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Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.
Pendant des années, les Big Five ont eu le monopole de l’espionnage sur Internet à l’échelle planétaire et cela n’inquiétait vraisemblablement pas grand monde. Mais l’émergence de nouveaux acteurs non alignés comme la Chine dans les opérations relatives à la collecte de données et au cyberespionnage de masse ne semble pas plaire aux anciens barons.
Les gouvernements ont horreur des martyrs, des héros, des porteurs de cause. Il faut enlever tout caractère au mobile, aux revendications, et donc au passage à l’acte. De fait, on assiste à une multiplication des procès en correctionnelle et des comparutions immédiates. Or, au quotidien, et c’est un phénomène récent, l’écrasante majorité de ces comparutions implique des jeunes racisés en situation d’exclusion sociale. Lors de celles-ci, les prévenus ont moins de trente minutes pour se défendre. En si peu de temps, comment pourraient-ils se revendiquer d’une lutte, expliquer un engagement ? J’ai assisté à plusieurs comparutions immédiates de Gilets jaunes, lors desquelles ils essayaient, en vain, d’invoquer des motifs politiques. Puisqu’il est trop visible d’avoir des ennemis politiques dans les prétoires, on les fait disparaître.[…] Les mots, depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, sont très importants. Le pouvoir s’est évertué à minimiser, voire à nier les violences policières. Le président de la République n’a-t-il pas dit qu’il était « inacceptable de parler de violences policières dans un Etat de droit » ? Si les militants ont été mutilés, ils sont responsables de leur sort. On leur fait porter la responsabilité et la culpabilité de leurs blessures. Personnellement, j’ai été très marquée par l’expression « foule haineuse », et surtout par l’utilisation systématique du mot « complices ».
Sur le web ouvert, chaque bifurcation est une lecture et une représentation du monde qui s’affranchit des autres en s’en distinguant mais sans les effacer ou les discréditer pour autant. Sur le web ouvert chacune de ces bifurcations est féconde parce que toutes peuvent être adoptées simultanément et parce que choisir l’une plutôt que l’autre ne dit rien d’autre que le seul itinéraire couvert. Parce que dans le web ouvert aux sentiers qui bifurquent, « le chemin compte autant que le lien. »
Mais dans les jardins fermés des plateformes sociales, chacune de ces bifurcations devient possiblement et souvent irrémédiablement toxique, car toutes ne se valent pas et comme leur hiérarchisation nous demeure invisible il devient alors facile de nous conduire où l’on veut tout en nous entretenant dans l’illusion d’un itinéraire que nous aurions consciemment ou aléatoirement choisi.
Les réseaux sociaux, comme autant de jardins fermés, fabriquent, pour partie sur la base de nos propres itinéraires et opportunités, et pour partie sur le fondement de leurs propres intérêts et opportunismes, des bifurcations qui rendent l’interrogation du monde plus confuse, moins sereine et en un sens, parfois presque moins possible.
Pour ceux qui ne connaissent pas, voici une introduction très rapide. L’AMP est un ensemble de règles que les éditeurs (typiquement les fournisseurs de contenu d’actualité et d’analyse) doivent respecter pour apparaître dans la section « Top Stories » des résultats de recherche Google, une position lucrative en haut de la page. C’est également nécessaire pour que votre contenu apparaisse comme un résultat « riche », c’est-à-dire des liens soulignés avec des images, qui peuvent recevoir beaucoup plus d’attention de la part des utilisateurs. AMP doit être mis en œuvre par l’éditeur sur son site, et ce n’est pas anodin.
[…] Si vous essayez de construire une marque avec quelque chose d’unique ou de distinctif, Google vous l’interdit. Et n’oublions pas qu’il sera servi à partir d’un domaine Google, ce qui diminuera encore votre marque.
Google a verrouillé la connaissance client. Comment ? En offrant toute la panoplie des parfaits services web. Voyons le cheminement de l’internaute, c’est-à-dire « vous », sur la toile. Après vous être connecté, la première chose que vous ferez sera d’ouvrir un navigateur (Google a développé le navigateur Chrome pour les ordinateurs et Android pour les téléphones, dont il détient 80 % de part de marché). Puis vous allez généralement consulter vos mails (Google a développé Gmail). Vous ferez ensuite des recherches (Google search a 92 % de part de marché en France). Quand vous cliquez sur un lien vous arrivez sur un site. Et même à l’intérieur du site, Google sait comment vous naviguez grâce à son outil d’analyse d’audience (Google Analytics là encore possède près de 80 % de part de marché). Que vous recherchiez un endroit où aller ou une vidéo à regarder, Google Maps et Youtube règnent sans réelle concurrence. Vous êtes donc cerné par ces outils. C’est cette « capture » dans le monde Google qui est préoccupante.
Les médias étrangers ont déformé le système de crédit social en une dystopie technologique très éloignée de ce qui se passe réellement en Chine. Jeremy Daum, juriste à la Yale Law School’s China Center, a suggéré qu’une partie de la raison pour laquelle les rapports erronés persistent est que les États-Unis et l’Europe projettent leurs craintes concernant la surveillance numérique dans leurs propres sociétés sur la montée technologique rapide de la Chine. L’idée que la Chine pourrait en quelque sorte perfectionner un modèle exportable d’État totalitaire de surveillance a rendu les gens plus enclins à croire à des descriptions exagérées du système de crédit social, ce qui est encore aggravé par la rhétorique entourant une « course aux armements » entre les États-Unis et la Chine pour développer l’intelligence artificielle.
Au cours de ses 13 ans d’existence, WikiLeaks n’a eu de cesse de jeter en rafale des pavés dans la mare d’un journalisme d’investigation croupissant. En osant publier des documents confidentiels impénétrables, puis des caches entières de documents administratifs, militaires puis diplomatiques, WikiLeaks a démontré au monde entier les réalités d’une asymétrie informationnelle dont usent les États pour cacher leurs crimes. WikiLeaks nous a montré, sans filtre, la routine des États pour oppresser en silence, loin de toute attention à l’ombre d’acronymes et de règles administratives complexes. Le pari initial était que chacun, porteur ou non d’une carte de presse, pourrait participer à des entreprises visant à exposer et inquiéter les puissants, par l’analyse collective de documents confidentiels.
[…] WikiLeaks n’a eu de cesse de lever le voile sur des mécanismes obscurs par lesquels les États s’émancipent du droit international, de leurs constitutions, de la défense de leurs citoyens et du respect de la dignité humaine.
[…] Pour une génération entière biberonnée au rêve d’un Internet qui rendrait “auto-magiquement” les individus plus libres et les espaces plus démocratiques, WikiLeaks a fait l’effet d’une douche froide, en utilisant l’outil informatique comme une fenêtre sur un monde brutal, secret, dans lequel les empires trahissent, mentent, torturent et assassinent.
[…] il est urgent de reconnaître la portée de l’héritage de WikiLeaks : de ce qu’il inspire pour le présent et pour le futur d’une presse libre et d’une information qui permettrait de collectivement et durablement rétablir les rapports de force, d’inquiéter les dominants et d’espérer un jour les faire payer pour leurs crimes et mensonges.
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Avec une nouvelle fois un gros merci à Goofy pour son coup de patte !
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