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La pédale et le territoire

vendredi 21 décembre 2018 à 15:53

Vous connaissez certainement ce sentiment que nous éprouvons lorsque, après un voyage, nous rentrons vers notre foyer, notre maison.

Soudainement, les rues deviennent familières, nous connaissons chaque maison, chaque lampadaire, chaque dalle de trottoir. Physiquement, il y’a encore du trajet mais, dans la tête, on est déjà arrivé à la maison. Un sentiment qui donne généralement un petit boost d’énergie. Les chevaux ont, parait-il, la même sensation et se mettent à aller plus vite. On dit qu’ils « sentent l’écurie ».

Cette zone familière, quand on y réfléchit, est généralement délimitée par des frontières arbitraires que nous nous imposons : une route un peu large, un croisement, un pont. Au-delà s’étend la terre étrangère. On a beau la connaître, on n’est plus chez nous.

Dans ma vie, j’ai remarqué que, chez soi, c’est la zone qu’on parcourt à pied. Le nez dans le vent. La voiture, par contre, ne permet pas d’étendre notre territoire personnel. Une fois enfermé, nous ne sommes pas dans un endroit géographique, nous sommes « dans la voiture ». Sur l’écran des vitres défilent un paysage abstrait.

Et, un jour pas si lointain, j’ai découvert le vélo.

Contrairement à la voiture, le vélo nous met en contact direct avec notre environnement. On peut s’arrêter, changer d’avis, faire demi-tour sans craindre les coups de klaxons. On dit bonjour aux gens qu’on croise. On peut repérer un petit sentier qu’on n’avait jamais vu avant et l’emprunter « juste pour voir ».

Bref, le vélo permet d’étendre notre territoire. D’abord de 3-4km. Puis de 10. Puis de 20 et encore plus loin.

À force de rouler, j’ai l’impression d’être chez moi dans une zone qui s’étend jusqu’à 20km de ma maison. Je connais chaque petit sentier, chaque chemin.

Mon territoire selon Stravastats

Lorsque je m’aventure au-delà de ma « frontière », j’ai un frisson à l’idée d’entrer dans l’inconnu. Et j’éprouve un soulagement intense quand je la repasse dans l’autre sens. Mais, après quelques fois, je remarque que ma frontière est désormais un peu plus lointaine.

Ce n’est pas sans désagrément : je dois aller chaque fois plus loin pour franchir ma frontière. En voiture, j’ai tendance à me perdre en prenant des directions qui, à un moment ou un autre, sont impraticables pour l’automobile. J’oublie que je ne suis plus à vélo !

Mais je suis chez moi. Je suis le maître d’un domaine gigantesque. Je ne rêve pas spécialement de grands voyages exotiques, de contrées lointaines. Car je sais que l’aventure m’attend à 10, 20 ou 30km dans ce petit chemin que je n’ai encore jamais emprunté.

Les fesses sur une selle, les pieds sur les pédales, je suis un explorateur, un conquérant. Je m’enivre des paysages, de la lumière, des montées et des descentes.

Bref, je suis chez moi…

Note : je procrastinais la rédaction de ce billet depuis des mois lorsque Thierry Crouzet s’est mis à publié Born to Bike. Du coup, je me devais d’ajouter ma pierre à l’édifice.

Photo by Rikki Chan on Unsplash

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Printeurs 48

jeudi 20 décembre 2018 à 11:57

Nellio et Eva se retrouvent face à Georges Farreck, le célèbre acteur qui les a aidé, et Mérissa, une femme mystérieuse qui semble contrôler tout le conglomérat industriel et même plus.

— Bon sang, hurle Mérissa. J’avais pourtant interdit la publicité dans tout le bâtiment !
— C’est que, bredouille Warren, nous avons fait passer une loi qui interdit les technologies anti-publicitaires. L’architecte était donc tenu…
— Cela signifie que nous sommes espionnés, s’étrangle Mérissa. La régie sait que j’attends des jumeaux alors que c’est une information complètement privée !
— Mérissa, tu sais bien qu’on ne peut légalement pas empêcher la collecte de données depuis la loi sur la liberté d’observation, loi que nous avons soutenue et pour laquelle nous avons fait beaucoup de lobby. D’ailleurs…

Il se fige soudain au milieu de sa phrase. Portant sa main à son cœur, il éructe un râle avant de s’écrouler doucement sur le sol.

— Warren ! hurle Georges Farreck en se précipitant pour le rattraper.

Mérissa ôte posément le neurex qu’elle portait discrètement autour du crâne.
— Je ne peux donc plus faire confiance à ce truc si je suis surveillée.
— Que lui as-tu fait, demande Georges Farreck en tentant de relever le corps de Warren.
— J’ai donné l’ordre de le licencier sur le champs !
— Il est mort ! Comment…
— Peut-être portait-il un pacemaker lié à son assurance santé. C’est dommage pour lui car la fin du contrat a entrainé la résiliation immédiate de son assurance et donc de son pacemaker.
— C’est criminel ! murmuré-je.
— Oui, un tel manque de prévoyance est criminel, répond Mérissa en soutenant mon regard. Les top managers oublient souvent qu’ils ne sont que des employés comme les autres, au service du conseil d’administration. Même si c’est le plus souvent eux qui virent, ils arrivent à un top manager d’être viré à son tour. Comme aujourd’hui. Ô, certes, il aura droit à son parachute doré. Cela fera des funérailles splendides !

Dans la pièce, personne n’a bougé. Eva et Mérissa se toisent mutuellement du regard. La femme brune, fine, aux long cheveux de jais se tient nue face à la femme blonde, la peau pâle et le ventre boursouflé.

— Mérissa, il faut débrancher l’algorithme, murmure Eva d’une voix calme.
— Jamais ! L’algorithme est mon œuvre ! Il fonctionne très bien.
— Il est devenu fou.
— Qu’en sais-tu ?
— J’en suis la preuve en chair et en os ! En chair et en os !

Je lève la voix pour les interrompre.

— Mais de quoi parlez-vous ? Eva, vas-tu m’expliquer ?
— Il y’a quelques années, une brillante programmeuse a développé un algorithme de trading à haute fréquence pour anticiper les cours de la bourse. L’algorithme utilisait toutes les techniques d’apprentissage et d’intelligence artificielle. Sa grande particularité était que, contrairement aux autres algorithme boursier, il était relié à toutes les informations qu’il était possible d’imaginer : la météo, le trafic routier, les caméras de surveillance, les sites de presse… Grâce à cela, s’est dit cette programmeuse, il pourra trouver des corrélations entre les événements réels et le cours de la bourse.
— La programmeuse, c’est Mérissa ? fais-je naïvement.
— Bravo Sherlock, me répond cette dernière.
— Dans un deuxième temps, elle donna à son algorithme la possibilité d’agir sur le monde. D’abord en achetant et vendant des actions mais, par après, avec tout ce qu’il était possible de contrôler depuis Internet afin d’influencer le cours de la bourse. L’algorithme s’est mis à créer des profils sur les réseaux sociaux pour alimenter de fausses rumeurs, à changer les résultats des élections…
— Je n’ai jamais voulu cela, s’insurge Mérissa. L’algorithme l’a appris par lui-même.
— Peu importe. Au final, l’algorithme s’est mis à influencer les humains et transformer le monde dans un seul et unique objectif : augmenter les dividendes des actions de Mérissa.

Je ne peux m’empêcher de réagir.

— Mais… C’est scandaleux !
— Non, c’est logique. Cela faisait des décennies que la société ne faisait que transformer l’humanité pour optimiser les cours de la bourse. Les guerres, les famines, les attentats ne servaient qu’à manipuler, maladroitement, le cours de la bourse. Je n’ai fait que rationaliser le processus.
— Et tout ça en quelques années à peine ? Vous semblez pourtant si jeune.
— La puissance de la richesse, me sourit Mérissa en caressant son ventre rebondit. J’ai quatre-vingt-neuf ans !

Je manque de m’étrangler. Imperturbable, Eva continue son explication.

— La publicité, les neurexs, les lentilles… L’algorithme a très vite compris comment manipuler l’humanité. Les astéroïdes pénitentiaires ont été reconvertis en usines et, sur terre, l’avilissement systématique des sans-emplois a été instauré afin de les discréditer et de les empêcher de prendre conscience de leur caractère majoritaire.
— Tout cela existait déjà ! C’est facile de me mettre sur le dos tous les maux de la société. L’algorithme n’a fait qu’optimiser les situations existantes. Parfois, il n’avait même rien à faire.
– Et personne ne s’est rebellé contre cet algorithme ? ajouté-je.

Eva fais une pause et me regarde doucement.

— Comment ? L’algorithme est partout. L’algorithme contrôle tout. Il crée des avatars sur les réseaux et crée ses propres chefs rebelles afin d’identifier et d’éliminer les éléments les plus récalcitrants.
— Tu veux dire…
— Oui, FatNerdz est un compte entièrement virtuel qui ne servait qu’à repérer les rebelles.

Je reste bouche bée. Les explosions dans les appartements de Max et de Junior avait toutes les deux eux lieu juste après une communication avec FatNerdz.
— Mais… Mais il m’a pourtant donné des informations ! C’est lui qui m’a permis de trouver le printeur et qui a donné les coordonnées de cet endroit.

Eva prend une profonde inspiration. Elle regarde Mérissa. Georges Farreck ne dit rien, il semble dépassé.

– L’algorithme est programmé pour apprendre, toujours apprendre et améliorer ses modèles, le tout au bénéfice de la rentabilité. Or, il y’a une variable toujours aléatoire et incompréhensible : l’être humain. Il ne peut pas se débarrasser de l’humain car c’est sur l’humain que se base la rentabilité. Pour faire un homme riche, il faut nécessairement faire un autre homme pauvre. On ne peut pas être riche tout seul. Du coup, l’algorithme avait besoin de mieux comprendre la nature humaine. Et il conçu le plan de se transférer dans un corps humain, afin de l’étudier au plus près.
— Hein ?

Tous les trois, nous avons sursautés. Mérissa s’assied sur sa chaise en se tenant le ventre. Elle fixe Eva intensément.

— Dans un premier temps, l’algorithme utilisa un produit qu’il avait lui-même lancé, un mannequin sexuel tellement réaliste qu’il était impossible de le différencier d’un être humain. Les études avaient prouvé que si la ressemblance était importante mais pas complètement convaincante, l’effet était très perturbant. Les mannequins étaient donc vraiment parfaits en termes de réalisme. Mais leur programmation était très simple et se limitait à des conversations et des actions liées au sexe. Tout ces mannequins n’avaient donc aucune intelligence réelle. Sauf un qui reçu un traitement de faveur…

Je déglutis.

— Eva, es-tu en train de dire que…

Photo by ActionVance on Unsplash

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L’humeur d’un déconnecté

samedi 17 novembre 2018 à 11:21

Je suis impressionné par les retours que j’ai sur ce que j’ai appelé, dans un accès de grandiloquence prétentieuse, ma déconnexion.

Bien que simplissime dans sa forme (bloquer tout accès à une dizaine de sites internet), elle se révèle étonnamment profonde et titille un sujet particulièrement sensible. J’ai reçu plusieurs témoignages de ceux qui, suite à la lecture de mes billets, se sont mis à mesurer le temps passer en ligne et ont découvert avec effroi les ravages de leur addiction à Facebook, Instagram ou Youtube. La diversité de vos addictions est en soi une donnée particulièrement intéressante. Je n’ai même pas songé à bloquer Youtube car rien ne m’ennuie plus que d’entendre réciter un texte trop lent, trop pauvre en information autour d’une théorie de flashs lumineux filmée par un daltonien cocaïnomane et montée par un publicitaire parkinsonien. Pourtant, si vous aimez le genre, Youtube est particulièrement retors avec sa “suggestion de prochaine vidéo”.

Mais rassurons-nous, nous ne sommes pas seuls dans notre dépendance. La prise de conscience est telle que le business commence à s’en inquiéter ! Ainsi ai-je surpris, à la devanture d’une échoppe, la couverture d’un programme télé « Écrans : les éteindre ou les apprivoiser ? ». La rhétorique est à peine subtile et fait irrémédiablement penser au tristement célèbre « Fumeur ou pas, restons courtois » des années 80, slogan qui a retardé de près de quatre décennies la lutte contre le tabac en suggérant qu’il existait un juste milieu, que le non-fumeur était une sorte d’extrémiste.

Dans ce cas précis, il s’agit de mélanger aveuglément « les écrans ». La problématique n’est pas et n’a jamais été l’écran, mais bien ce qu’il affiche. À part dans les rares et très futuristes cas de crapauds hypnotiseurs, un écran coincé sur la mire n’a jamais rendu addict. Les réseaux sociaux, les contenus sans fin, les likes le font tous les jours.

On pourrait objecter que ce n’est pas aussi grave que la cigarette. Et, comme le dit Tonton Alias, que ma position est extrémiste.

Mais plus je me désintoxique, plus je pense que la gravité de la pollution des réseaux sociaux est au moins aussi grande que celle du tabac.

Il n’y a pas si longtemps, il était autorisé de fumer dans les avions, dans les trains, dans les bureaux, dans les couloirs. Même les non-fumeurs ne se plaignaient que sporadiquement, car l’odeur était partout, car tout le monde était au moins fumeur passif.

Pour moi, qui n’ai pas de souvenirs de cette époque, un voisin qui fume dans son jardin me force à fermer les fenêtres. Qu’une cigarette soit allumée à la table voisine d’une terrasse d’un restaurant et je change de table voir je quitte, incapable de manger dans ces conditions. Qu’un fumeur s’asseye à côté de moi dans un lieu public après avoir écrasé son mégot et je me vois forcé de changer de place. N’ayant pas été forcé de m’habituer à cette irritation permanente, je ne la supporte tout simplement pas, je suis physiquement mal, agressé. J’ai des nausées. Plusieurs ex-fumeurs m’ont témoigné qu’ils pensaient que les non-fumeurs exagéraient et en rajoutaient avant de se rendre compte que, quelques mois seulement après avoir arrêté, il ne pouvait tout simplement plus supporter le moindre relent de l’infâme tabac.

Il y’a quelques jours, j’ai décidé de vérifier que mon système de publication sur les réseaux sociaux fonctionnait bien. J’ai donc désactivé mes filtres et j’ai consulté, sans me connecter, mes différents comptes. L’opération n’a duré que quelques secondes, mais j’ai eu le temps de voir, sans vraiment les lire, plusieurs réactions.

Je ne me souviens même plus du contenu de ces réactions. Je sais juste qu’aucune n’était insultante ni agressive. Pourtant, j’ai senti mon corps entier se mettre sur la défensive, l’adrénaline couler dans mes veines. Certaines réactions faisaient montre d’une incompréhension (du moins, je l’ai perçu comme tel) qui nécessitait à tout prix une clarification, un combat. Une seule réaction me semblait moqueuse, ironique (mais comment être sûr ?). Mon sang n’a fait qu’un tour !

J’ai immédiatement réactivé mon blocage en respirant longuement. J’en ai fait part à ma femme qui m’a dit « La prochaine fois, demande-moi, je te dirai si tout est bien posté ! ».

N’étant plus exposé depuis un mois à l’irritation permanente, au stress constant, à la colère partagée, j’ai pris de plein fouet la décharge de violence. Violence qui n’est même pas à mettre sur le dos des auteurs de commentaires, car ma perception multiplie, amplifie ce que j’ai envie ou peur d’y voir. Si j’ai peur d’être incompris, je verrai de l’incompréhension partout, je prendrai de plein fouet une remarque idiote écrite en 12 secondes par quelqu’un que je ne connais pas et qui a sans doute lu les 5 premières lignes d’un de mes articles dans la file de son supermarché.

Depuis cette expérience, j’ai peur à l’idée d’aller sur un réseau social. Mon icône Adguard activée me rassure, me soulage.

Les médias, en général, sont source d’anxiété. Les réseaux sociaux en sont des amplificateurs. Vue comme cela, l’analogie de la cigarette me semble parfaitement appropriée. Comme la cigarette, une pseudo liberté privée est à la fois morbide pour l’individu et une source de dangereuse pollution pour la communauté. Le bien-être global, comme l’air pur, ne devrait-il pas être considéré comme un bien commun ? L’anxiété, la peur sont des cancers qui rongent les cellules individuelles que nous sommes pour former une gigantesque société tumeur. Et les dernières expériences semblent bel et bien confirmer cette intuition : les réseaux sociaux seraient la cause de symptômes de dépression.

N’est-il pas pas paradoxal que nous tentions de soigner nos angoisses existentielles à travers des outils qui prétendent nous aider en nous offrant reconnaissance et gloriole, mais en attisant la source de tous nos maux ?

Mais du coup se pose la question : ne suis-je pas complice en continuant à proposer mes billets sur les réseaux sociaux, en continuant à alimenter mes comptes et mes pages ? La réponse n’est pas facile et fera l’objet du prochain billet.

Photo by Andre Hunter on Unsplash

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Rêve de Bretagne

vendredi 16 novembre 2018 à 23:12

Le phare tranche l’épaisseur de la nuit de ses coups d’épée répétés, réguliers, métronome lumineux dans un silence de ténèbres. La mer s’étale comme une lisse frontière entre l’obscurité des étoiles et l’abysse d’un noir transparent.

Quelques vagues lèchent le sable en un langoureux ressac hypnotique. Depuis la baie vitrée de ma maison passive entièrement domotisée, je vois, à la lisière de mon écran, passer l’ombre d’une calèche d’un autre siècle, d’un autre temps. Ai-je rêvé ? Pourtant, le claquement caractéristique des sabots sur les graviers retentit encore, porté par l’air marin.

Intrigué, je pose mon ordinateur et fais quelques pas dehors. J’écarte un buisson d’épine et découvre, au fond du jardin, un chemin que je n’avais jamais vu. Quelques marches me mènent à la nationale. Où ce qui aurait dû être la nationale, car, inexplicablement, le bitume a été remplacé par de la poussière, de la terre et quelques pavés épars tentant vainement de contenir des herbes folles.

Je lève la tête. Le phare continue sa sarabande silencieuse d’assourdissants éclairs. Un bruit, un claquement suivi d’un crissement. Une autre calèche s’arrête. Dans la pénombre, je ne distingue qu’une vague forme noire surmontée d’un haut de forme. 

— Montez ! On a besoin de vous au phare !

La phrase résonne dans ma tempe. Machinalement, j’obéis à l’ordre qui m’a été fait sans savoir si le dur accent rocailleux me parlait bien en français. Ou bien était-ce du breton ? Un mélange ? Comment ai-je compris aussi facilement ?

Mais je n’ai pas le temps de m’interroger que le véhicule se met en branle. Le paysage défile sous mes yeux désormais habitués à l’obscurité. Sous la lumière de quelques étoiles, j’aperçois les bateaux des pêcheurs, rangés pour la nuit, gémissant doucement dans leur sommeil ligneux. Nous traversons le bourg jouxtant le port à toute vitesse dans un claquement de sabots.

Le long de la route, des pierres millénaires tentent de tracer un muret à travers les épines, dessinant parfois une croix, un calvaire ou l’ébauche d’un souvenir encore plus lointain. Il flotte dans l’air marin une vapeur étrange, un passé qui tente de s’instiller dans un présent filigrane.

L’attelage me dépose au pied de l’énorme cylindre de pierre. Une vieille porte s’entrouvre en grinçant, laissant apercevoir un visage buriné par les embruns et la fumée d’une vieille pipe d’écume. Sous de broussailleux sourcils de neige, deux fentes noires me transpercent par leur intensité.

— C’est donc vous que nous attendions ?

Entrecoupée de jurons et de crachats, la phrase a résonné comme une vague éclatant sur un brise-lame dans une langue que je n’aurais pas dû comprendre. Timidement, j’acquiesce d’un léger mouvement de tête.

— Alors ? Montez ! poursuit l’homme. Voici pour payer le cocher ! fait-il en me tendant une grosse pièce plate et argentée.

Sans prendre la peine de la regarder, je la tends à mon conducteur qui la mord, l’empoche et me donne en échange trois petites pièces en grommelant : 

— Votre monnaie. 

Sans ajouter un mot, il fait faire demi-tour à son attelage et s’enfonce dans la nuit. Mais je n’ai pas le temps de le voir disparaitre qu’une main me happe et me hisse à travers un escalier métallique.

— Venez ! On n’a pas toute la nuit !

L’escalade me semble interminable, vertigineuse. Sous mes pieds, les marches se succèdent, infiniment identiques. Après un passage dans différentes pièces maigrement meublées, nous débouchons enfin dans la galerie entourant l’optique. L’éclat est aveuglant, mais supportable. Je distingue une forme étendue. Le second gardien.

— Que lui est-il arrivé ?

Mon hôte ne répond pas et le pointe du doigt. Je m’approche du corps. Le visage est blanc, les lèvres sont bleuies, mais, sous mes doigts, je sens encore une légère chaleur.

Le premier gardien me regarde et, à contrecœur, me lance un rugueux : 

— Il s’est noyé.

— Comment ça noyé ? À 30 mètres au-dessus du niveau de la mer ?

— Oui !

— Et que voulez-vous que je fasse ?

— Que vous le sauviez !

— Mais depuis le temps que je suis en route, il est mort des dizaines de fois !

— En Bretagne, le temps ne s’écoule pas toujours de la même façon. Sauvez-le !

M’interdisant de réfléchir, j’applique machinalement les premiers secours. Noyade blanche. Bouche à bouche. Massage cardiaque. Encore une fois. Encore. Et, soudain, un mouvement, une toux, des yeux qui s’ouvrent et un froid terrifiant qui m’envahit, me coupe le souffle.

Je suis en état de choc glacé. Je suis sous l’eau. Instinctivement, mon cerveau m’impose la routine de survie de l’apnéiste. Se calmer. Détendre les muscles. Accepter le froid. Ne pas respirer, ne pas ouvrir la bouche. Nager. Une brasse. Une autre brasse.

La pression écrase ma poitrine, enfonce ma glotte dans ma cage thoracique, vrille mes tympans. Je suis profond. Très profond. Mais une profondeur qui m’est familière, à laquelle j’ai déjà plongé. Alors je fais une brasse. Mais comment connaitre la direction ? Une légère bulle d’air s’échappe de ma chaussure et remonte le long de mon pantalon. Je suis donc vertical. Il ne me reste plus qu’à nager. Une brasse. Et encore une brasse. J’en compte une dizaine. Mes poumons vont éclater. Mais encore une dizaine et tout devrait bien aller. Allez, courage, plus que dix et… mon crâne émerge brusquement. Inspire ! Inspire ! Inspire !

Le froid me vrille les tempes. Je suis hors de l’eau et j’aperçois le rivage qui se découpe en noir foncé sur la ligne sombre de l’horizon. Il n’y a que quelques centaines de mètres. Je nage sur le dos pour reprendre mon souffle, le courant me porte. Le froid piquant n’est pas mortel. Pas avant une heure ou deux à cette température. Je me retourne pour faire quelques brasses. La petite plage est proche désormais, mes pieds raclent le sable. Ahanant, marchant, nageant, j’extirpe des flots marins pour m’écrouler sur des algues malodorantes.

Le sol se dérobe sous moi et je tombe dans le noir. Un choc dur ! Un cri ! Aïe ! Une lumière m’éblouit ?

— Mais qu’est-ce que tu fais ? Fais moins de bruit, tu vas réveiller le petit ?

Étourdi, je constate que je suis au pied de mon lit.

— Je… Je dois être tombé du lit. J’ai fait un rêve !

— Tu me raconteras demain, me fait ma femme en éteignant la lumière. Grimpe et rendors-toi !

Mais lorsque j’ai voulu raconter mon rêve le lendemain matin, les mots ne me sont pas venus. Les souvenirs s’effilochaient, les images devenaient floues. Tout au plus ai-je pu montrer les trois petites pièces de monnaie trouvées dans ma poche et une plongée à moins trente mètres enregistrée cette nuit-là par ma montre profondimètre dans une eau à une dizaine de degrés.

Le phare, lui, continue de balayer chaque nuit de sa dague de lumière, envoyant aux hommes son vital avertissement. Et si les marins ont appris à être humbles face aux vagues de la mer, quel phare guidera la prétentieuse humanité dans les flots impétueux du temps dans lesquels nous sommes condamnés à nous faire engloutir ?

Qui en seront les gardiens ?

Nuit du 9 au 10 septembre, en regardant le phare depuis l’Aber Wrac’h.

Photo by William Bout on Unsplash

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Le silence au milieu du bruit

mardi 13 novembre 2018 à 12:31

Pourquoi l’immense majorité des contenus en ligne aujourd’hui est en fait du bruit, comment on peut s’en protéger et comment faire pour rendre le monde un peu moins bruyant

Mon expérience des blogs marketing

Blogueur actif et, dans une certaine mesure, reconnu depuis plus de 14 ans, il est normal que j’aie tenté de multiples fois de faire de ma plume bloguesque un arc de ma carrière professionnelle.

Soit en postulant par moi-même pour alimenter le blog d’une entreprise contre rémunération, soit suite à une demande de mon employeur, impressionné par les différentes métriques de mon blog et rêvant de reproduire la même chose, de transférer mon audience vers son entreprise.

Dans tous les cas, ces projets se vautrèrent aussi misérablement qu’un base jumpeur ivre accroché à une plaque de tôle ondulée.

Je n’étais pas satisfait de mon travail. Mon employeur non plus. Le plus souvent, mes billets étaient même refusés avant publication. Pour le reste, ils étaient retravaillés à outrance, je devais les réécrire plusieurs fois et aucun de ceux qui ont finalement été publiés n’ont jamais obtenu ne fût qu’une fraction du succès relatif dont je peux régulièrement m’enorgueillir sur mon blog personnel. D’ailleurs, j’avais l’impression que les lettres s’étalaient sur l’écran en une bouse fraîche et odorante de printemps. Mon commanditaire me faisait comprendre que ce n’était pas qu’une impression.

J’ai toujours attribué ces échecs au bike shedding, ce besoin des managers de surveiller, de modifier ce qui leur semble simple au lieu de me faire confiance. Je les croyais incapables de laisser publier un truc qu’ils n’avaient pas écrit eux-mêmes (alors que si on m’engage, c’est justement pour ne pas l’écrire soi-même). Bref, du micromanagement.

Les deux types de contenus

Avec le recul, je commence seulement à réaliser une raison bien plus profonde de ces échecs : il y’a deux types de contenu, deux types de texte.

Les premiers, comme celui que vous êtes en train de lire, sont le résultat d’une expression personnelle. Le but est de réfléchir, en public ou non, par clavier interposé, de partager des réflexions, de les lancer dans l’éther sans trop savoir ce qui va en découler.

Mais les entreprises n’ont, par définition, qu’un seul objectif : vendre leurs tapis, leurs chameaux de plastiques produits en chine par des enfants aveugles dans des mines, leurs services de voyance/consultance aussi ineptes que dispendieux, leur golfware et autre tupperware. Mais on ne vend pas directement par blog interposé, ça se saurait ! En conséquence, le but du blog corporate est uniquement d’augmenter la visibilité, le pagerank, le référencement du site de l’entreprise dans les moteurs de recherches et les réseaux sociaux. L’entreprise va tenter de produire du contenu, mais sans réelle motivation (car elle n’a rien à partager ou, si c’est le cas, elle ne souhaite justement pas le partager) et sans aucun objectif d’être lu. Un blog d’entreprise, c’est surtout ne rien dire (pour ne pas donner des idées aux concurrents), mais faire du vent en espérant que les suites aléatoires de mots à haute teneur de buzz bercent les oreilles des robots Google d’une douce musique de pagerank ou que le titre soit suffisamment accrocheur pour générer un clic chez une aléatoire probabilité de clientèle potentielle.

J’exagère ? Mais regardez, au hasard, le blog de Freedom, un logiciel qui a pour mission de filtrer les distractions, de permettre de se concentrer. Il est rempli d’articles creux, vides et, disons-le, nullissimes, sur le thème du focus. Le but est évident : attirer l’attention. Tenter de distraire les internautes pour leur vendre une solution pour éviter les distractions.

Ce qui est particulièrement dommage c’est que ce genre de blog peut avoir des choses à dire. Mais un contenu intéressant, car parlant du logiciel lui-même, est noyé au milieu d’un succédané de Flair l’hebdo. Freedom n’est pas une exception, c’est la règle générale. Les projets, même intéressants, se sentent obligés de produire régulièrement du contenu, de faire du marketing au lieu de se concentrer sur la technique.

Une fois clairement identifiée la différence entre un blog d’idées et un blog marketing, il semble absurde qu’on ait voulu, de nombreuses fois, me confier les rênes d’un blog marketing.

Un blog marketing, par essence, n’est que du vent, du bruit. Il a pour objectif d’attirer l’attention sans prendre le moindre risque. Un blog personnel, c’est le contraire. J’ai l’aspiration d’écrire pour moi, de prendre des risques, de me mettre à nu. Même si, trop souvent, je cède aux sirènes du bruit et du marketing de mon fragile ego.

Le bruit de l’email

Il semble évident que cette différentiation du contenu ne s’applique pas qu’aux blogs, mais absolument à tout type de média, depuis l’email à la lettre papier. Il y’a deux types de contenus : les contenus créés pour partager quelque chose et les contenus qui ne cherchent qu’à prendre de la place dans un océan de contenu, à exister, à accaparer votre attention. Bref, du bruit…

Toute la « science » enseignée dans les écoles de marketing peut se résumer à cela : faire du bruit. Faire plus de bruit que les autres. Et accessoirement mesurer combien de personnes ont été forcées d’entendre. Alors, forcément, quand des milliers de marketeux issus des mêmes écoles se retrouvent en situation de concurrence, cela produit un gigantesque tintamarre, un tohu-bohu, un charivari dans lequel nous vivons pour le moment.

Aujourd’hui, je commence à peine à prendre conscience que la grande partie de mon temps de consommation pré-déconnexion était en fait dédié à “trier” le bruit, sans réel repère autre que l’intuition. Je tentais de donner un sens à tout ce vacarme. Pour chaque contenu qui “avait l’air intéressant”, je passais du temps à soit le supprimer, soit à tenter de comprendre ce qui se cachait sous les parasites. Et, forcément, lorsqu’on est assourdi, tout parait bruyant. Même une conversation normale devient inintelligible.

À la lueur de cette dichotomie manichéenne, ma déconnexion s’illumine d’un nouveau sens : comment passer moins de temps dans la mer de contenu à trier ? Comment supprimer le bruit de mon existence ?

Et la solution se révèle, pour moi, incroyablement simple.

Ne plus accepter le bruit

Pour les emails, cela consiste à se désabonner d’absolument tous les mails qui comportent la mention “unsubscribe” et à demander à tous les auteurs de mails impersonnels de me supprimer de leur liste. Chaque mail de ce type est donc un léger effort (parfois il y’a des négociations), mais l’effet, au bout de quelques semaines, est absolument saisissant. L’immense majorité de notre usage du mail est en fait “filtrer le bruit”. Ma solution est tellement efficace que, parfois, j’ai l’impression que mon mail est planté. Cela demande une certaine rigueur, car recevoir un mail est source d’une légère décharge de dopamine. Nous sommes accros à recevoir des mails. Si vous êtes de ceux qui reçoivent plus de cinquante emails par jour, et je l’ai été bien longtemps, vous n’êtes pas une personne importante, vous êtes tout simplement une victime du bruit.

Il y’a probablement certaines newsletters que vous trouvez instructives, intéressantes. Si vous ne payez pas pour ces newsletters, alors c’est par définition du bruit. Des mails conçus pour vous rappeler que le projet ou la personne existe. Les grands services en ligne comme Facebook et Linkedin sont d’ailleurs particulièrement retors : de nouvelles catégories d’emails sont ajoutées régulièrement, permettant de toucher ceux qui s’étaient déjà désinscrits de tout le reste. Se désinscrire peut parfois révéler du véritable parcours du combattant, et c’est parfois pire pour les mailings papier !

Hors mail, comme vous le savez peut-être, je n’accède plus non plus aux réseaux sociaux. Au fond, ceux-ci sont l’archétype du bruit. Sur les réseaux sociaux, l’immense majorité des contenus ne sont que « Regardez-moi, j’existe ! ». Être sur les réseaux sociaux, c’est un peu comme rentrer dans une discothèque en espérant tomber par hasard sur quelqu’un avec qui discuter de l’influence kantienne dans l’œuvre d’Heidegger. Ça arrive, mais c’est tellement rare que mieux vaut utiliser d’autres moyens et se couper du bruit.

Par contre, je lis avec plaisir ce que mes amis prennent le temps de me recommander. Je suis également le flux RSS de quelques individus sélectionnés. Le fait de les lire non plus en vitesse, au milieu du bruit, en les scannant pour tester leur “intérêt potentiel”, m’apporte énormément. Je leur fais désormais confiance, je les lis en étant disponible à 100%. Cela me permet de m’imprégner de leurs idées. Je ne me contente plus de lister leurs idées pour les archiver dans un coin de ma tête ou d’Evernote, mais je prends le temps de les laisser grandir en moi, de les approprier, de partager leur vision.

Au lieu de scanner le bruit pour repérer ce qui m’intéresse, j’accepte de rater des infos et je n’accepte que des sources qui sont majoritairement personnelles, profondes, quel que soit le sujet. Je peux me passionner pour un billet d’un Alias même lorsqu’il traite de sujets abscons et complètement hors de mes intérêts. Par exemple la différence entre le néo-prog métal et le néo-métal tendance prog, un sujet fondamental. Si je pestais contre les articles trop longs qui n’allaient pas directement à l’essentiel, aujourd’hui je suis déçu par la brièveté de certains qui ne font que toucher, effleurer ce qui mériterait une bien plus grande profondeur.

Contribuer au silence

Mais réduire le bruit du monde n’est pas uniquement à sens unique. Nous sommes tous responsables d’une part de bruit. Comment contribuer ?

C’est simple ! Que ce soit un simple email, un post sur les réseaux sociaux, un blog post, posez-vous la question : est-ce que je suis en train de rendre le monde meilleur en diffusant ce contenu ?

S’il s’agit d’essayer d’obtenir de la reconnaissance, de convaincre votre public (que ce soit de la pertinence de vos idées, de la nécessité d’acheter votre produit, de l’importance de votre vie) ou de cracher votre colère, alors vous ne rendez pas le monde meilleur.

J’ai, un peu par hasard, acheté une licence Antidote en commençant ma déconnexion (ce qui est râlant, ils ont annoncé la version 10 3 semaines après). Antidote possède une fonctionnalité qui fait que chaque mail que vous envoyez vous est affiché à l’écran avec toutes les fautes d’orthographe. C’est un peu pénible, car, Antidote étant lent, cela rend le mail moins immédiat.

Pourtant, deux ou trois fois, à la relecture, j’ai purement et simplement renoncé à envoyer le mail. Moi qui étais ultra-impulsif du clavier, voilà un outil qui me soigne. Si le monde n’a pas besoin de mon email, alors je ne l’envoie pas. Non seulement j’applique Inbox 0 pour moi, mais, désormais, j’aide les autres à l’atteindre.

Exemple frappant : mon mail type de demande de désinscription citant le RGPD comportait un paragraphe tentant de convaincre de l’aspect immoral des pratiques marketing. J’ai arrêté. Je tente de ne répondre à chaque email qu’avec le minimum d’informations nécessaires. Je garde pour moi toutes mes suggestions d’améliorations. C’est difficile, mais ça va soulager pas mal de monde.

Trop de bruit, pas assez de silence ?

Depuis l’avènement d’Internet, nous sommes tous des producteurs de contenus. Si nous rajoutons les contenus générés automatiquement par des ordinateurs, il semble évident qu’il y’a désormais beaucoup trop de contenus, que trouver de l’audience est difficile. C’est un truc dont traite régulièrement l’auteur Neil Jomunsi.

Loin d’être effrayé par cette apparence de abondance, je pense qu’il n’y a en réalité pas assez de contenu de qualité. Il n’y a pas assez d’écrivains, d’artistes. Il n’y a pas assez de contenu qui n’a pour seule vocation que d’enrichir le patrimoine commun de l’humanité.

Et si, avant toute chose, on arrêtait de produire et de consommer du bruit, de la merde ?

À un âge de surabondance de l’information, de publicités épileptiques clignotantes à tous les coins de rue et d’omniscients écrans, publier un contenu devrait être soumis à un filtre strict : « Est-ce que j’ai vraiment envie de publier ça ? Est-ce que je ne rajoute pas une couche de fumier sur la merde du monde ? »

Est-ce que moi, Ploum moralisateur en quête d’égo, je ne suis pas face à un paradoxe en continuant à alimenter automatiquement mes bruyants comptes de réseaux sociaux pour que vous veniez lire mes pontifiants sermons sur le silence ?  La réflexion est en cours.

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Je suis @ploum, conférencier et écrivain électronique déconnecté rémunérés en prix libre sur Tipeee, Patreon, Paypal, Liberapay ou en millibitcoins 34pp7LupBF7rkz797ovgBTbqcLevuze7LF. Vos soutiens, même symboliques, font une réelle différence pour moi. Merci !

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