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Identifions les acteurs et actrices de l’accompagnement numérique libre

mardi 29 octobre 2019 à 08:56

Chez Framasoft, nous souhaitons recenser les différent⋅es acteurs et actrices ayant des pratiques d’accompagnement au numérique libre. Pour cela, nous vous invitons à répondre à un petit questionnaire avant le 20 décembre 2019.

Le numérique attire de plus en plus de monde
En lançant fin 2017 la campagne Contributopia, nous partagions avec vous le constat que trouver le service web libre et éthique qui correspond à ses usages demande de nombreuses connaissances et reste difficile d’accès aux personnes les moins à l’aise avec l’outil numérique. À ce jour, il nous semble toujours pertinent de rappeler que le principal objet de l’association Framasoft est l’éducation populaire aux enjeux du numérique.

Depuis plusieurs années Framasoft reçoit de nombreuses sollicitations pour animer des conférences, des ateliers ou des formations. Ces demandes proviennent d’organisations ou d’individus aux profils variés et portent principalement sur les enjeux du numérique, la place des géants du web dans l’écosystème numérique, le capitalisme de surveillance, les services alternatifs à ceux proposés par les GAFAM, les logiciels libres, la culture libre et les outils collaboratifs.

Essayons de recenser les acteur⋅ices du numérique
Framasoft étant une petite structure (35 membres dont 9 salarié⋅es), il nous est souvent difficile de répondre positivement à ces invitations. C’est parce que nous trouvons frustrant de ne pas avoir les moyens de davantage accompagner celles et ceux qui émettent ces besoins, que nous lançons aujourd’hui ce questionnaire. Celui-ci va nous permettre d’identifier les différent⋅es acteur⋅ices (bénévoles et professionnel⋅les) ayant déjà des pratiques d’accompagnement sur ces thématiques.

Ce questionnaire s’adresse donc à toute personne, structure ou organisation ayant déjà des pratiques d’accompagnement au numérique libre. Que ce soit l’adhérent·e d’un GULL à titre bénévole, un⋅e médiateur⋅ice numérique, un⋅e formateur⋅ice indépendant⋅e ou un⋅e salarié⋅e d’un organisme de formation, toutes ces personnes sont légitimes à répondre à ce questionnaire. Nous vous demandons seulement de ne pas répondre à ce questionnaire pour une structure si vous n’en faites pas vous-même partie. Cependant, si vous connaissez une personne, structure ou organisation de ce type, n’hésitez pas à lui transmettre le lien.

Les informations demandées portent à la fois sur les personnes ou les organisations (types d’interventions, forme juridique…) et sur les modalités de ces interventions (sujets, zones géographiques, public visé…).

Cliquez sur l’image pour accéder au formulaire

Un questionnaire pour un document libre
Les informations récoltées seront diffusées sous la forme d’un jeu de données brutes anonymisées sous licence libre qui pourra être téléchargé depuis le framablog. Cette mise à disposition permettra leur réutilisation par tous, que ce soit pour les analyser ou les diffuser sous une autre forme.

De plus, les résultats de ce questionnaire seront compilés dans un document synthétique qui sera diffusé au format PDF sous licence libre. Ce document s’articulera en deux parties :

Nous savons par avance que cette liste d’acteur⋅ices ne sera pas exhaustive. Mais nous espérons qu’elle pourra être un point de départ pour nous ou pour toute autre personne ou structure souhaitant utiliser ces données. Elle pourra aussi compléter des listes préexistantes d’autres structures, car à notre connaissance aucune tentative d’inventaire n’existe sur le libre en particulier dans les structures d’accompagnement (si vous en connaissez, n’hésitez pas à les partager en commentaire).

En diffusant ce document, nous pourrons ainsi réorienter les demandes que nous recevons vers d’autres acteur⋅ices de la médiation numérique. Nous comptons donc sur vous pour partager massivement ce questionnaire au sein de vos communautés afin que le plus grand nombre d’acteur⋅ices puissent être recensé⋅es. C’est à vous !

 

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Vers une société contributive de pair à pair – 3

lundi 28 octobre 2019 à 11:42

Et si le pair-à-pair devenait le modèle et le moteur d’une nouvelle organisation sociale ? – Troisième volet de la réflexion de Michel Bauwens (si vous avez raté le début, c’est par ici).

Source : Blueprint for P2P Society par Michel Bauwens

Traduction Framalang : Fabrice, goofy, jums, Delaforest, mo, avec l’aimable contribution de Maïa Dereva.

4. Vers un État partenaire

Pouvons-nous alors imaginer une nouvelle sorte d’état ? C’est là qu’entre en scène le concept d’État Partenaire ! L’État Partenaire, théorisé par le scientifique et politique italien Cosma Orsi1, est une forme d’état qui permet et renforce la création de valeur sociale par ses citoyens. Il protège l’infrastructure de coopération qui est le pilier de la société.

L’État Partenaire peut exister à n’importe quel niveau territorial comme un ensemble d’institutions qui protège le bien commun et permet aux citoyens de créer de la valeur. Il reproduit sur une échelle territoriale ce que les institutions à but lucratif font à l’échelle d’un projet. Pendant que les associations à but lucratif travaillent pour les commoners en tant que contributeurs et participants à des projets précis, l’État Partenaire travaille pour les citoyens.

Ceci est nécessaire car, tout comme la « main invisible » du marché est un mythe, la main invisible des communs l’est tout autant. Les commoners ont tendance à se sentir concernés par leurs communs, mais non pas par la société dans sa globalité. Cette considération spécifique de la totalité requiert son propre ensemble spécifique d’institutions !

La bonne nouvelle, c’est qu’un tel État Partenaire existe déjà, et nous avons pu le voir en action, au moins sous une forme embryonnaire et locale. Il y a quelques années, j’ai pu visiter la ville française de Brest. Brest n’est pas une belle ville, mais elle se situe dans une région naturelle magnifique. Elle a été bombardée lors de la Seconde guerre mondiale et de nombreux logements sociaux, peu attrayants, ont été construits conduisant à une anomie sociale. Michel Briand, adjoint au maire, ainsi que son équipe d’employés municipaux ont eu une idée brillante : pourquoi ne pas utiliser le virtuel pour améliorer la vie sociale réelle au sein de la ville ?

L’équipe a créé des versions locales de Facebook, YouTube et Flickr, a aidé les associations locales à développer leur présence en ligne, a investi énormément dans la formation et a même construit une vraie bibliothèque où les citoyens pouvaient emprunter du matériel de production. L’un de leur projet a été de redynamiser les vieux « sentiers des douaniers » dans le but d’attirer des foules de randonneurs. Ils ont alors décidé « d’enrichir virtuellement » les chemins de randonnée.

Et c’est ici que l’innovation sociale entre en jeu : le conseil municipal n’a pas effectué cela en se substituant lui-même à l’ensemble des citoyens (à la manière de l’état pourvoyeur), ni en demandant au secteur privé de mener ce projet à bien (privatisation ou partenariat public-privé). Ce qu’il a fait, c’est donner aux équipes locales de citoyens les moyens de créer de la valeur ajoutée.

Cela s’est fait sous différentes formes comme la création de galeries de photos de monuments remarquables, des collections d’histoires orales, et bien d’autres choses. Même « l’enregistrement des chants d’oiseaux » était au programme ! L’État Partenaire c’est cela, à savoir des autorités publiques qui créent le bon environnement et la bonne infrastructure de soutien pour que les citoyens puissent produire, entre pairs, de la valeur dont toute la société bénéficie.

L’État Partenaire stimule une économie locale prospère tout comme des entrepreneurs locaux créent une valeur ajoutée sur le marché et attirent plus de touristes. Michel Briand et son équipe ont travaillé sans relâche « pour le bénéfice des citoyens », améliorant leur capacité à créer de la valeur civique. Évidemment, la connaissance et la culture créées ont constitué des communs dynamiques. Si nous élargissons cela à une échelle nationale voire supra-nationale, nous obtenons un État qui pratique « les biens communs », c’est-à-dire qui promeut les communs et les commoners créateurs de valeur.

Il existe bien sûr d’autres exemples qui méritent d’être mentionnés. La région autrichienne de Linz s’est elle-même déclarée région de biens communs. La ville de Naples a créé la fonction d’« assistant du maire pour les biens communs », et San Francisco a créé un groupe de travail afin de promouvoir l’économie collaborative.

Cependant un danger guette ici, illustré par le programme Big Society au Royaume-Uni qui utilise un langage superficiel similaire d’autonomie et d’action civiques, mais cache une pratique complètement différente, c’est-à-dire qui repose sur une stratégie de continuation de l’affaiblissement de l’État-providence et de ce à quoi il pourvoit. Un État Partenaire ne peut pas se fonder sur la destruction de l’infrastructure publique de coopération.

Cela n’a sûrement pas été l’intention première de Philipp Blond et de sa société orientée vers la société civile dans son livre Red Tory, mais ce fut certainement ce que le gouvernement de David Cameron a mis en pratique avec la Big Society. La production entre pairs d’une valeur commune requiert une richesse civique ainsi que des institutions civiques puissantes ! Autrement dit, le concept d’État partenaire transcende et inclut le meilleur de l’État providence, c’est-à-dire des mécanismes de solidarité sociale, un niveau élevé d’éducation et une vie culturelle dynamique et soutenue par le public.

Ce que les conservateurs britanniques ont fait, c’est d’utiliser la rhétorique de la Big Society pour tenter d’affaiblir davantage les vestiges de la solidarité sociale et de renvoyer les gens à leur propre sort sans aucun soutien. Ce qui ne leur donnait ni pouvoir ni valorisation, mais plutôt l’inverse.

Alors que la production entre pairs apparaîtra aussi et sans aucun doute comme un moteur de résilience en période de crise, une société réellement prospère fondée sur le bien commun nécessite un État partenaire, c’est-à-dire un réseau d’institutions démocratiques d’utilité publique, qui protège le bien commun à l’échelle territoriale.

5. Une crise des valeurs de l’économie capitaliste

La production entre pairs existe en relation avec une coalition entrepreneuriale qui crée de la valeur marchande en plus des communs. Cependant, la croissance exponentielle dans la création de valeur utilisateur par des publics productifs, ou produsers comme Axel Bruns les appelle, n’est pas sans créer des problèmes et des contradictions pour l’économie politique actuelle.

En fait, cela crée un énorme problème pour le système capitaliste, mais aussi pour les travailleurs, au sens traditionnel du terme, parce que les marchés sont définis comme une manière d’allouer des ressources rares. De plus, le capitalisme n’est pas seulement un système d’allocation de la rareté mais en réalité un système de conception de cette rareté. Il ne peut accumuler du capital qu’en reproduisant et augmentant constamment les conditions de rareté. Là où il n’y a pas de tension entre l’offre et la demande, il ne peut y avoir de marché ni accumulation de capital.

Ce que les producteurs entre pairs font, pour le moment principalement dans la sphère immatérielle de production de connaissances, de logiciel et de conception, c’est créer une abondance d’informations facilement reproductibles et un savoir exploitable, qui ne peuvent pas être directement traduits en valeur marchande, car ils ne sont pas du tout rares, mais au contraire, surabondants. Et cette activité est créée par des professionnels de la connaissance, qui sont maintenant produits si massivement, que leur surnombre les transforme aussi en travailleurs précaires.

D’où un exode accru des capacités de production, sous la forme d’une production de valeur à usage direct, en dehors du système de monétisation existant, qui n’opère qu’en marge de celui-ci. Dans le passé, lorsque de tels exodes ont eu lieu – les esclaves lors de la décadence de l’Empire romain, ou les serfs lors du déclin du Moyen Âge – c’est précisément à ce moment que les conditions étaient réunies pour des transitions sociétales et économiques de grande ampleur mais aussi fondamentales.

En effet, sans une dépendance de base du capital, des marchandises et du travail, il est difficile d’imaginer une continuation du système capitaliste.

Le problème de la création de valeur d’usage que la collaboration sur Internet a permise, c’est qu’elle contourne complètement ce fonctionnement normal. Le fonctionnement normal de notre système économique voudrait qu’un accroissement de la productivité soit d’une manière ou d’une autre récompensé, et que ces récompenses permettent aux consommateurs d’en dégager un revenu et d’acheter des produits.

Mais ce n’est plus le cas. Les utilisateurs de Facebook et de Google créent une valeur commerciale pour leurs plateformes, mais uniquement sous une forme indirecte et ils ne sont pas du tout récompensés pour la création de leur propre valeur. Comme ce qu’ils créent n’est pas marchandisé sur le marché des biens rares, il n’y a pas retour sur investissement pour ces créateurs de valeur. Ce qui veut dire que les médias sociaux mettent en lumière une faille importante de notre système.

L’actuelle soi-disant économie de la connaissance est par conséquent une imposture et une chimère, car l’abondance de biens ne fonctionne pas correctement dans l’économie de marché. Pour le bien de la précarité croissante qui attend les travailleurs du monde, y a-t-il une solution à ce casse-tête ? Pouvons-nous restaurer la boucle de rétroaction qui a été rompue ?

Un exemple de recherche d’une autre gouvernance, par l’Assemblée des communs francophones, image extraite de ce diaporama.

Khrys’presso du lundi 28 octobre 2019

lundi 28 octobre 2019 à 07:42

Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.

Brave New World

Spécial Chili

Spécial France

Spécial manifs et violences policières

Soutenir

Lundimatin : Chères lectrices, chers lecteurs, nous avons besoin d’argent. De Lubrizol à Paris, il n’y a qu’un don. (lundi.am)

Spécial GAFAM et cie

Le cours d’histoire de la semaine

Les autres lectures de la semaine

Les BDs/graphiques/photos de la semaine

Les vidéos/podcasts de la semaine

Les autres trucs chouettes de la semaine

Deux personnages prennent le café. Le personnage de gauche dit : Décidément, c'est fou, tout ce qu'il se passe en une semaine !- la personne de droite répond : Si tu en veux encore plus, clique sur ma tasse !
Retrouvez les revues de web précédentes dans la catégorie Libre Veille du Framablog.

Les articles, commentaires et autres images qui composent ces « Khrys’presso » n’engagent que moi (Khrys).

Framapétitions est mort, vive Pytition !

vendredi 25 octobre 2019 à 10:20

Dans le cadre de notre campagne « Dégooglisons Internet », nous nous étions engagés à produire, parmi 30 autres services, une alternative aux plateformes de pétition telles que Change ou Avaaz. Cet engagement n’a pas été tenu. Pourquoi ?

Cet article fait partie des « Carnets de voyage de Contributopia ». D’octobre à décembre 2019, nous y ferons le bilan des nombreuses actions que nous menons, lesquelles sont financées par vos dons (qui peuvent donner lieu à une réduction d’impôts pour les contribuables français). Si vous le pouvez, pensez à nous soutenir.

Il était une fois les outils libres de pétitions

Les pétitions sont devenues monnaies courantes sur Internet. On peut en trouver sur à peu près tous les sujets, et elles peuvent être initiées par à peu près n’importe qui.

Évidemment, il pourra nous être opposé que ces pétitions n’ont aucun effet, si ce n’est de (se) donner bonne conscience (« J’ai signé, donc j’ai agi, donc je peux passer à autre chose »). Ou, au contraire, qu’il s’agit d’un outil de mobilisation fort utile permettant de se compter, et de récolter des contacts d’allié⋅es afin de pouvoir s’organiser collectivement. Au fond peu importe, nous faisons le constat que ces outils sont là, et qu’ils sont plébiscités par beaucoup d’internautes.

Le souci, c’est qu’il demeure forcément un flou autour de l’utilisation de nos données (très) personnelles par des plateformes dont le code n’est pas accessible, et qu’on ne peut donc utiliser ou installer pour soi en toute confiance. Ces entreprises peuvent nous jurer, la main sur le cœur, qu’elle ne font pas d’utilisation commerciale de nos données, le fait est qu’elles possèdent des données extrêmement sensibles sur nous (noms, adresses, email, objets de militances, etc.) et que l’histoire nous montre chaque jour à quel point nous devons nous méfier des plateformes (si ce n’est pas le cas, lire notre veille hebdomadaire devrait vous en convaincre rapidement !).

Or, les outils libres de pétitions, qui permettraient de déléguer notre confiance en celles et ceux qui font tourner la plateforme, ne sont pas légion.

On peut citer par exemple l’outil de la Maison Blanche « We The People », dont le code est présent sur Github depuis des années, mais absolument plus maintenu, ce qui pose d’énormes problèmes de sécurité.

Paradoxalement, un des outils les plus solides que nous avions repéré est ce bon vieux SPIP (un logiciel français-oui-monsieur-oui-madame qui a motorisé l’annuaire Framasoft pendant plusieurs années à nos débuts). Cependant, SPIP permettant 1 000 autres choses, son interface de gestion ne nous a pas paru adaptée pour de simples pétitions, et nous avions identifié par ailleurs plusieurs problèmes potentiels dans le cadre d’un usage « multi-organisation ».

Framapétitions dans Contributopia

Framapétitions dans Contributopia (CC-By David Revoy)

Framapétitions : paf, pastèque !

Framapétitions et Framamail resteront les deux engagements non tenus de notre campagne « Dégooglisons Internet ».

Autant pour le Framamail, c’était un choix de notre part (trop coûteux à mettre en place et maintenir, et trop de risque de créer une dépendance à Framasoft), autant pour Framapétitions, il ne manquait pas grand-chose pour y parvenir.

En effet, Framapétitions devait être un « sous produit » de Framaforms, développé par Pierre-Yves Gosset (« pyg » pour les intimes), le directeur et délégué général de Framasoft. Comme ce dernier l’indiquait en 2016

[…] en fait Framaforms servira aussi de « bêta test grandeur nature » à un autre projet « Dégooglisons » de Framasoft, à savoir Framapétitions. Si mes choix tiennent la route, alors je pense que je pourrai me relancer un nouveau défi : réaliser Framapétitions en moins de 4 jours ETP (Équivalent Temps Plein) et 0 ligne de code :)

Et alors… ? Et bien « paf-pastèque », comme on dit chez nous ! Il faut croire qu’être directeur de Framasoft ne lui aura pas permis, en trois ans, de trouver une semaine pour s’abstraire du monde et aller coder dans une grotte.

En conséquence, Framapétitions fut sans cesse repoussé au profit d’autres urgences professionnelles ou personnelles.

Une rencontre opportune (et opportuniste)

Début 2018, alors que notre pyg national se demandait encore quand il allait pouvoir trouver le temps de se remettre à Framapétitions, nous avons eu la chance de croiser le chemin d’une autre association : « Résistance à l’Agression Publicitaire » (R.A.P.). Bien qu’ayant un objet de militance a priori éloigné du logiciel libre (la lutte contre le système publicitaire et ses effets négatifs), nous avons vite accroché avec cette association dont les valeurs et les modalités d’actions nous semblent proches des nôtres.

Lors d’une discussion informelle autour de l’intérêt de mettre en place une instance PeerTube au sein de R.A.P. (ce que l’association a fait depuis, bravo à elle !), pyg a évoqué sa frustration concernant Framapétitions. La réaction fut aussi surprenante qu’intéressante : « Ha mais nous on a développé notre propre outil de pétitions, et on l’a mis sous licence libre. »

 

Site web de Résistance à l'Agression Publicitaire

Site web de Résistance à l’Agression Publicitaire

 

Les discussions commencèrent alors avec Yann, le développeur de cet outil, nommé Pytition (car le logiciel est développé en langage Python).

Nous avons alors convenu d’un partenariat informel entre nos deux structures : Yann continuerait le développement de Pytition (notamment en y ajoutant une couche permettant de gérer de multiples organisations) et Framasoft participerait à la communication et à l’agrandissement de la communauté de cet outil.

L’intérêt pour R.A.P., c’est que leur projet ne reste pas dans un tiroir et puisse servir à d’autres structures amies, tout en ayant une certaine pérennité.

L’intérêt pour Framasoft, c’est qu’on ne charge pas sur nos épaules le développement et le maintien d’une application de plus (on rame déjà suffisamment avec celles qu’on propose, merci :) ).

L’intérêt commun, c’est de démontrer qu’il est possible, pour une structure qui n’est pas spécialisée dans le numérique, de malgré tout produire et se réapproprier ses propres outils !

Si R.A.P. peut produire son outil de pétitions, pourquoi Greenpeace, par exemple, ne pourrait-elle pas produire un outil libre de crowdfunding ? Ou la Ligue des Droits de l’Homme développer un outil libre de gestion de revue de presse ?

Pytition avance, et a besoin de vous

Bonne nouvelle : Yann a bien avancé depuis notre première rencontre. Le logiciel fonctionne bien, puisqu’il est utilisé actuellement en production en version 1.x par R.A.P. Pytition est même très, très proche d’une version 2.0 (il ne manque plus que votre aide : voyez comment en bas de cet article !).

Capture écran Pytition v1

Capture écran Pytition v1 depuis le site de R.A.P.

 

Mais Yann a cependant besoin d’aide pour parachever cette version 2.0. Afin qu’elle puisse être proposée au public et surtout aux associations qui voudraient l’installer et gérer leurs propres pétitions.

Le mieux est sans doute de lui donner la parole !

Interview de Yann Sionneau, développeur de Pytition

Bonjour Yann, peux-tu te présenter ?

Bonjour, exercice difficile !

J’ai 31 ans, j’habite Grenoble depuis bientôt 1 an, avant j’étais sur Paris. Je contribue bénévolement au monde associatif depuis quelques années. Bénévole de l’association Résistance a l’Agression Publicitaire depuis 2016 (loi travail), je suis membre du conseil d’administration de l’association depuis 1 an et je viens de m’y faire ré-élire le week-end dernier lors de l’assemblée générale a Lyon pendant les « rencontres intergalactiques ».

Trompettiste sur mes heures perdues (qui sont plus rares que je ne voudrais =)), je profite aussi des montagnes grenobloises pour faire de l’escalade.
Professionnellement je suis développeur de logiciel embarqué dans une boite qui fait du semi conducteur, je bosse principalement sur le kernel Linux, la libc, et je commence à mettre les mains dans la toolchain (gcc, binutils).

Tout ça, comme tu peux le voir est bien loin du développement web, matière ou je suis plutôt novice et en cours d’auto-formation :)

Pourquoi t’es tu lancé dans le développement de Pytition ?

Il faut savoir qu’à R.A.P. (Résistance à l’Agression Publicitaire), on essaie d’être le plus « propre » qu’on peut dans notre démarche militante et les moyens qu’on met en place pour atteindre nos buts.

Par exemple on a une vraie réflexion sur l’usage des réseaux sociaux, sur les aspects vie privée, et publicité, mais aussi sur la culture de l’instantané et l’économie de l’attention.

A partir de là, il faut quand même être pragmatique et quand on veut toucher les gens avec nos articles, nos communiqués et nos pétitions, il est clairement plus efficace d’utiliser les réseaux sociaux hégémoniques.

Un compromis a du être mis en place chez R.A.P., on a donc écrit une charte d’utilisation des réseaux sociaux qu’on essaie de respecter le plus possible.

En l’occurrence, on s’autorise à poster sur les réseaux sociaux propriétaires/publicitaires, avec des liens vers nos sites et vers les autres réseaux alternatifs. Mais on s’interdit de ramener des gens vers les réseaux propriétaires en faisant des liens de notre site vers eux. Donc pas de lien d’antipub.org vers f*cebook, mais on va faire des billets f*cebook avec des liens vers nos articles R.A.P..

Un jour, Khaled (ancien président de R.A.P., aujourd’hui salarié) me demande si je peux regarder si je trouve un moyen pour que RAP puisse auto-héberger ses pétitions en ligne vu que nous nous interdisions d’utiliser des plateformes telles que « change dot org ».

Le module WordPress utilisé à l’époque étant peu satisfaisant en termes de fonctions et d’interface.

On a regardé, et on n’a rien trouvé qui répondait à nos besoins.

J’étais chaud pour me lancer dans l’écriture d’une solution ad-hoc pour R.A.P., mais dans le doute quand même avant de commencer j’ai contacté Framasoft pour savoir s’il n’y avait pas un Framapétitions prêt à sortir. Dans ce cas j’aurai attendu un peu, mais on m’a plutôt encouragé à développer une solution pour R.A.P., quitte à ensuite la rendre plus générique pour étendre son usage au delà de la galaxie RAP.
On avait besoin d’un système de pétition « pour dans 2 mois ».

J’ai donc écrit, à la va-vite, depuis 0, un système très basique, uniquement destiné à l’usage de R.A.P., dans un langage que je connaissais bien : Python (avec le framework web Django).

Au final ça a été rapidement mis en production, et cette v1.0 héberge déjà 9 pétitions, consultables ici : https://petition.antipub.org/

Pytition, tu en es où, tu veux aller où ?

Par rapport à la v1.0, on a fait beaucoup de chemin.

Les plans pour le futur ?

Capture écran Pytition v2 bêta

Capture écran du tableau de bord Pytition v2 bêta

 

On peut tester Pytition ?

Oui !

Une version de démonstration de la v2.0, en bêta, est disponible ici : https://pytitiondemo.sionneau.net/

C’est uniquement disponible pour jouer avec, car la base de donnée sera effacée régulièrement au gré des mises à jour. Ne pas s’en servir pour une vraie pétition ;)

Comment peut-on t’aider ?

Vous pouvez m’aider de plein de manières différentes :

J’ai aussi besoin d’aide pour financer le développement du projet, vous pouvez faire des dons ici :

 

Quelque chose à ajouter ?

Je suis ravi qu’on puisse tisser des liens entre le monde de l’anti-pub et celui du logiciel libre. Deux mondes a priori distincts mais qui en réalité s’entrecroisent de bien des manières.

Dans un deuxième temps, je profite de cet espace de parole qui m’est laissé pour passer un petit coup de gueule.

Je voudrais pointer du doigt ce qui m’apparaît comme une montée en puissance de la répression vis à vis des mouvements sociaux en général et du monde associatif en particulier. On voit de plus en plus d’associations comme Attac, ANV/Alternatiba ou RAP dernièrement (mais aussi entre autre des groupes informels féministes qui dénoncent les féminicides, le collectif Vérité pour Adama, …) qui subissent de sérieuses tentatives d’intimidation suite à leur actions. Ce genre d’actions, il n’y a pas si longtemps, ne déclenchait pas tous ces mécanismes : interpellations, contrôles d’identité, gardes à vues, souvent suivis de procédures judiciaires. Il devient très compliqué de faire avancer les sujets de société sans se trouver rapidement confronté à la police et à la justice. Je trouve ça très dommageable pour notre démocratie. Celle-ci ne s’arrête en théorie pas au simple fait de voter pour l’exécutif et le législatif mais inclut aussi la participation direct des citoyen⋅ne⋅s : dans les échanges, le plaidoyer, la mobilisation, la sensibilisation, la co-construction d’alternatives et bien d’autres modes d’actions.

Je déplore la radicalisation de l’exécutif, qui s’isole de plus en plus de l’effervescence politique du reste de la population. J’aimerais que l’exécutif s’inspire beaucoup plus de ce qu’il se passe dans la société civile plutôt que de rester dans la confrontation. Pour finir sur une note plus positive, je pense que malgré les difficultés posées par le contexte répressif, il faut continuer d’œuvrer pour construire la société dans laquelle nous souhaitons vivre.

[Note de Framasoft : pour celles et ceux que le sujet intéresse, nous reparlerons spécifiquement de ce rétrécissement de l’espace démocratique et des formes de répressions envers les associations dans quelques semaines sur le Framablog.]

Framasoft : Merci Yann d’avoir répondu à nos questions, et d’avoir développé Pytitions ! Nous encourageons les lectrices et lecteurs du Framablog à soutenir Yann, que ça soit sous forme financière pour qu’il puisse se dégager du temps, en l’aidant sur le logiciel (documentation, développement, etc.), ou tout simplement en le remerciant et en l’encourageant à poursuivre ce travail.

Rendez-vous sur la page des Carnets de Contributopia pour y découvrir d’autres articles, d’autres actions que nous avons menées grâce à vos dons. Si ce que vous venez de lire vous plaît, pensez à soutenir notre association, qui ne vit que par vos dons. Framasoft étant reconnue d’intérêt général, un don de 100 € d’un contribuable français reviendra, après déduction, à 34 €.

Soutenir Framasoft

Illustration d’entête : CC-By David Revoy

Vers une société contributive de pair à pair -2

lundi 21 octobre 2019 à 11:42

Et si le pair-à-pair devenait le modèle et le moteur d’une nouvelle organisation sociale ? – Deuxième volet de la réflexion de Michel Bauwens (si vous avez raté le début, c’est par ici).

Source : Blueprint for P2P Society par Michel Bauwens

Traduction Framalang : Fabrice, goofy, jums, CLC, avec l’aimable contribution de Maïa Dereva.

2. Les relations entre la communauté et la coalition d’entrepreneurs

Quelles sont les relations entre cette coalition d’entrepreneurs et les communs dont ces entrepreneurs retirent leur valeur ? La coalition subvient aux besoins vitaux des « commoners » et soutient parfois financièrement l’institution à but lucratif. IBM, par exemple, verse un salaire aux développeurs/commoners qui contribuent à l’environnement Linux ainsi que des aides à l’association à but non lucratif (la Fondation Linux). Ainsi, les coalitions entrepreneuriales co-produisent et financent les biens communs sur lesquels leur succès est bâti.

Il est vrai qu’en agissant de la sorte, ils font par ailleurs de Linux un « commun d’entreprises », comme l’a expliqué Doc Searls :

Le rédacteur en chef du Linux Journal explique que « Linux est devenue une entreprise économique commune (une joint venture) composée d’un certain nombre de sociétés, tout comme Visa est une entreprise commune à un certain nombre de sociétés financières. Comme le montre le rapport de la Fondation Linux, ces sociétés participent au projet pour des raisons commerciales diverses et variées ».

Dans un rapport de la Fondation Linux sur le noyau de Linux, il est dit clairement :

Plus de 70 % des développements du noyau sont visiblement réalisés par des développeurs qui sont rémunérés pour ce travail. Plus de 14 % vient de contributions de développeurs qui sont connus pour ne pas être rémunérés et être indépendants, et 13 % sont produits par des gens qui peuvent ou non être rémunérés, donc la contribution faite par des travailleurs rémunérés peut atteindre jusqu’à 85 %. Par conséquent, le noyau Linux est largement produit par des professionnels, et non par des bénévoles.

Mais ce n’est pas là toute l’histoire. Thimothy Lee explique que la transformation de Linux en entreprise n’a pas changé son modèle d’organisation sous-jacente :

… l’important est la manière dont les projets open source sont organisés en interne. Dans un projet logiciel traditionnel, il y a un responsable projet qui décide des fonctionnalités dont bénéficiera le produit, et affecte du personnel pour travailler sur ces différentes fonctionnalités. En revanche, personne ne dirige le développement général du noyau Linux. Oui, Linus Torvalds et ses lieutenants décident quels correctifs iront finalement dans le noyau, mais les employés de Red Hat, IBM et Novell qui travaillent sur le noyau Linux ne reçoivent pas d’ordre de leur part. Ils travaillent sur ce qu’ils (et leurs clients respectifs) pensent être le plus important, et la seule autorité que possède Torvalds est celle de décider si le correctif qu’ils soumettent est suffisamment bon pour être intégré au noyau.

Clay Shirky, auteur de « Here Comes Everybody : The Power of Organizing Without Organisations [NdT : Voici venir tout le monde: le pouvoir de s’organiser sans les organisations] souligne que les entreprises qui travaillent avec Linux, comme IBM, « ont abandonné le droit de gérer les projets pour lesquels ils payent, et que leurs concurrents ont accès immédiatement à tout ce qu’ils font. Ce n’est pas un produit IBM. »

C’est donc là où je veux en venir : même avec des sociétés d’actionnaires alliées à la production entre pairs, la création de valeur de la communauté reste toujours au cœur du processus, et la coalition entrepreneuriale, jusqu’à un certain point, suit déjà cette nouvelle logique, dans laquelle la communauté prime, et où le business est secondaire. Dans ce modèle, la logique d’entreprise doit s’accommoder de la logique sociale. En d’autres termes, c’est avant tout une « économie éthique ».

D’après une diapositive exposée par M. Dereva à l’occasion de la manifestation Le cloud de Numerique en Commun[s] – sept. 2018 (CC BY-NC-SA 4.0)

3. La logique démocratique des institutions à but lucratif

La production entre pairs repose aussi sur une infrastructure de coopération parfois coûteuse. Wikipédia n’existerait pas sans le financement de ses serveurs, pas non plus de logiciel libre ou de matériel ouvert sans mécanisme de support similaire. C’est pour cela que les communautés open source ont créé une nouvelle institution sociale : les associations à but lucratif.

Encore une fois, c’est une innovation sociale importante car, contrairement aux institutions à but non-lucratif ou non-gouvernementales, elles ne fonctionnent pas du point de vue de la rareté. Les ONG classiques fonctionnent encore comme d’autres institutions industrielles à l’instar de l’entreprise ou de l’état-marché, car elles estiment que les ressources doivent être mobilisées et gérées.

À l’inverse, celles qui ont un but lucratif ont uniquement un rôle actif qui permet et favorise la coopération au sein de la communauté, qui fournit les infrastructures, sans pour en diriger les processus de production. Ces associations existent dans le seul but de bénéficier à la communauté dont elles sont l’expression, et c’est la bonne nouvelle, elles sont souvent gérées de manière démocratique. Et elles doivent l’être, car une institution non démocratique découragerait les contributions de sa communauté de participants.

Maintenant, le hic est de savoir comment appeler une institution responsable du bien commun de tous les participants, en l’occurrence, pas les habitants d’un territoire, mais les personnes impliqués dans un projet similaire ? Je rétorquerais que ce type d’institution à but lucratif possède une fonction très similaire aux fonctions normalement dévolues à l’État.

Bien que la forme étatique soit toujours aussi une institution de classe qui défend un arrangement particulier de privilèges sociaux, elle ne peut jamais être un simple instrument de règle de privilégié à elle seule, mais doit aussi gérer le commun. Si l’on considère cette dernière option, la plupart des gens la verrait comme acceptable, voire bonne. En revanche, si l’on considère que l’État échoue dans cette gestion, alors il perd sa légitimité et il est vu de plus en plus comme une source d’oppression par une minorité.

En général, un État reflète l’équilibre des forces à l’œuvre dans une société donnée. L’État providence était une forme acceptable puisqu’il reposait sur un compromis et sur la force d’un puissant mouvement de travailleurs ouvriers, alors que « la peur de Dieu » était instillée dans les milieux privilégiés par la possibilité d’un modèle alternatif d’État qui aurait pu faire disparaître la loyauté de leurs citoyens.

Cette alternative s’est effondrée en 1989, et avec elle les mouvements sociaux occidentaux. Elle a d’autant plus été affaiblie par les choix sociaux, politiques et économiques de désindustrialiser le Nord depuis les années 1980. Depuis, l’État providence a peu à peu laissé sa place à l’État providence contemporain des multinationales (parfois appelé « l’État marché »), qui aide uniquement les privilégiés, détruit les mécanismes de solidarité sociaux, et appauvrit la majorité de la population, et a fortiori affaiblit fatalement la classe moyenne.

Malheureusement, un tel système ne peut avoir aucune une légitimité à long terme, et rompt tout contrat social qui peut garantir la paix sociale. Il est compliqué d’établir une loyauté sur la perspective d’une souffrance toujours plus grande !

Cela signifie que nous assistons non seulement à la mort réelle de l’État providence social, mais aussi à la mort et à l’impossibilité logique de l’État-marché. Nous pourrions ajouter que même l’État providence est devenu problématique. La raison principale en est que sa base sociale, la classe ouvrière occidentale et ses mouvements sociaux, sont devenues des minorités démographiques en Occident, et que ses mécanismes, même lorsqu’ils fonctionnaient, ne contribueraient pas beaucoup à aider la majorité sociale actuelle, c’est-à-dire les travailleurs de la connaissance et des services, souvent indépendants et précaires.

De plus, le fonctionnement paternaliste et bureaucratique de beaucoup d’États providence devient inacceptable face à la demande émergente d’autonomie sociale et personnelle qui est l’un des principaux désirs sociaux de la nouvelle classe des travailleurs de la connaissance. La plupart des autres fonctions sociales de l’État providence ont été affaiblies par les réformes néolibérales du « New Labour » qui tendent à introduire la logique du secteur privé dans le monde du secteur public.