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Vive réaction de la FSF à l'annonce des nouveaux produits Apple

mercredi 10 septembre 2014 à 12:57

« Au moins, la montre a quand même un bracelet pour qu’on puisse la retirer… »

Une première sans Steve Jobs, c’était la grand messe Apple hier à Cupertino avec, entre autres, l’annonce de nouveaux iPhone bien plus mieux et d’un produit pas si nouveau que ça : une montre connectée.

Mais il y a un prix à payer à tous ces obscurs objets du désir, celles de nos libertés sacrifiées, nous rappelle ci-dessous la Free Software Foundation de Richard Stallman.


iWatch


Free Software Foundation statement on the new iPhone, Apple Pay, and Apple Watch

9 septembre - FSF
(Traduction : Penguin, Progi1984, sfermigier, Bromind, Mooshka, Sayf, GregR + anonymes)

Déclaration de la Free Software Foundation (Fondation pour le Logiciel Libre) sur le nouvel iPhone, Apple Pay, et l’Apple Watch

La FSF invite les utilisateurs à éviter les produits Apple, dans l’intérêt de leur liberté individuelle et celle de leur entourage.

Aujourd’hui, Apple a annoncé l’arrivée de nouveaux modèles d’iPhone, d’une montre et d’un service de paiement. En réponse, le directeur exécutif de la FSF, John Sullivan a fait le constat suivant :



« Il est étonnant de voir tant de journaux spécialisés dans les technologies agir comme le bras droit du service marketing d’Apple. Ce qu’on voit partout aujourd’hui, c’est une large complicité (des médias) à occulter l’information la plus importante : la guerre incessante d’Apple contre la liberté des utilisateurs d’ordinateurs, et par extension, contre la liberté de parole, de commerce, d’association, contre le droit à la vie privée et contre l’innovation technologique.

Chaque article qui ne mentionne pas l’insistance d’Apple à utiliser des DRM (NdT : Digital Restrictions Management, soit Mesures Techniques de Protection en français) pour verrouiller les appareils et les applications qu’ils vendent, fait beaucoup de tort aux lecteurs, et constitue un coup porté au développement de la société numérique libre dont nous avons besoin à l’heure actuelle. Tout article qui discute des spécifications techniques sans montrer en premier lieu le cadre immoral qui a fabriqué ces produits, contribue à mener les gens sur la voie de la perte totale de leur autonomie numérique.

Tenez le compte du nombre de commentaires que vous avez lus aujourd’hui mentionnant qu’Apple menace quiconque ose tenter d’installer un autre système d’exploitation comme Android sur leur téléphone Apple ou menace de poursuites pénales en vertu de la Digital Millennium Copyright Act ou DMCA (NdT : loi américaine dont le but est de fournir un moyen de lutte contre les violations du droit d’auteur, similaire à la DADVSI en France). Gardez en tête le nombre de commentaires qui mentionnent que les appareils Apple ne vous permettront pas d’installer une application non approuvée, encore une fois en vous menaçant d’une peine de prison si vous tentez de le faire sans la bénédiction d’Apple. Ayez à l’esprit combien d’articles soulignent l’utilisation par Apple de brevets logiciels et d’une armée d’avocats pour attaquer (en justice) ceux qui développent un environnement informatique plus libre que le leur.

Avant cette dernière annonce d’Apple, on a connu de nombreux exemples où ceux qui utilisaient des smartphones et autres ordinateurs à des fins d’activisme politique et de liberté d’expression ont été censurés. Si nous continuons de permettre à Apple ce type de contrôle, la censure et les « zones de liberté d’expression » numériques deviendront la norme permanente.

Il existe une bonne raison pour laquelle l’inventeur (NdT : Russell A. Kirsch) du premier ordinateur américain programmable considère les appareils Apple comme contraires aux formes essentielles de créativité. Mais il ne suffit pas de dire « N’achetez pas leurs produits. » Les lois utilisées par Apple et d’autres pour faire respecter leurs restrictions numériques (leur conférant ainsi un avantage compétitif subventionné par rapport à des produits qui respectent la liberté de l’utilisateur) doivent être abrogées.

Au moins, la montre a quand même un bracelet pour qu’on puisse la retirer, on était inquiets ! »

Nous demandons instamment aux utilisateurs de rechercher les moyens d’encourager l’utilisation de téléphones et autres appareils mobiles qui ne restreignent pas leurs libertés essentielles. Parmi ces possibilités, il existe Replicant, un fork (NdT : Logiciel créé à partir du code source d’un logiciel existant) libre d’Android, et F-Droid, un dépôt d’applications totalement libres pour Android.

Nous devrions aussi faire savoir à Tim Cook de chez Apple ce que nous en pensons.

Livre à prix libre : Vim pour les humains, de Vincent Jousse

mardi 9 septembre 2014 à 15:20

Connaissez-vous et surtout utilisez-vous l’éditeur de texte libre Vim ?

Non ? C’est parce que vous n’avez pas encore lu l’interview ci-dessous et surtout n’avez pas encore parcouru le livre d’initiation « Vim pour les humains » mis librement à notre disposition par Vincent Jousse ;)

Un livre électronique vendu à prix libre dont l’auteur a décidé d’en redistribuer 20% à Framasoft, merci à lui.


Vincent Jousse - Vim pour les humains - Couverture


Bonjour Vincent, peux-tu te présenter succinctement à nos lecteurs ?

Vincent Jousse, 33 ans, libre et heureux ! J’écris régulièrement sur http://viserlalune.com au sujet de la vie en général et de tout ce qui peut la rendre encore plus sympathique. Je suis développeur informatique de formation et actuellement enseignant-chercheur à mi-temps à l’Université du Maine où je travaille sur la reconnaissance de la parole. Je suis aussi gérant d’une entreprise dans le domaine : http://voxolab.com.

Je suis contributeur open source depuis pas mal d’années, d’abord en PHP (Symfony) et puis maintenant en Python. Je publie de temps en temps des articles un peu plus techniques sur http://vincent.jousse.org/.

Tous mes écrits sont placés sous licence CC, mon code source étant généralement publié sous licence MIT.

Alors le projet « Vim pour les humains » c’est quoi exactement ?

C’est tout d’abord l’envie d’essayer « autre chose ». À l’époque (déjà 2 ans !), j’avais envie de faire autre chose que passer mes journées à programmer. Comme j’aimais bien écrire, j’ai cherché un sujet sur lequel je pourrais apporter de la valeur. Je n’étais pas une star de Vim (et ne le suis toujours pas), mais je me rappelais de la difficulté que j’avais eue à franchir le premier pas, tout ça à cause d’une documentation réservée aux initiés.

Je trouvais ça dommage que, après des décennies d’existence, apprendre Vim (et surtout comprendre son intérêt) soit toujours aussi compliqué. L’objectif du projet est donc d’aider les utilisateurs à aller plus loin que la sempiternelle question : « mais comment on fait pour quitter cette m*** ?! ».

On peut lire ceci en ouverture du site : « Apprendre Vim est le meilleur investissement que j’aie jamais fait. Que ce soit en tant qu’écrivain, professeur ou programmeur : on l’apprend une fois, il nous suit partout, et pour toujours. » Ah oui, quand même !

Ça fait rêver non ? ;) Le pire, c’est que c’est vrai. Tout ce que je produis l’est toujours à partir d’un fichier au format texte : ma thèse en LaTeX, mes présentations en Markdown (via http://bartaz.github.io/impress.js/#/bored ), mes articles de blog en Markdown, mon code source en Python, le livre « Vim pour les humains » en reStructuredText via Sphinx, j’en passe et des meilleurs.

Vim est le seul outil que j’utilise à longueur de journée, partout, tout le temps. Même les réponses de cette interview ont été écrites dans Vim.

Ton livre, c’est pour que Vim ne soit pas uniquement l’apanage des geeks barbus ?

C’est exactement ça. C’est peut-être mon côté utopiste, mais j’aime à croire que beaucoup de choses dans le monde du libre seraient plus accessibles si on prenait le temps de les expliquer et si on adoptait un état d’esprit plus pragmatique. Par exemple, tout le monde ne peut pas perdre un mois de productivité en se mettant à Vim. J’ai donc pris le parti de commencer mon livre en expliquant comment rendre Vim utilisable comme un éditeur classique.

Ça a fait grincer quelques dents du style : « c’est pas la bonne manière d’apprendre Vim », « faire croire que Vim est facile est une mauvaise idée », … Foutaises. Mon avis est que si les personnes l’utilisent encore une semaine après avoir commencé à l’apprendre, c’est gagné. Et pour ça, il faut leur faciliter la transition avec leur ancien éditeur.

Question troll : Alors, c’est sûr vi est meilleur qu’Emacs ?

Ahah, c’est même plus du troll à ce niveau là. Disons qu’avant « Vim pour les humains » ils étaient à égalité, maintenant Vim a clairement pris le dessus ;)

Vi, Emacs, TeX… comment expliques-tu que ces éditeurs, conçus dans les années 1970, soient toujours utilisés aujourd’hui ?

C’est malheureux à dire mais, en ce qui concerne Vim et Emacs, on n’a pas encore fait mieux. Ce sont des environnements qui ont été pensés avant l’arrivée de la souris et des interfaces graphiques. La majorité des efforts a donc porté sur la maximisation de l’efficacité au clavier, et il faut dire que Vim et Emacs sont redoutables dans ce domaine (c’est d’ailleurs ce qui les rend compliqués à apprendre à l’ère actuelle des clickodromes et autres interfaces graphiques).

Quand on édite du texte à longueur de journée (que ça soit du code ou autre chose), on cherche à être le plus rapide possible. Quitter les mains du clavier pour bouger la souris et retourner au clavier est aussi inefficace que mauvais pour vos mains (http://fr.wikipedia.org/wiki/Troubles_musculosquelettiques). À part Vim ou Emacs, aucune alternative sérieuse n’existe à ma connaissance pour l’instant.

En ce qui concerne Tex, c’est un peu pareil. Si l’on veut éditer un document en se focalisant sur le contenu et non la présentation, les langages de balises comme (La)Tex, Markdown, rst sont super adaptés. Si en plus on veut écrire un document avec une belle biblio générée automatiquement et des formules mathématiques avec un rendu impeccable c’est simple : LaTeX est la seule solution.

Ok, c’est pas libre, mais que penses-tu du succès actuel d’un éditeur comme Sublime Text ? Fait-il de l’ombre et du tort à Vim ?

En fait, peu importe qu’il fasse du tort ou de l’ombre à Vim, s’il répond à un besoin et que les personnes en sont contentes, parfait !

Je serai très content que Vim puisse être remplacé par quelque chose qui tire entièrement parti des spécificités des environnements graphiques et je pense qu’en effet, Sublime Text est un bon pas dans cette direction.

Mais même si Sublime Text venait à être utilisé partout et par tout le monde, il resterait toujours un problème à résoudre : comment faire lorsque l’on n’a pas d’interface graphique ? « Je connais un truc sympa si tu veux, ça prend rien en ressources, tu peux l’utiliser en ligne de commande, Vim que ça s’appelle » ;)

Pourquoi avoir opté pour la très libre licence CC-By ?

Parce que je fais une réaction épidermique à la connerie ambiante qui consiste à se « défendre des autres » coûte que coûte. Quelqu’un a une meilleure idée que moi pour valoriser ce travail ? Mais qu’il fasse donc, au contraire !

Je me suis basé sur Vim et sur toutes les contributions de la communauté open source pour écrire ce livre. Ce livre ne m’appartient pas, il appartient au bien commun, comme toutes les sources d’inspirations qui m’ont permis de l’écrire.

Le choix du « prix libre », c’est symbolique ou tu crois au devenir de ce modèle économique ? (et que penses-tu des « passagers clandestins » qui vont payer 0 euro pour télécharger le livre ?)

Non ce n’est pas symbolique, j’ai envie d’y croire. Le livre était tout d’abord téléchargeable au prix fixe de 9,99€. En 1 an et demi, j’en ai vendu 90 environ, pas si mal. Mais en faisant ça, j’allais contre mes valeurs, je limitais l’accès à la connaissance à cause de ce prix fixe.

J’ai donc décidé de le mettre sous un « prix libre », au risque en effet de ne plus rien gagner. Je suis prêt à prendre ce risque car, utopiste ou non, je pense que tout est dans l’art de demander. Faire la différence entre « gratuit » et « payant mais sous un prix libre » est important pour moi.

Les personnes qui payent 0 euro pour télécharger le livre et ne donnent rien en échange (même pas un petit mail) le feront en leur âme et conscience. J’ai ma conscience pour moi :)

Pourquoi uniquement une version électronique du livre ? C’est pour ne pas tuer d’arbres ?

Du tout, c’est juste par méconnaissance du monde du livre papier, tout simplement. Ça pourrait d’ailleurs être une bonne idée de monétisation. Des amateurs ?

Une dernière question qui nous flatte et nous t’en remercions, pourquoi avoir choisi de redistribuer 20% des gains à Framasoft ?

Pour être honnête, j’ai fais ça au feeling. Je ne vous connais pas très très bien, mais j’ai tendance à vous voir un peu partout autour des projets et personnes que j’apprécie : Ploum, Wallabag, Geektionnerd, … J’aime les personnes qui aident à faire bouger les choses et vous en faites partie, alors merci ! « La route est longue mais la voie est libre… »

Geektionnerd : Firefox 32

vendredi 5 septembre 2014 à 19:26

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Sources sur LinuxFr :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)

Internet. Pour un contre-ordre social

vendredi 5 septembre 2014 à 11:39

Nous publions ci-dessous une tribune de Christophe Masutti, membre de Framasoft,

Elle paraît simultanément dans le magazine Linux Pratique, que vous trouverez dans tous les bons points presse et que nous remercions vivement pour son autorisation..

Linux Pratique 85


Internet. Pour un contre-ordre social

Christophe Masutti - Framasoft
19 juillet 2014
Ce document est placé sous Licence Art Libre 1.3 (Document version 1.0)
Paru initialement dans Linux Pratique n°85 Septembre/Octobre 2014, avec leur aimable autorisation

De la légitimité

Michel Foucault, disparu il y a trente ans, proposait d’approcher les grandes questions du monde à travers le rapport entre savoir et pouvoir. Cette méthode a l’avantage de contextualiser le discours que l’on est en train d’analyser : quels discours permettent d’exercer quels pouvoirs ? Et quels pouvoirs sont censés induire quelles contraintes et en vertu de quels discours ? Dans un de ses plus célèbres ouvrages, Surveiller et punir[1], Foucault démontre les mécanismes qui permettent de passer de la démonstration publique du pouvoir d’un seul, le monarque qui commande l’exécution publique des peines, à la normativité morale et physique imposée par le contrôle, jusqu’à l’auto-censure. Ce n’est plus le pouvoir qui est isolé dans la forteresse de l’autorité absolue, mais c’est l’individu qui exerce lui-même sa propre coercition. Ainsi, Surveiller et punir n’est pas un livre sur la prison mais sur la conformation de nos rapports sociaux à la fin du XXe siècle.

Les modèles économiques ont suivi cet ordre des choses : puisque la société est individualiste, c’est à l’individu que les discours doivent s’adresser. La plupart des modèles économiques qui préexistent à l’apparition de services sur Internet furent considérés, au début du XXIe siècle, comme les seuls capables de générer des bénéfices, de l’innovation et du bien-être social. L’exercice de la contrainte consistait à susciter le consentement des individus-utilisateurs dans un rapport qui, du moins le croyait-on, proposait une hiérarchie entre d’un côté les producteurs de contenus et services et, de l’autre côté, les utilisateurs. Il n’en était rien : les utilisateurs eux-mêmes étaient supposés produire des contenus œuvrant ainsi à la normalisation des rapports numériques où les créateurs exerçaient leur propre contrainte, c’est-à-dire accepter le dévoilement de leur vie privée (leur identité) en guise de tribut à l’expression de leurs idées, de leurs envies, de leurs besoins, de leurs rêves. Que n’avait-on pensé plus tôt au spectaculaire déploiement de la surveillance de masse focalisant non plus sur les actes, mais sur les éléments qui peuvent les déclencher ? Le commerce autant que l’État cherche à renseigner tout comportement prédictible dans la mesure où, pour l’un il permet de spéculer et pour l’autre il permet de planifier l’exercice du pouvoir. La société prédictible est ainsi devenue la force normalisatrice en fonction de laquelle tout discours et tout pouvoir s’exerce désormais (mais pas exclusivement) à travers l’organe de communication le plus puissant qui soit : Internet. L’affaire Snowden n’a fait que focaliser sur l’un de ses aspects relatif aux questions des défenses nationales. Mais l’aspect le plus important est que, comme le dit si bien Eben Moglen dans une conférence donnée à Berlin en 2012[2], « nous n’avons pas créé l’anonymat lorsque nous avons inventé Internet. »

Depuis le milieu des années 1980, les méthodes de collaboration dans la création de logiciels libres montraient que l’innovation devait être collective pour être assimilée et partagée par le plus grand nombre. La philosophie du Libre s’opposait à la nucléarisation sociale et proposait un modèle où, par la mise en réseau, le bien-être social pouvait émerger de la contribution volontaire de tous adhérant à des objectifs communs d’améliorations logicielles, techniques, sociales. Les créations non-logicielles de tout type ont fini par suivre le même chemin à travers l’extension des licences à des œuvres non logicielles. Les campagnes de financement collaboratif, en particulier lorsqu’elles visent à financer des projets sous licence libre, démontrent que dans un seul et même mouvement, il est possible à la fois de valider l’impact social du projet (par l’adhésion du nombre de donateurs) et assurer son développement. Pour reprendre Eben Moglen, ce n’est pas l’anonymat qui manque à Internet, c’est la possibilité de structurer une société de la collaboration qui échappe aux modèles anciens et à la coercition de droit privé qu’ils impliquent. C’est un changement de pouvoir qui est à l’œuvre et contre lequel toute réaction sera nécessairement celle de la punition : on comprend mieux l’arrivée plus ou moins subtile d’organes gouvernementaux et inter-gouvernementaux visant à sanctionner toute incartade qui soit effectivement condamnable en vertu du droit mais aussi à rigidifier les conditions d’arrivée des nouveaux modèles économiques et structurels qui contrecarrent les intérêts (individuels eux-aussi, par définition) de quelques-uns. Nous ne sommes pas non plus à l’abri des resquilleurs et du libre-washing cherchant, sous couvert de sympathie, à rétablir une hiérarchie de contrôle.

Dans sa Lettre aux barbus[3], le 5 juin 2014, Laurent Chemla vise juste : le principe selon lequel « la sécurité globale (serait) la somme des sécurités individuelles » implique que la surveillance de masse (rendue possible, par exemple, grâce à notre consentement envers les services gratuits dont nous disposons sur Internet) provoque un déséquilibre entre d’une part ceux qui exercent le pouvoir et en ont les moyens et les connaissances, et d’autre part ceux sur qui s’exerce le pouvoir et qui demeurent les utilisateurs de l’organe même de l’exercice de ce pouvoir. Cette double contrainte n’est soluble qu’à la condition de cesser d’utiliser des outils centralisés et surtout s’en donner les moyens en « (imaginant) des outils qui créent le besoin plutôt que des outils qui répondent à des usages existants ». C’est-à-dire qu’il relève de la responsabilité de ceux qui détiennent des portions de savoir (les barbus, caricature des libristes) de proposer au plus grand nombre de nouveaux outils capables de rétablir l’équilibre et donc de contrecarrer l’exercice illégitime du pouvoir.

Une affaire de compétences

Par bien des aspects, le logiciel libre a transformé la vie politique. En premier lieu parce que les licences libres ont bouleversé les modèles[4] économiques et culturels hérités d’un régime de monopole. En second lieu, parce que les développements de logiciels libres n’impliquent pas de hiérarchie entre l’utilisateur et le concepteur et, dans ce contexte, et puisque le logiciel libre est aussi le support de la production de créations et d’informations, il implique des pratiques démocratiques de décision et de liberté d’expression. C’est en ce sens que la culture libre a souvent été qualifiée de « culture alternative » ou « contre-culture » parce qu’elle s’oppose assez frontalement avec les contraintes et les usages qui imposent à l’utilisateur une fenêtre minuscule pour échanger sa liberté contre des droits d’utilisation.

Contrairement à ce que l’on pouvait croire il y a seulement une dizaine d’années, tout le monde est en mesure de comprendre le paradoxe qu’il y a lorsque, pour pouvoir avoir le droit de communiquer avec la terre entière et 2 amis, vous devez auparavant céder vos droits et votre image à une entreprise comme Facebook. Il en est de même avec les formats de fichiers dont les limites ont vite été admises par le grand public qui ne comprenait et ne comprend toujours pas en vertu de quelle loi universelle le document écrit il y a 20 ans n’est aujourd’hui plus lisible avec le logiciel qui porte le même nom depuis cette époque. Les organisations libristes telles la Free Software Foundation[5], L’Electronic Frontier Foundation[6], l’April[7], l’Aful[8], Framasoft[9] et bien d’autres à travers le monde ont œuvré pour la promotion des formats ouverts et de l’interopérabilité à tel point que la décision publique a dû agir en devenant, la plupart du temps assez mollement, un organe de promotion de ces formats. Bien sûr, l’enjeu pour le secteur public est celui de la manipulation de données sensibles dont il faut assurer une certaine pérennité, mais il est aussi politique puisque le rapport entre les administrés et les organes de l’État doit se faire sans donner à une entreprise privée l’exclusivité des conditions de diffusion de l’information.

Les acteurs associatifs du Libre, sans se positionner en lobbies (alors même que les lobbies privés sont financièrement bien plus équipés) et en œuvrant auprès du public en donnant la possibilité à celui-ci d’agir concrètement, ont montré que la société civile est capable d’expertise dans ce domaine. Néanmoins, un obstacle de taille est encore à franchir : celui de donner les moyens techniques de rendre utilisables les solutions alternatives permettant une émancipation durable de la société. Peine perdue ? On pourrait le croire, alors que des instances comme le CNNum (Conseil National du Numérique) ont tendance à se résigner[10] et penser que les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) seraient des autorités incontournables, tout comme la soumission des internautes à cette nouvelle forme de féodalité serait irrémédiable.

Pour ce qui concerne la visibilité, on ne peut pas nier les efforts souvent exceptionnels engagés par les associations et fondations de tout poil visant à promouvoir le Libre et ses usages auprès du large public. Tout récemment, la Free Software Foundation a publié un site web multilingue exclusivement consacré à la question de la sécurité des données dans l’usage des courriels. Intitulé Email Self Defense[11], ce guide explique, étape par étape, la méthode pour chiffrer efficacement ses courriels avec des logiciels libres. Ce type de démarche est en réalité un symptôme, mais il n’est pas seulement celui d’une réaction face aux récentes affaires d’espionnage planétaire via Internet.

Pour reprendre l’idée de Foucault énoncée ci-dessus, le contexte de l’espionnage de masse est aujourd’hui tel qu’il laisse la place à un autre discours : celui de la nécessité de déployer de manière autonome des infrastructures propres à l’apprentissage et à l’usage des logiciels libres en fonction des besoins des populations. Auparavant, il était en effet aisé de susciter l’adhésion aux principes du logiciel libre sans pour autant déployer de nouveaux usages et sans un appui politique concret et courageux (comme les logiciels libres à l’école, dans les administrations, etc.). Aujourd’hui, non seulement les principes sont socialement intégrés mais de nouveaux usages ont fait leur apparition tout en restant prisonniers des systèmes en place. C’est ce que soulève très justement un article récent de Cory Doctorow[12] en citant une étude à propos de l’usage d’Internet chez les jeunes gens. Par exemple, une part non négligeable d’entre eux suppriment puis réactivent au besoin leurs comptes Facebook de manière à protéger leurs données et leur identité. Pour Doctorow, être « natifs du numérique » ne signifie nullement avoir un sens inné des bons usages sur Internet, en revanche leur sens de la confidentialité (et la créativité dont il est fait preuve pour la sauvegarder) est contrecarré par le fait que « Facebook rend extrêmement difficile toute tentative de protection de notre vie privée » et que, de manière plus générale, « les outils propices à la vie privée tendent à être peu pratiques ». Le sous-entendu est évident : même si l’installation logicielle est de plus en plus aisée, tout le monde n’est capable d’installer chez soi des solutions appropriées comme un serveur de courriel chiffré.

Que faire ?

Le diagnostic posé, que pouvons-nous faire ? Le domaine associatif a besoin d’argent. C’est un fait. Il est d’ailleurs remarqué par le gouvernement français, qui a fait de l’engagement associatif la grande « cause nationale de l’année 2014 ». Cette action[13] a au moins le mérite de valoriser l’économie sociale et solidaire, ainsi que le bénévolat. Les associations libristes sont déjà dans une dynamique similaire depuis un long moment, et parfois s’essoufflent… En revanche, il faut des investissements de taille pour avoir la possibilité de soutenir des infrastructures libres dédiées au public et répondant à ses usages numériques. Ces investissements sont difficiles pour au moins deux raisons :

Pour cela, la première difficulté sera de lutter contre la gratuité. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la gratuité (relative) des services privateurs possède une dimension attractive si puissante qu’elle élude presque totalement l’existence des solutions libres ou non libres qui, elles, sont payantes. Pour rester dans le domaine de la correspondance, il est très difficile aujourd’hui de faire comprendre à Monsieur Dupont qu’il peut choisir un hébergeur de courriel payant, même au prix « participatif » d’1 euro par mois. En effet, Monsieur Dupont peut aujourd’hui utiliser, au choix : le serveur de courriel de son employeur, le serveur de courriel de son fournisseur d’accès à Internet, les serveurs de chez Google, Yahoo et autres fournisseurs disponibles très rapidement sur Internet. Dans l’ensemble, ces solutions sont relativement efficaces, simples d’utilisation, et ne nécessitent pas de dépenses supplémentaires. Autant d’arguments qui permettent d’ignorer la question de la confidentialité des courriels qui peuvent être lus et/ou analysés par son employeur, son fournisseur d’accès, des sociétés tierces…

Pourtant des solutions libres, payantes et respectueuses des libertés, existent depuis longtemps. C’est le cas de Sud-Ouest.org[14], une plate-forme d’hébergement mail à prix libre. Ou encore l’association Lautre.net[15], qui propose une solution d’hébergement de site web, mais aussi une adresse courriel, la possibilité de partager ses documents via FTP, la création de listes de discussion, etc. Pour vivre, elle propose une participation financière à la gestion de son infrastructure, quoi de plus normal ?

Aujourd’hui, il est de la responsabilité des associations libristes de multiplier ce genre de solutions. Cependant, pour dégager l’obstacle de la contrepartie financière systématique, il est possible d’ouvrir gratuitement des services au plus grand nombre en comptant exclusivement sur la participation de quelques uns (mais les plus nombreux possible). En d’autres termes, il s’agit de mutualiser à la fois les plates-formes et les moyens financiers. Cela ne rend pas pour autant les offres gratuites, simplement le coût total est réparti socialement tant en unités de monnaie qu’en contributions de compétences. Pour cela, il faut savoir convaincre un public déjà largement refroidi par les pratiques des géants du web et qui perd confiance.

Framasoft propose des solutions

Parmi les nombreux projets de Framasoft, il en est un, plus généraliste, qui porte exclusivement sur les moyens techniques (logiciels et matériels) de l’émancipation du web. Il vise à renouer avec les principes qui ont guidé (en des temps désormais très anciens) la création d’Internet, à savoir : un Internet libre, décentralisé (ou démocratique), éthique et solidaire (l.d.e.s.).

Framasoft n’a cependant pas le monopole de ces principes l.d.e.s., loin s’en faut, en particulier parce que les acteurs du Libre œuvrent tous à l’adoption de ces principes. Mais Framasoft compte désormais jouer un rôle d’interface. À l’instar d’un Google qui rachète des start-up pour installer leurs solutions à son compte et constituer son nuage, Framasoft se propose depuis 2010, d’héberger des solutions libres pour les ouvrir gratuitement à tout public. C’est ainsi que par exemple, des particuliers, des syndicats, des associations et des entreprises utilisent les instances Framapad et Framadate. Il s’agit du logiciel Etherpad, un système de traitement de texte collaboratif, et d’un système de sondage issu de l’Université de Strasbourg (Studs) permettant de convenir d’une date de réunion ou créer un questionnaire. Des milliers d’utilisateurs ont déjà bénéficié de ces applications en ligne ainsi que d’autres, qui sont listées sur Framalab.org[16].

Depuis le début de l’année 2014, Framasoft a entamé une stratégie qui, jusqu’à présent est apparue comme un iceberg au yeux du public. Pour la partie émergée, nous avons tout d’abord commencé par rompre radicalement les ponts avec les outils que nous avions tendance à utiliser par pure facilité. Comme nous l’avions annoncé lors de la campagne de don 2013, nous avons quitté les services de Google pour nos listes de discussion et nos analyses statistiques. Nous avons choisi d’installer une instance Bluemind, ouvert un serveur Sympa, mis en place Piwik ; quant à la publicité et les contenus embarqués, nous pouvons désormais nous enorgueillir d’assurer à tous nos visiteurs que nous ne nourrissons plus la base de données de Google. À l’échelle du réseau Framasoft, ces efforts ont été très importants et ont nécessité des compétences et une organisation technique dont jusque là nous ne disposions pas.

Nous ne souhaitons pas nous arrêter là. La face immergée de l’iceberg est en réalité le déploiement sans précédent de plusieurs services ouverts. Ces services ne seront pas seulement proposés, ils seront accompagnés d’une pédagogie visant à montrer comment[17] installer des instances similaires pour soi-même ou pour son organisation. Nous y attachons d’autant plus d’importance que l’objectif n’est pas de commettre l’erreur de proposer des alternatives centralisées mais d’essaimer au maximum les solutions proposées.

Au mois de juin, nous avons lancé une campagne de financement participatif afin d’améliorer Etherpad (sur lequel est basé notre service Framapad) en travaillant sur un plugin baptisé Mypads : il s’agit d’ouvrir des instances privées, collaboratives ou non, et les regrouper à l’envi, ce qui permettra in fine de proposer une alternative sérieuse à Google Docs. À l’heure où j’écris ces lignes, la campagne est une pleine réussite et le déploiement de Mypads (ainsi que sa mise à disposition pour toute instance Etherpad) est prévue pour le dernier trimestre 2014. Nous avons de même comblé les utilisateurs de Framindmap, notre créateur en ligne de carte heuristiques, en leur donnant une dimension collaborative avec Wisemapping, une solution plus complète.

Au mois de juillet, nous avons lancé Framasphère[18], une instance Diaspora* dont l’objectif est de proposer (avec Diaspora-fr[19]) une alternative à Facebook en l’ouvrant cette fois au maximum en direction des personnes extérieures au monde libriste. Nous espérons pouvoir attirer ainsi l’attention sur le fait qu’aujourd’hui, les réseaux sociaux doivent afficher clairement une éthique respectueuse des libertés et des droits, ce que nous pouvons garantir de notre côté.

Enfin, après l’été 2014, nous comptons de même offrir aux utilisateurs un moteur de recherche (Framasearx) et d’ici 2015, si tout va bien, un diaporama en ligne, un service de visioconférence, des services de partage de fichiers anonymes et chiffrés, et puis… et puis…

Aurons-nous les moyens techniques et financiers de supporter la charge ? J’aimerais me contenter de dire que nous avons la prétention de faire ainsi œuvre publique et que nous devons réussir parce qu’Internet a aujourd’hui besoin de davantage de zones libres et partagées. Mais cela ne suffit pas. D’après les derniers calculs, si l’on compare en termes de serveurs, de chiffre d’affaire et d’employés, Framasoft est environ 38.000 fois plus petit que Google[20]. Or, nous n’avons pas peur, nous ne sommes pas résignés, et nous avons nous aussi une vision au long terme pour changer le monde[21]. Nous savons qu’une population de plus en plus importante (presque majoritaire, en fait) adhère aux mêmes principes que ceux du modèle économique, technique et éthique que nous proposons. C’est à la société civile de se mobiliser et nous allons développer un espace d’expression de ces besoins avec les moyens financiers de 200 mètres d’autoroute en équivalent fonds publics. Dans les mois et les années qui viennent, nous exposerons ensemble des méthodes et des exemples concrets pour améliorer Internet. Nous aider et vous investir, c’est rendre possible le passage de la résistance à la réalisation.

Notes

[1] Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris : Gallimard, 1975; http://fr.wikipedia.org/wiki/Surveiller_et_punir

[2] Eben Moglen, « Why Freedom of Thought Requires Free Media and Why Free Media Require Free Technology », Re:Publica Conference, 02 mai 2012, Berlin; http://12.re-publica.de/panel/why-freedom-of-thought-requires-free-media-and-why-free-media-require-free-technology/

[3] Laurent Chemla, « Lettre aux barbus », Mediapart, 05/06/2014; http://blogs.mediapart.fr/blog/laurent-chemla/050614/lettre-aux-barbus

[4] Benjamin Jean, Option libre. Du bon usage des licences libres, Paris : Framasoft/Framabook, 2011; http://framabook.org/option-libre-du-bon-usage-des-licences-libres

[5] La FSF se donne pour mission mondiale la promotion du logiciel libre et la défense des utilisateurs; http://www.fsf.org/

[6] L’objectif de l’EFF est de défendre la liberté d’expression sur Internet, ce qui implique l’utilisation des logiciels libres; http://www.eff.org

[7] April. Promouvoir et défendre le logiciel libre; http://www.april.org

[8] Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres; https://aful.org

[9] Framasoft, La route est longue mais la voie est libre; http://framasoft.org

[10] Voir à ce sujet l’analyse du dernier rapport du CNNum sur « la neutralité des plateformes », par Stéphane Bortzmeyer; http://www.bortzmeyer.org/neutralite-plateformes.html

[11] Autodéfense courriel; https://emailselfdefense.fsf.org/fr/.

[12] Cory Doctorow, « Vous êtes “natif du numérique” ? – Ce n’est pas si grave, mais… », trad. fr. sur Framablog, le 6 juin 2014; http://www.framablog.org/index.php/post/2014/06/05/vous-etes-natifs-num%C3%A9riques-pas-grave-mais

[13] Sera-t-elle efficace ? c’est une autre question

[14] Plateforme libre d’hébergement mail à prix libre; https://www.sud-ouest.org

[15] L’Autre Net, hébergeur associatif autogéré; http://www.lautre.net

[16] Le laboratoire des projets Framasoft; https://framalab.org

[17] On peut voir ce tutoriel d’installation de Wisemapping comme exemple de promotion de la décentralisation; http://framacloud.org/cultiver-son-jardin/installation-de-wisemapping/

[18] Un réseau social libre, respectueux et décentralisé; https://framasphere.org

[19] Noeud du réseau Diaspora*, hébergé en France chez OVH; https://diaspora-fr.org/

[20] Voir au sujet de la dégooglisation d’Internet la conférence de Pierre-Yves Gosset lors des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre, juillet 2014, Montpellier; http://video.rmll.info/videos/quelles-alternatives-a-google-retours-sur-lexperience-framacloud

[21] Cette vision du monde vaut bien celle de Google, qui faisait l’objet de la Une de Courrier International du mois de mai 2014. http://www.courrierinternational.com/article/2014/05/27/google-maitre-du-futur.

La bidouillabilité à l'école : une expérience Suisse autour du Raspberry Pi

mercredi 3 septembre 2014 à 11:50

Faire entrer le logiciel libre à l’école reste un défi.

Si l’on se réfère aux nombreux articles publiés sur le sujet sur le Framablog, il apparaît que les initiatives individuelles en faveur du libre, portées par des enseignants motivés et volontaires, se multiplient. Mais aussi que celles-ci se heurtent à une administration pas toujours bienveillante et parfois sclérosée par une mentalité difficile à faire évoluer («Un PC, ça fonctionne avec Windows. », « Le traitement de texte, c’est Word. »). Il faut dire que les services de Microsoft restent très présents et actifs pour promouvoir leurs produits[1][2][3].

Sachant cela, quelle porte d’entrée trouver pour montrer aux enfants que l’informatique ne se résume pas plus à Microsoft qu’internet ne se résumerait à Facebook, Twitter ou Google ?

Christophe Lincoln, un enseignant suisse, propose un projet éducatif original et innovant, basé sur des Raspberry Pi. Certes, il ne s’agit pas (encore) de matériel libre, mais au moins peut-on y voir un premier pas vers une découverte de la « bidouillabilité » chère à Tristan Nitot et qui permettrait (enfin ?) de faire entrevoir aux jeunes générations la face immergée de l’informatique.

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Bonjour Christophe, peux-tu te présenter ?

Bonjour, je suis un passionné et j’aime être en projet ! Mon premier projet open-source d’envergure est la distribution SliTaz GNU/Linux. Le projet SliTaz a l’âge de mon fils, c’est à dire 8 ans et me permet de vivre une expérience géniale dans le monde du libre. Je suis aussi enseignant dans des classes primaires de l’établissement d’Entre-Bois à Lausanne en Suisse romande.

Et PiClass alors, qu’est-ce que c’est ?

Le but du projet est de proposer un atelier informatique et robotique itinérant et utilisant des Raspberry Pi. L’atelier PiClass pourra prendre en charge une demi classe, c’est à dire 10 à 12 élèves. C’est par un projet Pilote que PiClass démarre : proposer un outil informatique au service des disciplines scolaires en utilisant les dernières technologies et du matériel conçu pour l’éducation. Le projet pédagogique répond aux objectifs du PER (Plan d’Etudes Roman) et il est destiné à tous les élèves de l’établissement primaire d’Entre-Bois à Lausanne.

Quels sont les avantages de la mise en œuvre d’un tel projet, et quel est son rapport avec le libre à l’école ?

Les classes Lausannoise (et ailleurs dans le monde) n’ont souvent qu’une seule machine à disposition et pas de salle informatique. Avec PiClass on a une salle informatique pour 10-12 élèves qui peut se déplacer d’un bâtiment scolaire à un autre. L’avantage c’est qu’il n’y a pas besoin d’équiper toutes les classes ou tous les bâtiments. L’autre gros avantage d’une PiClass c’est le coût du matériel : imbattable !

Son rapport au libre à l’école est simple, le Raspberry Pi ne tourne que sous GNU/Linux ! Les élèves utilisent donc un OS libre et uniquement des logiciels libres, que ce soit pour la bureautique, les jeux éducatifs ou la programmation avec Scratch et Python.

En France, le débat est maintenant ouvert sur le “codage”[4][5] à l’école. Quelle est ton opinion sur le sujet ?

Je pense que coder c’est structurant : il faut suivre le code ! Si on veut obtenir quelque chose il faut suivre des règles précises, c’est comme dans la vie, il y a des règles. Ensuite coder c’est apprendre à utiliser le clavier, c’est constamment avoir recourt aux mathématiques, c’est apprendre l’anglais et développer la pensée créatrice des élèves. Je pense vraiment que coder avec les élèves est pédagogique et cela apporte un coté concret et ludique que les élèves apprécient beaucoup.

Pour l’instant, un projet-pilote est prévu à Entre-Bois. Comment imagines-tu la suite ? Ce projet est-il suffisamment rémunérateur, non seulement pour toi, mais pour inciter d’autres enseignants à faire “tâche d’huile” ?

Si le projet pilote passe la rampe à Entre-bois, il y a des chances pour que des PiClass s’ouvrent dans tous les établissement de la ville de Lausanne.

Avec le projet pilote j’aurais 4 classes sur les 150 de l’établissement et les 6 périodes d’enseignements par semaine me seraient payées. Si le projet passe, Piclass pourra être rémunérateur pour plusieurs enseignants sur Lausanne vu le nombre de classes que cela fait pour toute la ville !

Le projet PiClass a aussi une visée internationale et humanitaire. Nous sommes déjà en discussion pour une PiClass au Brésil pour 2015.

Christophe, merci ! Un dernier mot pour la fin ?

Mais merci à vous ! Je me réjouis de vous revoir dans un salon ou lors d’une opération libre pour vous faire un câlin ! Au delà du code, le libre c’est un grand projet humain.