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Firefox Night-club, entrée libre !

mardi 4 juillet 2017 à 09:02

Aujourd’hui c’est un peu spécial copinage, mais pourquoi pas ? Ils ne sont pas si nombreux les navigateurs web à la fois open source, grand public et à la pointe des technologies, respectueux des personnes qui les utilisent et de leurs données, distribués en langue locale à peu près partout dans le monde, pour toutes les plateformes, etc.

Il est temps de considérer que c’est une ressource précieuse pour tous (et pas seulement pour la communauté du libre).

– D’accord, mais comment y contribuer lorsqu’on est seulement utilisateur ou utilisatrice ?

Pascal Chevrel qui répond aujourd’hui à nos questions nous présente une version de Firefox trop peu connue mais qui mérite toute notre attention et même notre implication : Firefox Nightly

Bonjour Pascal ! Commençons par le début : peux-tu te présenter ?
Bonjour, Parisien, 45 ans, je suis impliqué dans le projet Mozilla depuis pratiquement sa création et je travaille à plein temps pour Mozilla depuis 11 ans. De formation plutôt économique et linguistique, j’ai longtemps travaillé sur l’internationalisation des sites web de Mozilla, l’animation de communautés de traducteurs et le développement d’outils de suivi et d’assurance qualité de nos traductions. Depuis un an, j’ai quitté mes précédentes fonctions pour rejoindre l’équipe Release Management qui est chargée d’organiser et de planifier les livraisons de Firefox. Dans ce nouveau contexte, au sein du département Product Integrity, je suis maintenant responsable du canal Nightly de Firefox.

L’équipe de Release Management chez Mozilla. Tiens, il n’y a pas que des mecs ;-)

 

Alors, je doute que beaucoup des personnes qui nous lisent sachent ce qu’est exactement Nightly, tu peux nous en dire plus ?
Nightly est la version alpha de Firefox, chaque jour nous compilons Firefox avec les modifications apportées par les développeurs la veille à notre code source et nous proposons cette version de Firefox au téléchargement afin de recevoir des retours sur l’état de qualité du logiciel.

Quel est l’intérêt pour moi, péquin moyen, d’utiliser Nightly ?
Pour un internaute lambda, pas forcément à l’aise avec l’informatique, il n’y a effectivement aucun intérêt à utiliser Nightly. Les utilisateurs « ordinaires » sont encouragés à utiliser le canal Release qui est la version finale grand public et pas une version alpha ou bêta de Firefox.

Pour un utilisateur averti, utiliser Nightly signifie avoir accès à une version de Firefox qui plusieurs mois de développement d’avance sur la version finale et donc de pouvoir utiliser des fonctionnalités auxquelles n’ont pas encore accès les utilisateurs de Firefox. Depuis plusieurs mois, nous faisons un gros travail de modernisation et de nettoyage du code source de Firefox afin d’améliorer ses performances, les utilisateurs de Nightly ont donc accès à un navigateur beaucoup plus performant que la version grand public.

Pour un utilisateur averti et sensible aux valeurs véhiculées par Mozilla et par le logiciel libre, c’est aussi le meilleur moyen de participer à un projet de logiciel libre lorsque l’on a pas de temps à investir dans des activités de bénévolat. Le simple fait d’utiliser Nightly est une aide plus que précieuse au développement de Firefox car Nightly envoie par défaut des données de télémétrie et les rapports de plantage à nos développeurs qui peuvent ainsi repérer immédiatement toute nouvelle régression.

Attends ! Ça veut dire que vous préparez toutes les nuits une nouvelle version de Firefox ? ! Elle doit être pleine de bogues ! Ça marche vraiment ton machin ?
Toutes les nuits en effet (d’où son nom de Nightly), nous compilons Firefox avec le code de la veille, dans toutes les langues, pour tous les systèmes d’exploitations que nous supportons, en 32 comme en 64 bits. Toutes ces versions (builds) doivent passer notre batterie de tests automatisés qui valident un niveau de qualité minimal. Évidemment, c’est une version alpha, donc moins stable, elle peut planter plus facilement qu’une version destinée au grand public…

Ceci dit c’est très utilisable, j’utilise des nightlies depuis 2002 et les véritables problèmes sont rares. Lorsqu’un vrai problème passe entre nos filets, en général la télémétrie nous en informe en quelques heures et nous livrons une deuxième nightly dans la journée pour le régler ou fournir une solution d’atténuation de l’impact causé par le bug (retour arrière sur le patch fautif, désactivation temporaire d’une nouvelle fonctionnalité si le retour arrière n’est pas possible).

Et si j’installe Nightly, ça veut dire que ça me remplace mon Firefox habituel ? Et mes favoris et mots de passe enregistrés ?

Déjà, on dit marque-page, « favori » c’est de la terminologie Microsoft, je peux avoir dans mes marque-pages le site des impôts, ça ne veut pas dire que ce soit un des mes sites favoris ;)

On peut tout à fait installer Nightly à côté d’un Firefox classique, la chose importante est de ne pas leur faire partager le même profil de données. Le plus simple est d’installer Nightly dans un nouveau profil et de synchroniser les données (marque-pages, historiques, mots de passe…) entre les deux versions via Firefox Sync, notre service de synchronisation de données.

Histoire de bien comprendre : je dois télécharger Nightly tous les matins pour profiter des dernières mises à jour ?

Non, Nightly se met à jour en arrière-plan tout seul, lorsque la nouvelle version est disponible et peut être installée, une petite flèche verte apparaît sur l’icône de menu et il suffit de cliquer dans ce menu sur un bouton qui appliquera la mise à jour, ce qui se traduit concrètement par la fenêtre qui se ferme et se rouvre en quelques secondes.

Allez, fais-nous rêver : c’est quoi les nouvelles fonctionnalités attendues ?
En novembre, nous allons sortir une mise à jour majeure de Firefox, la plus grosse mise à jour du logiciel depuis 2011. Nous travaillons à une modernisation importante du moteur de rendu des pages (Gecko) en intégrant des parties mûres de notre autre moteur de rendu en R&D, Servo. Ce moteur est écrit dans un nouveau langage informatique très performant, Rust, les gains attendus en termes de performances sont importants. Ce projet de modernisation des fondations s’appelle Quantum. Il s’agit d’un projet proprement titanesque sur lequel plusieurs équipes de développeurs travaillent à plein temps depuis plusieurs mois, la version de novembre intégrera les premiers fruits de ce travail.

Nous travaillons aussi à une modernisation de l’interface actuelle de Firefox avec notre équipe d’ergonomes et de designers afin d’améliorer aussi l’interaction avec l’utilisateur, ce projet s’appelle Photon. Tu peux voir à quoi ressemblera Firefox d’ici quelques mois en parcourant ce diaporama illustré d’aperçus de la future interface.

La mascotte du projet Photon/Quantum

Tous les travaux en cours sur Quantum et Photon ne sont disponibles que sur Nightly, les amateurs de performances et de design peuvent donc avoir accès en avant première à ces avancées.

En termes de fonctionnalités spécifiques à Nightly, la gestion d’identité multiples dans une même session (qui permet d’avoir des onglets « boulot » et des onglets « perso » par exemple) semble être la nouveauté la plus appréciée de nos utilisateurs sur ce canal.

Bon si c’est pour avoir une version toute en anglais, merci bien !
Nous proposons Nightly dans toutes nos langues, il est donc disponible au téléchargement en français. Évidemment, pour les nouvelles fonctionnalités, il faut parfois attendre quelques jours pour voir celles-ci en français dans l’interface, il arrive donc parfois que certaines phrases ou items de menu soient en anglais. Mais c’est rare, les traducteurs veillent au grain.

Cliquez sur l’image pour avoir le grand poster (attention gros fichier de 4,2 Mo)

 

Excellent ! Nightly, j’en veux © Je fais comment ?
Mozilla fournit des binaires pour Windows, Mac et Linux à cette adresse : https://nightly.mozilla.org. La seule difficulté à l’installation par rapport à un Firefox pour le grand public est qu’il faut créer un profil de données séparé si l’on veut installer Nightly à côté d’un Firefox déjà installé et pas le remplacer. Nous travaillons sur notre installeur pour qu’à l’avenir, ce profil séparé soit créé automatiquement sans intervention de l’utilisateur mais ce ne sera probablement pas effectif avant 2018.

Notre wiki contient des informations détaillées (mais en anglais) sur l’installation de Nightly selon son système d’exploitation, dont un screencast pour Windows.

Mais au fait, ça fait quand même beaucoup, beaucoup d’énergie dépensée par Mozilla pour une version de Firefox plutôt méconnue. C’est quoi votre intérêt ?

Pour développer Firefox qui est un projet de grande envergure (des centaines de développeurs, une base de code très importante, près de 100 langues et 4 systèmes d’exploitation pris en charge…), il faut le compiler tous les jours et avoir une infrastructure d’intégration continue en place, il était donc logique de proposer ces versions (que nous utilisons déjà en interne) à nos utilisateurs afin de pouvoir bénéficier d’un bêta test externe qio réponde à des questions comme : est-ce que le site de ma banque en Belgique fonctionne avec ? Est-ce que la traduction est bonne ? Est-ce qu’il est stable sur ma configuration ?…

Cela représente donc un investissement mais avoir une version dédiée au bêta-test communautaire est fait partie (ou devrait faire partie) de tout projet de logiciel libre communautaire.

Au fait, beaucoup de gens l’utilisent ?
Trop peu de gens utilisent Nightly, essentiellement les employés Mozilla et notre communauté de bénévoles les plus impliqués dans le projet Mozilla, quelques dizaines de milliers de personnes dans le monde. Cela peut sembler beaucoup dans l’absolu mais c’est en réalité assez faible car le Web est immense, les configurations matérielles sur lesquelles tournent Firefox sont des plus diverses dans le monde et nous n’avons pas aujourd’hui assez de retours d’utilisation (que ce soit la télémétrie ou des rapports de bugs plus formels) afin de prendre les meilleures décisions de développement.

Nous recherchons donc des utilisateurs mais bien sûr nous sommes très clairs sur le fait que Nightly est destiné à un public plus à l’aise avec l’informatique que la moyenne et prêt à accepter des changements de comportement ou d’interface du logiciel au jour le jour avec en contrepartie l’accès en avant-première à des fonctionnalités innovantes.

Si vous voulez aider Mozilla, que vous êtes à l’aise avec l’informatique, utiliser Nightly à la place ou à côté de votre navigateur actuel (qui n’a pas à être Firefox) est probablement le moyen le plus simple de participer au projet.

Donc, même si je n’y connais rien de rien en logiciel libre, en code, et tous les autres trucs techniques, rien qu’en utilisant Nightly, je fais avancer le schmilblick ?
Si vous êtes à l’aise avec l’informatique (en gros, si vous savez installer et désinstaller un logiciel sans faire appel à la cousine en école d’ingénieur), simplement utiliser Nightly aide énormément Mozilla et les développeurs de Firefox.
Nous avons aujourd’hui une qualité de Nightly qui est suffisante pour de très nombreux utilisateurs sans connaissances techniques particulières.

Si je vois des trucs qui clochent, je le signale où et comment ? Parce que moi le bugzilla, comment dire
Pour les francophones, le plus simple est d’expliquer ce qui cloche dans nos forums de mozfr à cette adresse : https://forums.mozfr.org/viewforum.php?f=24
S’il s’avère que c’est effectivement un problème dont nous n’avons pas connaissance, nos modérateurs les plus anglophiles se chargeront d’ouvrir un ticket sur Bugzilla et d’agir comme intermédiaires avec les développeurs. Je passe sur le forum moi-même deux fois par semaine.

Et si je suis un développeur, et que les mots « code source », « mercurial », « bugzilla » ou « RTFM » me parlent, je peux aider quand même ?

Si vous êtes développeur non seulement vous pourrez rapporter des bugs directement dans Bugzilla mais on peut aussi vous aider à écrire le patch pour résoudre ce bug ! Il y a d’ailleurs une vingtaine de développeurs Firefox qui sont francophones si l’anglais vous fait un peu peur.

Les développeurs mais aussi les utilisateurs les plus techniques peuvent ouvrir des bugs et faire une recherche du patch qui a causé une régression grâce à l’outil mozregression

Tiens une question qu’on nous pose souvent, qui peut paraître hors sujet, mais en fait pas du tout : qu’est-ce que je peux dire à mon cousin qui utilise Google Chrome, afin qu’il envisage de passer à Firefox ?

Il n’y a pas de réponse unique à cette question car pour cela il faudrait savoir pourquoi il utilise Chrome. Si ton cousin est sensible au respect de sa vie privée, utiliser Firefox va probablement de soi. Si ce qui importe pour lui ce sont les performances, alors Nightly est certainement dans la course avec Chrome, voire plus performant sur certaines activités, ce n’a pas toujours été le cas donc c’est important à souligner. S’il est un utilisateur compulsif d’onglets, la gestion des onglets de Nightly est certainement plus riche et performante que celle de Chrome ; avoir une session avec plusieurs centaines d’onglets ouverts sur une machine récente ne pose aucun problème sous Nightly.

Je pense que de nombreux utilisateurs qui sont passés de Firefox à Chrome il y a quelques années seraient très surpris des avancées (performances, ergonomies, fonctionnalités) que nous avons intégrées dans Firefox. C’est encore plus vrai pour Nightly et je reçois quasiment quotidiennement du feedback d’utilisateurs Chrome passés avec bonheur à Nightly, C’est très encourageant pour notre grosse livraison 57 en novembre évidemment. Le magazine en ligne américain CNET a publié en juin un article intitulé « New speed boost means maybe it’s time to try Firefox again » plus qu’élogieux et ils n’ont testé que la version grand public 54. Nightly qui est en 56 est déjà bien plus performant.

Merci Pascal ! Un dernier mot ? Ou une question que tu aurais aimé qu’on te pose ?

Un grand merci à toi pour l’intérêt que tu portes à Firefox, Mozilla et mon travail sur Firefox Nightly ! Merci aussi pour le travail de vulgarisation que fait Framasoft en ce qui concerne le logiciel et la culture libre. Firefox est l’outil qui permet à Mozilla d’avoir un impact sur le Web. Étant donné le travail que fait Framasoft sur la décentralisation et de dégooglisation du web, les lecteurs de cet article seront peut être intéressés par cette récente annonce de Mozilla dans laquelle nous annonçons un budget de 2 millions de dollars dédié à financer les projets de décentralisation du Web.

… et le slogan du blog de Nightly pour le mot de la fin :
Améliorons ensemble la qualité, version après version (Let’s improve quality, build after build !)

 

Pour un covoiturage libre sans blabla car c’est un bien commun !

jeudi 29 juin 2017 à 07:47

Le partage de véhicule pour faire ensemble un trajet est une pratique déjà ancienne : les moins jeunes se souviennent des globe-trotters le pouce levé,des trajets entre copains serrés à l’arrière de la 4L et… bref vous voyez le tableau, inutile de raviver le cliché des hippies dans le Combi VW.

Crise écologique et crise économique ont contribué à remettre au goût du jour ces pratiques conviviales : le pouce levé de rezopouce, parti du Sud-Ouest, gagne du terrain un peu partout en France, certaines municipalités comme dans les Yvelines prennent des initiatives pour stimuler et organiser le covoiturage. Il en va de même avec des associations comme Voisine Covoiturage en Lozère, qui dans un monde rural menacé d’isolement reçoit le soutien des collectivités locales.

Oui mais voilà : l’engouement pour le covoiturage est aussi un marché économique dominé par un acteur majeur qui s’est taillé un nom et un presque-monopole au point que pour beaucoup c’est le mot blablacar qui remplace le mot covoiturage dans les recherches sur Internet. On peut saluer le succès de l’entreprise comme le font depuis plusieurs années la plupart des médias. On peut aussi s’interroger sur cette confiscation et monétisation d’une pratique solidaire gratuite : le modèle économique de Blablacar repose sur la captation d’un bien commun.

Les solutions alternatives existent pourtant, comme La Roue verte, qui peut proposer des services gratuits et éthiques aux particuliers en se rémunérant par des prestations aux entreprises.

Aujourd’hui c’est une association indépendante et sans but lucratif que nous souhaitons mettre en valeur : Covoiturage-libre a des engagements et des valeurs qui résonnent agréablement aux oreilles libristes. Nous espérons qu’après avoir lu cette interview nombre d’entre vous deviendront avec ce beau projet des covoitureurs et covoitureuses libres !

Cliquez sur l’image pour découvrir leur site.

 

Bonjour François, peux-tu te présenter et nous décrire l’association dont tu fais partie ?

Bonjour ! Je m’appelle François Vincent et je m’occupe pour ma part plus spécifiquement du développement de Covoiturage-libre.fr, qui est un site de covoiturage libre et gratuit.

Nous avons un certain nombre de personnes qui travaillent bénévolement pour le site, notamment son développement (le code source est accessible par tous sous licence GNU GPL v3), sa communication sur les réseaux sociaux ou la participation à des rencontres des logiciels libres ou de manifestations spécifiques, et les réponses aux demandes effectuées via la hotline par les utilisateurs. Chacun est libre de nous rejoindre, il sera bien accueilli, notamment par moi-même !

Comment sont nés votre site et votre association ?

Notre site a une histoire déjà assez longue. Une première version a été mise en ligne quelques jours seulement après le passage au payant de la part de Blablacar (ce devait être en 2011). Le site et l’association sont nés du rejet de l’appropriation du covoiturage par Blablacar, et d’une volonté ferme de promouvoir un covoiturage social, c’est à dire non contrôlé par une entreprise, mais profitant et appartenant à tous.

Un coup d’œil sous le capot ?

La première version a été développée en solo par Nicolas Raynaud. Le site à cette époque avait été écrit en PHP. C’est peu après qu’a été créée l’association pour soutenir la plateforme. Une nouvelle version du site a plus tard été écrite en Ruby on Rails, car la première version était difficile à maintenir et ne permettait pas vraiment un travail collaboratif. Cette nouvelle mouture du site est assez récente, date de moins d’un an, c’est maintenant sur celle-ci que nous travaillons, les améliorations étant poussées… lorsqu’elles sont prêtes à l’être.

Qu’est-ce qui vous différencie de sites mieux connus comme Blablacar ?

Notre philosophie du covoiturage est qu’il s’agit d’un bien commun et qu’il doit le rester !

L’un de nos engagements est de rester indépendants, de rester sous le contrôle de la communauté. Toute personne voulant participer est la bienvenue pour s’exprimer, et son avis sera pris en compte. Nous ne serons jamais rachetés par quelque entité, visant le profit, que ce soit. Nous prônons un covoiturage sans frais, qui n’ira pas enrichir une société levant des millions d’euros. Nous nous construisons en partie CONTRE cette vision du covoiturage.

Pour résumer, notre différence principale avec des sites comme Blablacar est notre conception même du covoiturage, et c’est sur cette dernière que nous nous appuyons pour avancer.

Votre plateforme est un « bien commun », qu’entendez-vous par là ?

Nous entendons par là quelque chose de simple et qui nous parait à la fois fondamental et naturel pour le covoiturage : la plateforme nous appartient à tous, elle appartient à la communauté que nous formons, nous les conducteurs et les passagers qui utilisons le covoiturage, tous ensemble nous la faisons vivre. Elle appartient à ceux qui l’ont développée et qui en font la promotion, à nous qui travaillons sur le projet, mais aussi, ET SURTOUT, à celles et ceux qui l’utilisent, c’est-à-dire monsieur Dupuis-Morizeau par exemple qui utilise notre plateforme en tant que passager pour aller de Paris à Rouen et retrouver sa famille. D’ailleurs, il peut nous rejoindre pour participer à la réflexion sur la plateforme, proposer des améliorations, signaler des bugs…

Comment ça marche alors ? il faut que les personnes qui se sont contactées aient une relation de confiance ? Parce qu’on communique un mail ou un téléphone…

En effet, les personnes covoiturant ensemble doivent établir un lien social, un lien de confiance entre elles, c’est l’une de nos raisons d’exister qui fait partie de nos 5 engagements.

Copie d’écran du site Covoiturage-libre

Tous ceux qui ont déjà fait du covoiturage savent que c’est un moyen de rencontrer des personnes que nous n’aurions jamais rencontrées autrement, ayant une autre vie, d’autres passions, où qui au contraire travaillent, par exemple, dans le même domaine, ce qui peut alors déboucher sur des conversations très poussées ! La parole est un moyen de se faire confiance, et nous pensons que les gens voulant se déplacer ensemble sont de bonne volonté. Elles échangent donc par mail ou SMS sur les modalités du trajet.

Il y a des possibilités de dérives que nous combattrons de toutes nos forces, mais celles-ci existent sur toutes les plateformes de covoiturage, et même dans d’autres situations de la vie de tous les jours. Elles sont quasi inexistantes par rapport à la masse de covoiturages effectués chaque jour.

Donc Covoiturage-libre ne ponctionne aucune commission, c’est chouette, mais je dois me mettre d’accord sur un tarif avec un conducteur ou un passager (suivant les cas) ?

Eh bien oui, la prise de contact entre conducteur et passager pour fixer les modalités du covoiturage en amont de sa réalisation est une étape indispensable pour avoir un covoiturage qui se déroule bien. Ce premier contact permet de fixer les modalités du voyage, comme l’endroit où l’on se retrouve, le lieu de dépose, et en effet, la somme d’argent que le passager donnera au conducteur. Mais on espère bien que vous discuterez d’autres choses bien plus intéressantes pendant et même après le trajet !

Comment je peux savoir par exemple combien demander (dans quelle fourchette raisonnable) pour partager les frais pour un trajet entre Tours et Lyon ?

Pour l’instant, la plateforme ne propose pas de suggestion de tarif. Les prix que le conducteur propose pour le trajet global ainsi que pour les étapes sont à sa discrétion. On peut cependant utiliser plusieurs ressources pour s’aider dans le choix des frais que l’on demande, comme regarder sur d’autres sites les tarifs pratiqués ; ou bien appliquer un calcul simple qui consiste à prendre le prix global du trajet et le diviser par le nombre de personnes dans la voiture, conducteur compris. à noter que l’une des nombreuses fonctionnalités que nous prévoyons de mettre en place est justement la mise en place d’un prix conseillé, dépendant de la distance et également des péages. Nous rappelons également sur le site que le covoiturage ne doit pas être rentable, et qu’il s’agit d’abord et avant tout d’entraide.

Qu’est-ce qui me garantit la confidentialité de mes données si je m’inscris pour passer une annonce ?

Comme tout projet sous licence libre et open-source, vous avez accès vous même au code source du site sur le dépôt github, n’hésitez pas à le parcourir.

Nous sommes des gens comme vous, qui aimons garder nos données personnelles… personnelles. Le développement du site se fait avec cette idée de respecter au maximum les données des utilisateurs.

Et qu’est-ce qui me garantit qu’on ne va pas me demander une somme excessive ?

Soyons franc, rien ne vous le garantit. Vous discutez du prix avec le conducteur avant le voyage, et vous payez de la main à la main pendant le trajet. Encore une fois, nous rappelons sur le site que le covoiturage ne doit pas être rentable, ce qui limite normalement les sommes si les usagers sont honnêtes. Un passager peut également tout simplement refuser un covoiturage si le prix est trop élevé. Nous sommes persuadés que les gens peuvent discuter entre eux et se mettre d’accord sans problème.

Nous ne prévoyons par ailleurs pas de déployer une solution de paiement en ligne avant le trajet comme d’autres sites (qui serait toujours sans frais soit dit au passage) pour plusieurs raisons : la première, c’est que cela ne fait pas partie de notre représentation du covoiturage, où les gens se mettent d’accord entre eux et discutent en amont du voyage, et n’ont donc pas besoin de ce système. La deuxième raison est que cette solution nous demanderait la mise en place d’un système très sécurisé (qui amènerait de plus à une ambiance que nous trouvons anxiogène, phénomène que l’on peut déjà observer sur un autre site bien connu qui prône une « sécurité » omniprésente justifiant tout et n’importe quoi…), et que nous devrions alors collecter des données bancaires que nous ne voulons surtout pas posséder. Ce sont vos données personnelles, nous ne voulons surtout pas y avoir accès !

Déjà plus de 730 000 covoiturages, beau succès ! Ça vous fait autant d’adhérents à l’association ? Pour profiter des services proposés sur le site, il faut être adhérent à l’association ?

Eh bien non, le nombre de bénévoles donnant du temps pour la plateforme est assez faible. Pour déposer une annonce sur le site, contacter une personne proposant un covoiturage, aucune adhésion à l’association n’est nécessaire, les gens restent libres au maximum de faire ce qu’ils veulent, et cela ne nous a même pas traversé l’esprit de forcer les gens à adhérer (même gratuitement) ! Ils sont cependant tous les bienvenus s’ils veulent participer à la plateforme et/ou l’association !

Pas besoin d’être adhérent donc, mais nous pensons dans le futur mettre en place des comptes sur notre site. Leur seul objectif sera de gérer plus facilement les annonces que l’on propose en tant que conducteurs ou celles qui nous intéressent en tant que passagers. La gestion des annonces pour les conducteurs se fait actuellement par mail, ce qui n’est pas optimal pour gérer une annonce appelée à potentiellement évoluer dans le temps, nous souhaitons améliorer ceci !

Que se passe-t-il si un requin aux intentions lucratives clone votre site et prend une commission de 5 % ?

Il sera liquidé par un mercenaire GNU dans les 12 heures suivant la mise en ligne de son site.

Non plus sérieusement, il peut essayer… Puisqu’il n’aura pas accès à notre base de données, son site sera vide d’annonces. Notre plateforme est la deuxième de France, nous avons une petite-(pas-si-petite)-mais-grandissante communauté d’utilisateurs qui postent leurs annonces et consultent notre site, ils ne migreront pas vers ce faux site. Nous en voulons pour preuve le nombre d’annonces postées jusqu’ici que vous citez plus haut !

Avez-vous fait l’objet de démarchage pour faire de votre service une opération commerciale ? Des startups sur le même créneau ?

La loi du marché étant ce qu’elle est, et notre position de deuxième plateforme française de covoiturage étant établie, certains organismes/entreprises/start-up/que sais-je encore ont voulu nous racheter « nos utilisateurs » (oui je cite les gens qui viennent vers nous). Ce à quoi nous leurs répondons gentiment et poliment que ce n’est pas notre conception de la chose, que l’argent ne nous intéresse pas, que pour récupérer nos utilisateurs il faudra d’abord marcher sur nos cadavres et accessoirement celui du site, ce genre de choses…

Il y a bien sûr d’autres entreprises qui souhaitent concurrencer Blablacar, nous leur tendons la main si elles veulent intégrer notre association et adhérer à nos valeurs qui prônent le non-profit. Notre plateforme a cet avantage par rapport à toutes les autres d’être une association avec des gens motivés par des convictions, et travaillant sur ce projet sur leur temps libre. Sans vouloir nous vanter, avec le soutien de quelques donateurs, nous sommes virtuellement immortels et indestructibles ;) le temps joue pour nous…

Quelle continuité souhaitez-vous donner à votre service communautaire ? L’élargir à d’autres pays ? Qu’est-ce qui serait le plus efficace pour vous faire mieux connaître et pour que chacun adopte votre démarche ?

Nous sommes totalement ouverts à la propagation de notre modèle et de notre plateforme à d’autres pays. Nous aurons cependant besoin de partager une base de données commune à tous, cette dernière étant interrogée par une instance nationale pour chaque pays. Nous avons d’ailleurs déjà des contacts de gens intéressés dans d’autres pays. Notre rêve ultime serait une grande organisation mondiale, libre, avec une équipe par pays. L’impact écologique et économique pour tous pourrait être considérable !

Si je veux participer à vote site, à ce commun, à votre projet, à votre asso… je fais comment ? Vous avez besoin de quelles compétences ?

Vous pouvez consultez les propositions de la page https://covoiturage-libre.fr/missions-benevoles

Certaines façons de participer sont tout à fait simples :

Le mot de la fin ?

Les bases de la plateforme pour un retour à un vrai covoiturage qui ne profite pas à une entreprise sont déjà là. Mesdemoiselles, Mesdames, Messieurs, il ne tient plus qu’à vous de nous rejoindre et d’y participer !

Dé BlaBlaCarisez le covoiturage avec Covoiturage-Libre !

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Workshop CHATONS aux RMLL le 7 juillet

jeudi 22 juin 2017 à 15:37

Nous vous avons déjà parlé des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre, qui auront lieu cette année à St-Étienne, du 1er au 7 juillet (très bientôt, donc !). Si vous n’avez pas encore lu l’interview d’une partie de l’organisation, foncez-y, ça donne envie de venir :)

Framasoft sera évidemment présente lors des RMLL (sans doute en petit comité, car en ce début d’été, nos membres seront un peu dispersés sur différents événements ou … en congés !). N’hésitez donc pas à venir à notre rencontre, ou à assister à l’une de nos conférences :)

Mais l’objet de ce billet, est surtout de vous annoncer que l’organisation des RMLL a proposé de réserver la journée du vendredi 7 à … une réunion de chatons !

Le collectif en action

 

 

Vous le savez peut-être, le Collectif des Hébergeurs Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires (C.H.A.T.O.N.S.) est un collectif de particuliers et de structures qui proposent à leurs communautés des services en ligne Libres, Éthiques, Décentralisés et Solidaires.

Framasoft a impulsé en octobre dernier ce collectif, et est l’un de ses 30 membres actuels.

Le collectif est toujours en phase de structuration et, tel un logiciel libre, est en développement permanent : on y ajoute des fonctionnalités, on explore des possibles, on corrige des bugs, on essaie de faire communauté, etc.

Les moments de rencontre, que ça soit entre membres du collectif, ou pour échanger avec des personnes connaissant peu ou pas le projet CHATONS, sont donc primordiaux.

L’opportunité offerte par les RMLL de nous proposer un temps long (1 journée complète) est donc à saisir !

Cette journée permettra, le matin, de rappeler (très rapidement) les objectifs, de présenter le fonctionnement actuel, et de travailler ensemble la « roadmap ». L’après-midi sera, lui, consacré à des ateliers thématiques (probablement : « juridique », « technique », « communication » et « organisation/économie ») en mode barcamp (= les personnes présentes choisiront elles-mêmes les thèmes de travail).

Bref, vous pourrez poser toutes les questions que vous avez toujours voulu savoir sur CHATONS, mais surtout nous proposer des patches sur la façon dont nous pourrions améliorer le fonctionnement du collectif.

Merci encore aux organisateur⋅ice⋅s des Rencontres de nous offrir ce temps de partages, d’échanges, de réflexion et de production !

Un panier de CHATONS, parce qu’on sait que vous aimez ça !

 

Et, en cadeau, trois petites vidéos (qui s’ouvriront au clic dans un nouvel onglet sur Vimeo) réalisée par Rézonnance, qui, nous l’espérons, vous donneront envie de venir aux RMLL :

Interview PY GOSSET – RMLL2017

Interview Simon CHANSON – RMLL2017

Interview François Aubriot – RMLL2017

 

La face cachée du web, de la vie, de l’univers, du reste

mardi 20 juin 2017 à 13:02

Nous sommes bombardés presque chaque semaine d’alertes à la catastrophe numérique ou de pseudo-enquêtes au cœur du Dark Web, censé receler des dangers et des malfaisants, quand il ne s’agit pas d’une conspiration pour diriger le monde.

Une fois retombé le coup de trouille, on se remet à regarder des photos de chatons sur le ouèbe. Mais un éclair de lucidité, parfois, troue le brouillard : comment je sais ce qu’il y a de vrai là-dedans ? Entre la fantasque théorie du complot et les authentiques agissements de personnages obscurs, comment trier ?
Il n’est pas facile d’accéder à une information fiable : les spécialistes sont peu nombreux, plutôt discrets (nous avons par exemple vainement essayé pendant deux ans d’obtenir une interview d’une « pointure »), voire peu enclins à communiquer au-delà des anathèmes volcaniques qu’ils déversent de loin en loin sur les mauvaises pratiques, ce qui n’aide pas trop le commun des mortels.

C’est pourquoi la parution récente du livre de Rayna Stamboliyska « La face cachée d’Internet » nous apparaît comme une excellente nouvelle : son livre est celui d’une spécialiste qui s’efforce de mettre à notre portée des éléments parfois épineux à comprendre. Quand on a comme elle fait une thèse en génétique et bio-informatique et un master spécialisé en « défense, sécurité et gestion de crise », on n’a pas forcément l’envie et le talent de s’adresser à tous comme elle fait fort bien.

Merci donc à Rayna pour cet effort d’éducation populaire et pour avoir accepté de répondre à quelques questions pour le Framablog, parce qu’elle ne mâche pas ses mots et franchement ça fait plaisir.

 

Salut Rayna, peux-tu te présenter ?

— Je trolle, donc je suis ?

Ce qui m’intéresse, c’est la gestion de l’incertitude et comment les organisations y font face. Du coup, j’ai tendance à saouler tout le monde quand je parle de sextoys connectés par exemple, parce que ça tourne notamment autour des modèles de menaces et des façons de les pwn (i.e., les compromettre techniquement).

Au cours de mes études, ma thématique a toujours été l’impact de la technique et des données (qu’elles soient ouvertes ou non) sur nous, avec un focus qui a graduellement évolué pour passer de la recherche vers les situations de conflits/post-conflits (armés, j’entends), vers l’évaluation de risques et la gouvernance de projets techniques en lien avec les données.

Avoir un nom d’espionne russe, c’est cool pour parler de surveillance de masse ?

Mmmm, je suis plus parapluie bulgare que tchaï au polonium russe, mais admettons. Quant à la surveillance de masse… faut-il une nationalité particulière pour s’en émouvoir et vouloir s’y opposer ?

Ce que mes origines apportent en réalité, c’est une compréhension intime d’enjeux plus globaux et de mécanismes de gouvernance et d’influence très différents auxquels les pays occidentaux dont la France n’ont pas été franchement confrontés. Ainsi, les oppositions que je peux formuler ne sont pas motivées par une position partisane en faveur de telle asso ou telle autre, mais par des observations de comment ça marche (#oupas) une fois implémenté.

C’est sûr, la Stasi et les régimes communistes totalitaires de l’Est n’appelaient pas ça big data  ; mais l’idée était la même et l’implémentation tout aussi bancale, inutile et inefficace. La grosse différence est probablement que ces régimes disposaient de cerveaux humains pour analyser les informations recueillies, chose qui manque cruellement à l’approche actuelle uniquement centrée sur la collecte de données (oui, je sais, il y a des algorithmes, on a de la puissance de calcul, toussa. Certes, mais les algos, c’est la décision de quelqu’un d’autre).

Au risque de vous spoiler la fin de mon bouquin, il faut bien comprendre ce qui se joue et y agir avec finesse et pédagogie. La recherche du sentiment de sécurité nous est inhérente et, rappelons-le, est très souvent indépendante de la réalité. Autrement dit, on peut très bien se sentir protégé⋅e alors que les conditions matérielles ne sont pas réunies pour qu’on le soit. Mais parfois, le sentiment de sécurité, même s’il n’est pas fondé, suffit pour prévenir de vrais problèmes. Il y a donc un équilibre vraiment difficile à trouver : c’est le moment de sortir le cliché des 50 nuances de sécu et d’en rajouter une couche sur la finesse et la pédagogie des approches. Si nous sommes les sachant⋅e⋅s d’un domaine, alors comportons-nous en adultes responsables et faisons les choses correctement.

Dans le cas de la surveillance généralisée, ces efforts sont d’autant plus indispensables qu’on est face à une situation très complexe où des questions techniques, politiques et de sécurité des populations se mélangent. Il ne faut pas oublier qu’on n’est pas outillés pour comprendre comment fonctionne le renseignement uniquement parce qu’on est un⋅e adminsys qui tue des bébés phoques à coup de Konsole (oui, je suis une fière fan de KDE).

Et Malicia Rogue, elle va bien ? Pourquoi cette double identité en ligne ?

Nous allons bien, merci :-) La double identité date d’il y a très longtemps (2005, par là) et elle était à l’origine motivée par le fait que la science et la politique ne font pas bon ménage. En effet, dans une précédente vie, je faisais de la recherche (génétique évolutive, maladies infectieuses, bio-informatique) ; dans ce monde-là, la prise de position politique est souvent perçue comme une tare. Du coup, il était important de tenir les deux identités séparées, de la façon la plus étanche possible de préférence.

Est-ce que tu es une Anonymousse (au chocolat) ?

Oui, mais chocolat noir seulement, et merci de me passer la cuillère aussi.

Nous, on sait que tu es légitime pour parler de sécurité informatique, mais on a vu que dans un milieu souvent très masculin tu t’es heurtée à des personnes qui doutaient à priori de tes compétences. Et ne parlons pas des premiers à réagir qui n’ont rien lu mais tout compris  ! Pas de problème de ce côté avec ton éditeur ?

Alors, plusieurs choses ici. Je sais que ça va susciter l’ire de plein de gens, mais il faut dire les choses clairement : il y a un sexisme quotidien dans les milieux tech et science. Je suis sûre que ça existe ailleurs aussi, hein, mais disons que ce qui nous préoccupe ici, c’est le milieu tech.

C’est un grand mystère, d’ailleurs. Je viens de l’Est, où malgré toutes les mauvaises choses, les organes génitaux de naissance n’ont pas vraiment été un critère de compétence. On m’a éduquée à faire des choses réfléchies et à savoir argumenter et structurer mes opinions : ce sont les actions qui parlent. La pire discrimination à laquelle j’ai eue à faire face, a été de faire de la bio (une « sous-science » pour mes profs de maths à la fac et ma mère, prof de maths sup’ aussi).

Du coup, débarquer en Europe de l’Ouest et dans le pays des droits humains pour me heurter à la perception qu’avoir des ovaires fait de quelqu’un un sous-humain a été un choc. Et c’est encore pire quand on y pense : les stéréotypes sexistes, c’est bidirectionnel, ils font pareillement mal à toutes les personnes qui les subissent. J’ai décidé de continuer à faire comme d’habitude : construire des trucs. Si je commets des erreurs, je corrige, et si on m’embête inutilement, je mords poliment. :-)

C’est harassant à la longue, hein. Je pense qu’il faut réguler ce genre de réactions, ensemble. C’est très simple : si l’on vous fait vous sentir que vous êtes malvenu⋅e, la plupart du temps la réaction est la fuite. Si on me fait me sentir malvenue, je pars, je serai bien accueillie ailleurs et les projets passionnants avec des gens adorables ne manquent pas. Alors, c’est dommage pour les projets, certes intéressants, mais portés par ceux et celles qui s’imaginent qu’être rustre à longueur de journée, c’est avoir un caractère fort et assumé.

Quant à mon éditeur… On a passé plus de 4 heures à discuter lors de notre première rencontre, il fallait cadrer le sujet et le calendrier. La question de genre ne s’est jamais posée. J’avais face à moi des gens intéressés et passionnés, j’ai fait de mon mieux pour répondre à la demande et … c’est tout. :-)

Tu es proche des assos du libre ou farouchement indépendante ?

Les deux, mon capitaine. Même si j’apprécie mon statut d’électron libre.

Ton bouquin parle du darkweb. Mais alors ça existe vraiment ?

Beh oui. C’est l’ensemble des pages web dont la CSS contient :

body {
    background : #000 !important ;
}

Ton ouvrage est particulièrement bienvenu parce qu’il vise à démystifier, justement, ce fameux darkweb qui est surtout une sorte de réservoir à fantasmes divers.

Une petite critique tout de même : la couverture fait un peu appel au sensationnalisme, non ?

C’est ton choix ou celui de l’éditeur ?

Alors… il y a eu plusieurs versions de couverture sur lesquelles j’ai eu un pouvoir limité. La v.1 était la pire : il y avait un masque Anonymous dessus et du code Visual Basic en arrière-plan. J’ai proposé de fournir des bouts de vrai code de vrais malwares en expliquant que ça nuirait sensiblement à la crédibilité du livre si le sujet était associé pour la postérité à une disquette. Par la suite, le masque Anonymous a été abandonné, j’aime à penser suite à mes suggestions de faire quelque chose de plus sobre. On est donc resté sur des bouts du botnet Mirai et du noir et rouge.

Outre le fait que ce sont mes couleurs préférées et qu’elles correspondent bien aux idées anarchistes qui se manifestent en filigrane ci et là, je l’aime bien, la couv’. Elle correspond bien à l’idée que j’ai tenté de développer brièvement dans l’intro : beaucoup de choses liées au numérique sont cachées et il est infiniment prétentieux de se croire expert ès tout, juste parce qu’on tape plus vite sur son bépo que le collègue sur son qwerty. Plus largement, il y a une vraie viralité de la peur à l’heure du numérique : c’est lorsque le moyen infecte le message que les histoires menaçantes opèrent le mieux, qu’elles aient ou non un fondement matériel. Dans notre cas, on est en plein dans la configuration où, si on pousse un peu, « Internet parle de lui-même ».

Enfin, les goûts et les couleurs… Ce qui me fait le plus halluciner, c’est de voir le conditionnement chez de nombreuses personnes qui se veulent éduquées et critiques et qui m’interpellent de façon désobligeante et misogyne sur les réseaux sociaux en m’expliquant qu’ils sont sûrs que ce que je raconte est totalement débile et naze parce que la couverture ne leur plaît pas. Je continue à maintenir que ce qui compte, c’est le contenu, et si d’aucuns s’arrêtent aux détails tels que le choix de couleurs, c’est dommage pour eux.

Élection de Trump, révélations de Snowden, DieselGate, Anonymous, wannaCry, tous ces mots à la mode, c’est pour vendre du papier ou il faut vraiment avoir peur ?

Da.

Plus sérieusement, ça ne sert à rien d’avoir peur. La peur tétanise. Or, nous, ce qu’on est et ce qu’on veut être, c’est des citoyens libres ET connectés. C’est comprendre et agir sur le monde qu’il faut, pas se recroqueviller et attendre que ça se passe. J’en profite d’ailleurs pour rappeler qu’on va nous hacher menu si on ne se bouge pas : revoyons nos priorités, les modèles de menaces législatifs (au hasard, le projet de loi anti-terrorisme), soutenons La Quadrature, des Exégètes, etc. et mobilisons-nous à leurs côtés.

Est-ce que tu regrettes qu’il n’y ait pas davantage d’implication militante-politique chez la plupart des gens qui bossent dans le numérique ?

Oui. Du coup, c’est digital partout, numérique nulle part. J’ai vraiment l’impression d’être projetée dans les années où je devais prévoir deux identités distinctes pour parler science et pour parler politique. Aujourd’hui, ce non-engagement des scientifiques leur vaut des politiques publiques de recherche totalement désastreuses, des gens qui nient le changement climatique à la tête du ministère de la recherche aux USA, etc. Le souci est là, désolée si je radote, mais : si on n’est pas acteur, on est spectateur et faut pas venir couiner après.

Quel est le lectorat que vise ton livre : le grand public, les journalistes, la communauté de la sécurité informatique… ? Est-ce que je vais tout comprendre ?

Il y a un bout pour chacun. Bon, le grand public est une illusion, au même titre que la sempiternelle Mme Michu ou que sais-je. Cette catégorie a autant d’existence que « la ménagère de moins de 50 ans » dans le ciblage publicitaire de TF1. J’ai aussi gardé mon style : je parle comme j’écris et j’écris comme je parle, je crois que ça rend la lecture moins pénible, enfin j’espère.

Les non-sachants de la technique ne sont pas des sous-humains. Si on veut travailler pour le bien de tous, il faut arrêter de vouloir que tout le monde voie et vive le monde comme on veut. Vous préférez que votre voisin utilise Ubuntu/Debian/Fedora en ayant la moitié de sa domotique braillant sur Internet et en risquant un choc anaphylactique face au premier script kiddie qui pwn son frigo connecté pour déconner, ou bien que les personnes utilisent des outils de façon plus sensible et en connaissance des risques ? Perso, à choisir, je préfère la 2e option, elle m’a l’air plus durable et contribue – je crois – à réduire la quantité globale d’âneries techniques qui nous guettent. Parce que la sécurité du réseau est celle de son maillon le plus faible. Et on est un réseau, en fait.

Je pense que chacun y trouvera des choses à se mettre sous la dent : une lecture moins anxiogène et plus détaillée de certains événements, une vision plus analytique, des contextualisations et une piqûre de rappel que les clicodromes et les certifs ne sont pas l’alpha et l’oméga de la sécurité, etc. Les retours que je commence à avoir, de la part de gens très techniques aussi, me confortent dans cette idée.

Tu rejoins la position d’Aeris qui a fait un peu de bruit en disant : « On brandit en permanence le logiciel libre à bout de bras comme étant THE solution(…). Alors que cette propriété n’apporte en réalité plus aucune protection.  » ?

Je l’ai même référencé, c’est dire :-)

Plus largement, j’ai été très vite très frustrée par le fait que les libertés fournies par le logiciel libre ignorent totalement … ben tout le reste. Il a fallu attendre des années pour que le discours autour du logiciel englobe aussi les données, les contenus éducatifs, les publications scientifiques, etc. Il n’y a pas de synthèse et les voix qui appellent à une vision plus systémique, donc à des approches moins techno-solutionnistes, sont très rares. La réflexion d’Aeris est une tentative appréciable et nécessaire de coup de pied dans la fourmilière, ne la laissons pas péricliter.

Qu’est-ce qui est le plus énervant pour toi : les journalistes qui débitent des approximations, voire des bêtises, ou bien les responsables de la sécu en entreprise qui sont parfois peu compétents ?

Les deux. Mais je pense que de nombreux journalistes prennent conscience d’ignorer des choses et viennent demander de l’aide. C’est encourageant :-) Quant aux RSSI… il y a de très gros problèmes dans les politiques de recrutement pour ces postes, mais gardons ce troll cette discussion pour une prochaine fois.

L’un de tes titres est un poil pessimiste : « on n’est pas sorti de l’auberge ». C’est foutu, « ils » ont gagné ?

« Ils » gagneront tant qu’on continue à s’acharner à perdre.

Je suis un utilisateur ordinaire d’Internet (chez Framasoft, on dit : un DuMo pour faire référence à la famille Dupuis-Morizeau), est-ce que j’ai un intérêt quelconque à aller sur le darkweb ? Et si j’y vais, qu’est-ce que je risque ?

Je ne sais pas. Je suis une utilisatrice ordinaire des transports en commun, est-ce que j’ai un intérêt quelconque à aller en banlieue ? L’analogie m’est soufflée par cet excellent article.

Mais bon, j’ai assez spoilé, alors je ne dirai qu’une chose : GOTO chapitre 3 de mon livre, il ne parle que de ça. ;-)

On a noté un clin d’œil à Framasoft dans ton livre, merci. Tu nous kiffes ?

Grave. :-)

Mais alors pourquoi tu n’as pas publié ton bouquin chez Framabook ?

Parce que ce n’est pas à « nous » que je m’adresse . La famille Michu, la famille DuMo, bref, « les gens » quoi, ont des canaux d’information parallèles, voire orthogonaux à ceux que nous avons. Je ne veux pas prêcher des convaincus, même si je sais très bien que les sachants de la technique apprendront beaucoup de choses en me lisant. Ce n’est pas de la vantardise, ce sont des retours de personnes qui m’ont lue avant la publication, qui ont fait la relecture ou qui ont déjà fini le bouquin. Pour parler à autrui, il faut le rencontrer. Donc, sortir de chez nous !

D’ailleurs, j’en profite pour râler sur ces appellations ignares auxquelles je cède parfois aussi : Mme/la famille Michu, la famille DuMo ou, pire, le déshumanisant et préféré de nombreux libristes qu’est « les gens ». Ce sont d’autres humains et on ne peut pas se plaindre qu’ils ne veulent pas s’intéresser à nos sujets super-méga-trop-bien en les traitant d’imbéciles. On est toujours les gens de quelqu’un (dixit Goofy que je cite en l’état parce qu’il a raison).

Tu déclares dans un Pouet(*) récent : « …à chaque fois que le sujet revient sur le tapis, je me pose la même question : devrait-on continuer à décentraliser (== multiplier de très nombreuses structures petites, agiles *et* potentiellement fragiles) ou clusteriser davantage pour faire contrepoids ? Je n’ai pas de réponse pour l’instant… » Est-ce que tu es sceptique sur une initiative comme celle des CHATONS, qui vise justement à décentraliser ?

Ce n’est pas une question de scepticisme à l’égard de [insérer nom de techno/asso/initiative chérie ici].

Prenons un exemple annexe : l’anarchisme comme mode d’organisation politique. Fondamentalement, c’est le système le plus sain, le plus participatif, le moins infantilisant et le plus porteur de libertés qui soit (attention, je parle en ayant en tête les écrits des théoriciens de l’anarchisme, pas les interprétations de pacotille de pseudo-philosophes de comptoir qu’on nous sert à longueur de journée et qui font qu’on a envie de se pendre tellement ça pue l’ignorance crasse).

Il y a cependant différents problèmes qui ont cristallisé depuis que ce type d’organisation a été théorisé. Et celui qui m’apparaît comme le plus significatif et le moins abordé est la démographie. Faire une organisation collégiale, avec des délégués tournants, ça va quand on est 100, 10 000 ou même 1 million. Quand on est 7 milliards, ça commence à être très délicat. Les inégalités n’ont pas disparu, bien au contraire, et continuent à se transmettre aux générations. Les faibles et vulnérables le demeurent, au mieux.

Résultat des courses : il y a une vision élitiste – et que je trouve extrêmement méprisante – qui consiste à dire qu’il faut d’abord éduquer « les gens » avant de les laisser s’impliquer. Le problème avec la morale, c’est que c’est toujours celle des autres. Alors, le coup de « je décide ce qui constitue une personne civiquement acceptable d’après mon propre système de valeurs qui est le plus mieux bien de l’univers du monde » est constitutif du problème, pas une solution. Passer outre ou, pire, occulter les questions de gouvernance collective est dangereux : c’est, sous prétexte que machin n’est pas assez bien pour nous, créer d’autres fossés.

Pour revenir à la question de départ donc, je suis une grande fan de la décentralisation en ce qu’elle permet des fonctionnements plus sains et responsabilisants. Ce qui me manque est une organisation rigoureuse, une stratégie. Ou probablement il y en a une, mais elle n’est pas clairement définie. Ou probablement, notre détestation du « management » et de la « communication » font qu’on s’imagine faire du bazaar durable ? Le souci est que, de ce que j’ai vu par ex. au CCC, pour que le bazaar marche, y a une p*tain de cathédrale derrière (rappel : « L’anarchie est la plus haute expression de l’ordre. »). La rigueur d’une organisation n’est pas un gros mot. Est-on prêt-es à s’y astreindre ? Je ne sais pas.

Après, j’ai une propension non-négligeable à me faire des nœuds au cerveau et à aimer ça. Ptet que je m’en fais inutilement ici… mais sans débat régulier et des échanges plus ouverts, comment savoir ?

Le dernier mot est pour toi, comme d’hab sur le Framablog…

Le tact dans l’audace, c’est savoir jusqu’où on peut aller trop loin. Beaucoup sont passionné⋅e⋅s par les questions et les enjeux du numérique, tellement passionné⋅e⋅s que leurs comportements peuvent devenir pénibles. Je pense aux micro-agressions quotidiennes, aux vacheries envoyées à la tronche de certain⋅e⋅s et au sexisme ordinaire. Beaucoup sont épuisés de ces attitudes-là. Il ne s’agit pas de se vivre en Bisounours, mais de faire preuve de tact et de respect. Celles et ceux qui s’échinent à porter une bonne et raisonnable parole publiquement ont déjà assez à faire avec toutes les incivilités et l’hostilité ambiantes, ils n’ont pas besoin de votre mauvaise humeur et manque de tact.

Pensez-y au prochain pouet/tweet/mail/commentaire IRC.

 

Pour en savoir plus : http://www.face-cachee-internet.fr/
Pour rencontrer Rayna à la librairie de Bookynette

(*)Pour retrouver les Pouets de Malicia Rogue sur le réseau social libre et fédéré Mastodon

 

 

 

 

Framapic : un nouvel outil pour créer une galerie photo !

vendredi 16 juin 2017 à 13:57

Framapic, notre outil d’hébergement d’images, est basé sur Lutim, un logiciel développé par Luc, notre administrateur-système, souvent sur son temps libre.

Inutile de vous dire que nous aussi, on se demande quand il prend le temps de dormir, quand on voit les évolutions qu’il apporte à son code !

Une galerie photo à portée de clic !

La dernière nouveauté en date est de taille : on peut désormais créer une galerie d’images depuis la liste des fichiers envoyés. Un lien vers une galerie était déjà créé lors de l’envoi de plusieurs images, mais on devait envoyer toutes les images de sa galerie en une seule fois.

Or Framapic (à l’aide du localstorage) peut se souvenir des images que vous avez versées sur nos serveurs. Il ne manquait plus qu’un outil permettant de piocher dans vos images pour choisir ce que vous désirez mettre dans votre galerie… Vous en avez rêvé ? (nous aussi ^^ !)

Eh bien Luc l’a fait ! Vous pouvez maintenant en créer une n’importe quand à partir de votre bibliothèque et partager cette galerie photo en un seul lien !

La preuve en images

Pouhiou veut rassembler les images des deux derniers Framabooks (La Nef des Loups, et Grise Bouille Tome 2) et de leurs auteurs dans une galerie. Il sait qu’il a déjà envoyé la couverture de Grise Bouille et la photo de son auteur, Gee, sur Framapic. Il commence donc par ajouter les fichiers de La Nef des loups : la couverture du livre et la photo de Yann Kervran, son auteur.

Roh ! Tout plein de liens pour faire tout plein de les choses !

Alors certes, Pouhiou voit qu’il a un lien vers la galerie de ces deux images (cf. l’encadré rouge), mais les autres photos se trouvent déjà dans Framapic… Et puis Pouhiou est une tête de linotte, il oublie de copier ce lien et ferme cet onglet pour aller voir une vidéo de tricot.

Quelques heures plus tard (oui : le tricot, c’est long), Pouhiou revient sur Framapic et décide de construire sa galerie. Pour cela, il clique sur « Mes images ».

C’est relativement facile à trouver, se dit-il.

Là, il se trouve devant un tableau récapitulant les images qu’il a déjà ajoutées à Framapic. Il lui suffit de cocher les quatre qui l’intéressent et de copier le lien de la galerie, en haut (d’ailleurs, le petit bouton à droite du lien de la galerie copie automatiquement ce long lien dans son presse-papier… pratique !)

Image élue gif de l’année.

Une fois le lien copié, il lui suffit de le coller dans la barre d’adresse de son navigateur pour le voir, ou dans un email, par exemple, s’il veut le partager. Et le résultat est là !

D’ailleurs, ce sont des supers livres pour cet été. À découvrir sur Framabook.

Voilà, désormais, créer une galerie d’images qui respecte les données de chacun·e, c’est simple comme quelques clics ! Merci, Luc !

Pour aller plus loin :