PROJET AUTOBLOG


Framablog

Site original : Framablog

⇐ retour index

Khrys’coronalungo du lundi 27 avril 2020

lundi 27 avril 2020 à 07:42

Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.

Brave New World

Spécial France

Spécial sortie de confinement

Spécial Coronavirus – app de traçage

Spécial Coronavirus – données (plus ou moins) scientifiques

Spécial mauvaise gestion et casse du système de santé

Spécial inégalités par temps de coronavirus

Spécial travailleur·euses par temps de coronavirus

Spécial répression, violences et abus de pouvoir

Spécial la démocratie et nos droits en prennent un coup

Spécial résistance

Spécial GAFAM et cie

Les autres lectures de la semaine

Les BDs/graphiques/photos de la semaine

Les vidéos/podcasts de la semaine

Les autres trucs chouettes de la semaine

Deux personnages prennent le café. Le personnage de gauche dit : 27 minutes pour le 27 avril, avoue que tu l'as fait exprès ! - la personne de droite répond : Nope, même pas
Retrouvez les revues de web précédentes dans la catégorie Libre Veille du Framablog.

Les articles, commentaires et autres images qui composent ces « Khrys’presso » n’engagent que moi (Khrys).

Applis de traçage : scénarios pour les non-spécialistes

vendredi 24 avril 2020 à 07:42

Un document de plus sur les dangers de l’application de traçage ? Nous n’allons pas reproduire ici les 13 pages documentées et augmentées de notes de référence d’une équipe de 14 spécialistes en cryptographie :

Xavier Bonnetain, University of Waterloo, Canada ; Anne Canteaut, Inria ; Véronique Cortier, CNRS, Loria ; Pierrick Gaudry, CNRS, Loria ; Lucca Hirschi, Inria ; Steve Kremer, Inria ; Stéphanie Lacour, CNRS ; Matthieu Lequesne, Sorbonne Université et Inria ; Gaëtan Leurent, Inria ; Léo Perrin, Inria ; André Schrottenloher, Inria ; Emmanuel Thomé, Inria ; Serge Vaudenay, EPFL, Suisse ; Christophe Vuillot, Inria.

… mais ils ont fait un effort tout à fait louable de pédagogie pour qu’au-delà des problèmes techniques réels, nous comprenions tous. Le document s’intitule : Le traçage anonyme, dangereux oxymore, Analyse de risques à destination des non-spécialistes

Nous vous invitons évidemment à en découvrir l’intégralité, mais voici simplement les cas fictifs (hélas réalistes), les scénarios que les spécialistes nous proposent.

Au moment où va peut-être se déclencher une offensive médiatique en faveur d’une application de surveillance de la part du gouvernement ou de Google+Apple, il n’est probablement pas inutile d’avoir des exemples simples et faciles à comprendre pour expliquer notre opposition.

Nous avons ajouté en complément la conclusion de l’ensemble du document qui précise clairement les limites de toute solution technique et les valeurs que doit respecter l’informatique. Que les auteurs soient vivement remerciés de cet exercice d’éducation de tous qu’ils ont eu l’excellente idée de placer sous licence CC-BY 4.0 .

Accéder aux articles déjà publiés dans notre dossier StopCovid



Le joueur de foot Gronaldo doit disputer le prochain match de Ligue des champions. Pour l’empêcher de jouer, il suffit pour un adversaire de laisser son téléphone à côté de celui de Gronaldo à son insu, puis de se déclarer malade. Gronaldo recevra une alerte, car il aurait été en contact avec une personne infectée, et devra rester 14 jours éloigné des terrains

M. Lambda qui, pour éviter la contamination, ne sort de chez lui que pour faire ses courses à l’épicerie du quartier, reçoit une notification de son téléphone. Il en déduit que le responsable n’est autre que l’épicier.

Mme Toutlemonde qui, elle, croise beaucoup de gens dans la journée, reçoit une notification. Il lui suffit de discuter quelques instants avec son voisin de palier et un collègue de bureau, pour savoir que le malade ne fait pas partie de son entourage professionnel, mais qu’il habite l’immeuble. Grâce à ces indices, elle suspecte fortement (peut-être à tort) M. Harisk du 3e étage, qui est ambulancier, d’avoir contaminé tous ses voisins. Elle s’empresse de prévenir le reste des habitants de l’immeuble via les réseaux sociaux.

M. Ipokondriac voudrait savoir si ses voisins sont malades. Il récupère son vieux téléphone dans un placard, y installe l’application TraceVIRUS, et le laisse dans sa boîte aux lettres en bas de l’immeuble. Tous les voisins passent à côté à chaque fois qu’ils rentrent chez eux, et le téléphone recevra une notification si l’un d’entre eux est malade.

L’entreprise RIPOUE souhaite recruter une personne pour un CDD. Elle veut s’assurer que le candidat ne tombe pas malade entre l’entretien d’embauche et la signature du contrat. Elle utilise donc un téléphone dédié qui est allumé uniquement pendant l’entretien, et qui recevra une alerte si le candidat est testé positif plus tard.

M. Paparazzo cherche des informations sur la vie privée de Mme Star. Il soudoie Mme Rimelle, la maquilleuse qui intervient sur le tournage de son dernier film pour qu’elle allume un téléphone dédié et qu’elle le place à proximité de celui de Mme Star. M. Paparazzo récupère ensuite le téléphone. Il recevra une notification si Mme Star est infectée par le virus.

M. Hanty, qui présente des symptômes du COVID-19, est un militant antisystème. Pour dénoncer la mise en place de l’application TraceVIRUS, il attache son téléphone à son chien, et le laisse courir dans le parc toute la journée. Le lendemain il va voir le médecin et il est testé positif ; tous les promeneurs reçoivent une notification.

Le sous-marin Le Terrifiant doit appareiller dans quelques jours, mais Jean Bond est un agent étranger qui veut empêcher son départ. Il recrute Mata-Hatchoum qui présente des symptômes, et lui demande de faire le tour des bars de marins. Mata-Hatchoum va ensuite se faire tester, et 5 marins reçoivent une notification de l’application. Le Terrifiant est obligé de rester à quai.

L’élève Ducovid a un contrôle de français la semaine prochaine, mais il n’a pas lu l’œuvre au programme. Grâce à une petite annonce, il trouve M. Enrumais qui présente des symptômes et accepte de lui prêter son téléphone. Il fait passer le téléphone de M. Enrumais dans toute la classe, puis le laisse traîner en salle des profs. Il le rend ensuite à M. Enrumais, qui va voir un médecin. Le médecin constate que M. Enrumais est malade du COVID et le déclare dans l’application du téléphone. Ceci déclenche une alerte pour toute la classe et pour tous les professeurs, le lycée est fermé !

M. Rafletou veut cambrioler la maison de l’oncle canard. Avant d’entrer, il utilise une antenne pour détecter les signaux Bluetooth. Il sait que l’oncle canard utilise TraceVIRUS, et s’il n’y a pas de signal c’est que la maison est vide.

Le centre commercial La Fayote veut protéger ses clients, et refuser ceux qui n’utilisent pas l’application TraceVIRUS. Comme l’application diffuse régulièrement des messages, il suffit que le vigile à l’entrée utilise une antenne Bluetooth pour détecter les clients qui utilisent l’application, et ceux qui ne l’utilisent pas.

Peu après avoir installé l’applicationTraceVIRUS, Mme Toutlemonde entend parler de l’application GeoTraceVIRUS qui réutilise les informations TraceVIRUS pour localiser les malades. Mme Toutlemonde apprend ainsi qu’un malade s’est rendu samedi dernier au supermarché PetitPrix. Par crainte (peut-être infondée) d’attraper le virus, elle ne fera pas ses courses chez PetitPrix cette semaine.

La chaîne de supermarché SansScrupule utilise des traceurs Bluetooth pour suivre les clients dans ses magasins. Ils relient l’identifiant Bluetooth à l’identité réelle à partir de l’application MySansScrupule, ou avec les cartes bancaires lors du passage en caisse. Pendant que M. Lambda fait ses courses, ils peuvent simuler un contact avec son téléphone, et ils seront donc prévenus si M. Lambda est malade. Cette information sera transmise au service assurance du groupe.

Mme Toutlemonde a installé l’application chatsMignons sur son téléphone, sans savoir que c’est un logiciel espion (un « malware ») qui l’espionne. Après avoir déclaré dans TraceVIRUS qu’elle est malade, elle reçoit un message pour la faire chanter, menaçant de révéler sa maladie à son assurance et à son employeur qui risque de mettre fin à sa période d’essai. Une autre activité lucrative du crime organisé, très facile à mettre en œuvre dans certains des systèmes de traçage proposés, consisterait à garantir, moyennant finances, la mise en quatorzaine obligatoire de personnes ciblées.


Don Covideone vend une application InfecteTonVoisin sur Internet. Après avoir téléchargé l’application, il suffit d’approcher son téléphone d’une personne pour qu’elle reçoive une notification lui signalant qu’elle est à risque. Les attaques sont désormais possibles sans compétence technique. Ainsi, Monsieur Bouque-Maeker compte parier lors du prochain match de Ligue des champions. Par chance, il assistera à la conférence de presse de Gronaldo. Il mise alors fortement sur l’équipe adverse, pourtant donnée perdante à 10 contre 1. Il télécharge l’application InfecteTonVoisin et approche son téléphone de Gronaldo pendant l’interview. Gronaldo reçoit une alerte, il ne pourra pas disputer le match. Son équipe perd et Monsieur Bouque-Maeker remporte la mise !

[L’image ci-dessous résume l’ensemble de l’argumentaire de 13 pages, pas seulement les cas de figure plus haut mentionnés.]

résumé : Il n’y a pas de base de donńees nominative des malades. VRAI – Les donńees sont anonymes.FAUX – Il est impossible de retrouver qui a contamińe qui.FAUX – Il est impossible de savoir si une personne précise est malade ou non.FAUX – Il est impossible de d́éclencher une fausse alerte.FAUX – L’utilisation du Bluetooth ne pose pas de problème de sécurité.FAUX – Ce dispositif rend impossible un fichage à grande ́echelle. FAUX

 

Conclusion

Le traçage des contacts pose de nombreux problèmes de sécurité et de respect de la vie privée, et les quelques scénarios que nous avons présentés n’illustrent qu’un petit nombre des détournements possibles. À cet égard, la cryptographie n’apporte que des réponses très partielles.

Nombre des situations que nous avons présentées exploitent en effet les fonctionnalités de ce type de technique, plutôt que leur mise en œuvre. Dès lors, l’arbitrage de ces risques ne pourra pas être résolu par la technique. Il relève de choix politiques qui mettront en balance les atteintes prévisibles aux droits et libertés fondamentaux et les bénéfices potentiels qui peuvent être espérés dans la lutte contre l’épidémie. À notre connaissance, l’estimation des bénéfices d’un éventuel traçage numérique est aujourd’hui encore très incertaine, alors même que les scénarios que nous avons développés ici sont, eux, connus et plausibles.

Un principe essentiel en sécurité informatique est que l’innocuité d’un système ne doit en aucun cas être présumée en comptant sur l’honnêteté de certains de ses acteurs. Ce même principe apparaît dans l’évolution de notre droit en matière de protection des données à caractère personnel. Si, avec la loi « Informatique et libertés » de 1978, c’était de la part des pouvoirs publics, et singulièrement de l’état, que des dérives étaient redoutées, les acteurs privés puis, à travers le RGPD, tous les acteurs de la société ont été associés à ces craintes. Les atteintes que les systèmes de traçage peuvent faire subir aux droits et libertés de chacun et chacune d’entre nous peuvent venir non seulement des pouvoirs publics qui en recommandent le développement et la mise en œuvre, mais aussi d’autres acteurs, collectifs ou individuels, qui sauront tirer profit des propriétés de ces systèmes comme autant de failles.

Le premier alinéa de l’article 1 de la loi de 1978 a survécu à toutes ses révisions et évolutions. L’urgence que nous ressentons collectivement face à notre situation actuelle ne doit pas nous le faire oublier : L’informatique doit être au service de chaque citoyen. […] elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques.

Journal de confinement d’un directeur d’école

jeudi 23 avril 2020 à 15:13
C’est au tour de Cyrille de prendre la plume pour nous raconter son confinement. Directeur d’une école, il a dû très vite s’adapter à la suite de l’annonce rapide de la fermeture des établissements. En tant que membre de Framasoft, il avait quelques atouts numériques dans sa manche.

Jeudi 12 mars : la surprise

Soyons honnête, je m’attendais au confinement, mais pas dès ce lundi. Ce matin, notre ministre annonçait qu’ « il n’y aura pas de fermeture généralisée des écoles en France comme on a pu le voir dans d’autres pays d’Europe ».
Pourtant, ce soir, le président prononce ces mots.
« Dès lundi et jusqu’à nouvel ordre, les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités seront fermés pour une raison simple : nos enfants et nos plus jeunes, selon les scientifiques toujours, sont celles et ceux qui propagent, semble-t-il, le plus rapidement le virus, même si, pour les enfants, ils n’ont parfois pas de symptômes et, heureusement, ne semblent pas aujourd’hui souffrir de formes aiguës de la maladie. C’est à la fois pour les protéger et pour réduire la dissémination du virus à travers notre territoire. »
Dès lors, le premier réflexe, utiliser la liste de diffusion SMS du PPMS (Plan Particulier de Mise en Sûreté) pour informer les collègues (atsems, enseignants, avs…) qui n’auraient pas l’information et de proposer un conseil des maîtres le lendemain midi pour se coordonner, s’organiser, s’entre-aider.
Repas terminé, enfants couchés, ma priorité est de régler le plus de détails possible pour être au maximum disponible demain, car le vendredi, comme le jeudi, j’ai les élèves.
Donc, création d’affichages, d’un mot pour les cahiers, sur le site de l’école, préparation du travail pour les CE2 et les CM2 pour la semaine suivante, vérification de la validité des différents comptes des enseignants sur le site de l’école…

Vendredi 13 mars : le marathon

Arrivée un peu plus tôt que d’habitude, j’accroche les affichages, duplique les mots, les devoirs de mes élèves. Discussion, échanges avec les collègues. Ouverture des portes, rassurer parents et enfants…
Explication du fonctionnement à mes élèves. Et puis on travaille, presque comme d’habitude.
Le midi, transmission de quelques consignes générales données aux collègues :
  •     les élèves partent avec leurs affaires : manuels, ardoises…
  •     demander d’utiliser autant que possible son adresse mail professionnelle.
  •     communiquer des premières informations générales et notamment que le site de l’école sera la porte d’entrée pour le suivi du travail…
Puis, je reste disponible pour un libre service de conseil sur comment se connecter, publier sur le site (j’axe sur ajouter du texte, du texte, un PDF).
Dans la journée, il faut également essayer de savoir ce que vont devoir faire les différents personnels non enseignants : atsems, avs, services civiques durant la fermeture de l’école.
16h30 : Les élèves partent. C’est un sentiment un peu étrange, nous ne savons pas quand nous les reverrons. Des parents de ceux absents viennent chercher le travail.
18 heures : Après avoir récupéré mes enfants, je reçois un nouveau mail de l’inspection concernant l’accueil d’enfants de soignants dès lundi. Appel aux services scolaires de la mairie qui m’annoncent que la cantine a été pour le moment totalement annulée. On s’organise provisoirement : accueil dans chaque établissement, les familles devront apporter leur pique-nique et on fera le point le lundi.
Dans la soirée, changement de la page d’accueil du site pour orienter plus facilement les élèves et leurs parents vers la partie qui concerne leur classe.

Nouvelle page d’accueil du site (en vrai, les noms des classes sont centrés, pour l’article, j’ai effacé les noms des enseignants ;-) )

Samedi 14 mars et dimanche 15 mars

Le samedi soir le Premier ministre annonce un confinement de toute la population à partir de mardi. Changement de programme : les réunions entre enseignants (conseils de cycles) avec les familles (équipes éducatives) qui devaient être maintenues, sont donc de facto annulées, en tout cas en présentiel. 
Objectif global du week-end : informer, accompagner, outiller les enseignants en essayant de ne pas les noyer sous les informations.
Leur fournir un premier fichier extrait de Onde (le logiciel de l’éducation nationale pour gérer les inscriptions des élèves), leur demander de vérifier avec leurs fiches de renseignements. Au besoin, j’envoie un SMS avec le portable de l’école (content alors de l’avoir demandé pendant plusieurs années et que la mairie ait accepté) pour obtenir des adresses mails manquantes.
Dimanche, 12h, suite aux déclarations du directeur général de la santé, je fais le choix de demander aux enseignants de rester chez eux à partir du lundi,  je serai présent à l’école le lundi matin pour accueillir les potentiels enfants de soignants. J’informe mon IEN (Inspectrice de l’Éducation Nationale) de cette décision.
Affichage devant l’école et sur le site pour informer les potentiels enfants de soignants de l’organisation retenue.
Envoi d’un message de soutien aux amis salariés de Framasoft, car je sais qu’avec l’annonce du confinement et du télétravail dans l’éducation nationale et pour une très grande majorité des travailleurs, ils vont en prendre plein la tronche.

Lundi 16 mars

Arrivée à l’école vide. Aucun enfant de soignants n’est présent sur notre école. 
Avant de partir, je récupère du matériel : caméra Hue, casque micro, un tableau blanc, certains spécimens de manuels…
Milieu de matinée, appel de la mairie qui me demande mon avis pour l’accueil de ces enfants. Il n’y en avait qu’un seul sur une des écoles de la commune. Je lui propose alors de regrouper tous les futurs présents sur cette école. 
12h : mail de l’IEN qui confirme que cette organisation est retenue. Mail aux enseignants pour savoir qui est volontaire en précisant bien que ceux qui ont des fragilités ou des personnes fragiles dans leur environnement proche ne sont pas concernés. Affichage devant l’école et sur le site du changement de dispositif.
Dans la journée, très fier de constater que l’équipe pédagogique s’est mobilisée en masse. Sur l’école : 6 enseignants pour le temps scolaire, 2 animatrices et 2 atsems pour les temps périscolaires sont volontaires

Mardi 17 mars

Avec ma collègue directrice d’une des autres écoles, nous accueillons l’enfant présente et organisons les services des bénévoles. Nous réussissons à ne mobiliser les enseignants qu’une à deux demi-journées par semaine.
Finalement, la mairie décide de remettre en route le service de restauration (chez nous les repas sont encore faits sur place sur une cuisine centrale). Dès le jeudi, nous changerons d’école pour être près de cette cuisine.
En parallèle, appui aux collègues de l’école pour les aider à publier leurs articles.
Réalisation d’un conseil de cycle virtuel pour confirmer les propositions de passage.

Mercredi 18 mars

Je continue l’accompagnement des collègues sur des problèmes qu’ils rencontrent sur la publication, le manque de coordonnées de certaines familles… En parallèle, je modère les messages des parents sur le site, leur réponds, fais le lien avec les enseignants concernés.

Jeudi 19 mars

Réception d’un mail de l’inspectrice « Lettre aux enseignants » à transmettre aux collègues. Un courrier plein d’humanité qui fait beaucoup de bien après ces premiers jours de classe à distance. On est loin de ce que peuvent faire remonter certains enseignants d’autres circonscriptions. La qualité de ce premier échelon hiérarchique est vraiment essentielle.

Vendredi 20 mars

Je propose aux élèves qui le peuvent de découvrir le fonctionnement d’un pad et ainsi tout simplement de prendre des nouvelles, échanger entre eux.
Première semaine écoulée. J’ai pu voir que les différents ENT, services… ont eu beaucoup de mal à encaisser cette charge. Et c’est bien normal. De notre côté, avec notre site internet indépendant, on s’en sort sans douleur au niveau technique. Toute cette première semaine, j’ai vérifié chaque publication des collègues afin de corriger certains petits détails et les aider. 

Samedi 21 mars et dimanche 22 mars

Je continue à essayer d’outiller les collègues. Il faut leur faire des tutoriels qui utilisent précisément le site de l’école. Les tutos existants sur le net ne permettent pas à tous de s’y retrouver. Dès le vendredi, je m’y attèle et c’est une fournée de 8 tutos que je leur fournis.

Les mini-tutos pour les collègues

C’est clairement perfectible, mais dans l’urgence, cela sera déjà une bonne aide.
Dans cette période où chacun est isolé chez soi, je propose aux atsems d’avoir un accès au site de l’école pour y publier ce qu’elles souhaitent afin de garder un lien avec les familles.

Semaine du 23 au 27 mars

Je poursuis les permanences pour les enfants de soignants. On tourne entre 4 et 12 élèves.
J’adapte le planning en fonction des nouvelles contraintes des personnes volontaires.
Le mardi, superbe surprise, nos atsems lancent sur le site de l’école un projet de bricolages avec des matériaux de récupération pour la « fête de la liberté ». Elles n’ont eu aucune formation spécifique, ne sont pas des « digital natives », elles ont juste suivi les mini-tutos.
Ce même jour, première réunion de directeurs avec l’inspectrice en visioconférence.
Au niveau de la direction, le gros dossier de cette semaine est l’envoi individualisé des propositions de passage et du premier volet du dossier de passage en 6e. Évidemment, dans Onde, rien n’est prévu pour faire un envoi par mail en un clic depuis leur site. Il faut télécharger les fiches individuelles générées par classe, les découper en fichier individuel et envoyer à chaque famille par mail. Ensuite, suivre le retour…
Pour la classe, préparation des deux journées à distance, puis en fin de semaine, mise en ligne de la correction. Il faut essayer de trouver le juste dosage pour la quantité de travail. Je propose un nouveau temps d’échange en utilisant un pad, mais ce coup-ci avec un petit objectif d’écriture.

Petit travail d’écriture à distance en mode collaboratif

Au passage, petit coup de main à une de personne de la circonscription pour créer des PDF modifiables avec LibreOffice.
Le week-end, je débute l’impression de visières de protection pour les enfants et les adultes du service d’accueil en reprenant le modèle proposé par la youtubeuse Heliox.

Vidéo d’Heliox pour la fabrication de visières avec une imprimante 3D.

Semaine du 30 mars au 3 avril

Distribution des visières qui remportent un franc succès : prévues initialement pour les enfants et les adultes encadrant, les cuisinières et d’autres agents municipaux s’en emparent également.

Enfant de soignants équipée d’une visière qui grâce au flou artistique complètement volontaire du photographe peut rester anonyme.

Mardi, visioconférence avec les enseignants de l’école à la fois pour donner quelques informations, leur faire découvrir l’outil du CNED et avoir le plaisir de se donner des nouvelles.
Jeudi, appel des différentes familles de la classe et nouvelle réunion de directeurs avec l’inspectrice en visioconférence.
Comme la semaine précédente, préparation des jours de classe et de la correction.
Envoi du 2e volet du dossier 6e pour les élèves de CM2. 
Préparation du planning de présence des enfants de soignants pendant les vacances scolaires. Même si c’est encadré par des agents municipaux, je continue l’organisation du service d’accueil afin que les familles n’aient pas une multiplicité d’interlocuteurs.
Préparation également du planning des enseignants volontaires pour les deux semaines qui suivent la rentrée, le ministre ayant annoncé un arrêt des cours au moins jusqu’au 4 mai.
Deux familles se sont manifestées, car leur matériel informatique est devenu défaillant. En concertation avec la mairie, l’école prête deux portables.

Du 4 au 19 avril : les vacances

La zone C, nous sommes en vacances. La pression retombe. Honnêtement, cela faisait un bon moment que je n’avais pas senti une telle fatigue liée au boulot. Un mot sur la page d’accueil de l’école pour indiquer qu’enfants comme enseignants sont en vacances. Pour une fois, je suis bien content d’être la première zone en vacances.
Afin que les élèves puissent garder un contact entre eux, je mets en place une sorte de mini-chat sur le site de l’école, avec accès réservé aux élèves de la classe. Ravi de voir qu’aucun débordement n’a lieu.

Un chat pour les vacances

Toutefois, même si le rythme est plus tranquille, je me prépare au scénario du pire et commence à planifier toutes les notions essentielles à voir d’ici la fin de l’année. J’enregistre toutes les dictées jusqu’à la fin de l’année, prépare des mini-leçons pour les leçons des premières semaines. J’en profite pour les mettre sur le Peertube temporaire de l’académie qui vient juste d’ouvrir.

Mes vidéos sur le Peertube temporaire de mon académie

Mon objectif : ne quasiment plus avoir de préparation pour la classe à faire pour les 3 prochaines semaines afin de me concentrer sur la direction de l’école avec de grosses échéances à venir (admission des nouveaux élèves, constitution des classes, commandes…) qu’il faudra adapter selon les conditions sanitaires.
Week-end de Pâques, je sers de cobaye à 3 collègues qui se lancent dans le stage de soutien pendant la 2e semaine des vacances. Avec la plateforme de visioconférence du CNED, nous voyons quelles fonctionnalités sont pertinentes pour une utilisation avec un petit groupe d’élèves.
Lundi 13, alors que les potentielles « fuites » laissaient entendre à une reprise en septembre, le président annonce une poursuite du confinement et une réouverture progressive des établissements à partir du 11 mai. Plusieurs questions. Sans les conséquences économiques d’un confinement, aurait-il annoncé une reprise le 11 mai ? Qu’entend-il par « progressive » ? Ne serait-ce pas nous les directeurs qui allons une fois de plus endosser cette responsabilité (« L’ensemble des locaux scolaires est confié au directeur, responsable de la sécurité des personnes et des biens » Circulaire no91-124 du 06 juin 1991 modifiée par les circulaires nos 92-216 du 20 juillet 1992 et 94-190 du 29 juin 1994 art.4-1) ?
D’un point de vue personnel, la réunion familiale pour Pâques est quelque chose de très important pour mes parents. Nous leur avons donc fait vivre la chasse aux œufs et playmobil dans le jardin en visioconférence (merci Jitsi !).
Avant de reprendre, préparation d’une enveloppe pour chaque élève avec un roman, quelques photocopies, un courrier leur indiquant vers où on va pendant les prochaines semaines. Notre mairie procède encore aux envois postaux pour les écoles (j’ai déjà dit combien j’avais de la chance). Toutefois, la majorité des élèves habitant à moins d’un kilomètre de chez moi, j’ai fait une petite distribution dans les boites aux lettres le jeudi.
Avant de reprendre, nouveau prêt d’un ordinateur de l’école à une famille qui n’a pas d’enfant chez nous, que des collégiens. Mais bon, le collège leur ayant dit qu’il n’avait pas de possibilité de prêter du matériel avec la mairie nous nous sommes dit qu’on ne pouvait pas laisser un collégien sans PC pendant les 3 prochaines semaines. Surtout que c’est une mère infirmière, qui se bat tous les jours à l’hôpital voisin pour sauver des vies, cela aurait été indécent de ne pas les aider à notre manière.

Point d’étape

On ne peut pas vraiment parler de bilan, car on n’est pas au bout du confinement, voici donc un point d’étape avant de reprendre pour une session d’au moins 3 semaines de classe à distance.

Point de vue personnel

Le confinement et l’isolement ne sont pas, en soi, un problème pour moi. J’ai un caractère ours très développé et je crois avoir des projets pour les deux décennies à venir. Le risque d’ennui est donc très limité. En plus, j’ai la chance d’avoir un jardin qui est un véritable atout. Je me sens vraiment privilégié.
J’ai été content de voir que des ressources réalisées auparavant comme le site de littérature de jeunesse libre semblent utiles. D’ailleurs, cela a fait exploser mes statistiques de visites ! Euh, en réalité je n’en sais rien et je m’en moque, je ne sais même pas si j’ai des stats quelque part sur mon hébergement. J’ai toujours l’habitude de fonctionner de manière assez égoïste pour la création de tel ou tel projets. Je le fais si cela me fait plaisir, si j’en ai envie. Ces projets servent à d’autres, tant mieux, sinon, eh bien, je me serai amusé à les réaliser.
Au niveau familial, pendant la partie scolaire, je n’ai pas été très disponible les matins et heureusement c’est ma femme qui a géré toute la partie du suivi des devoirs des enfants.

Installation le long de l’escalier pour que #4ans place les nombres dans le bon ordre.

Point de vue de la classe

Je crois qu’avec ma collègue avec qui je partage la classe, nous avons réussi à trouver un juste équilibre afin de permettre la fois aux élèves de poursuivre les apprentissages sans submerger les familles. Il a fallu à la fois proposer des activités ne nécessitant pas ou peu d’impressions et des travaux ne demandant pas une connexion Internet ou un ordinateur en permanence (entre les parents en télétravail, les frères et sœurs, le tout sur un seul appareil parfois).
Les différentes familles que j’ai eues au téléphone se retrouvent bien dans le fonctionnement que nous avons proposé avec ma collègue. 

Point de vue des membres de l’équipe pédagogique

Je suis juste fier de ce qu’ils ont fait jusqu’ici au niveau du lien avec les enfants et les familles. Chacun avec ses moyens a essayé. Certains ont publié leurs premiers articles sur le site à cette occasion et ont publié tous les jours depuis. D’autres, un peu plus expérimentés ont testé la création de petites vidéos par exemple. Au niveau du numérique, je crois pouvoir dire qu’ils vont tous avoir progressé.
Fier aussi de leur investissement dans le service d’accueil des enfants de soignants.
Fier également de leur bienveillance réciproque, à chercher à prendre des nouvelles de chacun.
Au niveau médical, trois membres de l’équipe ont chopé le covid19, pour le moment sans gravité.

Point de vue de l’école

En 1 mois la communication électronique a explosé. Sur la messagerie de l’école : 700 mails envoyés et 995 mails reçus (dont 209 de parents d’élèves, 122 de l’inspection, 50 liés au service d’accueil des soignants, 20 de l’inspection académique, 30 des syndicats, 30 mairie, 284 mails de différents expéditeurs, 250 mails inutiles et donc supprimés)
Et je ne compte pas les messages envoyés depuis la messagerie professionnelle personnelle.
Le contexte local et des choix faits ces dernières années au sein de l’école ont permis une gestion pas trop douloureuse :
  • un lien avec la mairie sans faille. Nous travaillons ensemble, dans la même direction avec le même objectif pour les enfants de la commune.
  • une relation hiérarchique de confiance. J’ai la chance de pouvoir compter sur une équipe de circonscription qui a su être présente sans nous mettre de pression inutile.
  • des choix techniques respectueux des données des familles et des enfants. Depuis plus de 10 ans, nous avons notre propre site d’école, maintenant sous WordPress avec notre propre nom de domaine. Il est un véritable repère pour les enfants, familles et enseignants. Aucun problème de saturation du site. L’habitude d’utilisation du mail professionnel par les enseignants a aussi été un atout.
  • des choix d’organisation interne. Depuis des années nous travaillons avec des cahiers qui suivent les élèves sur plusieurs années, ce qui nous permet d’avoir des marges budgétaires pour disposer de séries de manuels et de livres de littérature de jeunesse. Ces supports papier ont été très utiles et complémentaires du site Internet.
On a beaucoup entendu ces derniers jours qu’une reprise se justifiait pour les enfants les plus fragiles. Mais ces enfants les plus fragiles, cela fait déjà des années que pas grandchose n’est fait pour qu’ils s’en sortent. Leurs problématiques sont trop souvent extérieures à l’école. La suppression des RASED, le manque de places dans les services adaptés, les délais d’attente pour les prises en charge médicales, la surcharge des services sociaux… c’est tout cela qui empêche ces enfants en grande difficulté de s’en sortir. L’école ne peut malheureusement pas combler ces carences.

Point de vue du libre, du respect des données

Pendant « le grand confinement » de nombreuses offres gratuites, temporaires, d’accès à des ressources sont apparues. La grande majorité, j’ose le croire, avec une volonté de proposer une aide pendant cette période, d’autres, il ne faut pas se leurrer, avec l’espoir de récupérer des parts de marché tel un dealer offrant sa première dose à un futur toxico.
Les enseignants, ne leur jetons surtout pas la pierre, ont pour certains utilisé des applications, services clairement irrespectueux des données personnelles de leurs utilisateurs. Et les utilisateurs, ici, ce sont des enfants. Il faut dire qu’à différents niveaux hiérarchiques, même le plus haut, l’exemple n’est pas forcément le bon et qu’une certaine pression peut parfois être exercée pour que la classe continue comme normalement.
Au niveau éducatif, le monde du libre a su répondre. Même si dans un premier temps, à Framasoft, nous avons dû, à contrecœur,  « refuser » les enseignants, nous avons finalement réussi à garantir un service fiable en augmentant notre puissance de feu (allégorie guerrière pour être dans la thématique étatique) et grâce au soutien du collectif CHATONS. Nos salariés sont vraiment extraordinaires !
La deuxième bonne nouvelle au niveau du libre est la mise en place de services à base de logiciel libre pour chaque académie : vidéo (peertube), écriture collaborative (etherpad), blogs, webconférence (jistsi), partage de documents (nextcloud), forums (discourse). Ce travail est le fruit d’un groupe à la DNE. Cette plateforme est pour le moment temporaire le temps du confinement. Espérons qu’elle perdure !

Les services libres temporaires proposés par un groupe de la DNE.

Et alors, on était prêt ?

C’est un mantra entendu à de multiples reprises : « nous sommes préparés en cas d’épidémie ». Alors je crois que personne ne peut affirmer honnêtement que oui. Peut-être que vu le contexte local, sur notre école nous l’étions un peu moins mal que d’autres. Il sera temps, un peu plus tard, de tirer le bilan des dysfonctionnements, des améliorations à apporter… en attendant, profitons de l’école en fleurs.

Les élèves ne peuvent pour le moment pas en profiter…

StopCovid une application qui vous veut du bien ?

mercredi 22 avril 2020 à 19:22

On continue notre dossier StopCovid, avec cette fois la (re)publication d’un billet de Loïc Gervais, médiateur numérique, formateur et citoyen engagé. Il partage ici son ressenti en tant que professionnel de la médiation numérique sur l’application StopCovid.

[Article paru originellement sur http://mediateurnumerique.org/, sous licence Creative Commons By]

Accéder aux articles déjà publiés dans notre dossier StopCovid


Dans son adresse aux Français du 13 avril, le Président de la République Emmanuel Macron a fait mention de l’application StopCovid sans la nommer.

Plusieurs innovations font l’objet de travaux avec certains de nos partenaires européens, comme une application numérique dédiée qui, sur la base du volontariat et de l’anonymat, permettra de savoir si, oui ou non, on s’est trouvé en contact avec une personne contaminée. Vous en avez sûrement entendu parler.

Une chose est certaine, nous entendons beaucoup parler de cette application. Mais qu’en savons-nous vraiment ? Le rôle du médiateur numérique est d’accompagner le citoyen dans les enjeux liés au numérique. Autrement dit de lui donner les éléments essentiels de culture numérique pour qu’il puisse se forger une opinion sur cette application et ainsi participer au débat. Voyons donc à travers ce billet son principe de fonctionnement dans un premier temps. Vous avez été nombreux à me questionner aussi sur les risques de sécurité informatique ainsi que sur les risques liés à nos données personnelles.

 

Le laboratoire de Mr Q

Dans les films de James Bond, le professeur Q est celui qui fournit à 007 les innovations technologiques pour accomplir au mieux sa mission. Pour autant la réussite du plus célèbre des agents secrets ne repose que très partiellement à son recours à l’aide technologique. À tel point que les inventions du Professeur Q sont pour nous autres de simples gadgets.

Quel que soit le problème, il y aura toujours une main qui se lèvera pour proposer une solution technologique. En fait il y aura plusieurs mains qui se lèveront. Et dans la plupart des cas, les solutions proposées ne fonctionneront pas comme espéré. Les inventeurs réclameront davantage de crédit ou une meilleure implication du public cible. Rarement le principe d’avoir recours à la technologie sera remis en cause en tant que tel. C’est pourtant la première question à laquelle nous devons répondre. Avons-nous besoin de nouveaux outils technologiques pour gérer la situation actuelle ? Qu’est-ce que le corps médical attend comme fonctionnalités de ces nouveaux outils ? En la matière dans son communiqué daté du 2 avril le Conseil Scientifique préconisait  « de nouveaux outils numériques permettant de renforcer l’efficacité du contrôle sanitaire de l’épidémie »

Principe de fonctionnement.

Le gouvernement s’est donc lancé dans le développement de l’application StopCovid. Le but de cette application est de  limiter les contaminations en identifiant des chaînes de transmission. Il est important d’insister sur ce point. Le but de StopCovid est de limiter la propagation du virus. L’application n’a pas pour objectif de soigner ou d’éradiquer le Coronavirus, uniquement de limiter sa propagation.

Je télécharge l’application (si je le souhaite) et si j’entre en contact avec une personne (qui possède l’application) et qui a développé le virus alors je reçois une notification. En aucun cas cela ne veut dire que je suis moi-même contaminé⋅e. Cela m’invite à passer un test, s’il y a quelques jours j’ai croisé quelqu’un positif.

Autrement dit l’application repose sur le principe que tout le monde joue le jeu. En effet 70 % des Français possèdent un smartphone (62 % des 60-69 ans et 44 % des 70 ans et plus). Selon une étude de l’université britannique d’Oxford publiée dans la revue « Science », un tel dispositif prouverait son efficacité si au moins 60 à 70 % de la population l’utilise.

Des questions restent en suspens. Si je suis positif est-ce que c’est moi qui le notifie à mon application ? Et si je suis notifié comment garantir que je vais bien aller faire mon test de dépistage ? L’application repose sur une grand part de civisme des utilisateurs. Et bien sûr il faut que la technologie utilisée soit en elle-même fiable.

Sécurité.

En amont de la rédaction de ce billet les questions ont tourné sur le degré de précision de l’application, la sécurité et la confidentialité. Reprenons ces questions. « Le bluetooth est il aussi précis que le GPS ? » me demande Matthieu.

A priori le choix du Gouvernement s’oriente vers une technologie Bluetooth. Celle-ci a le mérite de fonctionner dans plus d’endroits (par exemple dans le métro). Le Bluetooth a un degré de précision de l’ordre de 10 mètres et est plus respectueuse de ma vie privée. Le Bluetooth localise mon téléphone, mais pas son propriétaire. Ainsi si j’ai été en contact avec quelqu’un de positif, je recevrais une notification sans que personne puisse identifier la source. De la même manière personne ne saura que j’ai reçu cette notification. On saura juste que les appareils ont été en contact. Ces appareils seront identifiés par des références anonymes qui changeront toutes les X minutes. A 15h00 mon téléphone s’appellera YT59 à 15hX il s’appellera RD26. Je recommande de prendre 10 minutes pour écouter mon camarade Matti Schneider à ce sujet.

Cliquez sur l’image pour la visionner sur invidio.us

 

Le Bluetooth ravive de mauvais souvenirs chez certains. Julien me demande ainsi si le fait d’activer le BlueTooth en permanence ne constitue pas un risque en matière de vol de données du téléphone. Il est vrai que dans son guide du nomadisme numérique, l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information « recommande de désactiver les services qui sont potentiellement sources de menaces, comme  le Bluetooth » . j’ai interrogé l’ANSSI à ce sujet. Je n’ai pas eu de retour à ce jour.

Liberté.

« Cette application respecte toutes nos lois et toutes nos valeurs en termes de libertés publiques et de protection de la vie privée. Il n’y a aucune donnée qui est accessible, ni pour l’État, ni pour qui que ce soit. »

 

Cédric Ô, France Info 17 avril 2020.

Marie-Laure DENIS, Présidente de la Commission Nationale Informatique et Libertés a été auditionnée par la commission des lois de l’Assemblée nationale le 8 avril 2020 a précisé les choses en la matière de son point de vue :

« Si un suivi individualisé des personnes était mis en œuvre, il faudrait d’abord, à droit constant, qu’il soit basé sur le volontariat, avec un consentement réellement libre et éclairé – et le fait de refuser l’application n’aurait aucune conséquence préjudiciable. Ensuite, la CNIL veillerait notamment à ce que ce dispositif soit mis en place pour une durée limitée. » (Source).

En tout état de cause, la solution retenue  ne peut constituer qu’un des éléments d’une réponse sanitaire plus globale. D’un point de vue technologique, l’application peut très bien être dans les clous.

C’est sur le terrain social que nos libertés pourraient être mises à rude épreuve. Pour que l’application soit efficace, il faut un grand nombre d’utilisateurs. Il faut s’attendre donc à de grandes campagnes de communication du Gouvernement en ce sens. Vos collègues de boulot vous demanderont si vous l’avez téléchargé. On ne peut pas exclure non plus que l’employeur l’installe par défaut sur les téléphones professionnels. Le risque est que l’on s’habitue à ce type de solutions et qu’on en redemande sans même savoir si c’est efficace. En la matière, les caméras de vidéo-protection (ou vidéo-surveillance) constituent un exemple. Malgré leur coût faramineux et leur impact limité nous nous sommes habitués à être filmés partout. Tant et si bien que nous en demandons plus, en dépit de toute objectivité.(Voir par ailleurs)

L’indispensable médiation.

Le Secrétaire d’État au Numérique a saisi le Conseil National du Numérique sur StopCovid. Dans sa lettre adressée à la Présidente du CNNUM, Salwa TOKO, Cédric O demande des « recommandations sur les conditions qui pourraient permettre l’adoption [de StopCovid] par le plus grand nombre et notamment sur la question essentielle de l’inclusion ». Le ministre invite le Conseil National du Numérique à rencontrer les acteurs de la société civile. Aussi, je prends les devants et  expose le point de vue d’un médiateur numérique.

Il y a quelques années, je participais avec les membres d’alors à la rédaction du rapport inclusion numérique de votre institution. Je me permets de reformuler ici la deuxième des sept propositions : « faire de la littératie pour tous le socle d’uns société inclusive ».

Je participe actuellement à la plateforme Solidarité-Numérique. Nous avons reçu des milliers appels. Cette semaine nous devrions traiter beaucoup de demandes liées aux déclarations d’impôts. Je doute très sincèrement que nos appelants soient en mesure de donner un consentement réellement libre et éclairé concernant StopCovid.

L’une des actions qui pourrait permettre l’adoption de  StopCovid est de développer davantage les actions de littératie numérique. La crise que nous traversons montre à quel point nous sommes tous collectivement en déficit numérique. On parle souvent de 13 millions de Français éloignés du numérique. Cette crise nous montre que ce chiffre est sous-évalué, largement.

Nous n’aurons pas les moyens dans les semaines qui suivent de faire monter en compétence autant de personnes. Nous n’aurons pas les moyens de donner à chaque citoyen les éléments de littératie numérique pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette application. Je ne suis pas certain d’ailleurs que beaucoup de médiateurs numériques aient eux-mêmes ces éléments.

Pour une société numérique inclusive.

Cette crise extraordinaire questionne de fond en comble nos rapports au numérique. Elle met en relief le besoin indispensable de médiation pour permettre au citoyen de prendre part au débat. Beaucoup d’informaticiens, de juristes, d’élus ont exprimé leur réserve, voire leur opposition à ce projet. Beaucoup de citoyens vont se retourner vers un médiateur numérique pour avoir un avis sur cette application.

A titre personnel, je ne peux conseiller à quiconque d’avoir recours à cette application tant qu’elle n’apporte aucune garantie suffisante. Pour autant les questions abordées à travers ce projet nous interrogent sur notre vision du vivre ensemble d’une part et sur l’impérieuse nécessité d’accompagnement aux usages numériques d’autre part. Comme je l’ai indiqué dans un précédent article, de nouveaux équilibres sont à trouver pour la médiation numérique.

 

 

Framaconfinement semaine 4 – tout parler pour repartir sur des bases saines

mercredi 22 avril 2020 à 16:54

Cette fois-ci, c’est moi, Pouhiou, qui raconte la semaine avant-dernière. Parce ouais, j’ai pris du retard. J’ai beau me dire bavard professionnel du clavier, y’a des moments, ça sort pas tout de suite.

Il faut dire que la période que l’on vit invite à peser sur pause, à prendre un indispensable recul sur nos manières d’agir, de réagir. Et c’est un peut tout cela qui me saute au yeux alors qu’on commence à y voir plus clair au sein de Framasoft…

Ce récit est donc basé sur notre histoire vraie, vécue entre le 6 et le 12 avril ;).

L’accès à l’ensemble de nos articles « framaconfinement » : https://framablog.org/category/framasoft/framaconfinement/

Ne nous laissez pas un clavier entre les mains…

Cette semaine, à la technique, ils ont érodé des touches et usé leurs mulots. Ça a très très mal commencé pour Luc. Dimanche soir, un serveur est tombé en rade, entraînant dans sa chute une bonne dizaine de sites et services importants (dont notre blog, notre forum, etc.). C’est la panne mécanique bête et méchante d’un serveur vieillissant, qui a demandé à Luc une bonne grosse journée de boulot (du genre 6h-21h) pour tout remonter. C’est ce que les technicien·nes appellent, dans leur jargon spécialisé, un bon gros lundi de merde.

Résumé des faits, selon Luc.

Durant cette semaine, Chocobozzz a, entre autres, travaillé à améliorer Etherpad (le logiciel qui fait tourner nos Framapads). Je comprends pas trop ce que ça veut dire, mais il paraît que suite à son ajout d’une fonction à l’API d’Etherpad Lite, Luc a mis à jour son module Perl Etherpad puis a créé une sonde Munin qui exploite cette nouvelle fonction. Ce que je comprends, c’est que grâce à eux on pourra mieux voir quand une horde de scribes vient écrire des Framapads, et qu’il faut qu’on assure pour accueillir cette montée en charge.

Theo, c’est notre stagiaire qui s’est attaqué à l’amélioration de Framaforms, un service que tout le monde utilise mais un code auquel personne ne contribue. Enfin, jusqu’à son arrivée messianique. D’ailleurs il parait que spf, qui voit augmenter le nombre de demandes d’aides face aux bugs de Framaforms, brûle secrètement des cierges à l’effigie de Théo. Mais faut pas le dire. Bref, cette semaine, notre héros a vaillamment essayé de réinventer un module Drupal avant d’apprendre qu’il existait. La morale de notre conte : même quand t’es héros, y’a des jours, c’est pas ton jour…

Par soucis d’équité, nous publions ce résumé des faits, mais cette fois-ci selon les serveurs eux-mèmes.

…on risquerait de s’en servir

Non parce que y’a pas que du code qui est sorti de nos claviers. Avec ce confinement, nous enchaînons les articles Framablog comme d’autres enchaînent les pains-cocotte au levain maison. Moi-même, je suis rentré d’une semaine de congés-Animal-Crossing pour direct lâcher sur un pad 2500 mots d’un article très intime sur les solutions technologiques vues comme autant de baguettes magiques.

Je sais que quand un texte va chercher dans mon expérience profonde, intime, dans le vécu un peu dur à sortir, c’est que le propos est d’autant plus important pour moi. Ben là, franchement, même moi j’ai été surpris d’à quel point j’avais besoin de dénoncer cette diversion de merde qu’est StopCovid. Plus on avance et plus j’ai l’impression que ce projet est utilisé pour montrer « qu’on fait quelque chose » parce que « il vaut mieux ça que rien » (demandez aux fab-labs et collectifs #VisièresSolidaires si y’a rien à faire, qu’on rigole).

Mon retour de congés, allégorie.

A priori, je ne suis pas le seul que ce solutionnisme technologique titille. Sur le Framablog, Framalang s’active à traduire les recommandations de l’association Algorithmwatch et la BD explicative de Nicky Case. Pyg et Goofy se démènent pour reprendre l’article d’Hubert Guillaud (InternetActu.net), démontrant les risques de signose et de glissement. Pendant ce temps chez la #TeamChauves, Framatophe replace cette crise et ses « révélations » dans le contexte de la surveillance généralisée et du Capitalisme de Surveillance.

Alors qu’Angie combat sa leucosélophobie afin d’écrire notre journal de la semaine précédente, elle participe, en plus et sur son temps libre, à l’encadrement du Libre Cours de Stph sur la culture libre. Stph, qui, en plus de son libre cours, propose deux articles à ajouter dans les tuyaux du Framablog. Et c’est là que Marien arrive avec l’idée d’une interview factice de la #TeamMemes afin d’organiser un lâcher de conneries sauvages sur le Framablog.

Faut pas nous laisser un clavier entre les mains, j’vous dis. C’est une grande règle chez Framasoft : si on a un clavier et du temps, on va s’en servir !

Business as unusual

C’était bien mon problème, lorsque je suis rentré d’une semaine de confinement sur mon île vidéoludique : les potes de Framasoft se sont servi⋅es de leurs claviers, genre… beaucoup. Pour rattraper le fil, y’a deux écoles : soit tu lis tout (toutes les listes de diffusion, les canaux de notre framateam, les articles blogs, etc.), soit tu ne lis rien, en mode Yolo.

Sauf que j’ai pas mon CACES.

C’est plus fort que moi : j’ai tout lu. J’ai lu le gentil message qui rappelait que Le Monde a Changé©, et donc en ce moment plus que jamais, on s’autorisait à ne rien relire, en mode Yolo. J’ai aussi lu l’échange entre Pyg (notre directeur) et le comité RH (pour « relations humaines ») qui nous enjoint de travailler moins pour travailler mieux, parce que le monde a changé, parce qu’on s’inquiète pour nos proches, parce qu’on fait la queue au supermarché.

J’ai enfin lu la proposition de Maiwann de faire une framapapote, plébiscitée par le reste de l’asso. On lance donc un framadate pour choisir quel soir de la semaine prochaine on se retrouvera, sur notre Mumble, pour papoter. Non pas pour bosser ou pour imaginer des actions… Mais juste pour être ensemble. Maiwann nous propose d’y exprimer ce qu’on veut, dont ce qui nous énerve. Parce que oui, entre nous on s’aime et on se fait des câlins, mais en ce moment la vie c’est pas forcément youpi-les-petits-oiseaux-cuicui.

Sauf dans le puit de jour de mon immeuble, où ça nidifie tranquillou.

S’autoriser à ne pas être à la page sur tout ce qui se passe en interne, s’autoriser à prioriser le soin de soi et des siens sur le boulot, s’autoriser à partager notre convivialité comme nos colères… Putain, je suis privilégié dans mon boulot. Je dis pas qu’on a trouvé le secret qui fait que « les DRH les détestent ! ! ! ! », d’ailleurs je suis moi-même déjà allé trop loin dans mon investissement pour Framasoft…

Mais si d’autres se demandent comment avec une toute petite équipe de 35 membres dont 9 salariées on abat tout ce boulot, je pense que la première piste à explorer c’est ce soin apporté aux humain·es, cette confiance en nos autonomies, ce respect de chacun·e qui s’exprime dans beaucoup de détails. Je me demande sincèrement pourquoi y’a en pas plus qui copient ce modèle : il marche. Même d’un point de vue bassement « productiviste » : faire passer l’humain en preums, ça marche.

On cherche pas la productivité, à Framasoft. Je dis pas qu’on produit rien, hein… Je dis que c’est pas l’but !

Parler, parler encore, puis on en reparle

S’il n’y a pas de « méthode Framasoft », nous avons tout de même acquis des manières de faire qui nous ressemblent. Cette semaine, un des gros travaux de fond a été de re-imaginer ce que nous allons faire en 2020, et comment, sachant que Le Monde a Changé© et que les conséquences de cette pandémie (qui risque fort de durer longtemps) sont encore imprévisibles.

Nous entamons cette réflexion dès le lundi avec un appel de 2h entre Pyg et moi (après les 2h30 de réunion sur Mumble avec les collègues Salariés). Notre duo est bien rôdé : l’un lance des idées, l’autre tente de les démonter, on regarde ce qui tient debout et on recommence. Après deux heures de papote créative à jouer au mutatis mutandis, (et près de 5h de réunion dans la journée), nous sommes rincés.

Un jour, il faudra qu’on raconte comment toute notre AG de février 2020 a été commentée par des mèmes.

Le lendemain, je padifie nos élucubrations pour en rendre compte aux collègues. Quel projet serait retardé, quelle action transfigurée, comment on sent la fin de l’année, est-ce qu’on changerait pas notre fusil d’épaule sur cette idée… Toutes ces notes sont ensuite passées aux collègues pour qu’iels les lisent le mardi et qu’on en discute ensemble mercredi.

Le mercredi matin, réunion Mumble avec les collègues que ça intéresse pour présenter nos propositions. C’est parti pour un nouveau tour de mutatis mutandis : Pyg et moi affichons les idées, tout le monde joue à les démonter, on voit ce qui nous enthousiasme, ce que l’on modifie et ce qui n’est pas du tout mûr, pas prêt dans nos têtes… et on note tout cela au clair.

L’après-midi même, Pyg présente ce plan d’action par un email sur la liste asso, qui sera l’opportunité d’un dernier tour du jeu du « ce qui doit changer changera ». Vu qu’il s’agit d’un échange par email incluant des bénévoles (qui ne contribuent pas au même rythme que des salarié·es), on laisse en général une semaine (dont le temps d’un week-end) pour que naissent les réponses et remarques.

J’aime observer nos mécaniques

On va pas se la péter : Framasoft n’a rien inventé. Procéder par itération, en élargissant à chaque tour le cercle de paroles et d’avis, c’est pas nouveau. Le jeu du Mutatis Mutandis, qui sert à éliminer ce qui est foireux, édifier ce qui va et acter ce qui n’est pas prêt, c’est relativement proche de la méthode scientifique.

Je vois bien, que pour chaque action que nous menons, même lorsque les personnes au cœur de l’initiative sont différentes (et elles changent pour chaque action), nous procédons ainsi, de manière quasi intuitive. Parce que nous sentons que c’est efficace.

Faux, ô sire Loth, il s’agit du refrain lithanique dans une magnifique chanson de Juliette Nouredine !

C’est un autre point qui nous rassemble, dans cette association. Nous avons toustes une expérience préalable des collaborations collectives, nous nous sommes toustes mangé les écueils du travail en groupe, donc nous savons qu’un collectif sera forcément soumis à des lois, relevant a priori de la psychologie sociale (la loi de futilité de Parkinson, par exemple, est bien identifiée, dans l’asso).

C’est justement en admettant l’existence de ces mécaniques de groupe et en acceptant que l’on est pas au-dessus de tout cela qu’on peut essayer de les repérer quand ça nous arrive, et de les déconstruire pour ensuite mettre en place les balises et manières de faire qui nous éviterons de tomber dans le panneau la prochaine fois.

On sait que la route est longue. Alors si on peut éviter de buter deux fois sur chaque caillou qui se dresse, autant se faciliter le cheminement !