PROJET AUTOBLOG


Framablog

Site original : Framablog

⇐ retour index

SCRUM et les mêlées quotidiennes

vendredi 8 novembre 2019 à 21:13

Dans cet article, Matt, développeur à Los Angeles, s’attaque aux daily standups, ces réunions de la méthodologie SCRUM, très à la mode actuellement. Sous ce terme se cache une réunion quotidienne d’au plus 15 minutes, se déroulant normalement debout, qui a pour but la synchronisation de l’équipe. La traduction choisie ici est « mêlée quotidienne », mais on trouve aussi les appellations « Daily », « standups » ou réunions quotidiennes.

Source : The pointlessness of daily standups

Traduction framalang : Maïa, Côme, Evvin, Fabrice, Goofy et Marius

De l’inutilité des mêlées quotidiennes

 

Vos mêlées quotidiennes tuent votre productivité.

Peut-être est-ce de la naïveté ou peut-être est-ce seulement le fait d’avoir fait partie d’équipes où, c’est un point important à noter, personne (pas même moi) ne savait comment mener une mêlée quotidienne efficacement, mais je n’en ai jamais compris l’utilité. Ceci est doublement vrai si on prend en considération l’utilisation en parallèle d’outils tels que Jira ou Trello, couplés aux messages incessants que permet Slack.

Quelle est finalement l’utilité d’une mêlée quotidienne ? Si j’envisage de critiquer quelque chose, je préfère être certain de savoir de quoi je parle. J’ai une vague intuition de ce que doit être leur rôle, mais pour être complet, jetons (rapidement) un œil sur la description d’une mêlée quotidienne dans la documentation d’Atlassian :

[…] une mêlée quotidienne est une réunion qui implique l’équipe de base : les propriétaires du produit, les développeurs et le facilitateur SCRUM. Le style de cette réunion est propre à chaque équipe, mais chez Atlassian, nous utilisons trois questions simples pour la structurer :

  • Sur quoi ai-je travaillé hier ?
  • Sur quoi vais-je travailler aujourd’hui ?
  • A quels obstacles suis-je confronté ?

… et un peu plus loin…

Ces questions mettent en lumière les progrès et aident à identifier ce qui bloque l’équipe. De même, cela renforce l’équipe car tout le monde partage les progrès qui contribuent à l’équipe. Le renforcement quotidien du partage des réussites et des plans individuels maintient l’enthousiasme collectif quant à la contribution globale de l’équipe à l’entreprise.

Ok, donc fondamentalement, le seul intérêt des mêlées quotidiennes est de « maintenir tout le monde enthousiaste » ?

… *** gros soupirs *** …

J’ai toujours eu l’impression que l’industrie aime traiter les équipes de développement comme une bande d’ados stupides. Permettez-moi de m’étendre là-dessus…

Nous devrions être enthousiastes et nous sentir chanceux de disposer de tables de ping-pong, d’en-cas gratuits, de jours de congés pour les anniversaires (avec durée indéterminée, pour écraser l’altruisme), et maintenant, d’être capable de voir les progrès de chacun ? Comprenez-moi bien, je ne suis pas cynique à ce point-là, mais cet argument en particulier pour les mêlées quotidiennes me frappe telle la carotte au bout du bâton du micro-management.

Peut-être que cela enthousiasme certains, et peut-être même que des gens en tirent des bénéfices. Je dirais plutôt qu’ils n’utilisent pas leur panoplie d’outils à leur maximum, mais passons, je leur laisse cela. Cependant, je préfère m’intéresser au ratio coût/bénéfice des mêlées quotidiennes et alors votre équipe pourra prendre une décision sur ces calculs.

Mettons de côté pour un instant le « facteur d’enthousiasme » qui n’est pas quantifiable. Nous devons être capables de régler les points suivants :

… d’accord, j’allais écrire un paragraphe ou deux sur ces points, mais je vais m’en remettre à Cervantes pour ce coup-ci :

Sois bref dans ton discours, car ce qui est prolixe ne peut être agréable

(Intelligence et sagesse de Don Quichotte)

 

Voici donc les contre-arguments :

Les deux premières réfutations ne nécessitent pas de clarification j’espère. Pour le dernier point, soyons honnêtes, si vous êtes bloqué⋅e sur quelque chose et que vous attendez la prochaine mêlée pour prévenir le reste de l’équipe que vous êtes bloqué⋅e, d’autres soucis de communication doivent être pris en compte. Les points bloquants doivent être traités immédiatement.

« Attendez une minute ! », pourrait-on me dire, « cela va déranger l’équipe si les gens sont interrompus à cause d’un point bloquant ! ». Déranger l’équipe ? Vous voulez dire comme un point quotidien des tâches de chacun de la veille et du jour, sans compter les quasi-omniprésentes digressions ? Ce genre d’interruption ?

Je n’en vois pas le bénéfice global. J’argumenterais que la perte d’attention est plus probable que l’intérêt de savoir sur quoi travaille quelqu’un d’autre. Réellement. Réfléchissez-y. Combien de fois retirez-vous des informations utiles de vos mêlées (que vous n’auriez pas pu obtenir de vos outils de suivi de projet), par opposition à la perte de contexte de votre propre travail et — pour finir — par rapport à l’attention consacrée à des digressions qui devraient se dérouler en dehors des réunions ?
Vous voulez une équipe plus efficace ? Vous voulez des plages de concentration plus longues pour avancer sur les tâches de votre sprint ?
Soyez asynchrones, et supprimez les mêlées quotidiennes. De toute manière, elles ne servent à rien.

 

À propos de l’auteur

Matt est un développeur frontend qui vit (et skate) à Los Angeles. Il développe en React et en TypeScript, mais s’intéresse beaucoup aux langages bas-niveau (Rust, C++, C, …).

Il est joignable via Mastodon ou Twitter

 

Quand on explore, parfois, on s’égare !

mardi 5 novembre 2019 à 09:50

Il paraît que l’on n’apprend que de ses erreurs… Nous avons donc voulu compiler nos plantages, errements et autres découragements récents, afin d’en tirer quelques enseignements.

Cet article fait partie des « Carnets de voyage de Contributopia ». D’octobre à décembre 2019, nous y ferons le bilan des nombreuses actions que nous menons, lesquelles sont financées par vos dons (qui peuvent donner lieu à une réduction d’impôts pour les contribuables français). Si vous le pouvez, pensez à nous soutenir.

 

Parler ici des ratés que Framasoft a connus et commis ces deux dernières années, c’est l’occasion de montrer la réalité de notre quotidien (qui n’est jamais tout blanc ni tout rose), tout en documentant les leçons que nous tirons de nos expériences.

Cet article se veut un exercice en failologie, une étude critique de nos erreurs et des leçons que nous en tirons. Il comportera une grande part de subjectivité, assumée.

On ne sait pas accueillir les contributions (mais on se soigne)

Il y a deux ans, nous annoncions naïvement que la feuille de route Contributopia permettrait « d’ouvrir les portes de la contribution ». Depuis, nous avons constaté à quel point nous ne savions pas accueillir les contributions ! Faire en sorte qu’un maximum de monde (dont des non-informaticien·nes) puisse contribuer au Libre, cela demande du temps, du travail et du savoir-faire.

Il faut créer des espaces d’expression chaleureux (donc les issues d’un git, c’est pas bon !), accueillir et accompagner les personnes, pour mieux les autonomiser dans leur acte de contribution. Nous soignons notre ignorance en nous éduquant (par un travail avec des designers dont c’est le métier, par l’organisation de Contribateliers…), mais clairement, ouvrir en grand les portes de la contribution, ce n’est pas pour tout de suite !

Cliquez sur l’image pour découvrir le site web des Contribateliers

Notre rythme ne s’accorde pas à tout

Pour parodier un dicton connu, si « ensemble on va plus loin », nous avons appris de nos partenariats qu’ensemble, on va quand même vachement moins vite ! Prendre soin de soi et des autres dans des actions conjointes ou des collectifs (comme les CHATONS), cela demande de s’adapter au rythme de tout le monde, donc de prendre son temps.

C’est parfois là le problème : le rythme de travail de Framasoft est rapide. Sur un projet, c’est dans notre culture d’avancer tambour battant, de concrétiser vite, quitte à ensuite rectifier souvent. Or les projets réalisés par des partenaires multiples sont dans un tempo plutôt lent, où on prend le temps de parcourir la gamme des points de vue pour trouver l’accord parfait.

Notre façon d’agir fait que si on s’assoit autour de la table d’un projet de partenariat, on trépigne, et ça frustre… Nous avons appris que nous sommes davantage à notre place lorsque nous proposons un partenariat d’accompagnement, sur le choix d’outils collaboratifs ou la stratégie d’émancipation numérique, par exemple. Finalement, c’est assez sain que chacun ait son rythme, que chacune ait sa méthode pour aller vers l’action… surtout quand tout le monde a trouvé sa place !

Au cas où on ne te l’aurait pas dit aujourd’hui…
Salut
Bon matin
Tu es à ta place
Tu t’en sors super bien
Je crois en toi.

Les médias sociaux, ces services à part

Lorsque nous avons lancé Framasphère et Framapiaf (respectivement nos alternatives à Facebook et à Twitter), nous n’avions pas anticipé que les médias sociaux, ce ne sont pas des services comme les autres. Les personnes n’y hébergent pas des données, des documents, des collaborations : c’est un bout de leur vie (privée, publique et en commun) qui s’y niche. Ouvrir un tel espace d’expression, ce n’est pas uniquement héberger un logiciel sur un serveur, c’est aussi prendre la responsabilité de décider ce qui y trouve sa place et ce qui en sera exclu, de choisir ce que vous acceptez (ou non) qu’il se passe dans votre hébergement, donc chez vous, en somme.

Nous avons mis beaucoup de temps à concevoir une charte de modération, la publier, et la faire respecter grâce à une équipe de modération. Pendant ce temps, des comportements hébergés chez nous ont généré de la souffrance, qui (oh, surprise) a engendré de la souffrance, etc. Nous souhaitons présenter nos sincères excuses pour tout cela.

L’explication, quant à elle, est simple : lorsque nous avons réalisé ce besoin de modération, nous n’avons pas eu les énergies humaines disponibles pour la mettre en place assez vite. Nous avons, ensuite, agi dans l’urgence et publié un article dont la formulation et l’illustration ont été interprétées à l’inverse de nos intentions, et décriées (nous y reviendrons plus bas).

C’est « Framasoft », pas StartUp’Soft !

Il y a un autre problème que nous rencontrons régulièrement : l’image de Framasoft. Pour les membres de l’association, « Framasoft » représente 34 autres potes. Des personnes avec leurs PACS, leurs syndromes de l’imposteur, leurs potagers, leurs geekeries improbables, leurs révoltes, leurs ‘tits bouts d’choux, leurs rêves, leurs grosses fatigues… et parfois leurs bouts de code ! Des humain·es, en somme, qui se retrouvent régulièrement pour rire et bosser.

Cependant, on dirait que pour beaucoup de gens, Framasoft représente cette espèce de grosse machine qui peut et qui doit tout faire. Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais quand on lit toutes les injonctions à (et projections sur) notre association, on est dans Oui-Oui au pays des Start-Up ! Framasoft devrait être irréprochable (jusque dans la moindre formulation), libérer les Internets (en développant à ma place ma super idée que je ne vais pas faire moi), et porter mon combat politique (mais à ma manière, pas à la sienne).

Une description du collectif CHATONS en langage StartUp

Le cumul de ces attentes, qui pèsent sur les épaules des 34 potes, vient du fait que nous ne savons pas assez montrer que Framasoft, c’est avant tout des êtres humains. Ce qui se voit, ce sont les services en ligne, les projets, les partenariats, les grosses collectes et les petites victoires… Or tout cela n’existe que parce que quelques personnes incarnent cette idée commune qu’on appelle « Framasoft ». Nous avons compris que nous devrons déconstruire chez nos interlocutrices et interlocuteurs ces mécanismes de super-héroïsation de Framasoft.

Un problème de taille : notre Frama-régime

Ce problème d’image est lié à un problème qui est, littéralement, un problème de taille. Prenons l’exemple (un parmi d’autres) de notre alternative libre et fédérée à Twitter, Framapiaf. C’est un hébergement, parmi les centaines en ligne, du logiciel Mastodon. C’est un des points d’entrée dans la fédération parmi des centaines d’autres. Dans cette fédération, nous avons beaucoup de poids : trop de monde s’est inscrit chez nous.

Il est difficile de dire à de plus petites instances « si notre politique de modération ne vous convient pas, coupez-vous de nous » ! Cela reviendrait à leur demander d’isoler leurs membres de toutes les personnes qui s’inscrivent chez nous. D’un autre côté, Framasoft est une association d’éducation populaire qui a une mission d’ouverture et d’accueil du grand public (qui voit Framasoft comme une des « portes d’entrée » sur ces nouveaux médias).

Cela peut sembler anecdotique et discutable (il y a des instances Mastodon bien plus grosses que la nôtre), mais ajoutons à ça l’ensemble des autres projets où nous avons une visibilité (Framadate, PeerTube, Mastodon)… Et vous avez de nombreuses personnes qui disent « Framasoft devrait faire ceci » ou « Framasoft doit le faire comme cela » sans s’inquiéter de la charge mentale dont elles se déchargent sur nous.

Sauf que nous ne sommes pas une multinationale avec des dizaines de salarié·es et des millions de chiffre d’affaires annuel. Nous ne voulons pas le devenir. Il faut sortir du réflexe de facilité « ça, c’est une tâche pour Framasoft, qui fait déjà tout (sauf le café) ». Voilà une des raisons qui nous a poussé⋅es à réduire la voilure en expliquant que nous allions Déframasoftiser Internet !

Dégooglisons Internet, vu par Péhä (CC-By)

Changer le monde et se changer soi, ça fatigue

Publié dans l’urgence, l’article annonçant notre politique de modération a parfois été interprété à l’inverse de ce que nous voulions dire. Certaines parties pouvaient effectivement porter à confusion si l’on doutait de nos intentions. Nous avons toutefois été surpris·es lorsque les commentaires se sont multipliés, sans venir nous questionner directement. Il a été d’autant plus compliqué de faire la distinction entre nos ressentis et la logique que certain⋅e⋅s parmi nous se considèrent comme partie intégrante des communautés qui s’inquiétaient de nos positions. Cet épisode, qui reste encore douloureux pour nous, nous a permis de réaliser à quel point la confiance que l’on nous accorde est fragile.

Par ailleurs, nous avons appris à repérer et refuser les mécanismes d’opprobre par association, et de pureté moraliste. Pour grossir le trait, les personnes qui hurlent « Mais Framasoft bosse avec le Collectif X, et le Collectif X c’est Cousin Bidule et Cousin Bidule j’ai lu sur Internet qu’il est platiste, et c’est sale, donc Framasoft vous êtes de sales platistes ! », le feront dans le vide.

D’après notre article du 1er avril 2019, la frama-terre est frama-plate !

Nous ne résumerons pas les membres d’un collectif à une personne (quelle déshumanisation pour les autres !). En revanche, avant de contribuer ensemble, nous chercherons si nous avons assez de valeurs en commun et si le Collectif X souhaite sincèrement s’émanciper numériquement. En aucun cas ce partenariat ne signifie que Framasoft « légitime » le Collectif X, et inversement… Croire le contraire serait bien prétentieux, or la prétention aussi, c’est fatigant !

Contre le burn-out, raviver le feu de camp

L’ensemble de ces fatigues (déshumanisations, injonctions, projections, attentes, caricatures, opprobres, etc.) a un coût humain bien réel. Nous avons voulu trop en faire, trop vite. Nous avons dit oui trop souvent, et nous sommes trop éparpillées. Nous apprenons désormais à dire « non », à dire « pas avant 2022 ».

C’est la métaphore qu’utilise QuotaAtypique dans sa conférence « Du Plaisir de Lutter ensemble » : l’association, ce qui nous rassemble, c’est le feu de camp. Les actions, les conversations, les partenariats, ce sont ces territoires que l’on va explorer depuis ce camp. Et c’est cool, vraiment, d’aller explorer aussi loin ! Mais aujourd’hui, nous avons appris qu’il fallait aussi régulièrement retourner au camp, que ce soit pour nous reposer nous ou pour entretenir ce feu, ce qui anime notre élan commun. Et puis, c’est très souvent de là que prennent forme nos meilleurs projets.

La bienveillance ? oui, à Framasoft on peut dire que nous sommes bienveillantes et bienveillants, mais cela ne suffit pas à éviter les épuisements qu’il faut accompagner de soins, d’attention, de protection. Quand le Frama-pote a une super idée, il faut tout aussi bien savoir lui dire non, voire s’en protéger parce qu’on concrétise déjà d’autres super bonnes idées, qu’on n’a plus de place pour une nouvelle…

La route est longue, alors ne soyons pas pressé·es

Rassurez-vous cependant, hein : Framasoft reste un collectif où il fait bon vivre ! La majeure partie des retours que nous avons sont très positifs, et beaucoup de vos messages nous font chaud au cœur. L’ambiance est d’autant plus chaleureuse que nous essayons de tirer rapidement des leçons de nos échecs et prendre encore mieux soin de nous, de vous, de ce que l’on peut !

Expérimenter, tirer des leçons, prendre soin, cela demande du temps, plus de temps que ce que nous imaginions. Dans la feuille de route Contributopia, certains projets ne sont pas encore en place ; sans toutefois être abandonnés, ils vont sortir « quand ce sera prêt », comme on dit chez Debian. Le Winter of code n’est pas près de venir, le « git pour les nuls » ou « l’Université Populaire du Libre » (UPLOAD) sont encore, pour l’instant, des vœux pieux, des idées sans plan précis : nous n’avons pas encore eu de temps à leur accorder.

Finalement, c’est OK pour nous ! Chez Framasoft, on a décidé de faire tomber la pression, et de se dire que si on change le monde rien qu’un octet à la fois, ce sera déjà ça de gagné.

 

Rendez-vous sur la page des Carnets de Contributopia pour y découvrir d’autres articles, d’autres actions que nous avons menées grâce à vos dons. Si ce que vous venez de lire vous plaît, pensez à soutenir notre association, qui ne vit que par vos dons. Framasoft étant reconnue d’intérêt général, un don de 100 € d’un contribuable français reviendra, après déduction, à 34 €.

Soutenir Framasoft

Illustration d’entête : CC-By David Revoy

Khrys’presso du lundi 4 novembre 2019

lundi 4 novembre 2019 à 07:42

Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.

Brave New World

Spécial Chili

Spécial France

Spécial luttes et violences policières

Spécial GAFAM et cie

Les autres lectures de la semaine

Les BDs/graphiques/photos de la semaine

Les vidéos/podcasts de la semaine

Les autres trucs chouettes de la semaine

Deux personnages prennent le café. Le personnage de gauche dit : Décidément, c'est fou, tout ce qu'il se passe en une semaine !- la personne de droite répond : Si tu en veux encore plus, clique sur ma tasse !
Retrouvez les revues de web précédentes dans la catégorie Libre Veille du Framablog.

Les articles, commentaires et autres images qui composent ces « Khrys’presso » n’engagent que moi (Khrys).

Des goodies Contributopia dans la boutique de David Revoy !

vendredi 1 novembre 2019 à 13:07

Attention, nous allons faire ici une publicité éhontée et sans vergogne pour des objets sur lesquels nous ne toucherons pas un centime. Mais vu les contributions de cet artiste libriste, nous ne pouvions pas résister !

Cela fait deux ans qu’on nous les demande !

Il y a deux ans, nous annoncions notre feuille de route Contributopia. Nous voulions mettre en valeur un imaginaire positif, illustrer un futur que nous voudrions contribuer à construire. David Revoy, connu pour son web-comic libre Pepper & Carrot, a accepté notre demande de prestation et a illustré ces « mondes de Contributopia ».

Cliquez sur les planètes de Contributopia pour aller sur la boutique de David
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Alors oui, c’est beau. Tellement beau qu’on nous demande, depuis deux ans, où sont les t-shirts, comment avoir les posters, où l’on peut acheter son mug Contributopia… Et jusque-là, la seule réponse que nous avions, c’était : « vous êtes libres de les faire faire vous-mêmes ! ».

Le cercle vertueux de la contribution

Côté coulisses, pendant qu’on travaillait avec David sur l’illustration des Carnets de Voyage de Contributopia, on le tannait gentiment pour qu’il ouvre sa boutique… Aviez-vous remarqué que la carte s’arrange de trois manières différentes suivant la largeur de votre écran ? Imaginez comment ce serait cool d’avoir quatre impressions à arranger comme on veut dans son salon !

Car en plus d’accepter de nous faire de telles prestations et de publier régulièrement de nouveaux épisodes de son webcomic Pepper & Carrot, David contribue à des projets libres ! Par exemple, très récemment, il a offert une mascotte au logiciel PeerTube ! Celle là, on la verrait bien sur des t-shirts, chaussettes et autres sweats à capuche !

On aurait dans l’idée de l’appeler « Sepia », c’est aussi le mot qui a donné « seiche » en latin… Cliquez sur l’image pour la retrouver dans la boutique de David !

 

 

La boutique de David Revoy est ouverte !

Et voilà que fin septembre, David ouvre sa boutique, il l’annonce sur son blog. Faut avouer qu’on l’a pas vu passer : on avait le nez dans le guidon, à préparer l’annonce des Carnets de Voyages de Contributopia et la bêta de Mobilizon.

Alors comme il est jamais trop tard pour bien faire, on s’est dit qu’on allait en parler maintenant !

Cliquez sur les objets pour aller vers la boutique de David…

David a créé sur sa boutique une section spéciale Contributopia, où on trouve aussi une illustration pour déclarer son amour au collectif C.H.A.T.O.N.S. !

Cliquez sur l’image pour voir les produits disponibles avec cette illustration.

 

Entre les rencontres geeko-libristes qui approchent et les fêtes de fin d’années où on manque toujours d’idées de cadeaux, on s’est dit que c’était le moment ou jamais de soutenir cet artiste libriste par un achat utile et beau… Alors voilà, si ça vous tente c’est le moment, et si vous êtes pas très objets de consommation, sachez qu’il accepte aussi les dons !

De la difficulté de prendre un selfie de son t-shirt, ou l’empathie du libriste pour les membres d’Instagram.
(cliquez sur l’image pour trouver ce T-shirt)

Bénévalibre : libérez vos bénévoles de la #StartupNation

jeudi 31 octobre 2019 à 08:24

Vous êtes bénévole dans une association ? Alors sachez qu’un tout nouveau logiciel libre peut vous aider à mieux valoriser votre engagement bénévole.

Cet article fait partie des « Carnets de voyage de Contributopia ». D’octobre à décembre 2019, nous y ferons le bilan des nombreuses actions que nous menons, lesquelles sont financées par vos dons (qui peuvent donner lieu à une réduction d’impôts pour les contribuables français). Si vous le pouvez, pensez à nous soutenir.

 

Information préalable : cet article est plus long que la moyenne des articles du Framablog, et pas nécessairement hyper-funky. D’une part parce que nous souhaitions exposer le contexte réglementaire et politique de la valorisation du bénévolat (ce qui ne peut pas se faire en trois paragraphes), et d’autre part parce que nous avons souhaité donner la parole dans une seconde partie de l’article à la personne qui a été la clé de voûte de la réalisation du logiciel. Pour vous aider, nous vous proposons un résumé des points principaux tout en bas de cette page.

 

La valorisation du bénévolat, c’est quoi ?

L’indispensable Wikipédia nous rappelle que :

Le bénévolat est une activité non rétribuée et librement choisie qui s’exerce en général au sein d’une institution sans but lucratif (ISBL) : association, ONG, syndicat ou structure publique.

En France, le nombre de bénévoles serait compris entre 12 et 14 millions, soit un français sur quatre, pour 1 300 000 associations et 21,6 millions d’adhérents.

Or, le bénévolat est peu visible dans la société actuelle. Cela peut par exemple poser problème lorsqu’une association demande une subvention : le financeur peut (légitimement ?) se demander s’il ne finance pas une « coquille vide ». Le fait de pouvoir compter les heures passées par les bénévoles sur une action, et éventuellement de leur attribuer une valeur financière, permet alors à l’association de montrer que son activité bénévole a une valeur conséquente, qu’elle pourra faire valoir dans sa demande de subvention.

Par exemple, si l’association peut attester de 2 000 heures de bénévolat annuel, elle peut plus facilement justifier l’intérêt d’un soutien financier important qu’une association attestant de 20 heures de bénévolat annuel. Évidemment, l’objet social de l’association et le projet porté restent primordiaux, mais cette évaluation quantifiable est un critère qui peut faciliter la compréhension du fonctionnement du projet associatif.

Ainsi, le « Guide du bénévolat » liste de nombreuses raisons pour une association de valoriser son bénévolat (lire p. 22), que le site Associathèque résume ainsi :

cliquez sur l’image pour découvrir la « base de connaissances associatives » du site Associathèque.

Mais pourquoi valoriser le bénévolat aujourd’hui ?

Nous ne choquerons sans doute pas grand monde en affirmant que les États sont gérés de plus en plus comme des entreprises. Nos dirigeant⋅es ont adopté un « esprit comptable » où chaque élément doit pouvoir être comptabilisé, pour être justifié, quantifié statistiquement, ou comparé à d’autres.
Ce n’est pas le monde que nous souhaitons, mais c’est celui que nous avons (et que nous combattons).

Or, il se trouve que la législation a évolué. Et — là non plus ça n’étonnera pas grand monde — pas forcément dans le bon sens. Sortons un peu du cadre des sujets classiques du Framablog pour vous expliquer ça.

Ainsi, la « Loi Travail » (dite aussi « Loi El Khomri ») de 2016 précise — parmi plein d’autres choses — le contenu du Compte Personnel d’Activité (CPA). Il comprendra à la fois le Compte Personnel de Formation (CPF), le compte pénibilité ainsi qu’un futur Compte d’Engagement Citoyen (CEC) qui permettra de bénéficier d’heures de formation en cas de volontariat ou de bénévolat, notamment pour les fonctions de direction d’association ou d’encadrement de bénévoles.

En gros, dans le principe, un⋅e bénévole peut si c’est son souhait, déclarer sur le site gouvernemental www.moncompteactivite.gouv.fr X heures de bénévolat (validées par un⋅e responsable de l’association). Et ces X heures pourront ouvrir droit à Y heures de formation.

Sur le papier, évidemment, l’idée parait belle : « Il faut « récompenser » le bénévolat et l’engagement citoyen ! ». Sauf que l’enfer est pavé de bonnes intentions, et que le diable se cache ici dans des détails parfois grossiers.

Pour rappel, la loi travail, c’est celle qui a déclenché les témoignages et protestations #OnVautMieuxQueÇa, puis les Nuits Debout… (image piquée aux ami·es de MrMondialisation)

Quels problèmes posent la valorisation du bénévolat ?

Cette valorisation pose des problèmes « techniques » : comment valoriser le bénévolat ? Avec quel(s) outil(s) ? A quels taux horaires ? Comment en garder trace dans le temps ? Comment « motiver » les bénévoles à saisir leur bénévolat valorisé ? etc.
Nous reviendrons sur certains de ces points par la suite.

Mais valoriser le bénévolat pose avant tout des problèmes politiques.

En effet, comment valoriser l’heure d’un⋅e bénévole servant une soupe aux Restos du Cœur ? Cette heure vaut-elle plus ou moins que celle d’un⋅e bénévole ayant participé à l’organisation d’une manifestation sportive ? Ou à celle d’une personne ayant participé à la mise en place d’un lombricomposteur de quartier ?

Plus généralement, cela pose le problème de la valeur d’une action bénévole, et celui de la marchandisation de la société, y compris paradoxalement dans ce qui est aujourd’hui considéré comme les secteurs non-marchands, comme l’éducation ou la vie associative.

Autant vous le dire, à Framasoft, on est pas vraiment fans de l’idée de mettre un coût ou un prix à toutes choses, y compris à l’idée de quantifier l’heure d’une traduction Framalang, la tenue d’un stand, l’organisation d’un Contribatelier, etc. Pour nous, ces actions sont hors valeur, ce qui ne signifie pas sans valeur. Les motivations des bénévoles (à Framasoft comme dans l’immense majorité des associations) est avant tout de pouvoir prendre part à un projet commun, de pouvoir acquérir ou partager son expérience, ou de pouvoir mettre du sens dans un monde qui semble en avoir de moins en moins.

Il faut faire pivoter le site des Contribateliers pour propal une UX centrée end-user mais hyper-disruptive, ASAP.

 

Reprenons ci-dessous un peu plus en détail ce qui nous semble être les principaux problèmes de cette valorisation.

1. Le problème de la marchandisation

D’abord, il y a l’idée déjà évoquée ci-dessus de « marchandiser » le bénévolat en obligeant à comptabiliser des heures qui relèvent du don à la société. C’est une vision très comptable, qui facilite comme on l’a dit la quantification et la qualification d’une activité bénévole, mais qui du coup donne une valeur chiffrée à ce qui ne peut être quantifié. Par exemple, qui peut dire combien vaut une heure de bénévolat pour Emmaüs ? Ou une formation informatique à une association d’aide aux migrants ? On peut bien évidemment tricher en regardant les tarifs d’activités équivalentes qui se pratiquent sur le marché. Sauf que justement il s’agit ici d’activités hors marché.

Ensuite, en dehors même de la question du coût d’une heure de bénévolat, demeure le problème de l’évaluation. Car qui dit évaluation dit contrôle. Et là aussi, on pressent qu’il peut y avoir des frictions : si Camille déclare avoir passé 10 heures à domicile sur la préparation de l’Assemblée Générale, qui pourra contrôler cette affirmation ? Et que faire des cas où il est bien difficile de connaître les heures précises de début et de fin d’une action bénévole ?

On se trouve donc face à un risque pas du tout anodin non seulement de considérer le bénévolat comme une forme d’emploi (ce qu’il n’est pas), mais en plus de devoir jauger la valeur d’actions bénévoles sur des échelles monétaires, ce qui ne serait pas sans rappeler l’idée d’un salaire.

Il s’agit donc d’un problème politique, éthique et philosophique : tout peut-il être « valorisé » ? Par qui ? Sur quels critères ?

2. Le problème de la surveillance étatique

Un second problème, toujours politique, est celui du contexte actuel du rétrécissement de l’espace démocratique dans la société civile. Dit autrement, les associations sont aujourd’hui de plus en plus facilement réprimées par le pouvoir en place, lorsqu’elles expriment des désaccords avec ce dernier. Il s’agit d’un mouvement international (quasiment tous les pays sont concernés) qui se traduit par des formes de répressions très diverses (procès bâillon, violences policières, baisse de subventions, etc.)

Dans ce cadre, l’idée de confier à des gouvernements des informations qui peuvent être qualifiées de sensibles peut sembler un comportement à risque.

Imaginons que vous donniez deux heures de votre temps chaque semaine pour encadrer une équipe de bénévoles qui enseigne le français à des migrant⋅es. Comment s’assurer que ces informations ne pourront pas être utilisées contre vous à terme ?

Évidemment, aujourd’hui, on peut discuter du bien fondé (ou pas) de cette crainte. Mais « le numérique n’oublie jamais », et il ne parait pas certain que l’État ait besoin de garder trace de vos activités militantes.

3. Le problème de l’aliénation à l’outil

Il ne fait aucun doute que face à la demande que va créer la mise en œuvre du Compte Engagement Citoyen, de nombreuses entreprises et start-ups vont proposer une offre logicielle pour ordinateurs et smartphones visant à « simplifier ce fastidieux travail de collecte »©.

Lawrence Lessig, CC-By Lessig 2016

Le professeur de Droit Lawrence Lessig écrivait, en 2010, que « Le code, c’est la loi » : c’est-à-dire, pour résumer, que la régulation des comportements passait plus par l’architecture technique des plateformes que par les normes juridiques.

Ce régulateur, c’est le code : le logiciel et le matériel qui font du cyberespace ce qu’il est. Ce code, ou cette architecture, définit la manière dont nous vivons le cyberespace. Il détermine s’il est facile ou non de protéger sa vie privée, ou de censurer la parole. Il détermine si l’accès à l’information est global ou sectorisé. Il a un impact sur qui peut voir quoi, ou sur ce qui est surveillé. Lorsqu’on commence à comprendre la nature de ce code, on se rend compte que, d’une myriade de manières, le code du cyberespace régule.

Là encore, on peut comprendre que cela pose un problème politique dans le cadre d’un logiciel gérant le bénévolat valorisé des membres d’une association. Celles et ceux qui vont concevoir le logiciel vont gérer la façon dont les données de l’association seront collectées, stockées, transformées, ou transmises. L’utilisatrice ou l’utilisateur perdant alors la main sur la gestion de ces données, il ou elle se retrouve impuissant face au traitement qui en sera fait.

Il s’agit donc de redonner de la « puissance d’agir » à la société civile, en lui permettant de concevoir et d’obtenir un outil qui corresponde à des besoins (et non à un marché). Un outil qui permette de reprendre le contrôle sur le code (et donc sur les données). Un outil qui pourrait être qualifié de « convivial » au sens d’Ivan Illich, c’est-à-dire un outil qui ne placerait pas ses utilisateur⋅ices en situation de soumission.

Or, à notre sens, seul le logiciel libre est en capacité de libérer cette puissance d’agir. Un logiciel libre qui transmettrait ses données à l’État n’empêchera pas ce dernier de les utiliser, une fois transmises, à mauvais escient. Mais d’une part un logiciel libre nous donne la capacité de savoir quelles sont les informations transmises, à quels moments, et à quels destinataires (et donc de contrôler lesdites informations en amont) ; d’autre part, une association peut très bien utiliser ce logiciel libre sans faire aucune transmission à l’État, laissant le choix aux membres de l’association de reporter individuellement la valorisation de ce bénévolat.

 

La naissance de Bénévalibre

Conscient de ces enjeux, et pas très enclin à laisser la #startupnation occuper ce terrain sensible, un groupe de réflexion de diverses associations s’est réuni à plusieurs reprises pour discuter du bien fondé (ou pas) de créer un logiciel libre de valorisation du bénévolat.

Débutés en 2016, à l’initiative de l’April (notamment son groupe LibreAssociation) et de Framasoft, ces travaux ont abouti le 15 septembre 2019 par la publication de la version 1.0 du logiciel Bénévalibre.

Il aura donc fallu plusieurs années, mais cela se justifie notamment par le fait que la volonté était de mettre autour de la table un grand nombre d’acteurs associatifs (notamment les principales « têtes de réseau »), ainsi que des fondations et des chercheurs, pour garantir une démarche collective et partagée (oui, ça prend du temps de convaincre, associer, faire ensemble). Cela ne fut déjà pas une mince affaire !

Par ailleurs, nos activités associatives respectives ne nous permettaient de travailler sur ce projet qu’en pointillés (Framasoft était alors en pleine campagne « Dégooglisons Internet »).

Enfin, il demeurait une question cruciale : « qui va payer le développement ? ». En effet, réaliser un tel logiciel allait prendre de nombreuses heures de développement, et comme nous n’avions pas la possibilité de le réaliser bénévolement, il fallait bien trouver des financements pour passer d’un cahier des charges à un logiciel utilisable.

Aujourd’hui, Bénévalibre existe. C’est un logiciel libre, les sources sont accessibles, téléchargeables, adaptables. Vous pouvez l’utiliser sur benevalibre.org (instance gérée par CLISS XXI, la société coopérative qui l’a développée), ou — si vous en avez les compétences — l’installer sur votre propre serveur, pour votre association (ou vos associations, puisque Bénévalibre permet de gérer de multiples organisations).

Cliquez sur l’image pour aller voir le site officiel de Bénévalibre

 

Sa réalisation aura été le fruit d’un travail entre de multiples acteurs. Et ce logiciel, si vous le décidez, pourrait s’intégrer à terme avec des logiciels de gestion d’associations plus complets (tel que Garradin ou Galette, par exemple).

Mais son point fort (en dehors d’être libre et décentralisable), c’est que Bénévalibre vous donne le choix !

Comme l’exprime très bien Lionel Prouteau, le chercheur nous ayant accompagné sur ce projet, dans l’introduction de la plaquette de présentation du logiciel :

Bénévalibre n’a pas un caractère prescriptif. Il n’assigne pas un mode de valorisation particulier. Il permet d’enregistrer le temps que les bénévoles consacrent à leurs activités associatives mais laisse à l’entière discrétion des acteurs (associations et bénévoles) le soin de choisir par eux-mêmes les voies les plus pertinentes pour valoriser ce temps. Les utilisateurs peuvent opter pour l’attribution d’une valeur monétaire à ce temps bénévole[…]. Mais les utilisateurs de Bénévalibre gardent l’entière liberté d’exprimer leur méfiance, voire leur hostilité, à l’égard de cette monétarisation de la valorisation du bénévolat au motif qu’elle enferme ce comportement dans une vision trop exclusivement économique et en masque la dimension d’engagement. Ils pourront en conséquence adopter d’autres modes de valorisation.

Outil d’usage simple, s’inscrivant dans une optique de fonctionnement collaboratif et décentralisé, Bénévalibre est un logiciel soucieux de préserver le pouvoir des acteurs associatifs. En d’autres termes, Bénévalibre a pour vocation d’être instrumentalisé par les acteurs et non de les instrumentaliser.

Comme ce logiciel n’aurait pas pu voir le jour sans la persévérance de Laurent Costy, nous avons décidé de l’interviewer.

 

Interview de Laurent Costy, directeur adjoint de la FFMJC et administrateur de l’April

1. Peux-tu te présenter rapidement ?

En fait, je viens du passé. Je vais vous révéler deux secrets que je vous demande de garder pour vous parce que si ça se sait, je perds ma place et ça risque de mettre le brol trop vite dans ce monde qui n’a pas besoin de ça au regard de ce que l’on découvre tous les jours aux informations.

Le premier secret, c’est que je suis un chevalier de la table ronde en mission. Mon nom de chevalerie est Provençal le Gaulois. Oui, je sais, là, vous vous dites que je devrais être mort depuis longtemps mais c’est lié au deuxième secret, le plus sensible.

Attentiooooooon, révélatioooooooon. Le Graal n’était pas du tout la timbale en plastique avec un pied forgé du même métal : c’était en fait une machine à voyager dans le temps avec l’injonction de la civilisation importatrice de la technologie de l’utiliser pour tenter d’infléchir le futur pour sauver la terre (oui, je sais, ça ne vous émeut point car vous regardez tous les jours des films de super héros qui sauvent la planète cinq fois par jour mais moi, à l’époque, je me suis quand même senti investi d’une mission). Au passage, secret-bonus mais vous l’aviez déduit vous-même : Dieu n’existe donc pas. Soyez quand même prudent dans la diffusion de cette information, c’est entre nous.

Bref, après la rapide formation que l’on a reçue, on a compris qu’une des voies de réussite, c’était d’encourager le commun, la collaboration et le faire ensemble (oui, je sais, c’est aussi des trucs que vous entendez tous les jours dans les discours politiques et vous n’y croyez plus vraiment ; mais vous devriez). Pour être franc, si le monde continue sur ces logiques individualistes, il y a peu de chances que nous réussissions notre mission, nous les chevaliers de la table ronde. Et si vous ne le faites pas pour vous, faites-le au moins pour nous.

« Provençal le Gaulois ébaubissant la libraire libriste durant les Geek Faeries »
CC-By-SA Luc Fievet pour l’April

2. Tu as été l’un des principaux moteurs du projet Bénévalibre, pourquoi ?

Deux motivations principales ont été à l’origine du projet. La première était bien sûr de répondre à un besoin d’un grand nombre d’associations ; besoin renforcé par la réglementation qui s’affine sur cette question de la valorisation du bénévolat. Ce besoin s’est révélé au fil du temps au fur et à mesure des rencontres avec les associations que je pouvais croiser dans le cadre de mon « métier de couverture » à la FFMJC et dans le cadre des travaux du groupe de travail Libre Association de l’April. La seconde motivation était de faire sens commun et de mettre autour de la table des acteurs qui n’avaient pas forcément l’habitude de travailler ensemble mais dont les compétences et connaissances complémentaires apportaient quelques garanties pour la réussite du projet. Sur ce point en particulier, cela a permis de resserrer les liens entre les membres du Crajep de Bourgogne-Franche-Comté (Comité Régional des Associations de Jeunesse et d’Éducation Populaire ; comité à l’origine du projet) et de rendre concret la capacité à agir ensemble là où les sujets habituellement traités (contributions sur les politiques régionales jeunesse, plaidoyer, etc.) sont plus complexes à valoriser et quantifier.

Je précise que, dans la formation accélérée que nous, les chevaliers de la table ronde, avons eu avec la machine à remonter le temps, je n’ai pas reçu de compétences en informatique (si ce n’est comprendre l’importance du logiciel libre pour contribuer aux communs). Il a donc fallu à la fois réunir des futurs utilisateurs et utilisatrices de Bénévalibre (les membres du Crajep étaient assez représentatifs) mais aussi des financeurs et des compétences techniques.

3. Bénévalibre est un projet aux multiples partenaires : quels ont été leurs rôles ? Comment s’est passé la coopération ?

Tout d’abord, la structure motrice à l’initiative du projet : le Crajep Bourgogne-Franche-Comté. Pour la déclinaison de l’acronyme, voir précédemment (nous, à l’époque, on abusait des enluminures mais vous, vous semblez nourrir une passion pour les acronymes. À quand les acronymes enluminurés ?). À noter quand même que ce collectif qui réunit mouvements et fédérations d’éducation populaire est lui-même en lien avec des structures telles le Mouvement Associatif régional ou, dans une moindre mesure, la CRESS. C’est donc bien le Crajep qui a permis de consolider un comité de pilotage au sein duquel on pouvait trouver alors le premier financeur : le Conseil Régional de Bourgogne-Franche-Comté, partenaire constant de ce comité pour appuyer à travers lui les fédérations et mouvements d’éducation populaire à l’échelle régionale.

L’autre partenaire financier qui a accordé sa confiance très vite fin 2018 (avec quand même la constitution d’un dossier conséquent en bonnet difforme) mais qui n’a pas souhaité faire partie du comité de pilotage, a été la Fondation du Crédit Coopératif. La fondation a néanmoins complété son appui à la fin du projet par son expertise en communication et par la mise en lien avec de nombreux réseaux potentiellement intéressés.

Par ailleurs, pour garantir la volonté du comité de pilotage de développer un logiciel libre (et par ailleurs gratuit à l’usage), les associations April et Framasoft ont été sollicitées pour être membres ; ce que ces deux associations ont accepté.

Enfin, il fallait évidemment la compétence informatique pour le développement du logiciel en lui-même : pour être cohérent avec l’esprit du projet, le choix d’une SCIC (Syndicat de Chevalerie Inter …ah non, pardon. Société Coopérative d’Intérêt collectif) a été opéré : CLISS XXI. On notera aussi que, pour éviter de raconter n’importe quoi sur le bénévolat, un chercheur spécialiste de cette question était membre lui aussi du comité.

4. Aujourd’hui, où en est Bénévalibre ?

« Non mais finalement on met pas les casques, on a dit. »
CC-By-SA Luc Fievet pour l’April

Après une première présentation avant l’été sans communication particulière et pour laquelle nous avons été surpris du nombre d’associations intéressées, la version 1 est sortie officiellement mi-septembre : c’était vraiment une bonne chose que d’avoir tenu le calendrier car il est parfois reproché à l’éducation populaire d’être laxiste sur la gestion des délais des projets. Ça fait sérieux ! Et le sérieux, entre deux quêtes rigolotes à la table ronde, c’est important.

Donc, pour l’instant, l’idée est de regarder comment les associations s’approprient l’outil et de voir les retours d’usages et de bugs qu’il peut y avoir. Un forum a même été mis en place récemment rien que pour ça : forum.benevalibre.org. N’hésitez pas !

Tous les retours qu’il y aura viendront compléter des fonctionnalités qui ont, pour l’instant, été mises de côté pour la version 1 sur l’argument de la nécessité d’avoir dans un premier temps l’outil le plus simple possible d’accès.

5. Et demain ? Quels sont les développements envisageables ? Et que faudrait-il pour qu’ils se réalisent ?

Très tôt, le comité de pilotage s’est posé la question des suites. Des fonctionnalités pourraient potentiellement, sous réserve de financements à trouver, être ajoutées pour une version 2. Néanmoins, il sera important de rester sur un outil dont la cible est d’abord les (très) petites associations. En effet, le comité de pilotage du projet souhaite éviter de rentrer en concurrence avec des solutions libres qui existent déjà au sein d’outils plus complets pensés pour une gestion plus globale d’associations.

Une autre idée du comité serait de se jeter à corps perdu dans le développement d’un logiciel/service de paye libre pour proposer une alternative aux solutions propriétaires qui sont en position dominante et qui imposent leurs modes de fonctionnements et leurs mises à jours aux associations. Ce projet est néanmoins d’une autre échelle que celle de Bénévalibre. Ce n’est pas un créneau facilement accessible : gare à l’huile bouillante en haut de cette échelle le cas échéant.

6. Quelque chose à ajouter ?

Franchement, entre nous, c’est quand même super cool quand un projet fait en commun, pour l’intérêt général, finit par aboutir. Je vous le recommande. C’est presque un peu comme trouver le Graal.

Comme le voyage dans le temps d’ailleurs : c’est vraiment génial. Désolé, je ne peux malheureusement pas vous en faire profiter. De même, j’ai des infos sur le futur mais je n’ai pas le droit de vous les donner. C’est ballot. Allez, tant pis, parce que c’est vous et que vous avez lu jusque là, je me prendrai un blâme mais sachez qu’en 2020, au moins un chaton proposera une autre instance de Bénévalibre. C’est une bonne chose : ça va dans le bon sens de la décentralisation d’Internet !

Bon courage, je file réparer ma cotte de mailles et surtout, souvenez-vous, comme le dit un collègue : « Hacker vaillant, rien d’impossible ». Ou un truc comme ça, je ne sais plus.

Un résumé court, succinct et néanmoins bref de cet article :

 

Rendez-vous sur la page des Carnets de Contributopia pour y découvrir d’autres articles, d’autres actions que nous avons menées grâce à vos dons. Si ce que vous venez de lire vous plaît, pensez à soutenir notre association, qui ne vit que par vos dons. Framasoft étant reconnue d’intérêt général, un don de 100 € d’un contribuable français reviendra, après déduction, à 34 €.

Soutenir Framasoft

Illustration d’entête : CC-By David Revoy