant d’aller dormir. Pas besoin de le consulter immédiatement au lever. Le matin, en buvant mon thé, je commence à prendre l’habitude de répondre aux derniers mails dans ma boîte avant ma prochaine synchronisation.

Aujourd’hui, j’ai raté une réunion téléphonique.

J’avais bien allumé mon téléphone ce matin, mais je l’avais laissé en silencieux.

Je suis bien forcé si je ne veux pas être dérangé par les appels presque quotidiens du fameux « Bureau des énergies », une sorte d’arnaque téléphonique incompréhensible qui ne respecte aucune règle, aucune loi, changeant à chaque fois de numéro et raccrochant dès que l’on demande le nom de la société incriminée ou de ne plus être appelé. Ce spam constant a rendu, à lui seul, mon téléphone invivable s’il n’est pas en silencieux.

Il y’a aussi les messageries instantanées. Il y’a surtout les messageries instantanées. J’utilise Signal, mais vous connaissez probablement Whatsapp, Telegram, Messenger, Viber… Sur le principe, toutes sont similaires (Signal ayant l’avantage d’être chiffré et de ne pas espionner ses utilisateurs, contrairement aux autres. Une différence fondamentale.).

L’instantanéité spontanée de ces outils a donné au mail un caractère formel qu’il n’avait peu ou prou initialement. Mais il est vrai que, pour envoyer un email, il faut structurer une idée, lui donner un début, une fin. Clarifier ce qui est attendu de la personne en face. À l’opposé, les messageries instantanées offrent de partager avec d’autres ce que les écrivains appellent un « flux de conscience », un rouleau sans fin que l’on déroule au fur et à mesure que l’on pense sans trop savoir où l’on va. Il n’y a plus de barrière au partage, plus d’anticipation. Le message est envoyé avant même que son expéditeur ait pu réfléchir à ce qu’il écrit. « Je passe justement dans ta rue, ça te dit de boire un verre ? » « Oups, oublie, j’avais oublié que j’avais un rendez-vous » « Ce sera pour une autre fois, ce serait chouette de se voir » « Au fait, j’espère que tu vas bien ».

Nous avons le rouleau sans fin, mais nous ne sommes pas Jack Kerouac. Beaucoup de conversations instantanées sont en fait de tristes soliloques guettant désespérément une validation externe, validation faite sous forme de réponses, car ne pas répondre est souvent perçu comme grossier. Ce comportement est encouragé par les plateformes, depuis l’incroyablement intrusif « indicateur de lecture du message » (que je vous conseille de désactiver) jusqu’aux fonctionnalités implémentées dans certains logiciels, comme Snap, qui affiche sous forme de récompense le nombre de jours consécutifs durant lesquels vous avez été en contact avec un correspondant. Lorsque la fille adolescente d’un ami est partie au camp scout, où les GSMs étaient interdits, elle a confié son téléphone à son père en le chargeant d’envoyer un message, une fois par jour, à une liste prédéfinie de contacts. Afin de ne pas briser la chaîne ! « Et surtout, Papa, n’oublie pas. Ce serait trop la loose auprès de mes copines ! »

D’autres m’avouent consulter le contenu de leurs messages depuis les notifications de leur téléphone afin que la messagerie ne marque pas le message comme « lu » auprès de l’expéditeur. Une manière de gagner un peu de temps avant d’être forcé de répondre.

À travers nos téléphones, nous sommes noyés dans des multiples flux de conscience partagés. Avec le risque de perdre notre propre conscience, notre propre individualité. L’actualité politique le montre suffisamment : nous nous agrégeons, nous perdons notre libre arbitre, notre conscience propre. Nous la déléguons dans des multiples groupes de discussion, créés généralement pour une cause très précise (un voyage, un événement …), mais dérapant systématiquement vers des discussions sans queue ni tête, des partages de rumeurs, d’images rigolotes, d’avis de perte de chiens et chats, de l’autopromotion pour une brocante, l’ouverture du magasin d’un arrière-cousin ou un livre.

Contrairement à l’email, qui a connu et connait encore ces travers, il n’est pas possible de filtrer les messages. Il n’est pas possible de les consulter et de les traiter à un moment donné. De considérer une conversation comme close. Dans toutes les cultures, la fin d’une conversation, orale ou écrite, est marquée par un protocole social de clôture alambiqué. « Salutations distinguées ! », « Je dois y aller vraiment y aller, a+  », « Ce fut un plaisir », etc. L’utilité de ces formules est fondamentale pour permettre à chaque participant de passer à autre chose, de changer de contexte. C’est également le dernier moment pour échanger de l’information critique. C’est une fois debout pour sortir de la réunion ou sur le pas de la porte, la veste déjà enfilée, que les cœurs s’ouvrent, les choses se révèlent, se disent. Malheureusement, ces clôtures sont généralement inexistantes dans les groupes de discussion. N’étant jamais terminées, les discussions instantanées sont omniprésentes, à toute heure du jour ou de la nuit. Les notifications vous sautent aux yeux alors que vous saisissez votre téléphone pour payer dans un magasin, pour consulter votre agenda ou pour téléphoner. Même en silencieux, la plupart des téléphones s’allument et illuminent la pièce lors de la réception d’un message. Une fois que le cerveau a vu qu’il y’avait un message, impossible d’y échapper, de ne pas être distrait au moins quelques secondes. La seule solution, hormis de ne pas avoir de messagerie, est de mettre son téléphone en mode avion pour s’offrir quelques heures de répit. De rendre le téléphone inopérant.

Autour de moi, j’observe des gens courbés sur leur téléphone dans la rue, dans les maisons, dans les familles. Leurs doigts tapotent des messages alors qu’ils marchent sur le trottoir, qu’ils mangent, qu’ils tiennent leurs enfants par la main. Parfois, ils tiennent le téléphone horizontal face à leur bouche pour enregistrer un message audio qui ne sera pas toujours écouté. Au lieu de regarder le coucher de soleil, ils le prennent en photo et l’envoient aussitôt pour le commenter avec d’autres. Ou partagent le selfie d’un moment en famille.

Comme si un moment non partagé en ligne n’existait plus. Comme si le souvenir biologique seul ne suffisait plus.

Nous perdons la conscience et la mémoire. Nous les avons délocalisées toutes les deux vers les serveurs de grandes sociétés informatiques qui n’ont pour but que de nous afficher le plus de publicités possible.

Si le choix était individuel, cela ne prêterait pas tellement à conséquence. Mais le choix est global, sociétal. La seule solution pour ne pas subir un bombardement permanent d’informations est de se couper complètement du monde, d’être totalement injoignable. La possibilité technique de contacter un tiers transforme la plupart des questions en urgences vitales (et je suis le premier coupable de ce genre de comportement) : « suis au magasin, est-ce que je dois reprendre du pain ? » ou « tu viens ou pas à la fête ce soir ? Dois savoir immédiatement pour commander le traiteur ».

Être joignable partout tout le temps étant la norme, changer, déplacer ou annuler un rendez-vous sont des comportements acceptables, banalisés. « T’es où ? » « J’arrive ! » « Finalement, on est devant le bowling, pas devant le ciné » « OK, je suis là dans 5 minutes ». En conséquence, il n’est plus possible de prévoir, de planifier, d’organiser sa journée. Tout peut être modifié, parfois même après le début prévu de l’événement. La décision de participer ou non à un événement est repoussée, en attente des autres sollicitations potentielles pour ce moment.

Nous sommes tout le temps en interaction, tout le temps entre deux décisions, entre deux messages. Les messageries nous forcent à être en permanence sur le qui-vive. La réalité non virtuelle n’est qu’une pause forcée entre deux notifications.

Ce n’est pas un hasard si, en occident, la popularité de la méditation a suivi la courbe de progression des téléphones. Méditer, c’est s’offrir 10, 20 ou 30 minutes de silence mental par jour. Quelques minutes sans sollicitations, c’est tellement peu…

C’est tellement peu et c’est inquiétant, car, dans l’histoire humaine, les intellectuels ont de tout temps baigné dans ce silence mental permanent. Les sollicitations étaient l’exception. Une fois chez eux, les intellectuels n’avaient d’autres ressources que de réfléchir et consulter leur bibliothèque. La plupart des découvertes, des œuvres et des progrès humains ont été réalisés, car leurs auteurs avaient à disposition du temps et de l’espace mental (c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la plupart étaient rentiers de naissance ou, comme Voltaire, le sont devenus dans le but explicite de se consacrer à leur art). Le progrès humain s’est construit sur la douleur de l’ennui solitaire. Comme toute douleur, comme tout effort, nous tentons de l’effacer. De l’interdire.

Si nous perdons notre conscience, notre mémoire et que nous brisons les espaces de réflexion, d’où viendront les prochaines grandes idées, celles qui nous font cruellement défaut ?

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Chapitre 3 : Le manque

mardi 11 janvier 2022 à 13:35

7 janvier 2021

À l’université, j’avais un professeur d’électronique pour qui nous donner cours pendant 2h sans fumer représentait une épreuve terrible. Durant tout le cours, il manipulait son briquet, jouait machinalement avec où l’utilisait comme exemple.

« C’est un peu comme ce briquet ! »

À la fin du cours, nous l’avons retenu plusieurs fois pour poser des questions. Il prenait visiblement beaucoup de plaisir à nous répondre. Mais une partie de son esprit était déjà ailleurs. En sus du briquet, il préparait sa cigarette qu’il portait parfois à ses lèvres en nous parlant.

Après une semaine de déconnexion, je pense que je commence à le comprendre.

Une semaine pendant laquelle je n’ai synchronisé mon ordinateur qu’une seule fois par jour. Une semaine pendant laquelle une partie de mon esprit ne cessait de me rappeler que, au départ, j’avais imaginé faire deux synchronisations par jour (une le matin pour recevoir les mails, une le soir pour les envoyer).

Une semaine pendant laquelle j’ai réalisé le nombre de petites actions quotidiennes que nous faisons en ligne sans réfléchir. Des factures à payer. Un scanner à installer dont le mode d’emploi est en ligne. Une bibliothèque logicielle à installer pour mes projets. Un papier administratif à obtenir sur le site du ministère. Cela n’arrête littéralement pas. Un colis devait me parvenir, sans urgence aucune. En synchronisant mes mails un matin, j’ai découvert… 10 mails traitant du colis. Le colis avait quitté l’entrepôt. Le colis était dans les mains du livreur. Le colis aurait peut-être un peu de retard. Le colis serait finalement livré aujourd’hui. Le fait d’avoir ces mails en une fois m’a ouvert les yeux sur l’absurdité de notre consommation de l’Internet et des mails. Comme l’illustre le paradoxe de Jevons, lorsqu’une ressource devient plus facilement accessible, nous en augmentons l’usage de manière disproportionnée, au point de rendre le bénéfice de cette facilité nouvelle nul, voire négatif.

Je m’étais autorisé une connexion prévue et planifiée pour modifier l’infrastructure de mon gemlog (mon blog sur Gemini). Des modifications techniques à effectuer sur un serveur distant. Il s’est avéré que ma mission n’était pas très claire, que rien ne fonctionnait comme je le voulais. Au bout de 28 minutes, je me suis rendu compte que je cherchais compulsivement des solutions en ligne. J’ai donc arrêté. Même topo avec une facture impayée de mon service de courriel, Protonmail, qui menaçait de suspendre mon compte. J’ai tenté de payer en urgence, mais aucune de mes cartes de crédit ne fonctionnait (le popup de confirmation de la banque se fermait automatiquement, la transaction était à chaque fois annulée). 26 minutes perdues. Dans les deux cas, en me déconnectant, j’ai pu revenir au problème plusieurs heures plus tard en sachant exactement ce que je devais faire. En étant connecté, j’aurai probablement résolu le problème en 1h ou 2, consultant en parallèle un million d’autres trucs. Cela m’aurait énervé, mais je n’aurai jamais su dire avec certitude combien de temps j’y avais passé. Le multitâche nous permet de supporter les frustrations administratives. C’est un problème, car ces frustrations sont devenues la norme.

Pour apprendre de ces échecs, je me suis imposé une nouvelle règle : sauf urgence clairement définie, je me limite à deux connexions par semaine. Ces connexions seront préparées à l’avance avec la liste exacte des sites web à visiter et, pour chacun, la tâche exacte à accomplir. Si je dois me connecter en urgence pour une tâche donnée, je ne peux effectuer que cette tâche précise, sans prendre de l’avance dans les tâches non urgentes. Si une tâche ne se déroule pas comme prévu, elle est immédiatement abandonnée pour être reconsidérée. En quelques jours, la liste de tâches pour ma prochaine connexion s’est déjà allongée à une dizaine de lignes : commander un livre technique non disponible en librairies, se désinscrire de plusieurs newsletters, faire mon don annuel à certains projets open source, rechercher des exemples techniques pour intégrer plusieurs logiciels (mutt, abook, notmuch pour ceux qui connaissent) parce que je n’y arrive pas avec la documentation que j’ai, etc.

Tout comme mon professeur jouant avec son briquet, je me retrouve à consulter machinalement cette liste, à la lire, la relire en anticipant le moment où je vais enfin me connecter. Cette relecture a un effet positif : je me rends compte que certains éléments ne sont pas clairs. D’autres, ajoutés impulsivement, ne sont pas strictement nécessaires. Je les supprime. J’hésite d’ailleurs à m’autoriser des recherches aussi larges que « trouver des exemples techniques d’intégration entre plusieurs logiciels ». Je préférerais avoir un livre de référence. Après deux jours de cogitations, je réalise que je dispose d’une copie offline d’une partie du réseau Gemini, un réseau susceptible de parler de sujets aussi techniques. Une recherche dans la liste des fichiers Gemini me le confirme. Plutôt que de chercher un peu au hasard sur le web, je vais déjà tenter d’exploiter les nombreuses informations dont je dispose déjà sur mon ordinateur. Et quelques minutes plus tard, je dois me rendre à l’évidence. Ça fonctionne ! J’ai trouvé exactement l’information que je cherchais, postée en 2019 sur un gemlog. 3 lignes de code minimales qui sont tout ce que je souhaitais. 3 lignes de code que j’ai pleinement comprises, assimilées avant de les adapter. Tout le contraire de mon comportement en ligne consistant à ouvrir 10 solutions différentes, les copier-coller sans comprendre, les tester avant de passer à la suivante.

Pourquoi être si sévère avec moi-même ? Parce que cette déconnexion est difficile. Mon esprit erre sans cesse vers le monde en ligne que j’ai quitté. Que s’y passe-t-il ? Quelles sont les réactions à mes billets de blog ? Quelles sont les nouveautés de tel ou tel projet ? La connexion quotidienne et son avalanche de mails me donne l’impression d’une bouffée de ma drogue préférée. Je lis avec avidité les mails de réaction de mes lecteurs (même si j’ai choisi consciemment de n’y répondre que très rarement). Une fois les mails, les RSS et les gemlogs lus, le silence se fait. Je sais que rien n’arrivera plus sur mon ordinateur jusqu’au lendemain. C’est à la fois un soulagement et terriblement angoissant.

J’écris alors dans mon journal. Parfois en anglais pour publier sur mon gemlog afin de décrire mes questionnements techniques. Le fait de l’écrire, de savoir que je n’aurai pas de réponse me donne du recul, une vision différente des choses. Je me lève plus souvent de ma chaise. Je considère plus rapidement une tâche comme terminée : si je n’ai pas l’information pour continuer, rien ne sert de me torturer les méninges.

Paradoxalement, je lis moins. Je passe plus de temps sur mon ordinateur. J’explore les manpages (pages de manuel). Je peste sur Devhelp, le logiciel de documentation que j’utilise pour programmer en Python. Je plonge dans mes propres notes. Je relis mon propre journal. Je lis et relis les réponses que j’ai faites à certains mails. Je procrastine toujours autant mes projets. Je me dis que cette déconnexion était une idée vraiment stupide. Je commence à ressentir le manque…

On ne brise pas si facilement plus de vingt années d’accoutumance…

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Le bruit des bottes désinfectées

mercredi 5 janvier 2022 à 13:35

Un spectre hante mon pays. Profitant de la panique liée à une épidémie, il s’insinue dans les esprits, il corrompt les familles, détruit les amitiés, brise les ménages. Ce spectre, c’est celui de l’intolérance, de la haine aveugle. Celui d’une forme insidieuse de fascisme.

Depuis les côtes de la vieille Europe, nous avons observé, mi-amusés, mi-inquiets, la société américaine se polariser et se diviser sous le règne de Trump. Une déliquescence accélérée par les nouveaux usages médiatiques contre laquelle nous nous croyions immunisés, fiers d’être le continent des Lumières. Mais force fut de constater que l’immunité n’était pas absolue. La contagion a gagné nos contrées.

Flânant dans la rue après avoir tendu un QR code me donnant accès à une zone extérieure grillagée, je n’entends qu’elle. Les témoignages des repas de famille ou entre amis s’accumulent. Le sujet est omniprésent, incontournable, fanatique : « T’es vacciné toi ? ».

Autour de moi, j’entends des personnes qui ne peuvent plus voir leurs amis parce qu’ils sont vaccinés. D’autres parce qu’ils ne le sont pas. Nous souffrons tous depuis désormais deux ans. Nous avons perdu des proches, des emplois, des opportunités, de l’énergie. En mal de visibilité médiatique, certains politiques ont choisi la voie facile et simpliste du bouc émissaire. Ce seront les non-vaccinés.

Je suis moi-même vacciné contre le COVID. Si les intérêts économiques des groupes pharmaceutiques me semblent particulièrement malsains, pour ne pas dire mafieux, je pense que le vaccin est techniquement une invention magnifique et un outil essentiel dans la lutte contre la pandémie.

Mais je ne suis pas médecin. Je ne peux pas juger la pertinence ou non pour un individu d’être vacciné. Je sais que certaines personnes non vaccinées ont des raisons que je trouve particulièrement absurdes, mauvaises, voire dangereuses. Je sais que d’autres ont tout simplement très mal réagi à la première dose et sont médicalement inaptes à en recevoir une seconde. Je n’ai pas la prétention de connaître tous les cas, encore moins de pouvoir les juger.

Comme me le disait récemment un ami, également vacciné : « En quelques mois, 85% de la population a été vaccinée avec un tout nouveau vaccin. C’est inespéré. Il y’aura toujours des irréductibles, il est illusoire de faire beaucoup mieux et ce n’est pas sûr que cela changerait grand-chose. »

J’ai peur de ce que mon pays est en train de devenir. J’ai peur parce que, désormais, il me faut parfois montrer patte blanche pour entrer dans des espaces pourtant publics et extérieurs. Que ce processus s’inscrit dans la lignée d’un fichage numérique complexe dont les possibilités d’abus me sautent aux yeux de par ma formation. J’ai peur parce que les politiciens exploitent la crise en attisant la haine de ceux qui n’ont pas ce pass, quelle que soit la raison. Une situation que j’ai du mal à définir autrement que comme du fascisme. Un fascisme que j’observe croître, grandir tout en étant du bon côté. Après tout, je suis blanc, mâle, hétérosexuel et vacciné.

Si je fais confiance au vaccin, je m’inquiète de l’outil politique qu’il est devenu. Car, dans leur colère aveugle dont les médias se délectent, certains politiciens ont perdu de vue l’objectif qu’il s’était initialement fixé : gérer une épidémie. La tâche étant complexe, l’attention s’est portée sur l’un des moyens parmi d’autres : vacciner. Faire augmenter le taux de personnes vaccinées. Non pas en rendant le vaccin obligatoire, mais en augmentant progressivement l’inconfort des non-vaccinés, en attisant la haine à leur égard. Haine qu’une partie des non-vaccinés rend d’ailleurs fort bien en refusant de parler à des vaccinés. Stigmatisation qui force les derniers hésitants à choisir un camp, beaucoup décidant définitivement de ne pas se faire vacciner pour ne pas « céder à l’arbitraire ». Si ces comportements semblent irrationnels, ils n’en sont pas moins une réaction émotionnelle logique et prévisible.

Cette polarisation, cette mise en valeur des extrêmes est purement politique et contre toute logique scientifique. Elle risque de créer des blessures profondes et durables dans une société qui n’avait pas besoin qu’on lui rajoute cela. Je prédis que la division provaxx/antivaxx s’enrichira progressivement de tous les sujets sociétaux santé publique/privatisée, immigration/anti-immigration, gauche/droite… Tant pis pour ceux qui souhaitent de la modération, de la subtilité ou une diversité d’opinions.

En créant des zones nécessitant un code d’accès, nous avons créé un faux sentiment de sécurité. Les mesures basiques de prévention sont négligées. Tous les spécialistes clament pourtant qu’un vaccin n’est jamais efficace à 100%. Pire : ces codes d’accès étant trivialement copiables ou falsifiables, ils n’ont aucun effet sur les non-vaccinés malhonnêtes, ne stigmatisant que les hésitants de bonne foi. Cette évidence m’a longtemps fait croire que jamais nous n’en arriverions à ce système absurde et dangereux. Je pensais naïvement qu’un système efficace serait trop complexe et, de toute façon, antidémocratique. Je n’avais jamais imaginé que peu importait l’efficacité, car le déni de démocratie était justement la fonctionnalité majeure du dispositif.

Auriez-vous imaginé il y a seulement six mois devoir présenter votre téléphone pour accéder à un marché de Noël clôturé ? Auriez-vous imaginé que la société puisse être coupée en deux sur le choix d’un acte médical privé et, comme le rappelle la convocation vaccinale, volontaire ? Auriez-vous accepté d’être fiché par QR code ?

Le fascisme a de tout temps prospéré grâce aux crises, l’angoisse, l’incertitude. Il ne s’installe jamais en fanfare, mais insidieusement, grignotant chaque liberté mois après mois et, à chaque fois, pour une raison indiscutable, rationnelle. La voie ouverte depuis deux ans était royale. Avec le recul, elle était aussi prévisible.

Je ne suis pas épidémiologiste. Je n’y connais rien en soins de santé. Je ne suis donc pas apte à juger de la gravité de la situation sanitaire.

Je peux pourtant observer plusieurs indices. Les stades de football semblent pleins à craquer sur les couvertures des magazines sportifs chez mon libraire. Les centres commerciaux n’ont, à ma connaissance, pas désempli de l’année. Dans celui de ma ville, on s’y bousculait joyeusement avant Noël dans des commerces dont aucun ne pourrait être considéré comme de première voire de seconde nécessité. Sans pass. Parce que les centres commerciaux sont, au même titre que les lieux de culte, sacrés. Les discothèques ont, au moins à un moment, été ouvertes. Sans l’opposition ferme et personnelle du bourgmestre de la commune où devait se dérouler l’événement, le festival Tomorrowland aurait eu lieu, ayant obtenu l’aval des politiciens nationaux. Un festival qui draine des dizaines de milliers de personnes du monde entier dans une promiscuité sous psychotropes. Car les avions sont également toujours aussi remplis. Les touristes partent toujours en vacances au bout du monde. Y compris dans des destinations touristiques où la couverture vaccinale est presque nulle par manque de moyens.

Plusieurs études scientifiques que j’ai lues établissent la corrélation et la causation entre le taux de vitamine D dans le sang et la gravité du COVID. Une de ces études, qui n’a à ma connaissance pas été réfutée, s’est même enhardie à extrapoler un taux de vitamine D à partir duquel la maladie n’est plus mortelle. Bien entendu, ces résultats sont entourés de toute l’incertitude scientifique nécessaire (j’avoue avoir vérifié les calculs statistiques et n’avoir pas trouvé d’erreur dans ceux-ci, mais je manque de pratique et ne peux juger de la validité médicale). Il n’empêche que l’immense majorité de la population de mon pays est en déficit de vitamine D, que les pharmacies regorgent de compléments alimentaires éprouvés pour augmenter ce taux. Une mesure prophylactique qui pourrait se révéler particulièrement efficace serait donc : « prenez de la vitamine D et allez dehors une heure par jour, même quand le temps est gris ». À aucun moment cette idée n’a même été suggérée par nos responsables. On tente, au contraire, de garder les gens à l’intérieur, sous contrôle.

Dans ma zone de spécialité professionnelle, j’observe que tous les efforts visant à produire un vaccin Open Source sont immédiatement réduits à néant à grand coup de billets de banques et de contrats immoraux. Les grands groupes pharmaceutiques ont donc plus peur pour leur portefeuille que pour la santé mondiale, transformant les pays les plus pauvres en véritables bouillons de culture chargés de produire le prochain variant à la place de leur propre vaccin.

Il y a plus d’une dizaine d’années, je me souviens avoir joué à un petit jeu vidéo dans lequel il fallait créer un virus qui allait exterminer la planète. La difficulté étant qu’une fois le virus identifié, les gouvernements fermaient les frontières et les aéroports. Force est de constater qu’on en est loin, très loin d’une telle situation. Contrairement au printemps 2020, où la prudence était de mise, difficile pour quelqu’un qui ne consulte pas les médias, d’imaginer que nous sommes encore dans une épidémie réellement dangereuse. J’ai en effet le désormais très rare défaut de tenter de voir la réalité locale avec mes propres yeux plutôt qu’à travers les liens spécialement sélectionnés par Facebook pour me radicaliser, par une longue chaîne Whatsapp elle-même issue de Facebook ou par des médias dont l’objectif est devenu de générer des clics sur Facebook (ce qui comprend les médias financés par l’argent public).

Je n’affirme pas que l’épidémie n’est pas dangereuse, je n’ai pas la compétence pour cela. J’affirme juste que les politiciens ne sont pas réellement catastrophés, car ils ne prennent aucune mesure réellement efficace. Ils se contentent de faire ce qu’on appelle, dans le jargon, du « security theatre ». Prendre des mesures inutiles, mais spectaculaires comme le furent les militaires dans nos villes et comme le sont les marchés de Noël clôturés. Il est intéressant de se rappeler que l’objectif des mesures « security theatre » n’est pas d’augmenter la sécurité, mais de créer un sentiment politique rappelant que la sécurité est en péril afin de renforcer la cohésion contre l’ennemi, de créer une psychose. C’est à cela et uniquement cela que servirent nos militaires portant de lourdes armes de guerre, heureusement sans chargeur, la convention de Genève l’interdit, dans nos rues. C’est à cela que sert le QR code que nous devons tendre : à créer une psychose et une psychologie de troupeau.

Cette épidémie est réellement mortelle. C’est indéniable. J’ai connaissance de plusieurs décès dans mon entourage large. Cette épidémie doit être gérée. Mais une bonne gestion implique également de mesurer les effets de chaque mesure. Selon l’OMS, le tabac tue chaque année plus de 8 millions de personnes dans le monde dont 1,2 million n’ont jamais fumé. La pollution de l’air seule tue, en Europe, 600.000 personnes par an. Le réchauffement climatique menace totalement nos sociétés. Pourtant, nous ne prenons aucune mesure. Cela ne semble ni urgent ni primordial. À titre de comparaison, l’OMS affirme que le COVID aurait tué 5 millions de personnes en deux ans. Peut-être ce chiffre est-il sous estimé. Et sans vaccin, le bilan aurait certainement été bien supérieur. L’ordre de grandeur reste néanmoins similaire et la disproportion entre la nonchalance et la panique totale me saute aux yeux. Interdire le tabac aujourd’hui sauverait immédiatement beaucoup plus de vie, surtout parmi les plus jeunes, que de vacciner contre le COVID ceux qui ne le sont pas encore. À moindres frais.

Dans mon pays, l’immense majorité des victimes du COVID semble avoir plus de 65 ans voire essentiellement plus de 85 ans (selon covidata.be). Si chaque décès est, pour la famille et les proches, une épreuve, un décès dans ce qu’on appelle « le troisième âge » est un fait naturel, inéluctable. L’ampleur des décès dans mon pays ne vient-elle pas, au moins en partie, de l’incroyable déséquilibre de la pyramide des âges et de la propension que nous avons à rallonger la vie à tout prix, souvent au détriment de sa qualité ? L’engorgement des hôpitaux est-il dû uniquement à l’ampleur exceptionnelle du COVID ou à un sous-dimensionnement budgétaire ? J’ai le souvenir d’avoir entendu parler régulièrement de saturation des hôpitaux, même en dehors de cette pandémie. N’est-on pas en train de cyniquement profiter de la crise pour se délester de la responsabilité politique qu’est le financement des soins de santé ?

N’oublions pas que, en plus d’être nombreux, les vieux votent. Politiquement, il est donc préférable de sauvegarder cet électorat, quitte à sacrifier une frange de la population qui ne vote pas. Au hasard les enfants. En fermant les écoles, en perturbant leur parcours scolaire. Par mesure de prévention, les écoles seront fermées une semaine plus tôt. Les enfants seront inscrits… dans des stages (le covid ne se transmet pas dans les stages ?). Contrairement aux centres commerciaux, les écoles ne sont pas un service essentiel. Pour une raison simple : cela ne coûte rien de les fermer. Les profs sont, encore heureux, payés. L’encadrement des enfants sera à la charge des parents. Peut-être est-ce dû à mon microcosme, mais à la question « Peut-on sacrifier l’espérance de vie de nos ainés pour que les enfants aillent à l’école ? », tous les vieux que je connais répondent en chœur « Oui ! ».

Mais en politique, si une mesure fait de l’effet, c’est qu’il faut en augmenter l’amplitude. Si elle ne produit pas d’effet, c’est qu’on ne l’applique pas assez fort, il faut en augmenter l’amplitude. Le nombre de vaccinés n’augmente pas assez vite ? Que pourrait-on faire pour avoir une jolie courbe qui augmente ? Vacciner les enfants ! Pourtant, les enfants n’ont que très peu de risque de complication lié au COVID. L’OMS considère que le coût de la vaccination des enfants est supérieur aux bénéfices. La pédiatre de mes enfants, qui leur a administré la panoplie traditionnelle des vaccins enfantins, déconseille fortement le vaccin à ARN messager pour les plus jeunes et pour les adolescents après avoir vu de nombreux effets secondaires indésirables. Peut-être est-ce anecdotique ? Il n’empêche que la vie de mes enfants n’étant clairement pas en danger, je préfère leur éviter un acte médical non nécessaire. Ce que défendent également ceux qui seraient les premiers bénéficiaires du vaccin : les grands-parents.

Non contents d’instiller la haine et des pratiques fascistes dans notre quotidien, les froids calculs électoraux et la lâcheté politique de nos dirigeants se permettent d’hypothéquer le futur de la nation. Mon fils aura grandi sans jamais voir le visage de ses institutrices maternelles. Il fait partie de la minorité chanceuse qui, lorsqu’il n’est pas à l’école, a des parents et des grands-parents disponibles pour le stimuler intellectuellement. Ceux dont les parents sont indisponibles ou ne parlent pas bien le français paieront, comme à chaque crise, le prix fort.

Beaucoup d’arguments que j’ai entendus pour ne pas se faire vacciner me semblent, aujourd’hui et avec les maigres informations dont je dispose, stupides, voire dangereux. Mais ils ne le sont certainement pas plus que la tolérance que nous avons envers le tabac. Ou envers les excès d’alcool (un comportement morbide que nous appelons trop souvent « faire la fête »). Que celui qui n’a jamais eu de comportement que les autres trouvent stupide me jette la première bière…

Si les centres commerciaux et les stades de football étaient fermés, si les lieux confinés étaient interdits, si une véritable politique de gestion de crise était mise en place avec aide économique immédiate pour les secteurs touchés, alors je pense qu’il faudrait envisager une vaccination obligatoire, au moins pour les métiers les plus à risques. Le vaccin pourrait être au choix de l’individu parmi ceux reconnus par l’OMS et non pas au choix des pays en raison des accords commerciaux signés (la femme d’un de mes amis, vaccinée dans son pays d’origine, ne peut pas pénétrer sur le territoire belge, son vaccin, pourtant reconnu par l’OMS, n’étant pas considéré comme valide). L’OMS aurait d’ailleurs une responsabilité morale de fournir une formule open source du vaccin pour que chaque pays puisse les produire. Bien qu’obligatoire, cette vaccination resterait entièrement privée entre l’individu, l’état et le médecin traitant. C’est, en Belgique, le cas du vaccin contre la polio et personne ne pose la question de savoir si les enfants avec qui les siens jouent sont vaccinés contre la polio (en dépit de quelques tricheurs, la polio est en voie d’éradication grâce au vaccin).

Force est de constater que nous sommes loin d’une situation de crise réelle. Je dois en déduire que l’épidémie, sans être bénigne, n’est pas (encore ?) le fléau qui va décimer l’humanité. Que les intérêts économiques restent supérieurs à ceux de la santé. Et que si la campagne de vaccination était une nécessité, les mesures antidémocratiques imposant un « pass » ne sont que des décisions prises, car elles avaient l’avantage d’être « faciles ». De n’engager aucune responsabilité réelle. Ne ne rien coûter.

De ne rien coûter si ce n’est une division radicale de notre société et un glissement de nos valeurs vers celles du fascisme.

De ne rien coûter si ce n’est d’être incroyablement difficiles à résilier. Qui osera prendre la responsabilité de supprimer ce « pass », de déclarer l’épidémie sous contrôle si le COVID devenait devenir une forme de grippe récurrente ? L’exemple des militaires dans les rues après des attentats qui ont fait, en Europe, quelques dizaines de morts, prouve qu’il est facile de réduire les libertés, mais politiquement impossible de les restaurer. Combien d’années sommes-nous prêts à vivre en tendant un QR code à chaque coin de rue ? Combien de doses de rappels sommes-nous prêts à nous injecter, combien de maladies sommes-nous prêts à considérer comme faisant partie de notre « pass » ? J’ai choisi de me faire vacciner contre le COVID. Je pense que c’était un très bon choix. Mais rien ne garantit que le pass ne nécessitera pas bientôt un acte médical que je ne souhaite pas.

Je suis terrifié par la société que génère la crise COVID. Je suis terrifié de la rapidité avec laquelle nous sacrifions nos libertés les plus fondamentales comme celles de circuler ou de disposer de notre propre corps.

Mais peut-être s’agit-il, encore une fois, d’un simple calcul électoral. Car rien n’est plus facile à contrôler et manipuler qu’une société déchirée et aux libertés restreintes, un système où, au pouvoir comme en opposition, n’existent plus que la voix des extrémistes.

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

3 janvier 2022, qu’est-ce qu’une déconnexion ?

lundi 3 janvier 2022 à 15:34

Troisième jour de ma « déconnexion ». Elle m’obnubile, m’encombre l’esprit. Difficile de penser à autre chose. Mais au fond, qu’est-ce qu’une déconnexion ? Est-il réellement possible de se déconnecter totalement ? Est-ce que je lis les emails me demandant si je lis mes emails ? Je reste un humain, un animal social vivant dans un monde où la connexion à Internet est omniprésente.

Le terme « déconnexion » est donc arbitraire et propre à chacun. Un chef d’entreprise qui met son téléphone en mode avion le temps d’un week-end parle de déconnexion. De nombreux stages offrent de la déconnexion sous le nom « digital detox ». Mais lorsqu’il est question de dépasser quelques jours, il est indispensable de mettre en place un protocole, de formaliser les règles qui permettront d’établir si, oui ou non, nous respectons notre déconnexion.

Le pionnier en la matière est Thierry Crouzet qui, en 2012, a raconté dans son livre « J’ai débranché » les six mois passés sans utiliser Internet à une époque où l’addiction restait cantonnée à quelques geeks. Une déconnexion totale ? Pas tout à fait ! Lorsque l’utilisation d’Internet devenait incontournable, Thierry se mettait à supplier son épouse d’accomplir pour lui les actions nécessaires en ligne. Chaque déconnexion implique de mettre en place des échappatoires codifiées pour survivre dans un monde connecté.

Les déconnexions peuvent aller de la plus extrême, comme celle de Robert Hassan qui raconte dans « Uncontained » les cinq semaines passées sur un bateau porte-conteneurs sans connexion et avec des interactions minimales avec une poignée de membres d’équipage. À l’opposé, ma déconnexion de 2018 consistait à bloquer les sites d’actualités et de réseaux sociaux dans mon navigateur pendant trois mois. L’écrivain Cory Doctorow prend des « email holidays » durant lesquels chaque nouvel email reçu est effacé. L’expéditeur reçoit une réponse automatique lui demandant de réenvoyer son mail après une date donnée. Si la demande est urgente, l’expéditeur doit contacter la mère de Cory. Les informations de contact de celle-ci ne sont pas fournies, toute personne ne sachant pas contacter sa mère n’étant pas censée devoir le contacter en urgence.

Si ces expériences sont particulièrement utiles pour ouvrir les yeux et prendre un temps de réflexion, elles possèdent toutes un point commun : elles ne sont pas durables. Une fois le temps de la déconnexion terminée, les anciennes habitudes vont reprendre graduellement leur place. C’est insidieux, car la reconnexion est généralement perçue avec un certain dégoût. Le temps de déconnexion est idéalisé. Il devient un éden, un lieu de villégiature confortable, mais incompatible avec les exigences du monde moderne. Le néo-reconnecté est persuadé d’avoir changé. Il est d’abord parcimonieux, se reconnecte avec douceur. À la première période de stress, de nouveaux réflexes délétères se mettent en place.

Dix ans après sa déconnexion, Thierry s’énerve encore sur Facebook et reconnait « craquer » sans raison impérieuse pour un nouveau macbook. Robert Hassan explique avoir replongé dans son quotidien frénétique. Moi-même, je n’ai supprimé mes comptes de réseaux sociaux qu’à la perspective de cette déconnexion-ci, celle d’il y a trois ans étant déjà depuis longtemps oubliée.

En concevant cette déconnexion, je me suis posé l’objectif d’en faire une déconnexion durable. D’établir un protocole qui devrait pouvoir s’installer dans la durée, y compris après cette année de test. Le but n’est pas de prendre des vacances, mais bien d’établir une nouvelle méthode de travail.

Le tour réflexe

Lorsque je suis connecté à Internet, j’effectue machinalement ce que j’appelle mon « tour ». Une série de sites à visiter pour vérifier qu’il n’y rien d’urgent, rien d’important, rien de nouveau en ligne. Ce concept de « tour » est partagé par beaucoup de personnes dans ma situation. Il commence, par exemple, par vérifier sa boîte mail puis vérifier un site d’actualité puis Facebook, Linkedin, Twitter et quelques salons de discussion en ligne. Il peut contenir des éléments aussi divers que les résultats du football, un forum ou les cours de la bourse.

À chaque arrêt, il y’a potentiellement des nouveautés à lire, des messages auxquels répondre. Si le tour est suffisamment long, il peut être immédiatement recommencé une fois terminé, des messages ou des réponses étant arrivées dans l’intervalle. Il se transforme en boucle. Beaucoup de personnes utilisant Internet au quotidien possèdent ce genre de tour. Il n’est pas toujours conscient, pas toujours ordonné. On pourrait même dire que toute connexion à Internet sans un objectif préalable clairement défini ne sert qu’à accomplir une variante de ce « tour » réflexe, presque atavique. Chez certains, le tour ne contient qu’une étape : Facebook ou Instagram.

Une anecdote illustre l’effrayante force de l’habitude d’un tour. En 2014, le collègue placé à mes côtés dans l’openspace où je travaillais me montre un meme, une image comique particulièrement adaptée à la situation que nous rencontrions à ce moment-là. Je rigole. Je lui demande où il à trouvé cela.

— Sur 9gag. (prononcez « naïne gag» )

— Sur quoi ?

— Quoi ? Tu ne connais pas 9gag ?

Devant ma mine ahurie, il m’explique le principe du site, une simple page sur laquelle s’affichent les images rigolotes ayant reçu le plus de votes. Le site est tellement populaire que le renouvellement est presque constant.

Amusé, j’ouvre la page dans mon navigateur. Je prends très vite le réflexe de la consulter dès que le temps me semble long ou que je suis confronté à une tâche un peu difficile. Je parcours les images amusantes, les partage avec mon collègue. Je n’ai jamais ajouté le site à mes favoris, mais mon navigateur comprend très vite où je veux aller si je tape un simple « 9 » dans la barre d’adresse. Sans que je l’aie décidé, 9gag s’est imposé dans mon tour. Une étape réflexe, incontournable.

Après seulement quelques mois, je me rends très vite compte du temps perdu et de l’absurdité de ce site. Je n’ai plus envie d’y aller. Malgré cela, il m’arrive de trouver le site 9gag ouvert sur mon écran. Je m’effraie. Je découvre un projet Kickstarter d’un bracelet qui envoie des décharges électriques dès que l’on accède à un site « interdit », preuve que je suis loin d’être le seul dans ce genre de situation. Je rigole avec mes collègues à l’idée d’en acheter un. Sans recourir à cette extrémité, je me contente de bloquer le site 9gag dans mon navigateur. Un blocage qui est d’ailleurs toujours présent depuis lors.

Cela fait sept années que le site 9gag est bloqué sur mon ordinateur. Sept années sans y accéder et cela ne manque pas du tout. Ce n’était que de l’amusement sans valeur et sans intérêt. Pourtant, sept années plus tard, lorsque je suis confronté à une difficulté intellectuelle ou une tâche administrative un peu rébarbative face à un navigateur web ouvert, mes doigts tapent machinalement un « 9 » dans la barre d’adresse. Parfois, je ne souviens même plus de l’origine de ce chiffre. Je dois réfléchir pour comprendre pourquoi s’affiche une recherche sur le chiffre « 9 ». Mes doigts, eux, n’ont pas ce scrupule. Ils tapent « 9 », sept années après mon dernier accès à un site contenant ce caractère.

do_the_internet.sh

Durant ma connexion de 2018, je me suis efforcé d’améliorer mon tour. De le réduire et d’en retirer les éléments les plus morbides. L’une de mes observations a été ma capacité à trouver des alternatives. Dès que mon tour devenait « trop court », je découvrais une nouvelle source de distraction. Les sources les plus qualitatives étaient les plus dangereuses. En effet, la qualité de ce que je lisais me permettait de justifier le temps passé et l’automatisme était très vite assimilé. La consultation de mon tour mélange chez moi une savante dose de procrastination, un désir de découvrir des nouvelles choses et la crainte de rater ce qui se dit ou se fait, le fameux FOMO (Fear of Missing Out).

Sur le gemlog de Solderpunk, le créateur du protocole Gemini (un gemlog est l’équivalent d’un blog sur le réseau Gemini), j’ai lu l’idée d’un script « do_the_internet.sh ». Un script est un petit programme simple consistant en un ensemble de commandes que l’ordinateur doit effectuer de manière automatique. L’intérêt d’un script est d’automatiser une suite de commandes qui sont toujours les mêmes. J’ai alors eu une illumination. Plutôt que de lutter pour améliorer mon tour, j’allais l’automatiser.

Une heureuse sérendipité me faisait lire, le même jour, un article sur la conception de scripts suggérant que chaque étape ne devait pas nécessairement être automatique. Un bon script pouvait contenir une instruction demandant explicitement à un humain d’accomplir une tâche, mélangeant les concepts d’automatisation et de check-list.

J’ai donc créé un fichier appelé « do_the_internet.sh » dans lequel j’ai listé ce que je voulais accomplir en ligne chaque jour. Au début, ce fichier ne contenait absolument pas de code, mais de simples phrases comme « vérifier mes emails » ou « vérifier mon agenda ». Au cours des semaines, j’ai réussi à automatiser certaines des tâches. À chaque étape de mon tour quotidien, je me posais la question « Pourrais-je l’automatiser ? Cela en vaut-il vraiment la peine ? ».

L’objectif final m’est apparu rapidement : une fois ce script entièrement automatisé, je pourrai me contenter de le lancer une fois par jour sans rien rater. Encore faut-il que j’estime qu’il soit « terminé ». Je me suis donc fixé une date de départ symbolique et évidente : le premier janvier. Il me restait quelques semaines pour mettre au point mon protocole de déconnexion.

Le quotidien de ma déconnexion

Pour cette déconnexion 2022, je peux donc, une fois par jour, synchroniser mon ordinateur en lançant mon script do_the_internet.sh. Cette synchronisation se fait en branchant un câble dans mon ordinateur sur le palier de l’escalier de la maison. Je dois physiquement me déplacer pour y accéder. Lorsque l’ordinateur se synchronise, je ne peux pas l’utiliser, tout est automatique.

Ce script va tout d’abord synchroniser mes emails. Ceux-ci sont téléchargés sur mon ordinateur afin d’y accéder sans connexion. Tous les emails que j’ai rédigés vont être envoyés. Les mails que j’ai archivés sur mon ordinateur vont être archivés en ligne. Envoyer des mails hors-ligne est une expérience très satisfaisante. Une fois la commande d’envoi effectuée, je n’ai rien à faire, rien à penser. Le mail partira sans action de ma part lors de la prochaine synchronisation. Par contre, si j’éprouve le moindre doute, même plusieurs heures après, je peux aller annuler mon mail. Cette latence artificielle empêche le fameux « ping-pong » où plusieurs mails et réponses s’envoient et se télescopent en quelques minutes. Je suis forcé de réfléchir à ce que j’écris, forcé de prendre le temps de lire ce que je reçois.

En second lieu, mon script va synchroniser les flux RSS des blogs que je lis. Cela se fait uniquement en mode texte, sans image. Cela me permet de garder le contact avec les gens que j’aime bien ou qui sont intéressants. La plupart des blogs que je suis ne postent que de manière très sporadique, j’ai tendance à supprimer les flux dès qu’ils dépassent quelques billets par semaine. En complément des flux, l’accès à l’email me donne également la possibilité d’être abonné à des newsletters. En réalité, je ne suis abonné qu’au site lobste.rs, un site très technique qui permet la mise en place de filtres. J’ai été tellement drastique que je ne reçois que les articles dans un champ d’intérêt très restreint et rare.

L’un de mes objectifs lors de cette année de déconnexion est de réfléchir aux concepts de décentralisation et de protocoles Internet. Pour cette raison, j’ai souhaité ne pas perdre le contact avec le réseau Gemini. Je me suis donc attelé à modifier le navigateur AV-98 pour qu’il me permette de naviguer hors-ligne sur le réseau Gemini. Cette modification a pris de l’ampleur et, avec l’accord de Solderpunk, le créateur de AV-98, j’ai décidé d’en faire un logiciel différent (un fork). J’ai donc codé « Offpunk », un navigateur hors-ligne. Il se concentre pour le moment sur le réseau Gemini, mais je compte le faire évoluer. Le principe d’Offpunk est de se synchroniser pour télécharger le contenu qui pourrait être utile puis d’être utilisable entièrement hors-ligne. Si l’utilisateur tente d’accéder à un contenu qui n’est pas disponible hors-ligne, il est marqué pour être téléchargé lors de la prochaine connexion. La troisième étape de mon script est donc de demander à Offpunk de télécharger ce qui doit l’être sur le réseau Gemini.

Les mails, les RSS et Gemini me donnent l’opportunité d’avoir accès au monde extérieur tout en étant littéralement déconnecté. Si une page web me semble vraiment intéressante à lire et que je n’ai pas accès au contenu, mon système prépare automatiquement un mail qui sera envoyé au service forlater.email. À tout email contenant une ou plusieurs adresses, ce service répond avec un email contenant l’intégralité du texte de la page web en question. Je peux donc naviguer sur le web en utilisant l’email. Avec un délai de 24h, entre le moment où je décide de lire le contenu d’un lien et le moment où je le lis réellement.

Mon téléphone est un Hisense A5, un téléphone avec écran eink en noir et blanc et ne disposant pas des services Google. J’ai désinstallé tout navigateur web et tout logiciel de courriels. Quand il est dans mon bureau, mon téléphone est en mode avion. Whatsapp a été « freezé », signifiant qu’il ne va pas recevoir de messages (mais je dois le garder pour certaines urgences familiales potentielles). Je garde Signal pour les interactions immédiates et nécessaires à la gestion familiale. En dehors de Signal, le téléphone est principalement utile pour les applications de cartographies : OSMAnd, Organic Maps et Google Maps (qui fonctionne sans compte Google). Ce dernier est utile pour consulter les heures d’ouverture et les numéros de téléphone des commerces. Je considère que ces applications de cartographie sont d’excellents services qui n’entrainent aucune distraction. Je peux donc sans soucis les garder.

Enfin, je dispose sur mon ordinateur d’une copie de Wikipédia accessible grâce aux logiciels Kiwix et Webarchives.

Les exceptions (ou la tricherie tolérée)

Malheureusement, il n’est pas réaliste de tout traiter en ligne à travers les emails. J’ai relevé plusieurs actions qui restent nécessaires et ne peuvent se faire qu’interactivement. La gestion administrative et bancaire, les achats en ligne (depuis les livres non disponibles en libraire au matériel de vélo), la préparation des voyages, des raids vélo (Komoot) ainsi que la gestion des projets open source (rapports de bugs, merge sur Github). Sans compter les incontournables réunions en ligne sur Teams ou Jitsi. Paradoxalement, je n’ai pas non plus encore automatisé le fait de poster sur mon blog (mais j’y travaille).

Pour faire tout cela sans devoir, comme Thierry, supplier mon épouse, j’ai dû me résoudre à m’autoriser des accès directs à Internet. Ces accès seront « en conscience ». Cela signifie qu’avant chaque accès à Internet, je suis obligé d’écrire les objectifs de cette connexion et de décrire autant que possible les tâches que je vais accomplir en ligne. Je garde dans un dossier les mails qui ne peuvent être actionnés qu’en ligne et je note dans un fichier les tâches obligatoires à faire en ligne.

Une fois qu’une connexion est décidée, je note dans un fichier spécial la date, l’heure et la raison de la connexion. Je lance un chronomètre. À ce moment-là, et seulement le chronomètre lancé, je me lève et je vais chercher le câble sur le palier. Je branche mon ordinateur et accomplis les tâches prévues. Je ne peux pas m’en écarter. Si la tâche est imprécise (comme accomplir une recherche ou investiguer un domaine), je me donne un temps limite fixé à l’avance et je lance un timer. Durant ces connexions, je n’ai pas le droit de lancer ma synchronisation. Chaque connexion est donc clairement identifiée, consciente, objective.

Une fois le câble débranché et remis à sa place, je peux couper le chronomètre et indiquer, dans mon fichier, le temps passé, arrondi à la minute supérieure. Nous sommes le 3 janvier et, en 2022, je peux affirmer que j’ai passé exactement 5 minutes en ligne, le temps qu’il m’a fallu pour poster le billet de blog du 1er janvier. Durant ces 5 minutes, j’ai dû me faire violence pour ne pas subrepticement ouvrir un onglet de navigateur vers un autre site que mon blog. J’ai tenu bon.

Ce système est également l’occasion de faire des économies. Céder aux achats en ligne impulsifs devient beaucoup plus compliqué. Ma carte de crédit devrait apprécier.

Un système évolutif et une expérience partagée

L’objectif premier de ma déconnexion n’est pas de devenir un puriste voire un puritain, mais de trouver un nouvel équilibre durable. Il me parait donc évident que, soumises aux contraintes de la vie réelle, mes règles vont évoluer. Que je vais devoir trouver des compromis ou des solutions. Que je vais découvrir des choses sur moi-même, sur ceux qui m’entourent, sur ceux avec qui je perdrai contact et ceux, au contraire, avec qui je vais me rapprocher.

Outre l’introspection, je souhaite également partager l’aspect technique que j’affine depuis 2018. Comment améliorer la quantité et la qualité des mails reçus et ceux qu’on envoie. Comment reprendre le contrôle de sa présence en ligne et de ses données. Cette déconnexion est une expérience globale, holistique que je souhaite partager avec vous dans ce blog, dans ce livre en cours d’écriture. Une manière de me connecter à vous, que vous me lisiez en 2022 ou dans un lointain futur. L’écriture et la lecture ne sont-elles pas, depuis 5000 ans, les expressions les plus pures de la connexion intellectuelle par delà la déconnexion physique ?

Si vous êtes éditeur ou agent littéraire et que le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à m’envoyer un mail à agent arrobase ploum.eu. Si vous avez des lectures ou des outils à me recommander, utilisez reaction arrobase ploum.eu. Les mails mettent un peu plus de temps que la normale à me parvenir, mais ils arrivent toujours à mon port.

Liens

Mon fameux script de synchronisation :

=> https://github.com/ploum/offlinetools

Le logiciel Offpunk (anciennement appelé AV-98-offline) :

=> https://tildegit.org/ploum/AV-98-offline

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

1er janvier 2022, quelques minutes après minuit

samedi 1 janvier 2022 à 12:17

Les feux d’artifice résonnent dans notre quartier. Après avoir embrassé mon épouse et lui avoir souhaité une bonne année 2022, je suis allé dans mon bureau pour mettre en pratique une résolution prise et préparée depuis presque deux mois. J’ai hésité une seconde. Voilà deux mois que l’idée a germé, que j’attends ce moment avec impatience, que je tourne et retourne les modalités pratiques dans ma tête. Pourtant, au moment fatidique, une partie de moi me fait croire que je n’en ai pas vraiment besoin. Que ça peut attendre. Être plus progressif.

Le sentiment d’être un addict me frappe de plein fouet. Jusque là, j’avais toujours cru que tout n’était qu’une question de choix. Que j’arrêtais quand je le voulais. Pourtant, même après deux mois de préparation enthousiaste, mon inconscient cherche à négocier jusqu’au dernier moment.

Pour ne pas lui laisser la moindre marge de manœuvre, j’agis sans regarder mon écran. Le cœur battant, j’arrache le câble RJ-45 relié à mon ordinateur et le sort de mon bureau.

2022 sera une année déconnectée. Une année loin du web.

C’est en prévision de ce moment que j’ai désactivé le wifi de mon portable et n’utilise plus que la connexion câblée depuis plusieurs mois. C’est en prévision de ce moment que j’ai configuré mon ordinateur et passé mes dernières semaines à coder.

Depuis mon premier site web il y a vingt-quatre ans, le web a fait de moi qui je suis. Je lui ai offert des dizaines de milliers d’heures de ma vie et il m’a donné en échange des idées, des rencontres, des carrières, des opportunités dont je n’aurais osé rêver. Pourtant, depuis plusieurs années, un sentiment diffus s’est installé. La balance s’est subtilement inversée. Le web me prend plus. Affecte mon humeur, ma santé, ma productivité. Il m’apporte moins. De moins en moins. Avec une qualité déclinante.

La qualité, les réflexions, elles sont pourtant à portée de main dans les rayonnages des bibliothèques qui constellent ma maison. Malheureusement, après quelques pages, mes yeux se tournent machinalement vers l’écran qui scintille, qui m’appelle.

Une idée germe. Je lance mon éditeur pour en rédiger les balbutiements. Mais derrière l’éditeur se tapit, sournois, un navigateur web toujours lancé, près à s’engouffrer dans la moindre hésitation, à interpréter le moindre frémissement des mes doigts sur le clavier comme une invitation à flâner en ligne. Confronté à une phrase difficile, je m’échappe, je clique machinalement de lien en lien, cherchant La Nouvelle Importante, l’Article Tellement Intéressant avant de constater que mon idée initiale s’est tarie.

Je m’arrache à cette lascive procrastination d’un suprême effort de volonté, je m’immerge dans ce que les anglophones appellent le « flow » avant d’être interrompu par une notification de mise à jour d’un logiciel que j’utilise. Le calendrier m’affiche le rappel de l’anniversaire d’une vague connaissance ou d’un événement que j’avais pourtant refusé. Ma boîte mail se met à clignoter. N’avais-je pourtant pas désactivé ces notifications ? Malgré le fait qu’il soit en silencieux, mon téléphone s’illumine dans mon champ de vision, car un énième message s’est empilé dans l’un de ces groupes Whatsapp ou Signal auxquels j’ai été, à un moment ou un autre, ajouté.

Ding Dong ! On sonne à la porte. Le livreur apporte un colis que je ne me souvenais même plus avoir commandé. Plutôt que de travailler à mes tâches importantes, une énième idée m’était venue, j’avais investigué le matériel nécessaire pour la mettre en place et j’avais même passé commande devant une offre alléchante. J’en avais profité pour commander la liste des livres que mon libraire ne peut pas obtenir en un temps décent. Malgré que la commande ait été faite tout d’un bloc et sans urgence, Amazon va me les faire parvenir au compte-goutte, chaque livre nécessitant un arrêt de la camionnette et une sonnerie de porte.

Les enfants rentrent de l’école. Je n’ai pas progressé dans les tâches que je m’étais fixées. Par contre, des millions de fragments d’idées ont germé dans la sérendipité du web, me remplissant de nouveaux objectifs, de nouveaux projets que je devrais accomplir si le web m’en laissait le temps. Ma liste de tâche n’a donc fait qu’augmenter, avec elle ma frustration.

En 2022, c’est décidé, je me déconnecte. J’envoie valser un quart de siècle de réflexes, de conditionnement. Je veux réapprendre à aimer mon ordinateur, ne plus le voir comme un ennemi, en avoir peur.

Mais est-ce réaliste ? Tant de choses se font sur le web désormais. Se déconnecter du web, s’est également se passer de tout un pan d’Internet aussi indispensable que l’électricité ou l’eau courante.

La connexion m’est, professionnellement et par passion, incontournable. Mais je peux la rendre minimale, contrôlée. Consciente. Efficace.

C’est à cela que je me prépare depuis deux mois. C’est cela que je m’apprête à mettre en production alors que les pétards se sont tus, mais pas encore les échos de la fête.

Une année 2022 déconnectée.

Une année que je vais documenter sous forme d’un livre publié sur ce blog dont vous êtes en train de lire le premier chapitre (et pour lequel je suis à la recherche d’un éditeur ou d’un agent littéraire, y compris pour une version anglophone).

Le point final étant mis à ce chapitre, mon premier réflexe est de me récompenser de mon effort en m’offrant quelques minutes de surf sur le web. Mes doigts cherchent, mais mon esprit conscient réalise l’impossibilité d’assouvir ce désir. Mon navigateur affiche une erreur de connexion.

Nous sommes en 2022. Ça y’est ! Je suis déconnecté.

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