PROJET AUTOBLOG


ploum.net

Site original : ploum.net

⇐ retour index

Mise à jour

Mise à jour de la base de données, veuillez patienter...

La nuit du halo

mercredi 3 septembre 2014 à 14:16
27-980x645

D’une certaine manière, nous l’avons bien cherché. Nous sommes les seuls et uniques responsables de ce qui nous arrive. Nous avions confiance. Certes, nous savions que les erreurs et les actes de malveillance étaient toujours possibles et continueraient à exister. Mais n’ont-ils pas toujours fait partie de l’histoire de l’homme ?

En tant que technophile, j’étais moi-même un des plus chauds partisans du tout-au-numérique. Lorsque le gouvernement a définitivement aboli l’usage de documents papiers, j’ai applaudi des deux mains. Même les réactionnaires les plus conservateurs devaient bien admettre que les nouveaux smart papers procuraient la même facilité, la même simplicité tout en offrant une numérisation instantanée.

Le fait que chaque appareil, chaque paire de lunettes, chaque montre, chaque écran portatif enregistre en permanence le son, l’image, la position et les mouvements ? Je crois que c’était inéluctable. À quoi bon résister ? La lutte était perdue d’avance. L’histoire a prouvé que l’on n’inculque pas l’importance de la vie privée aux humains car ils n’en veulent pas. Ils sont exhibitionnistes ! Dès le début d’Internet, ils se mirent à poster des messages privés sur les murs publics Facebook. Ils choisirent volontairement d’installer Foursquare pour que le monde entier sache où ils étaient. Ils se sont battus pour remplir Instagram des photos de leur repas et Twitter de chaque pensée au petit coin.

Mais bon, tout cela c’était avant le halo. Peut-être que beaucoup regrettent, se disent que s’ils avaient su… Il est trop tard. Pourtant, on ne peut pas dire que nous n’avions pas prévu les conséquences. Mais ceux qui tentèrent de nous mettre en garde passèrent pour des prêcheurs, des prédicateurs un peu fous, des oiseaux de mauvaise augure.

Et puis il y a eu la nuit du halo. Inexplicable, soudain. Au début, nous avons tous cru à un piratage. Ou à une faille de sécurité exploitée massivement. Mais il a fallu se rendre à l’évidence. Le phénomène était général, planétaire : plus aucune information numérique n’était privée. On a parlé de rémanence du réseau, de sentience. La vérité est que personne ne comprend encore bien ce qui s’est passé cette nuit là. Et, au fond, cela a-t-il vraiment de l’importance ?

Il est désormais possible de retrouver n’importe quelle information, passée ou présente, ayant un jour transité par le réseau. En fait, il est probable que le halo existe depuis plusieurs mois voire plusieurs années. Mais ce n’est que lors de ce que nous avons appelé “la nuit du halo” qu’un hacker, qui avait observé le phénomène, publia un petit logiciel. Un moteur de recherche à la syntaxe incroyablement simple mais très puissant. Le logiciel étant open source, des versions successives virent le jour. Elles permettent de retrouver toutes les informations concernant un lieu, un endroit, une date précise, une personne ou un type de fichier. Vous voulez tout savoir concernant Untel dans la nuit du samedi à dimanche 21 février d’il y a 2 ans ? Voici toutes les vidéos de toutes les lunettes qui ont croisé sa route, y compris les siennes, toutes les caméras de sécurité, tous les drones, tous les textes qu’il a envoyé, les appels qu’il a reçu. Voici tous les documents qui étaient sur son téléphone à ce moment là. Le secret n’existe plus, c’est un fait.

Les stars, les personnes célèbres, les politiciens ont de suite vu leur vie mise à nu. Mais il n’a pas fallu longtemps avant que les conséquences se fassent sentir chez le commun des mortels. Des couples se sont brisés, des enquêtes furent clôturées prématurément, des affaires furent rompues et des bigots firent scandale au sein de leur propre paroisse. Dans les pays totalitaires, beaucoup d’opposants furent arrêtés et exécutés sommairement.

Puis, l’humanité a commencé à comprendre que l’entièreté de la population passait un temps non négligeable à dormir, déféquer, se masturber, se regarder nu et avoir des rapports sexuels. Et que regarder les autres réaliser ces activités banales n’était finalement pas si intéressant. Les tyrannies s’écroulèrent car tout le monde pouvait désormais surveiller le tyran. Les traitrises étaient irrémédiablement démasquées, impossibles. Et les dictateurs, les puissants ou les célébrités n’aspiraient plus qu’à regagner l’anonymat.

Il a fallu plusieurs millénaires, un progrès technologique hors du commun et un phénomène incompréhensible pour que les hommes acceptent que ce que nous faisons tous, sans exception, régulièrement au cours de notre vie n’a rien de honteux, rien de répréhensible.

La morale sur laquelle reposait notre société semble être détruite, rasée. Une partie de la population continue à vaquer à ses occupations machinalement, zombies fantomatiques sortant d’un mauvais cauchemar. Mais un ressort s’est cassé. L’économie ne s’est jamais portée aussi mal. Même ceux qui s’accouplaient de manière obscène dans les rues durant les premiers jours qui suivirent la nuit du halo se sont calmés. Au fond, la chaleur d’un matelas vaut bien le froid granuleux du macadam.

Quand je me promène en ville, j’ai parfois l’impression de me réveiller après une explosion nucléaire. Même si certains de mes concitoyens sourient. Ils n’ont que faire des apparences qui se sont définitivement révélées n’être que des paravents de papier. Ils sourient profondément, par delà la superficialité. Ils sont de plus en plus nombreux à sourire.

Parfois, au détour d’une discussion, je me remémore que j’avais soutenu cette numérisation à outrance. Que je n’avais rien dit face à cette invasion totale dans nos vies privées. Mon interlocuteur me réplique alors : “Si seulement on avait pu prévoir le halo !”

Je ne réponds rien. Mais en mon fort intérieur je sais très bien ce que je pense. Si c’était à refaire, si j’avais pu prévoir le halo, je ne changerais rien. Et je recommencerais.

 

Source photo.

Merci d'avoir pris le temps de lire ce billet librement payant. Je suis très reconnaissant de votre soutien. Envoyez-moi quelques milliBitcoins, suivez-moi sur Tipeee, Twitter, Google+ et Facebook !

Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

flattr this!

Les startupeurs, un nouveau webcomic

lundi 1 septembre 2014 à 14:53
startup_illustration_ploum

Ils ont un travail routinier. Ils ont l’impression de ne pas pouvoir laisser éclater leur talent. Ils ont découvert que la machine à café était en panne. Pour survivre, il ne leur reste qu’une solution :

Créer une startup !

startup_02_startup_moins_quart1

Bienvenue dans l’univers des Startupeurs, un nouveau webcomic imaginé par Roudou et votre serviteur. Alors que j’écrirai le scénario, Roudou, qui a déjà illustré le premier tome de Printeurs, s’occupera de donner formes et couleurs à nos intrépides wannabe entrepreneurs.

Leurs aventures, parfois entrecoupées d’illustrations indépendantes, seront hébergées sur BananaSlip.net grâce à l’accord de Banana, la première banane au monde à avoir fait du saut à l’élastique.

Car si Banana a engagé Roudou pour raconter ses aventures, elle accepte d’accueillir d’autres aventuriers. À la condition expresse de rester la star incontestée du site, bien entendu !

banana_08_surf

BananaSlip, les Startupeurs et toutes les illustrations sont disponibles à prix libre et sur Flattr. Tout l’argent récolté sera utilisé par Roudou pour financer du matériel de dessin.

Bon, je vous laisse. C’est l’heure de la pause café. Bonne lecture !

Merci d'avoir pris le temps de lire ce billet librement payant. Je suis très reconnaissant de votre soutien. Envoyez-moi quelques milliBitcoins, suivez-moi sur Tipeee, Twitter, Google+ et Facebook !

Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

flattr this!

Contes et légendes

dimanche 31 août 2014 à 18:14
8524632831_22ed7f81a0_z

Des ses voyages en d’étranges et lointaines contrées, le voyageur a ramené de mystérieuses histoires. Des récits qui se chuchotent autour d’un feu de camp, qui se partagent alors que les téléphones sont en mode avion et que les batteries de l’ordinateur portable sont à plat.

Des contes dont personne ne sait d’où ils viennent ni où ils vont. La seule certitude que nous avons c’est que, durant le bref instant où nous les racontons, ils existent, ils prennent corps.

Peut-être se nourrissent-ils de notre attention ?

Voici donc, compilées sous la plume du scribe, ces “Contes et légendes”, étranges histoires dont certaines sont entièrement inédites, d’autres s’étant déjà frayé un chemin dans les billets de ce blog. Bonne lecture !

Contes et légendes

Télécharger au format .epub – format .pdf

 

Ce mini-livre, comme son prix, est libre. Merci donc de le soutenir. Vous pouvez encourager la publication de ces mini-livres via une promesse de don sur Tipeee.

 

Photo par Alessandro Baffa.

Merci d'avoir pris le temps de lire ce billet librement payant. Je suis très reconnaissant de votre soutien. Envoyez-moi quelques milliBitcoins, suivez-moi sur Tipeee, Twitter, Google+ et Facebook !

Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

flattr this!

Printeurs 25

vendredi 29 août 2014 à 20:21
11986064675_10f4b2b36d_z
Ceci est le billet 25 sur 28 dans la série Printeurs

Alors qu’il explore le commissariat en compagnie de Junior Freeman, le policier qui lui a sauvé la vie lors de l’attaque des drones kamikazes, Nellio insiste pour rencontrer le mystérieux John, un homme dont le témoignage est tellement dangereux pour le monde de l’industrie que Georges Farreck l’a placé au secret sous protection rapprochée.

Je lève les yeux. L’homme m’est totalement inconnu. De taille moyenne, maigre, les cheveux épars, Monsieur John semble avoir enduré privations et souffrances. Son visage est constellé de plaques rouges. son crâne révèle des zones d’une calvitie chaotique et aléatoire. Je suis frappé par son regard noir, pénétrant. Naïvement, j’avais espéré que la vision de ce fameux John déchirerait le voile de mon amnésie. Mais l’homme m’est totalement inconnu. Cela ne semble pas être réciproque car John s’est figé dans un rictus de pur effroi. La terreur se lit sur ce visage dont la bouche est restée ouverte, laissant sa dernière phrase en suspens. Je décide de rompre le silence glacé qui s’est installé entre nous.
— Bonjour John, je suis Nellio, un ami de Georges. Je suis touché par une crise d’amnésie et j’espérais que vous puissiez m’aider. Nous connaissons-nous ?
Son visage semble se détendre progressivement, dessinant un sourire mielleux et faussement obséquieux.
— Enchanté Nellio. Non, malheureusement je ne vous connais pas. Je ne pense pas pouvoir vous aider.
Sa voix est rauque, rocailleuse. Il s’exprime dans notre langue avec difficulté, teintant son élocution d’un accent dégénéré. Pendant un fugace instant, j’ai la conviction qu’il ment. Sans pouvoir l’expliquer, je le sens, je le vois à travers tous les pores de sa peau.
— Qui êtes-vous ? Comment connaissez-vous Georges Farreck ?
Il me regarde étonné.
— Mais vous devriez le savoir. Je suppose que si vous avez accès à moi, vous êtes au courant. Demandez à Georges Farreck de vous raconter. Je ne suis qu’un modeste travailleur qui cherche à faire le bien de l’humanité.
— Pourquoi êtes-vous sous protection ?
— Monsieur Farreck prétend que ma démarche risque de m’attirer des ennuis. Que l’on voudrait taire les révélations que je suis en mesure de faire.
— Quelles révélations ?
— Et bien celles concernant mon travail. Mais je pense que le mieux est d’en discuter avec Monsieur Farreck.
Une main se pose sur mon épaule.
— Dîtes, honnêtement, je pense que les avatars sont beaucoup plus marrants que ce type. Et comme le règlement interdit aux étrangers d’accéder au centre de contrôle, j’aimerais vous le faire visiter avant que les autres ne reviennent.
Je regarde Monsieur John dans les yeux. Je ne pense pas que j’en tirerais quoi que ce soit. Il contourne, esquive et glisse comme une anguille. Il affiche à présent un air tellement innocent que mon impression initiale de roublardise s’est totalement dissipée. Je pousse un soupir.
— C’est bon mon vieux, je vous suis. Allons voir ces fameux avatars !
Tournant les talons, j’adresse un dernier regard à ce fameux John dont les révélations semblent si fracassantes. Il se tient modestement au milieu du salon et m’adresse un sourire gêné.
— Désolé de ne pas être d’une grande aide. Repassez me voir quand vous le souhaitez !

*

— Attendez, je vais allumer !
Junior tâtonne un instant avant d’activer un antique interrupteur mural. Le clignotement des néons résonne à travers le hangar.
— Et voilà les avatars ! me fait Junior avec fierté.
Comme un enfant à la fête de l’école, il m’attrape la main avec enthousiasme et m’emmène devant une rangée de policiers immobilisés dans un silencieux garde-à-vous.
— Et celui-là, c’est moi !
Je reconnais en effet le policier qui m’a tiré de la voiture. Le badge “J. Freeman” se détache sur la carapace de chitine artificielle. Incrédule, j’avance la main et je tâte les éclats d’obus et de balles.
— Oui, c’est vrai, il doit encore passer à l’entretien.
Je me retourne vers Junior :
— Ces policiers… Ce sont donc des robots ?
— Des avatars ! Pas des robots, des avatars !
— Quelle différence ?
Je tape sur le policier qui renvoie un son métallique.
— La différence est fondamentale ! Je vais vous montrer.
Nous ressortons aussitôt du hangar et Junior me conduit dans une salle bardée d’écrans et de matériel informatique. La pièce est constellée de zones circulaires entourées chacune d’une rampe sur laquelle pendent des câbles et des accessoires.
— Le centre de contrôle ! Le saint des saints !
— C’est d’ici que vous pilotez les robots ?
Il me jette un regard noir par dessus ses lunettes.
— Que nous incarnons les avatars !
Sans un mot d’explication, il pénètre dans l’un des cercle et m’invite à y prendre place.
— Enfilez ça ! fait-il en me tendant une paire de fins gants accrochée à la rampe.
Tandis que je m’exécute, il se saisit d’un casque intégral.
— Baissez la tête ! Fermez les yeux et attendez mon signal !
Noir ! Je suis dans le noir. Un noir total, étouffant. Le silence me prend à la gorge. Plongé dans une abysse de noirceur, j’entends la voix de Junior qui me parvient d’une hypothétique surface inhumainement lointaine, définitivement hors d’atteinte.
— Vous êtes prêt ? Go !
La lumière se fait. Les néons blafards du hangar m’éblouissent une fraction de seconde. Le hangar ! Je me retourne pour demander des explications à Junior. Un grincement métallique me parcourt le corps. Je baisse les yeux. Mon corps. Je manque de pousser un hurlement. Je palpe, je touche un corps de métal et de matériaux composites blindés avant de réaliser que ma main gantée est entièrement robotique. Je la porte à hauteur de mon visage. Pas de doute, je suis devenu un robot ! Je…
— Alors, vous avez compris la différence ?
Je suis dans le centre de contrôle face à Junior, la main toujours à hauteur de mes yeux. Il tient le casque qu’il vient de me retirer.
— Waw ! fais-je dans un souffle.
Son sourire s’élargit jusqu’aux oreilles, ouvrant une fente béante dans son visage ravagé par l’acné et le manque de soleil.
— Génial, non ? Les avatars ça ne s’explique pas, il faut les vivre. C’est pour ça que je voulais que vous testiez.
Tout en retirant mes gants, je cligne des yeux pour reprendre mes esprits.
— C’est hallucinant de réalisme, fais-je. J’avais l’impression d’y être.
— Mais vous y étiez ! Réfléchissez un instant : votre cerveau reçoit en permanence les informations de votre corps sous forme d’impulsions électriques. Il réagit par le même canal. Le casque permet d’envoyer au cerveau les impulsions perçues par l’avatar et de le contrôler. C’est comme si votre cerveau avait été mis dans l’avatar. Bref, vous étiez réellement l’avatar.
— Pas réellement, pinaillé-je. Moi j’étais toujours ici !
— Pourtant, lorsque vous faites de la vidéoconférence avec des personnes aux antipodes, vous dites “J’ai assisté à la réunion”. Votre moi ne se définit pas par votre corps physique mais bien par là où se porte votre attention.
Je tente de détourner la conversation.
— C’est donc cette espèce de drone sur pattes qui m’a sauvé la vie ?
Sous le coup de la colère, un bouton d’acné explose sur le front de Junior.
— Mais non ! C’est moi qui vous ai sauvé la peau ! Moi Junior Freeman, commando d’élite ultra-entraîné. Votre peau, c’est à moi que vous la devez !
Alors qu’il dit ces mots, je réalise que j’ai toujours la main levée, à hauteur de mes yeux.
— Ma peau ? Ma peau !
Un souvenir vient de fulgurer à travers mon esprit.
— Ma peau ! Vite, un couteau ! Donnez-moi un couteau ! Ou n’importe quel objet tranchant !
Junior me regarde d’un air dubitatif.
— Je suis pas sûr d’avoir envie de vous donner un objet tranchant.
À son regard, je devine qu’il me considère comme fou à lier. Mais que sur son échelle de valeur, fou est nettement plus intéressant que normal ou banal. Je retire précipitamment le gant et pose ma main sur la rampe d’un geste décidé.
— Alors je vous fais confiance. Incisez-là ! dis-je d’une voix ferme en désignant le dos de ma main.

 

Photo par NASA.

 

Merci d'avoir pris le temps de lire ce billet librement payant. Je suis très reconnaissant de votre soutien. Envoyez-moi quelques milliBitcoins, suivez-moi sur Tipeee, Twitter, Google+ et Facebook !

Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

flattr this!

Pas aujourd’hui !

jeudi 28 août 2014 à 19:16
4795592340_3c73965497_z

Aujourd’hui, nous vivons dans un univers de listes sur lesquelles nous avons perdu prise et qui nous contrôlent. Mais je vous propose de reprendre ce contrôle avec un principe simple : “Pas aujourd’hui !”

Afin de s’organiser, les humains ont développé une propension toute particulière à créer et remplir des listes. Aujourd’hui, nous sommes à l’apogée de la civilisation de la liste : emails, todos, liste de lecture, liste de films à voir, liste de bonnes résolutions, liste de commissions.

Lorsque nous créons une liste, c’est avec le secret idéal de la vider. Un jour, ma liste de todos, ma liste de mails et ma liste de commissions seront vides. Ma liste de listes sera vide également. Ce jour là, je pourrai enfin souffler ! Ou m’attaquer à la liste des choses à faire le jour où mes listes seront vides…

Or, force est de constater que cette situation est entièrement illusoire. Les listes ont la fâcheuse tendance à se remplir plus vite qu’elles ne se vident. Cette situation a pour résultat catastrophique que nous n’avons plus aucun incitant à vider les listes. Quel est l’intérêt de travailler une journée pour faire passer une liste de todos de 232 items à 208 ? Voire à 231 ! Aucun. Donc autant ne rien faire.

Comment avons-nous pallié ce problème ? En créant des listes dans les listes mais sans que ça ressemble à des listes : on assigne des priorités, on utilise le status lu/non-lu pour créer deux listes, on crée un hiérarchie de fichiers pour classer et trier nos listes. Bref, nous ajoutons des listes aux listes et nous plaçons le tout dans des listes de listes. Non seulement ce n’est pas très efficace mais c’est de plus absurde. À quoi sert de définir une priorité dans une liste ? Soit l’élément doit être réalisé, soit il doit être supprimé de la liste. Les éléments en priorité basse se verront toujours dépasser par des nouveaux éléments de haute priorité et ne servent donc qu’à remplir la liste.

En gros, nous avons du mal à supprimer consciemment des éléments de nos listes et nous préférons refuser le contrôle de nos listes pour ne pas avoir à prendre une décision ferme. Toute notre structure de listes, de répertoires, de priorités ne sert, finalement, qu’à se dédouaner.

Si j’expose le problème, vous vous en doutez, c’est que j’ai une solution à proposer. Et, conceptuellement, cette solution est simple. Il “suffit” de vider ses listes. Inbox 0 !

J’ai déjà expliqué en détail comment parvenir à l’Inbox 0 et pourquoi vous n’êtes pas à Inbox 0. Et bien vous pouvez appliquer la même méthode à toutes vos listes.

En premier lieu, vous devez éviter à tout prix de rajouter des listes aux listes. Bannissez les priorités, les folders, les classements divers. Dans les mails, un mail est soit dans l’inbox, soit archivé. Tout autre classement est un obstacle à l’inbox 0. Les todos sont soit faits, soit à faire. Le travail de classement est une dangereuse procrastination qui donne l’illusion de productivité.

Mais cela ne résout pas le problème fondamental qui est que votre liste est une montagne et que vous n’avez aucune motivation pour vous y attaquer. C’est ici qu’intervient un concept fondamental de l’Inbox 0 : pas aujourd’hui !

Pour chaque élément de vos listes, vous devez pouvoir consciemment décider : “Non, ça je ne ferais pas aujourd’hui”. Au fur et à mesure de la journée, les imprévus s’intercalant, vous raffinerez “Finalement, celui-là, pas aujourd’hui non plus”.

Cette approche a même été poussée à son paroxysme avec le gestionnaire de todos Do It Tomorrow.

Mais on peut envisager de raffiner la fonctionnalité en repoussant un élément de la liste à une date donnée : dans une semaine, dans un mois, le 3 novembre. C’est pour cette raison que, dès sa conception initiale, GTG comportait le principe de “start date”. Any.do propose également de passer en revue sa liste de tâches chaque matin et de décider celles qui sont pour aujourd’hui et celles pour un autre jour. Pour les mails, Mailbox vient d’implémenter exactement ce principe avec un certain succès. Au contraire, je n’insisterai jamais assez sur le fait que tous les gestionnaires de projets, de tâches, de todos ou de listes en général qui n’ont pas cette fonctionnalité finiront par devenir tôt ou tard des trous noirs, des listes qu’on remplit mais dont personne n’ose plus explorer autre chose que la surface.

Par rapport aux gestionnaires classiques, le résultat de la méthode “Pas aujourd’hui !” est sans appel : vous êtes aux commandes de vos listes. Vous êtes forcé de passer en revue chaque élément et de décider consciemment de ne pas faire quelque chose aujourd’hui. Résultat : il est parfois plus facile psychologiquement de le faire plutôt que de le repousser. Quoi que vous décidiez, vous êtes aux commandes de vos listes et de votre vie. Vous prenez des décisions.

Et, chaque soir, en regardant vos listes vides, vous aurez la délicieuse satisfaction du travail accompli !

 

Photo par Palo.

Merci d'avoir pris le temps de lire ce billet librement payant. Je suis très reconnaissant de votre soutien. Envoyez-moi quelques milliBitcoins, suivez-moi sur Tipeee, Twitter, Google+ et Facebook !

Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

flattr this!