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Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.
« La vulnérabilité est énorme « […] « Dans des élections normales, personne ne peut truquer totalement et de manière indétectable une élection. Mais dans ce système qu’ils ont construit, un parti serait en mesure de le faire. »[…] « Si vous construisez un système de vote où la principale menace est que quelqu’un pirate un serveur et remplace les votes, et si le principal mécanisme pour empêcher cela est mis en œuvre d’une mauvaise manière – et d’une manière tellement mauvaise que tout cryptographe expérimenté aurait dû le détecter – alors il s’agit d’une faille disqualifiante dans un système comme celui-ci. »
Comme dans Candyland, vous faites avancer votre pion en tirant des cartes. Mais dans la version de Crowley, les cartes sont les habitudes et l’emplacement de personnes réelles dont les données ont été transformées en pions littéraux dans le jeu. Foursquare sait où se trouvent leurs téléphones en temps réel, car il alimente de nombreuses applications largement utilisées, de Twitter et Uber à TripAdvisor et AccuWeather. Ces gens ne jouent pas au jeu de Crowley, mais leurs mouvements réels l’animent […] « Ce sont les gens qui sont là. Ce ne sont pas leurs noms. Et ce n’est pas ce à quoi ils ressemblent. Ce sont des cartes d’identité qu’on a transformées en faux nom et faux avatar. »[…] Vous pensez peut-être que vous n’utilisez pas Foursquare, mais il y a de fortes chances que vous l’utilisiez. La technologie de Foursquare propulse les géofiltres dans Snapchat, les tweets tagués sur Twitter ; c’est dans Uber, Apple Maps, Airbnb, WeChat, et les téléphones Samsung, pour n’en nommer que quelques-uns.[…]
À la question « Qu’est-ce que la donnée à La Poste ? », Pierre-Étienne Bardin, « Chief Data Officer » de La Poste, répond avec enthousiasme dans une interview interne : « C’est un bonheur ! Une infinité de données clients, toutes celles qu’on peut collecter via nos échanges avec eux : quels produits ils consomment, quelle satisfaction, quelles réclamations… Des données relatives au service universel, industrielles, aux services à la personne, bancaires, assurantielles, immobilières… Un patrimoine inestimable que beaucoup nous envient ! » Mais comment extraire l’or de cette mine de données sur laquelle La Poste est assise, et faire parler ces milliards d’informations décousues ? Grâce à l’intelligence artificielle (IA), évidemment !
« Entre le 17 novembre 2018 et le 5 février 2019, 13 460 tirs de balles de défense ont été recensés au sein de la police nationale. L’inspection générale de la gendarmerie nationale fait quant à elle état de 983 tirs de lanceurs de balle de défense par les escadrons de gendarmerie mobile sur l’année 2018. Elle évalue à un millier le nombre de tirs de lanceurs de balle de défense effectués depuis le début des manifestations des « gilets jaunes » ». Dans la police, seuls 15 % des tirs seraient le fait des CRS, « le reste étant attribué aux unités civiles présentes sur le périmètre des manifestations ». […] L’inscription de la proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat aura contraint le gouvernement à fournir des chiffres. C’est parfois en tentant de faire la loi que le Parlement exerce le mieux son action de contrôle.
Comment est-il possible que, à l’occasion de réunions et autres discussions, votre équipe choisisse volontairement d’ajouter cette fonctionnalité qui me suggère les contacts privés de mes contacts ? Je vais être direct avec vous, il s’agit clairement d’une violation de la vie privée et cela va faire du mal à beaucoup de gens, moi y compris. OUI MICROSOFT J’AI DES CHOSES À CACHER. Les avocats qui utilisent Skype ont aussi des choses à cacher, et vous exposez directement les personnes à qui ils parlent à leurs autres clients. Les médecins qui utilisent Skype ont quelque chose à cacher et vous exposez leur liste de patients à d’autres patients ou contacts. Les journalistes qui utilisent Skype ont quelque chose à cacher et vous exposez leurs sources et leurs collègues à d’autres contacts qui mettent leur vie et leurs enquêtes en danger.
Et je peux vous donner beaucoup d’autres cas où ce genre de caractéristique peut nuire aux entreprises, aux familles et parfois mettre des vies en danger.
Il est plus que jamais nécessaire d’appeler vos députés. Pour cela, nous avons prévu une page dédiée sur notre site avec une analyse du texte et un outil pour contacter les députés en charge du règlement.
De façon plus générale, les technologues doivent comprendre les ramifications politiques de leur travail. Il existe un mythe répandu dans la Silicon Valley selon lequel la technologie est politiquement neutre. Ce n’est pas le cas, et j’espère que la plupart des gens qui lisent ceci aujourd’hui le savent. Nous avons construit un monde où les programmeurs avaient le sentiment d’avoir le droit inhérent de coder le monde comme bon leur semblait. On nous a permis de le faire parce que, jusqu’à tout récemment, cela n’avait pas d’importance. Aujourd’hui, trop de questions sont décidées dans un environnement capitaliste non réglementé où les coûts sociaux importants ne sont trop souvent pas pris en compte.
La charnière se situe dans les années 1980, d’abord autour de modalités de recrutement. Pour filtrer la multitude de candidatures qui lui parviennent, une société américaine définit alors le profil psychologique « du bon programmeur ». Elle se base sur un échantillon d’hommes travaillant dans un environnement militaire, et présentant deux caractéristiques majeures : une sociabilité un peu moindre que la moyenne et des activités socialement connotées comme masculines. […] Ensuite, les besoins en personnel informatique étant croissants, les salaires étaient relativement élevés. Considérant qu’il était anormal que les codeuses aient une rémunération aussi confortable et qu’il était peu concevable qu’elles encadrent des équipes mixtes, la Grande-Bretagne a, dans le secteur public – leader dans l’informatisation du pays – bloqué la carrière de programmeuses compétentes, expérimentées et motivées, et les nouveaux recrutements vont conduire à masculiniser la profession. Le troisième facteur est une prise en main académique, en lien avec l’industrie, excluant les femmes [···]
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Et si les géants de la technologie numérique étaient concurrencés et peut-être remplacés par les nains des technologies modestes et respectueuses des êtres humains ?
Telle est l’utopie qu’expose Aral Balkan ci-dessous. Faut-il préciser que chez Framasoft, nous avons l’impression d’être en phase avec cette démarche et de cocher déjà des cases qui font de nous ce qu’Aral appelle une Small Tech (littéralement : les petites technologies) par opposition aux Big Tech, autrement dit les GAFAM et leurs successeurs déjà en embuscade pour leur disputer les positions hégémoniques.
Article original sur le blog d’Aral Balkan : Small technology
Les géants du numérique, avec leurs « licornes » à plusieurs milliards de dollars, nous ont confisqué le potentiel d’Internet. Alimentée par la très courte vue et la rapacité du capital-risque et des start-ups, la vision utopique d’une ressource commune décentralisée et démocratique s’est transformée en l’autocratie dystopique des panopticons de la Silicon Valley que nous appelons le capitalisme de surveillance. Cette mutation menace non seulement nos démocraties, mais aussi l’intégrité même de notre personne à l’ère du numérique et des réseaux1.
Alors que la conception éthique décrit sans ambiguïté les critères et les caractéristiques des alternatives éthiques au capitalisme de surveillance, c’est l’éthique elle-même qui est annexée par les Big Tech dans des opérations de relations publiques qui détournent l’attention des questions systémiques centrales2 pour mettre sous les projecteurs des symptômes superficiels3.
Nous avons besoin d’un antidote au capitalisme de surveillance qui soit tellement contradictoire avec les intérêts des Big Tech qu’il ne puisse être récupéré par eux. Il doit avoir des caractéristiques et des objectifs clairs et simples impossibles à mal interpréter. Et il doit fournir une alternative viable et pratique à la mainmise de la Silicon Valley sur les technologies et la société en général.
Cet antidote, c’est la Small Tech.
Ces critères signifient que la Small Tech :
Crédit photo : Small Things, Big Things by Sherman Geronimo-Tan. Licence Creative Commons Attribution.
La traduction suivante est la brève présentation initiale du long rapport final élaboré par le comité « Digital, Culture, Media and Sport » du Parlement britannique, publié le 14 février dernier, sur la désinformation.
Ce rapport interpelle les plus hauts responsables politiques du Royaume-Uni sur de nombreux sujets d’actualité qu’il aborde sans concessions :
Le groupe Framalang a entrepris de vous communiquer l’intégralité du rapport en feuilleton suivant l’avancement de la traduction.
Vous trouverez le texte intégral en suivant ce lien vers le PDF original (3,8 Mo) : https://publications.parliament.uk/pa/cm201719/cmselect/cmcumeds/1791/1791.pdf
La traduction est effectuée par le groupe Framalang, avec l’aide de toutes celles et ceux qui qui veulent bien participer : Penguin, Lumibd, goofy, maximefolschette, Maestox, Mika, Khrys, serici, Barbara, Cyrilus, simon
Voici le rapport final d’une enquête sur la désinformation qui s’est étalée sur 18 mois. Elle couvre les droits des individus concernant leur vie privée, la manière dont leurs choix politiques peuvent être influencés par l’information en ligne et l’ingérence dans les scrutins politiques, tant au Royaume-Uni que dans le monde, animée par des forces malveillantes qui sèment la confusion et la discorde.
Nous nous sommes appuyés sur les pouvoirs du système de Comités, en exigeant des preuves et en obtenant des documents sous scellés dans les systèmes juridiques d’autres pays. Nous avons invité les représentants démocratiquement élus de huit autres pays à rejoindre notre comité au Royaume-Uni afin de créer un « Grand Comité international », le premier du genre, pour promouvoir davantage de coopération transnationale et endiguer la diffusion de la désinformation et sa capacité pernicieuse à dénaturer, perturber et déstabiliser. Au travers de cette enquête nous avons bénéficié de la coopération d’autres parlements. Ce travail est continu, avec de nouvelles sessions planifiées en 2019. Il s’agit de mettre en avant une volonté d’agir à l’échelle mondiale pour s’attaquer à des problématiques similaires à celles que nous avons identifiées dans d’autres juridictions.
C’est le rapport final de notre enquête, mais ce ne sera pas notre dernier mot.
Nous avons toujours connu la propagande et les préjugés politiques, qui se targuent d’être de l’information, mais cette activité a pris de nouvelles formes et a été grandement amplifiée par les technologies de l’information et l’omniprésence des réseaux sociaux. Dans cet environnement, les utilisateurs acceptent et accordent du crédit aux informations qui confortent leur point de vue, même si elles sont déformées ou fausses, tout en rejetant le contenu contradictoire comme des fake news. Cela a un effet de polarisation qui réduit la base commune de faits objectifs sur laquelle un débat raisonné peut s’appuyer. On a beaucoup parlé de la grossièreté du débat public mais lorsque ces éléments interfèrent directement avec les processus électoraux, les fondements mêmes de notre démocratie se trouvent menacés.
Il est peu probable que la situation change. Une évolution nécessaire serait la mise en application d’une plus grande transparence dans la sphère numérique, afin de s’assurer de connaître la source de ce que nous sommes en train de lire, de savoir qui a payé pour cela et pourquoi cette information nous a été envoyée.
Nous avons besoin de comprendre comment les géants de l’Internet travaillent et ce qu’il advient de nos données. Facebook opère sa surveillance à la fois sur ceux qui l’utilisent et sur ceux qui ne l’utilisent pas, en pistant leurs activités et en conservant leurs données. Cette entreprise gagne de l’argent en vendant l’accès aux données de ses utilisateurs à travers ses outils à visée publicitaire. Elle accroît davantage encore sa valeur via un échange de données réciproque et global avec des développeurs d’applications majeures qui font leurs affaires à travers la plateforme de Facebook.
Pendant ce temps, parmi les innombrables messages inoffensifs avec des photos de vacances ou d’anniversaires, des forces malveillantes utilisent Facebook pour menacer et harceler, pour divulguer des images intimes par représailles, pour répandre des propos haineux et de propagande de toute sorte ainsi que pour influencer des élections et des processus démocratiques, autant de choses que Facebook, et les autres réseaux sociaux, ne veulent pas ou ne peuvent pas enrayer. Nous devons appliquer les principes démocratiques universels aux outils de l’ère numérique.
Les géants de l’Internet ne doivent pas être autorisés à croître exponentiellement, sans contrainte ni surveillance réglementaire appropriée. Mais seuls les gouvernements et les lois sont suffisamment puissants pour les y contraindre. Les outils législatifs existent déjà. Il faut maintenant les appliquer au numérique à l’aide d’outils tels que les lois sur la protection de la vie privée, les lois sur la protection des données, les lois antitrust et les lois sur le droit de la concurrence.
Si les entreprises deviennent des monopoles, elles peuvent être démantelées, dans n’importe quel domaine. Le traitement des données personnelles par Facebook et leur utilisation dans le cadre de campagnes politiques sont les domaines primordiaux que les organismes de réglementation doivent légitimement inspecter. Facebook ne devrait pas être en mesure de se soustraire à toute responsabilité éditoriale pour les contenus partagés par ses utilisateurs sur ses plateformes.
Dans une démocratie, nous devons faire l’expérience de la pluralité des voix et, surtout, posséder les compétences, l’expérience et les connaissances nécessaires pour évaluer la véracité de ces voix. Bien qu’Internet ait apporté de nombreuses libertés dans le monde entier et une capacité de communication sans précédent, il comporte également la capacité insidieuse de déformer, d’induire en erreur et de produire haine et instabilité. Il fonctionne à une échelle et à une vitesse sans précédent dans l’histoire de l’humanité.
L’un des témoins à notre enquête, Tristan Harris, du Center for Humane Technology, basé aux États-Unis, décrit l’utilisation actuelle de la technologie comme un « détournement de nos esprits et de notre société ». Nous devons plutôt utiliser la technologie pour libérer nos esprits et recourir à la réglementation pour rétablir la responsabilité démocratique. Nous devons nous assurer que les humains restent aux commandes des machines.
Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.
Pendant six semaines, en décembre et janvier dernier, les visiteurs de trois prisons du Yorkshire, au Royaume-Uni, ont été forcés de faire analyser leurs visage, yeux ou papiers d’identité à l’entrée. L’objectif : lutter contre les trafics de drogue et autres objets de contrebande. […] Big Brother Watch, une organisation britannique qui milite pour les libertés civiles et la vie privée, a accusé le gouvernement d’avoir adopté une « approche expérimentale des droits humains ». « Le gouvernement cherche à obtenir l’assentiment du public pour l’utilisation de caméras de reconnaissance faciale dans les prisons, où les droits sont plus limités. C’est une première étape avant d’en faire un outil de surveillance dans l’espace public »
Le Royal Free NHS Foundation Trust de Londres n’a pas respecté les règles de protection des données lorsqu’il a donné 1,6 million de dossiers de patients à DeepMind, une société d’intelligence artificielle appartenant à Google, pour un essai. Le Bureau du Commissaire à l’information a décidé de resserrer ses directives.
Amazon a déposé une demande de brevet pour un assistant vocal qui recommanderait un médicament contre le rhume et la grippe s’il vous entend tousser. L’an dernier, la jeune entreprise de soins de santé Kinsa a fait l’objet de vives critiques de la part d’experts en protection de la vie privée pour avoir vendu des données sur les maladies. Kinsa fabrique un thermomètre intelligent qui prend la température d’un utilisateur, puis la télécharge instantanément sur un serveur avec des informations sur le sexe et la position géographique de l’utilisateur.[…]
L’utilisation d’appareils intelligents ou de recherches sur le Web pour trouver rapidement des conseils peut permettre aux patients, aux parents et aux urgences surchargées d’économiser temps et argent. Mais ce faisant, elle alimente un vaste réseau publicitaire qui transforme ces recherches en données lucratives.
La sévérité des mutilations dues aux LBD n’a pas vraiment surpris les professionnels. C’est leur utilisation répétée qui cause « l’épidémie » sur laquelle ils alertent. Plusieurs publications médicales avaient en effet déjà pointé le danger de ces dispositifs. Un article de synthèse au long cours (1990-2017), portant sur plusieurs pays et paru en 2017 dans le British Medical Journal, avait notamment rapporté de nombreux cas de « cécité permanente » et conclu que ces dispositifs « ne semblant pas être des moyens appropriés de maintien de l’ordre ».
Pour le professeur émérite Alain Gaudric, ces lésions rappellent celles – gravissimes et répertoriées dans la littérature médicale mais heureusement rares – causées par les accidents de golf. « Comme les balles de golf, les LBD, d’un diamètre de 40 millimètres, s’encastrent parfaitement dans l’orbite, qui ne peut donc pas jouer un rôle protecteur, explique-t-il. L’énergie cinétique transmise au globe oculaire est donc considérable. »
[…] Dans leur lettre au Président, les médecins assurent que les traumatismes « ne sont pas dus au hasard ou à l’inexpérience ». Pour eux, ces lanceurs introduits en France en 2009, imprécis et difficiles d’utilisation, sont par nature dangereux. « Ce ne sont pas de simples outils de dissuasion », assène José-Alain Sahel, qui demande leur « qualification » en armes véritables.
Je me suis libéré de Chrome en 2014, et je n’y ai jamais retouché. Il est probable que vous vous en tirerez aussi bien que moi. Vous pouvez l’apprécier en tant que navigateur. Et vous pouvez ne pas vous préoccuper des compromissions en termes de vie privée qui viennent avec. Mais l’enjeu est bien plus important que nos préférences personnelles et nos affinités ; une plateforme entière est sur le point de devenir un nouveau jardin clos. Et on en a déjà assez. Donc, faisons ce que nous pouvons, quand nous le pouvons, pour éviter ça.
Pour le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, WeChat est à la fois son plus grand défi et le modèle pour l’avenir de son entreprise. Zuckerberg souhaite depuis longtemps que Facebook soit le système d’exploitation de nos vies – du moins pour ceux qui vivent en dehors de la Chine. WeChat est ce que Facebook n’est pas encore devenu.
[…] Facebook espère attirer ceux qui utilisent des services concurrents comme Telegram, Signal, Skype, Google’s Hangouts (anciennement GChat), Apple’s IMessage, ou des SMS classiques vers les divers services, bientôt réunis, de messagerie de Facebook. Broyer ces autres applications, ainsi que le courrier électronique et les appels téléphoniques à l’ancienne, serait un grand pas en avant pour devenir le système d’exploitation de nos vies.
« Une baisse d’attention, une agitation excessive : un petit cachet, et le tour est joué (…) La Ritaline, c’est la tétine du XXIe siècle, le peacemaker des parents, la garantie d’un parcours sans faute »[…] « au prétexte de décupler nos performances et d’apaiser nos douleurs, un certain discours semble aujourd’hui considérer comme normal de placer des enfants et des adolescents sous camisole chimique, de les inciter à prendre du Xanax en cas de stress ou de les shooter au Prozac, au moindre chagrin d’amour. (…) Il y a une tendance lourde, dans nos sociétés de contrôle, à dépister de plus en plus férocement et précocément les anomalies de comportement ».
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Fin connaisseur du monde médiéval, Yann Kervran propose un nouveau volume des aventures d’Ernaut de Jérusalem. Son héros, qui a gagné en maturité, va affronter un nouveau mystère : un corps entièrement brûlé tandis que sa demeure est intacte autour de lui.
De là à y voir le souffle ardent du Malin…
Yann continue de ciseler tranquillement son univers. On peut lire ses romans comme d’habiles polars, ce qui ne serait déjà pas si mal, mais on peut s’attarder sur les liens qui se tissent au fil des ouvrages, l’incroyable précision des références historiques, la description minutieuse des mœurs d’une époque… et tout ça sous licence libre.
Nous lui avons posé quelques questions.
Le souffle du dragon… il y avait des dragons en Terre sainte ?
Forcément, vu que c’est là que saint Georges a tué le sien. Au-delà de la polysémie du titre, avec laquelle je joue chaque fois afin de laisser le public en faire sa propre lecture, c’est en référence à la basilique de Lydda où est conservé, justement, le corps de saint Georges. C’est là que se déroule la majeure partie de l’intrigue à laquelle est confronté Ernaut. C’est l’occasion d’évoquer bon nombre de dragons, des traditions orientales, qui viennent alors percoler dans les récits hagiographiques occidentaux. C’est aussi le nom d’une bannière issue de l’Antiquité romaine impériale…
Et c’est parfois, plus prosaïquement, le terme sous lequel on désigne les crocodiles, au Moyen Âge. Toutes ces définitions, ces évocations ont leur part de vérité dans la caractérisation du titre. D’ailleurs, c’est la même chose pour le second terme : le souffle n’est pas que le feu du dragon, il renvoie aussi à la tradition alchimique et ésotérique, avec laquelle le livre joue également, à plusieurs niveaux. Enfin, il y a des approches plus habituelles de ces termes, et cela peut aussi peut-être s’appliquer à certains points de vue sur le récit, un personnage ou l’autre.
Le quatrième tome, déjà ! On voit Ernaut gérer seul une enquête officielle. Peut-tu nous en dire plus sur les évolutions de notre héros ?
Cela fait désormais deux ans qu’il réside en Terre sainte et pratiquement un an et demi au service de l’hôtel du roi, en tant que sergent. Il commence à avoir des amis, un réseau de relations, une fiancée… Il n’est plus le garçon maladroit qui embarquait à bord du Falconus. C’est un jeune homme impatient d’embrasser la vie, qui voit son avenir se dessiner. J’ai conçu ce tome comme le dernier de son enfance, les choses sont en train de se placer pour lui tracer une voie.
Cela dit, s’il est en charge de l’enquête, ce n’est pas de façon aussi claire et formelle qu’il l’aurait peut-être souhaité. Je n’en dis pas trop pour ne pas gâcher le plaisir des lecteurs. Mais il est vrai qu’il se voit maître de son temps, de ses actions, dans une certaine mesure et dans un cadre général qui lui est imposé par des supérieurs.
Celui-ci a été écrit avec le concours du CNL, peut-tu nous présenter un peu ce que c’est ?
Le Centre National du Livre a, dans ses missions, la tâche de soutenir la création littéraire francophone avec, entre autres, l’existence de bourses d’écriture pour les auteurs. J’ai donc eu le bonheur de voir mon projet retenu parmi les 66 romans sélectionnés en 2017. J’avais deux ans pour voir le projet terminé et publié, c’est donc chose faite. En échange, il suffit d’indiquer que l’ouvrage a reçu leur soutien, ce que je fais avec plaisir. Je profite de cet entretien pour les remercier publiquement.
Ce qui pose aussi la question du modèle économique chez les auteurs. Alors, est-ce qu’être libre est plus rentable que l’édition traditionnelle ?
De façon générale, je ne sais pas, mais en ce qui me concerne la réponse est oui. Je n’ai pas encore les chiffres de vente pour mes autres ouvrages non romanesques, non libres, chez un autre éditeur, pour 2018. En partant du principe que c’est similaire à 2017, vu que je n’y ai rien sorti depuis deux ans, je vais gagner plus avec mes trois Framabooks. Mais cela reste dérisoire : mes revenus d’auteur non libre se sont effondrés au fil de la décennie, pour arriver à un peu moins de 300€ annuellement.
C’est le cas pour énormément d’écrivains et c’est une tendance globale :
Pour mon travail d’auteur libre, je dois percevoir à peu près le même montant pour 2018, mais s’y ajoutent les dons reçus en soutien de mon travail, ou en contre-don de la lecture des epub, pour environ 200€ sur l’année je dirais.
De toute évidence, cela ne permet pas d’en vivre. La bourse du CNL, de 7000€ brut, a beaucoup aidé, mais pour l’instant ce n’est pas viable pour moi. Je vais donc devoir surseoir à la rédaction du tome 5, n’ayant matériellement pas les moyens de m’y consacrer de façon sérieuse et sereine.
Quoiqu’il en soit, je suis très heureux d’avoir basculé mon travail sous licence libre car j’en garde la maîtrise et je sais que ce sera disponible pour qui veut y accéder. C’était un point essentiel pour moi. Ayant été contraint de garder des textes non publiés pendant des années, de me restreindre sur les productions liées directement ou indirectement, c’était extrêmement frustrant. Avec le libre, mes textes ne disparaissent pas au même rythme que mes revenus.
J’ai été ton éditeur pour ce tome, et c’était très enrichissant. Mais je ne sais pas comment tu fais pour t’en sortir avec les contraintes historiques. Ça me rendrait dingue, alors que tu navigues là-dedans avec une aisance incroyable. Bon sang, tu vérifies les phases de la Lune ! Comment arrives-tu à t’en sortir ?
C’est facile : j’ai une bibliothèque plus que conséquente sur le sujet et je me sers aussi beaucoup d’Internet. Il est désormais bien plus aisé d’accéder à la documentation que quand je faisais mes études (malgré de nombreux paywalls ici et là, qui enclosent parfois du savoir dans le domaine public).
C’est aussi plus simple de l’organiser : j’ai un wiki où je note pas mal de choses pour suivre la chronologie et conserver la cohérence de caractérisation de mes protagonistes. Par ailleurs je crains toujours l’effet carton pâte de certains récits où la documentation est plaquée sur une idée qui ne cadre pas avec le décor. Je m’efforce donc de lire régulièrement des ouvrages scientifiques sur le monde des croisades, des sources historiques, sans avoir de but en tête, juste pour m’imprégner. Et je note sur des feuilles des idées, des anecdotes, des envies, pour ensuite les exhumer quand je suis en recherche de motifs à développer.
Pour l’intégration de l’histoire au cycle romanesque, je commence toujours par voir comment la période historique peut offrir des sujets intéressants à traiter, par le biais de l’enquête principale, du décor ou des personnages annexes. Je bâtis ensuite là-dessus, en voyant comment je peux intégrer les personnages pour lesquels j’ai prévu de longs arcs narratifs au sein d’Hexagora. L’idée étant de nourrir les narrations les unes par les autres, de ne jamais rattacher une histoire à un seul arc, mais d’en faire un point de rencontre, de jonction, de friction.
Qu’est-ce qui est prévu pour la suite ?
Pour l’heure, je me focalise sur les Qit’a, histoires courtes dans le monde d’Ernaut. J’en ai rédigé presque une centaine qui vont être publiées en quatre recueils, j’espère avant l’été. Je continue aussi d’en écrire, mensuellement, car c’est une pratique régulière qui nourrit ma réflexion et fait avancer la façon dont je conçois mon métier d’écrivain. J’ai aussi quelques vieux projets que je dois finaliser, dans un tout autre style. Peut-être que j’utiliserai un pseudonyme pour ne pas induire mes lecteurs habituels en erreur. Mais ce qui est certain, c’est que ce sera sous licence libre.
Pour aller plus loin :