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Prédation de nos données de santé : SantéNathon ne lâche pas l’affaire

vendredi 9 octobre 2020 à 08:03

Les conséquences des stratégies économiques et technologiques d’un État peuvent parfois prendre des tournures très concrètes. En matière de données de santé des citoyens, beaucoup pouvaient penser que l’humanisme des professionnels de santé pouvait suffire pour protéger les données de santé des citoyens, dans le respect du secret médical. Mais la pression concurrentielle et l’éthique font rarement bon ménage.

En novembre 2019, nous avions confié les colonnes de ce blog au collectif Interhop qui promeut l’usage des logiciels libres et de l’open source en santé. Il fait partie du collectif SantéNathon qui a lancé une démarche de recours à l’encontre du projet très discuté du Health Data Hub, une plateforme nationale de données de santé dont l’opérateur choisi par les autorités est l’entreprise Microsoft. À l’heure où le Privacy Shield est tombé, à l’heure du RGPD, à l’heure où la « souveraineté numérique » n’est plus seulement un sujet stratégique mais aussi sécuritaire, nous confions de nouveau ces colonnes pour un point d’étape sur les enjeux et les actions en cours.


Plateforme Nationale des Données de Santé

À l’occasion d’une audience prévue au Conseil d’État ce 08 octobre 2020, cette petite vidéo a été tournée devant les locaux d’une entreprise bien connue.

Le Health Data Hub Centralise les données de santé chez Microsoft. Le collectif SantéNathon, issu du monde informatique et de la santé, s’oppose à la centralisation chez Microsoft Azure des données de santé de plus de 67 millions de personnes. Un recours déposé au Conseil d’État demande l’application de la décision de la plus haute juridiction européenne qui s’alarmait de l’accès sans limitation des services de renseignement américains aux données hébergées par les GAFAM.

La genèse du projet Health Data Hub

Tout commence en janvier 2016 avec la loi de modernisation du système de santé. Le Système national des données de santé (SNDS) est créé. Initialement il est limité aux données médico-administratives et met à disposition des données individuelles de santé issues de 3 bases de données :

En juillet 2019, la loi élargit considérablement le SNDS et crée le Health Data Hub ou Plateforme des Données de Santé — PDS. La CNIL s’alarme du changement de paradigme engendré : « Au-delà d’un simple élargissement, cette évolution change la dimension même du SNDS, qui vise à contenir ainsi l’ensemble des données médicales donnant lieu à remboursement ».

En plus du SNDS historique voici à titre d’exemples les bases qui doivent être hébergées au sein de la PDS :

Cette liste est loin d’être exhaustive ; les données de cabinets de médecins généralistes, des hôpitaux, des laboratoires, d’imagerie doivent aussi remplir cette plateforme. Toutes ces bases seront centralisées et liées (on parle d’appariement) pour former le catalogue de données de la PDS.

Vives inquiétudes quant au choix de Microsoft Azure

Le 10 décembre 2019, l’alerte est lancée. Dans une tribune parue dans Le Monde, un collectif initié par des professionnels du secteur de santé et de l’informatique médicale s’inquiète. En effet, la PDS qui regroupe l’ensemble des données de santé de plus de 67 millions de personnes sera hébergée chez Microsoft Azure, le cloud du géant américain. Ces données constituent la part la plus sensible des données à caractère personnel car elles sont protégées par le secret médical.

Progressivement, ce collectif évolue. Il s’appelle maintenant SanteNathon.org. C’est une rencontre inédite de 18 personnes physiques et morales issues :

Ce collectif dénonce le choix de Microsoft essentiellement à cause de l’absence d’appel d’offre et des effets de l’extraterritorialité du droit américain. En effet Microsoft est soumis au CLOUD Act qui permet aux autorités américaines de mettre la main sur des données détenues par des entreprises américaines même si les données sont hébergées dans l’Union Européenne.

Pire encore la Cour de Justice de l’Union Européenne a récemment révélé que les renseignements américains n’ont aucune limitation quant à l’utilisation des données des Européen⋅ne⋅s. En ce sens, elle a invalidé l’accord facilitant le transfert des données entre les USA et l’Union Européenne, le “Privacy Shield” ou « Bouclier de Protection des Données ».

Menacée directement par les conséquences de cette décision qui rend illicites tous les transferts de données en dehors des frontières de l’Union, Facebook fait pression sur l’Union Européenne. Elle menace de stopper ses services d’ici la fin de l’année.

Le bras de fer entre les États-Unis et l’Union Européenne est engagé. Nos données de santé ne doivent pas être prises en otage. Le collectif SantéNathon se bat pour une recherche garante du secret médical et protectrice de nos données.

Les actions initiées par le collectif SantéNathon

Un premier recours a été déposé le 28 mai 2020 devant le Conseil d’Etat. La juge concluait à plusieurs irrégularités dans le traitement des données sur la plateforme et des risques majeurs pour les droits et libertés fondamentales. Cependant, le Conseil d’État considérait, qu’au moment du jugement, la société Microsoft intégrait la liste des organisations ayant adhéré au « Bouclier de protection des données ». Le transfert des données était donc licite. Ce n’est plus le cas aujourd’hui !

Les parties requérantes ont donc déposé un nouveau référé liberté. Elles demandent par conséquent au Conseil d’État de prendre la mesure de l’invalidation du “Privacy Shield” et des risques en matière de respect de la vie privée. En ce sens, elles sollicitent la suspension du traitement et la centralisation des données au sein du Health Data Hub.

Elles font également valoir que les engagements contractuels conclus entre la société Microsoft et le Health Data Hub sont insuffisants.

Une audience au Conseil d’État est donc prévue le 8 octobre 2020…

— Collectif SantéNathon

 


Image d’en-tête : Luis Jiménez Aranda — La sala del hospital en la visita del médico en jefe (1889). Wikipédia.