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Quand l’open-source fait peur aux parents…

mercredi 4 mai 2016 à 17:59

Les lecteurs réguliers de ce blog seront les premiers ravis si leurs enfants ou adolescents se lancent d’eux-même dans l’usage de logiciels libres. Mais nous savons tous que c’est parfois une découverte pour des parents moins à l’aise que leurs enfants avec les usages numériques.

Alors, parfois, il faut pouvoir les rassurer. C’est l’objet de cette lettre ouverte, écrite par Jim Salter et traduite pour vous par la dynamique équipe de Framalang. Attention, certains liens de cet article sont ceux proposés par l’auteur et sont donc en anglais.

Chers parents : Laissez vos enfants utiliser des logiciels open source

par Jim Salter

Source : Dear parents : Let your kids use open source software
Traduction Framalang : Blanchot, kaelle, line, Manegiste, pouhiou, rOu, teromene, touriste et quelques valeureux anonymes

Horst JENS - CC BY-SA

Horst JENS – CC BY-SA

Un jeune homme de 16 ans a récemment demandé conseil à la communauté Linux de reddit. Quand ses parents ont découvert qu’il avait installé Linux sur son ordinateur portable, ils étaient terrifiés. Après tout, ces logiciels « gratuits » doivent certainement être infestés par des virus et/ou des pirates. Ce qui n’a pas non plus aidé, c’est qu’il a gaspillé un cadeau coûteux et qu’il n’utilise plus aucun des logiciels hors de prix qui ont été achetés en même temps. Il a essayé d’en discuter, mais clairement : il était l’adolescent et ils étaient les adultes.

À l’aide des informations et des conseils fournis par la communauté Reddit, ce jeune homme a reparlé à ces parents et a apaisé la plupart de leurs craintes. La lettre ouverte que vous lisez est destinée aux autres parents qui ont découvert que leurs enfants utilisaient des logiciels libres et qui ne savent pas bien ce que c’est, ou si c’est une bonne idée de les utiliser.

Qui suis-je ?

Clairement, cet article ne parle pas de moi : il parle de vous, de vos enfants, de vos logiciels. Mais pour vous donner une idée de la personne qui vous donne ces informations, mon nom est Jim Salter. J’ai 43 ans et je suis administrateur système professionnel, auteur et conférencier. Je possède et j’administre avec succès quelques petites entreprises, et j’attribue la plupart de ces succès au FOSS, le logiciel libre et open source, qui fait fonctionner mes activités, celles de mes clients et la majeure partie de l’économie dont nous faisons partie.

Que veut dire FOSS ?

FOSS est un acronyme qui signifie logiciel libre et open source (Free and Open Source Software). Cet acronyme inclut des systèmes d’exploitation comme GNU/Linux et FreeBSD, ainsi que des applications comme LibreOffice (qui gère des documents, comme ceux créés par Microsoft Excel, PowerPoint et Word), Firefox (un navigateur web, comme Internet Explorer ou Safari), ou GIMP (un éditeur d’images, comme Adobe Photoshop).

Les FOSS ne sont pas des logiciels « volés ». Les licences libres telles que la licence GPL, BSD ou Apache permettent aux utilisateurs d’utiliser le programme librement, et aux développeurs de modifier tout aussi librement les logiciels sous ces licences. Une autre chose importante à comprendre à propos du logiciel libre est qu’il ne s’agit pas uniquement de logiciels gratuits. Créer une copie d’un logiciel ne coûte rien. Ceci a permis à la communauté de créer des produits de renommée mondiale, ce qui n’aurait pas été possible avec une approche purement matérialiste de notre économie.

Les FOSS sont un effort collectif, avec un accent particulier porté sur la communauté. Tous les utilisateurs qui se servent activement de logiciels libres contribuent réellement, à leur manière, à ce projet. En utilisant un projet, l’utilisateur en favorise la diffusion et attire ainsi d’autres utilisateurs. Certains d’entre eux vont remplir des rapports d’erreur, aidant ainsi les développeurs du projet à comprendre ce qui ne fonctionne pas correctement dans le code, ou ce qui pourrait être amélioré.

D’autres utilisateurs qui savent programmer répareront ces erreurs ou ajouteront de nouvelles caractéristiques, ce qui améliore directement le projet. D’autres, qui écrivent bien, amélioreront la documentation, permettant à de nouveaux utilisateurs d’apprendre comment mieux se servir du projet. C’est à cela que nous faisons référence quand nous parlons de communauté de l’open source. Même dans les cas de projets avec des développeurs payés à plein temps par une grande entreprise, la communauté est extrêmement importante. Cette communauté est vitale pour que le projet demeure vivant, actif et attractif.

Comment les logiciels libres peuvent-ils être sûrs ?

Il est facile de comprendre pourquoi on peut penser que ce qui est gratuit ne peut pas être aussi bon que quelque chose de payant. Dans une époque où un nouveau virus semble nous guetter à chaque coin de rue, on est facilement suspicieux. On ne peut pas faire confiance aux programmes gratuits accessibles d’un seul clic dans les bannières publicitaires sur les sites Internet. Alors, pourquoi faire confiance aux logiciels libres, eux aussi gratuits ?

Encore une fois, il est important de comprendre la différence entre « gratuit » et « libre » [NdT : En anglais, gratuit et libre se traduisent par « free »]. Et ici encore, c’est la communauté qui fait la différence. Quand un site Internet douteux vous propose de télécharger des réductions alléchantes, des pilotes pour votre ordinateur ou tout autre forme de camelote, cela veut simplement dire qu’il n’est pas nécessaire de sortir sa carte de crédit. Vous ne pouvez pas voir personnellement le code source de ce téléchargement « gratuit » – et c’est la même chose pour tout le monde. Il est donc facile pour la personne lançant le « clic gratuit » d’y dissimuler des choses dont vous ne voulez pas. En fait, vous téléchargez à l’aveuglette – c’est-à-dire que l’on vous offre une boîte bien fermée avec une simple promesse sur son contenu.

Avec les logiciels libres, vous n’avez pas uniquement la possibilité de télécharger gratuitement – vous obtenez la liberté de commenter librement (voire même de modifier) le code du logiciel lui-même. Là où un « programme téléchargeable gratuitement » peut suivre (et suit) secrètement toutes vos activités sur Internet ou imposer des publicités sur les pages que vous consultez pour faire gagner de l’argent à leurs auteurs, un programme libre et open source ne peut en pratique rien faire de tel. S’il essayait, les utilisateurs les plus chevronnés dénicheraient le code « secret » à l’origine des désagréments causés aux utilisateurs – et peu de temps après, des utilisateurs plus compétents encore désactiveraient le code qui aurait nui (aux utilisateurs).

Dans la vie, le risque zéro n’existe pas. Cependant, avec un code source ouvert, vous savez que le maximum de personnes, dont l’objectif est de rendre le programme bénéfique pour l’utilisateur (plutôt que d’en tirer de l’argent), s’impliquent activement pour que le code demeure bénéfique pour les utilisateurs. C’est un avantage que les logiciels propriétaires ne peuvent pas vraiment reproduire, parce que le premier objectif des logiciels propriétaires n’est pas de satisfaire les utilisateurs, mais de rapporter de l’argent à leur éditeur.

Intéressés par des articles sur les résultats du logiciel libre en matière de sécurité ? Katherines Noyes de PCWorld vous donne cinq bonnes raisons pour lesquelles Linux est plus sécurisé que Windows .

Pourquoi voudrais-je que mes enfants utilisent des logiciels libres ?

Est-ce qu’ils ne devraient pas utiliser la même chose que tout le monde ?

crédit : Lucélia Ribeiro, CC BYSA

Ah, c’est la partie la plus drôle ! Il serait facile de regarder autour de vous au bureau et de voir des machines sous Microsoft Windows, ou de jeter un coup d’œil dans un café et de voir des téléphones Apple, et d’en déduire que « les logiciels propriétaires font fonctionner le monde ». Mais ce serait une erreur. Le logiciel libre est plus souvent en coulisses que devant vos yeux, mais il s’agit de la force motrice de l’économie mondiale. C’est dur à croire ? Prenons quelques exemples. Je vais fournir des liens, de façon à ce que vous puissiez vérifier mes dires ou en apprendre plus.

Il est intéressant de noter que même Microsoft utilise désormais Linux pour son infrastructure technique – donc ce n’est pas comme si un enfant perdait sa capacité à travailler avec des éditeurs de logiciels propriétaires en optant très tôt pour Linux .

Regardons quelques exemples intéressants d’utilisation de logiciels libres comme Linux ou FreeBSD. BMW et Audi utilisent Linux. Les industries de l’Internet, la finance, la santé et l’assurance utilisent Linux massivement. Le géant Amazon fonctionne sous Linux depuis plus de 10 ans. Le géant de la recherche Google utilise Linux non seulement pour son infrastructure publique, mais aussi pour les PC que ses employés utilisent tous les jours. IBM exécute même Linux sur ses ordinateurs centraux Z pour les entreprises !

L’usage de Linux est de plus en plus prégnant dans les institutions éducatives, de la crèche à l’université, partout dans le monde. Pour donner un exemple littéralement extra-terrestre, la Station Spatiale Internationale utilise Linux. Et si vous n’en avez pas encore assez d’exemples, voici une liste de plus de 50 utilisateurs Linux dans l’éducation, les services gouvernementaux et les grosses sociétés.

BSD – un autre exemple de système d’exploitation libre qui permet d’utiliser pratiquement les mêmes applications que Linux – n’est pas aussi connu que Linux pour le moment, mais il est tout aussi important. Sans BSD, nous n’aurions probablement pas l’Internet tel que nous le connaissons ; le protocole réseau TCP/IP de nos ordinateurs a en partie été adopté parce qu’il était librement disponible sous licence BSD, et le protocole Routing Information Protocol qu’il utilisait pour gérer d’énormes réseaux vient de BSD lui-même.

Si vous cherchez suffisamment bien, vous trouverez BSD partout – des parties du système OS X d’Apple viennent de FreeBSD, la PlayStation 4 de Sony utilise une version modifiée de FreeBSD, Juniper utilise FreeBSD pour ses routeurs réseau d’entreprise, NetFlix utilise FreeBSD pour diffuser et stocker les séries et films, et WhatsApp utilise une infrastructure FreeBSD pour faire circuler des messages instantanément entre des millions d’utilisateurs dans le monde.

Mais cela ne se limite pas aux systèmes d’exploitation libres. Les applications libres font également fonctionner une bonne partie de notre environnement. Les serveurs Web Apache et NGINX sont utilisés pour plus de 70 % des sites Internet mondiaux, grands ou petits. L’application d’animation et de rendu 3D Blender a été utilisée pour créer des films gratuits impressionnants, mais également des courts-métrages indépendants primés, des publicités pour des produits comme Pepsi, Coca-Cola, BMW, Hugo Boss, et bien d’autres. Si vous avez déjà utilisé Mozilla Firefox, alors vous avez utilisé un logiciel FOSS, et même le navigateur Chrome de Google est basé sur le navigateur open source Chromium.

Le fait est qu’il y a beaucoup, et je veux dire vraiment beaucoup de façons de gagner sa vie à l’âge adulte avec une bonne connaissance des technologies open source… et de gagner plus que si vous ne les connaissiez pas. Considérablement plus, en fait – Indeed.com vous montrera que les emplois avec les mot-clés « Microsoft Windows » sont rémunérés en moyenne 64 000 $ par an tandis que ceux avec « Linux » sont en moyenne payés 99 000 $ par an.

Pour conclure

Si vous n’êtes pas encore saturé par l’excès d’information, j’espère que vous serez d’accord avec moi : l’intérêt d’un enfant pour les logiciels libres et open source est une chose merveilleuse. Le summum étant que la communauté vous accueille, en tant que parents et individus, autant que vos enfants. Si vous voulez comprendre ce que vos enfants sont en train de faire, vous pouvez lire la documentation du système d’exploitation et des logiciels qu’ils utilisent, ou vous pouvez installer les mêmes logiciels sur votre propre ordinateur pour essayer. Il ne vous en coûtera rien. Et il se pourrait même que vous y gagniez beaucoup.

Il faut libérer Nuit Debout !

samedi 23 avril 2016 à 21:03

Chez Framasoft on aime bien quand les gens utilisent nos services « Dégooglisons ». C’est pour ça que quand on a vu que le mouvement Nuit Debout utilise l’outil Framacarte et l’intègrer sur son site officiel notre première réaction ça a été : « Chouette ! ». Notre deuxième ça a été : « Et si on interviewait ce joyeux geek qui a repris la Framacarte pour lui demander ce qu’il en pense ? ».

Séance de vote à Nuit Debout

Séance de vote à Nuit Debout

On s’est donc mis à la recherche du mystérieux développeur qui avait créé la Framacarte de Nuit Debout pour lui poser nos questions. Autant vous dire que ça n’a pas été facile ! Pas de mail ou de formulaire de contact sur leur site, pas de service presse ou communication et encore moins d’organigramme pour retrouver qui fait quoi chez eux. Bilan de l’enquête, tout ce qu’on a obtenu, c’est un pseudo, « Pea », le libriste concepteur de la Framacarte de Nuit Debout. Mais nos recherches nous ont amené à discuter avec tout plein de geeks qui collaborent à Nuit Debout et qui ont tenté de nous donner le point de vue du mouvement concernant les logiciels libres, la surveillance d’Internet, le libre accès à l’information, etc.
On a donc décidé de vous faire une petite synthèse de tous ces échanges qui peuvent constituer, non pas un point de vue officiel de Nuit Debout, mais au moins la tendance générale du mouvement.

« Pea », quant à toi, si tu existes vraiment, n’hésite pas à te manifester, car on ne perd pas espoir de t’interviewer !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Nuit Debout n’est pas indifférent à la question des logiciels libres et même à la culture libre en général. Pour s’en convaincre, il suffit d’aller faire un tour sur le site wiki, et plus précisément à la page Numérique. Nuit Debout essaie, quand c’est possible, de favoriser l’utilisation de logiciels libres ou au moins open-source. Ils utilisent par exemple le tchat Rocket, Mediawiki pour leur wiki et même pas mal d’outils Framasoft comme les framapads, framacalcs, etc. Pierre Lalu, un des administrateurs du tchat de Nuit Debout a d’ailleurs confirmé que la question des logiciels libres et open-source était « centrale » pour Nuit Debout. En discutant avec les nuit-deboutistes (ça se dit, ça ?), on se rend rapidement compte que, comme nous, ils ne portent pas particulièrement les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) dans leurs cœurs. Ils dénoncent unanimement le modèle de société proposé par ces grands groupes. C’est même une de leurs préoccupations, même s’ils voudraient que le sujet soit plus abordé au cours de leurs assemblées générales : « De toute façon nous n’avons fait qu’effleurer les problématiques liées au numérique dans la société… Nous n’avons pas encore évoqué par exemple les sociétés comme Uber ou les livraisons de repas qui participent à un modèle de société où chacun est son propre petit patron exploité, et ça fait partie de la société que nous rejetons (je crois) » me disait @mex. Au-delà des logiciels libres, de nombreux sujets touchant au numérique le préoccupent :
« – Veut-on du modèle de société que nous apportent Uber/Blablacar/Airbnb/Deliveroo, etc. ?
– La place des femmes dans l’informatique ;
– La robotisation VS la perte d’emplois ;
– Bientôt, les questions de singularité et de transhumanisme ».

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Stand de Libre@Toi* – Fourni par OliCat

Dans son fonctionnement, Nuit Debout a adopté nombre de solutions issues de la philosophie libriste. L’autogestion prônée par le mouvement rappelle celle qui gouverne la conception de nombreux logiciels libres. Certains geeks rencontrés m’ont d’ailleurs confiés collaborer fréquemment au développement de logiciels libres. Nuit Debout s’est d’ailleurs tournée vers La Quadrature Du Net qui, au nom de ces valeurs communes, a accepté d’héberger son chat et d’autres sites rattachés au mouvement. Ces sites, ainsi que leur contenu, sont pour la plupart sous licence libre, à l’exception du logo de Nuit Debout.

EDIT 26/04/2016 : Ce n’est pas La Quadrature Du Net qui héberge les services de Nuit Debout, mais une personne membre de LQDN qui exerce par ailleurs une activité d’hébergeur. Pardon à nos ami-e-s de La Quadrature d’avoir entretenu la confusion.

Alors, le Libre a-t-il vraiment conquis Nuit Debout ? Eh bien malheureusement, pas vraiment. Si les membres de Nuit Debout utilisent volontiers des outils libres quand ils sont disponibles, ils n’ont pas de problème à utiliser des logiciels propriétaires, voir les services des affreux GAFAM, faute de mieux. C’est ce que me disait Pierre Lalu : « Tant qu’on peut faire de l’open source et du libre, on le fait. S’il est indispensable d’utiliser du propriétaire, on le fait. Mais pour l’instant, rien n’entrave notre faim du logiciel libre. »

Un exemple concret de ce problème est le choix d’un système pour les votes par Internet. Les organisateurs de Nuit Debout cherchent depuis le début un moyen pour permettre à ceux qui ne sont pas présents physiquement de prendre part aux assemblées générales. Après plusieurs essais, la solution la plus globalement retenue est l’application Loomio, créée pour le mouvement Occupy Wall Street et sous licence libre (et dont Framasoft sortira une version relocalisée dans le cadre de sa campagne Dégooglisons Internet. Mais devant la difficulté à faire adopter Loomio au grand public, beaucoup de rassemblements se sont finalement rabattus sur Google Hangouts. De même pour la communication, Facebook est un outil essentiel du mouvement.

En fait, Nuit Debout rencontre ici un problème qu’on connaît bien à Framasoft : si les avertis sont convaincus de l’intérêt des logiciels libres, il reste très compliqué de convaincre le grand public. Comme me le dit Pierre Lalu, « avant de parler de logiciels libres, il y a besoin que des gens se forment à des outils très simples ». À Framasoft on répondra que les logiciels libres peuvent être simples et le sont souvent, mais on sait aussi que le simple terme en effraie plus d’un. Le tout est donc d’aborder la question avec pédagogie afin de convaincre le plus grand nombre, non seulement de l’intérêt des logiciels libres, mais aussi de leur facilité d’utilisation. Sauf que, comme l’ont dit plusieurs organisateurs, dans les nombreux stands existants place de la République, on ne trouve pas encore de stand pour promouvoir la philosophie libriste. En fait, le seul stand que j’ai trouvé qui portait un panneau « 100 % logiciel libre » est celui de nos copains de la webradio Libre@Toi* que nous avions déjà interviewés en septembre dernier. Je suis donc retourné voir OliCat, l’un des animateurs de la radio, pour savoir ce qu’il pensait de l’utilisation des logiciels libres à Nuit Debout.

Stand de Libre@Toi* – Photos par OliCat

Salut OliCat, même si à Framasoft on connaît bien Libre@Toi*, rappelle nous un peu qui tu es et ce que tu fais.
Libre@Toi* est une structure transmédia d’Éducation Populaire. Son but est d’initier un réseau pair à pair et open source où chacun se réapproprie les outils, les techniques et les concepts, les redistribue et contribue ainsi au bien commun. Libre@Toi* articule l’ensemble de son action autour des quatre principes énoncés comme des libertés par le mouvement du logiciel libre : utiliser, comprendre / analyser, redistribuer, modifier.

Je t’ai rencontré par hasard place de la République un soir, on peut savoir ce que tu faisais là-bas ?
Comme depuis plusieurs jours, nous y produisons en direct une émission qu’on a appelée « La place aux gens ». En retrait des AG, notre envie était tout simplement de recueillir la parole des gens sur place en leur demandant ce qu’ils faisaient à Nuit Debout. Une bonne entrée en matière pour verbaliser les craintes, mais aussi et surtout les espoirs.
Par ailleurs, nous nous faisons également l’écho des quelques poches de résistance présentes sur la place ou d’initiatives sympas qui prennent forme bien loin du tumulte des assemblées générales. Par exemple, nous aimons diffuser les prises de paroles de la commission Santé.
Nous avons également tendu nos micros et quelques casques aux participants d’une lecture / débat organisée à la sauvage autour d’un bouquin de Lordon. Ça a donné lieu à une émission de très bonne facture à laquelle a d’ailleurs participé Judith Bernard qui passait par là et s’est assise avec Thomas, l’instituteur qui avait lancé cet atelier pour finalement l’animer avec lui.

Qu’est-ce qui vous a poussé à installer Libre@Toi* au milieu de la Nuit Debout ? Il existe déjà une radio-debout non ? Vous apportez quoi de différent ?
Ta question est étonnante mais très révélatrice de l’ambiance sur place. Les gens veulent faire la révolution mais ont besoin des modèles qui constituent le monde qu’ils sont sensés rejeter avec ce mouvement. Nous ne comptons pas le nombre de ceux qui, à juste titre ou par pur fantasme s’estimant détenteurs de la « bonne parole » concernant Nuit Debout, commencent par nous demander si nous sommes Radio Debout. Et la plupart, évidemment préfère aller leur parler. En gros, ils cherchent le TF1 ou le BFMTV de la place de la République. C’est finalement plutôt amusant. Alors, qu’est-ce qu’on apporte de différent ? Ben précisément ça : un média alternatif.

C’est quoi le rapport entre Nuit Debout et la culture libre pour toi ?
S’il s’agit bien, à Nuit Debout, d’initier le mouvement vers le monde d’après, alors la Culture Libre est – ou devrait – être au cœur des structures qui organisent la lutte. C’est en effet pour Libre@Toi* une exigence, un mot d’ordre assez évident.

En parlant avec des gars de Nuit Debout j’ai bien vu qu’ils sympathisaient avec la philosophie du Libre sans pour autant faire grand-chose à ce sujet, c’est quelque chose que tu as remarqué aussi ?
C’est assez tardivement (sans doute aussi un peu par provocation) que nous avons accroché à notre stand une pancarte « 100 % Logiciels Libres ». Et du coup, en effet, on a été contraint d’expliquer ce positionnement aux uns aux autres. Le moment drôle, c’est quand Radio Debout est venue nous demander de parler logiciels libres sur leur antenne. Ce que nous n’avons évidemment pas fait : ils peuvent venir quand ils veulent, à notre micro, causer logiciels libres avec nous en revanche ! 😀
Donc, pour te répondre : les Nuits Debouts sentent bien une pression au sujet du logiciel libre puisque d’autres que nous, La Quadrature par exemple, ont tenté de les y sensibiliser. Mais c’est clairement quelque chose de lointain. Un truc auquel ils n’ont pas pensé et dont la logique politique leur échappe complètement.

 

une interview sur le place de la République

une interview sur le place de la République

 

Est-ce que vous profitez de votre présence place de la République pour sensibiliser les gens aux logiciels libres ? Est-ce qu’on vient vous en parler d’ailleurs ?
J’ai un peu répondu au-dessus. La raison de notre présence à Nuit Debout, ce n’est pas de faire de l’évangélisation, mais bien de donner « leur place aux gens » en libérant leur parole, sans le théâtre des assemblées générales et autres commissions. La promotion du logiciel libre, nous la faisons par ailleurs chez Libre@Toi*, mais je ne t’apprends rien.

Et d’ailleurs vous avez donné des coups de main pour « libérer » Nuit Debout ?
Notre premier choc, ça a été le lancement de Radio Debout qui impose à chacun pour les écouter, la présence d’un lecteur Flash sur leur ordinateur. Ainsi, ceux qui venaient porter la voix de la « révolution » utilisaient Mixlr. Avec du recul, c’est risible. Sur ce la Quadrature est arrivée avec la promesse de « libérer Radio Debout » sur l’initiative de Benjamin Sonntag. Cette tentative ayant échoué, j’ai proposé et à plusieurs reprises de fournir un serveur Icecast. On a juste été snobés. Alors est-ce qu’on donne un coup de main pour libérer Nuit Debout ? Oui, en portant sa voix, différemment.


Ce qu’on peut donc dire de Nuit Debout c’est que le terreau pour accueillir les logiciels libres est fertile. Certains ont même déjà commencé à planter quelques graines. Mais ils sont en manque cruel de jardinier pour les former et faire croître la philosophie Libre chez eux. Il reste donc à trouver les volontaires prêts à ouvrir les stands Libre-Debout dans tous les rassemblements de France afin que les logiciels libres ne soient plus seulement un vœu pieux de Nuit Debout mais bien une réalité.

Pour celles et ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur les aspects techniques « derrière » Nuit Debout, nous les renvoyons à la lecture de l’article « #NuitDebout : comment l’orchestre participatif s’est organisé » de Rue89 (où l’on apprend que Nuit Debout utilise a aussi utilisé un Framadate à 367 participants) et « Mais qui contrôle le site nuitdebout.fr » de Numérama.

Merci à Pierre Lalu, @mex, @pm56, @lili et à tous ceux qui ont répondu à mes questions sur le chat de Nuit Debout.

Olympe a besoin d’un coup de main

samedi 23 avril 2016 à 14:07

Olympe, hébergeur gratuit, libriste et sans pub (un parfait exemple de CHATONS, quoi) a lancé un financement participatif pour faire face à ses difficultés.

Comment en est-il arrivé là ?

 

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Olympe, hébergeur gratuit depuis 2006

Vous hébergez des sites gratuitement, avec des outils libres, sans publicité. Depuis combien de temps ?

Olympe c’est une initiative qui a commencé il y a maintenant 10 ans, avec trois amis, trois passionnés de technologies. Fin 2006, l’idée naît d’une association, elle sera créée et immatriculée dans le courant de l’année 2007.

Dès la toute première version, l’objectif est clair : hébergement gratuit et sans publicités. Cette volonté est partie d’un constat simple : le Net est un domaine en plein essor, qui explosera davantage encore dans les années à venir, et pourtant aujourd’hui, pour publier il faut soit de l’argent, soit subir des pubs.

À l’époque l’hébergement n’était pas une chose aussi courante qu’aujourd’hui. C’est devenu beaucoup plus vital de nos jours pour n’importe quelle entreprise, association, activité quelconque, fût-elle locale, d’avoir un site web, et pourtant ce clivage est encore plus vrai qu’avant. Soit vous avez de quoi payer un hébergement, soit vous mangez des pubs à longueur de journée, et de plus en plus.

Vous étiez soutenus par une entreprise-mécène, c’est ce qui vous avait motivés à faire du gratuit ? Ou il y avait une autre raison ?

Ce n’est pas le soutien de l’entreprise en question qui a motivé le gratuit, puisqu’elle est arrivée bien après. Mais Olympe il y a encore quelques années était une structure bien plus modeste, qui n’affichait pas les 90 000 utilisateurs qu’elle compte aujourd’hui. C’était essentiellement les membres de l’équipe qui contribuaient à ce qu’Olympe vive, et les coûts étaient évidemment bien moindres.

Aujourd’hui, cette structure a évolué, s’est sécurisée, a appris de ses faiblesses pour s’améliorer, et s’est stabilisée. La philosophie du gratuit a pu subsister grâce à cette entreprise-mécène, et nous pouvons l’en remercier, effectivement, mais à l’origine il y avait surtout une pensée tournée vers le libre et le partage.

Ce mécène n’est plus en mesure de vous financer, c’est bien ça ?

En effet, elle a financé durant plusieurs années l’infrastructure en grande partie, et a fini par être rachetée fin 2015 par un investisseur beaucoup moins philanthrope que ses prédécesseurs. Dès lors, la fin du mécénat nous a été notifiée et nous avons dû réfléchir en quelques semaines aux possibilités qui s’offraient à nous.

Dans un premier temps, la réaction a été celle de l’urgence : à cette période il a fallu renouveler les serveurs, ce que le président de l’association a fait intégralement à sa charge. De fait, on a dû couper dans les dépenses, et il a fallu réduire le nombre de services proposés pour nous en tenir au minimum vital. Tous les services jugés accessoires (génération de statistiques, certains monitorings…) ont été écartés.

Puis vint la seconde étape : OK, les serveurs sont renouvelés, mais pour combien de temps ? Que fait-on à l’échéance ? Clairement, Olympe n’était plus viable à long terme.

Du coup, vous avez lancé un financement participatif…

On a exploré un tas d’hypothèses. On a bien tenté de remémorer à nos utilisateurs l’existence de notre page Tipeee, appelée à recevoir quelques dons régulièrement. Mais pour vous donner un ordre d’idée, en 9 mois d’existence, cette page a recueillie 240 euros. Soit un quart des frais incompressibles mensuels nécessaires pour faire tourner Olympe.

L’idée de faire du payant nous a traversé la tête un instant, mais ça équivalait à renier toutes ces années de gratuité proposer ce que nous dénoncions dès le début. Je n’évoque même pas l’insertion de publicités sur les sites…

Il ne restait alors qu’une solution : lancer un crowdfunding (ou une campagne de financement participatif, pour les adeptes de la langue française). L’idée est connue : un mois pour réunir une certaine somme, en l’occurrence 40 000 euros. Jusqu’au 4 mai, on espère donc collecter cette somme et pouvoir mettre en œuvre un projet solide et détaillé sur la page de la campagne d’hébergement, d’innovation, et de communauté. L’idée est que cette base nous permette d’atteindre d’ici trois ans un équilibre, grâce au fonctionnement mis en place.

Vous avez besoin de 40 000 €. Que se passera-t-il si ça ne réussit pas ?
C’est effectivement une somme conséquente, et on peut légitimement se demande pourquoi autant. En réalité, la lecture du projet mis en œuvre par l’équipe répond assez bien à cette problématique, car 40 000 euros c’est trois ans d’hébergement assurés.

La campagne est lancée à objectif fixe : soit Olympe reçoit 40 000 euros d’ici le 4 mai, et l’aventure se poursuivra, soit nous ne réunissons pas la somme, et Olympe devra fermer ses portes définitivement. Ce seront alors des milliers d’utilisateurs qui verront leur site inaccessibles, et des milliers d’autres qui devront se rabattre en urgence sur d’autres hébergements, pour la plupart nécessitant de sortir une carte bleue.

C’est beaucoup d’argent, mais vous revendiquez 90 000 utilisateur-ices. Si chacun-e donne 0,50 €, c’est réglé, où est le problème ? C’est peut-être un poil plus compliqué que ça…

On a évité de retenir la base « 90 000 x 1 euro = 90 000 €, nous sommes sauvés ! », pour la simple et bonne raison que ça serait se mentir. Tout d’abord, il s’agit d’une statistique : il existe sans nul doute des utilisateurs qui n’utilisent plus leur site, d’autres qui n’en ont jamais mis en ligne, d’autres qui ont supprimé leur site et conservé leur compte au cas où… si bien que tous ces utilisateurs ne sont pas directement touchés par une fermeture imminente. C’est un peu comme si je vous disais que la boulangerie au pied de chez vous allait fermer, alors que vous ne mangez plus de pain (bon, je sais qu’attaquer le pain en étant Français c’est dangereux mais vous voyez l’idée) !

De fait, en admettant que l’on ait un utilisateur actif sur deux, et que chacun donne 1 € on arrive tout juste à la somme escomptée. Et c’est effectivement illusoire que de s’attendre à ce que tout le monde donne, pour deux raisons.

Premièrement, Olympe est associé légitimement dans l’esprit commun à la gratuité. Or, le gratuit qui demande de payer, psychologiquement c’est un cap difficile à passer pour beaucoup d’utilisateurs. Ce n’est pas la somme qui est bloquante mais l’acte du paiement : pour preuve, ceux qui ont donné ont très largement dépassé les 1, 2 ou 5 euros. Le don moyen varie entre 10 et 20 euros.

Deuxièmement, donner n’est pas à la portée de toutes les bourses, et c’est là-aussi l’intérêt d’un crowdfunding : ceux qui peuvent et qui partagent nos valeurs participent pour ce qu’ils en retirent, mais également pour en faire profiter d’autres, moins avantagés. Donner 10 euros quand on est cadre sup’ et donner 10 euros quand on est au chômage, vous en conviendrez, ce n’est pas la même chose.


Quel est le portrait-robot de vos « clients » ?

Difficile de dresser un portrait-robot d’autant d’individus. Les utilisations d’Olympe sont variées : des sites de petites entreprises locales, d’artistes, de jeunes développeurs en herbe qui se font les dents, d’enseignants qui partagent avec leurs élèves, de « youtubeurs » qui fédèrent leurs communautés, de gamers, tout un tas d’associations locales (anciens combattants, amicales de retraités, amicale de la gendarmerie…), les sites de partage d’événement, notamment des mariages, des sites institutionnels…

C’est difficile de dresser un profil commun à tous. S’il y a une variable commune c’est que nous avons un public globalement cohérent par rapport à l’offre gratuite. Ce sont énormément de personnes qui n’ont pas de quoi s’héberger chez un professionnel.

Pensez-vous qu’il/elles seraient d’accord pour payer une cotisation ? Leur avez-vous posé la question ? Avez-vous d’autres idées pour fonctionner ?

L’idée d’une cotisation a été évoquée lors de notre phase de réflexion, évidemment. Mais sans rentrer dans les détails, ça revient encore une fois à retomber sur de l’hébergement payant : soit vous payez votre cotisation et vous êtes hébergés, soit vous ne payez pas et vous supportez les pubs.

Qu’une cotisation soit proposée aux utilisateurs qui souhaitent acquérir un statut de membre à part entière, c’est effectivement un souhait que nous avons de longue date mais qui n’a pas été mis en œuvre pour l’instant. Que cette cotisation subordonne l’accès aux services, c’est inconcevable au regard des valeurs que nous voulons véhiculer depuis tout ce temps.

Les autres idées nous les avons, et nous adorerions pouvoir les mettre en œuvre, mais nous agissons dans l’urgence : aujourd’hui on ne réunit pas 40 000 euros pour être tranquilles pendant 3 ans, on les réunit pour mettre en place pendant ces trois ans un projet sérieux, structuré, réfléchi pour aboutir à une stabilité financière à l’horizon 2018.

Est-ce que ça signifie que le gratuit, ça ne peut pas marcher ?

Nous n’avons — fort heureusement — pas pris ce postulat, sans quoi nous n’aurions jamais lancé la campagne qui suit son cours actuellement. Le gratuit peut marcher et doit marcher à une époque où le Net est avalé par des géants qui monétisent au maximum un service se voulant, à l’origine, libéré de tout cela.

Nous y croyons, et c’est bien pour cela que nous nous battons depuis 8 ans sur Olympe et pour Olympe. En huit ans, on a participé régulièrement aux RMLL, on a organisé des activités de formation en Afrique, on a connu une augmentation constante de nos utilisateurs : il y a forcément une place pour le gratuit.

Nous y croyons, et nous continuerons d’y croire.

On est encore loin du but… Si vous souhaitez aider Olympe, c’est le moment.

https://www.olympe.in/

Allumons les réverbères du Libre

jeudi 21 avril 2016 à 09:23

Dans son communiqué de presse du 07 avril 2016, la Commission des lois du Sénat français déclare approuver le projet de loi pour une République Numérique porté par la secrétaire d’État au numérique Axelle Lemaire. Néanmoins, le Sénat a tenu à renommer ce projet de loi :

La commission a adopté le projet de loi en le modifiant : sans constituer la révolution que suggérait son premier intitulé, il contient un certain nombre de dispositions utiles pour assurer une meilleure régulation de la société numérique et améliorer la protection des droits des individus. C’est pourquoi la commission a modifié le titre du projet de loi, désormais intitulé : « projet de loi pour une société numérique ».

L’argument est limpide : nul ne saurait transformer les prérogatives de la puissance publique en place. C’est à la société de se transformer (se numériser) et c’est à la République (et ses institutions) qu’il revient de réguler les usages numériques. Tel est l’ordre des choses, et il est fort compréhensible que la Commission des lois ne laisse pas passer un texte qui transformerait une République dont elle est garante de l’intégrité.

Pourtant, cette rigidité est-elle bien conforme à l’air du temps ? Cette société numérique n’est-elle pas justement en train de montrer que ces usages sont précisément ceux d’une démocratie en train de se faire, mobilisant les attentions et renouvelant les pratiques politiques y compris debout à la place de la République. Peut-être est-ce justement à cause de cela et de ce qu’il cristallise comme besoin de transparence, de démocratie et de coopération, que le logiciel libre peine tant à être compris et assimilé par les institutions.

Ce texte de Véronique Bonnet, administratrice de l’April, synthétise ces questionnements. Un peu d’espoir peut-être en usant nous-mêmes, de plus en plus, du logiciel libre pour s’émanciper enfin ?

Sympathy for the Free Software

Par Véronique Bonnet, administratrice de l’April

Indésirable, le logiciel libre (free software) ? Un amendement de la commission des lois du Sénat vient de faire disparaître, pour l’instant, avant l’examen en séance prévu fin avril, l’encouragement au logiciel libre. Certes, il s’agissait bien d’un amendement de repli, non juridiquement contraignant, que l’Assemblée avait voté comme pis-aller, vu les tirs de barrage contre la priorisation. Le simple encouragement est-il déjà tabou ? Caillou dans la chaussure ? Loup dans la bergerie ? Disons ici notre sympathie irréductible, notre attachement citoyen au logiciel libre, n’en déplaise aux frilosités qui se drapent dans des habits bien improbables.

Du diable, on dit qu’il est dans les détails.

Un détail, justement. Le projet de loi numérique a changé de nom, la semaine dernière, en cours de route. Initialement, il s’appelait « Projet de loi pour une république numérique ». Le Conseil d’État, en décembre dernier, s’était étonné du décalage entre un tel intitulé et le contenu du projet de loi.

Dans le second volet d’un article publié le 15 avril par la revue EpiNet, intitulé « Bienheureuse panne d’imprimante, encore », j’ai essayé de montrer que si on prenait au sérieux la notion de république, alors on ne pouvait pas faire l’économie d’une priorisation de l’informatique libre dans le domaine public, « dans la tâche de protéger des regards ce qui doit l’être, et celle de rendre visible et accessible ce qui doit l’être, dans une république. »

J’avais dans mon argumentaire fait état de deux axes, esquissés, mais non assumés par le texte soumis à l’examen des parlementaires. Un premier axe qui disait vouloir découvrir et laisser à découvert ce qui devait l’être, dans une république, soit les traitements algorithmiques des paramètres qui débouchent sur des décisions et influent sur les existences. Un second axe qui disait vouloir couvrir et garder couvert ce qui devait le rester dans une république, soit le contrôle des données personnelles.

La semaine dernière, le gouvernement a remplacé le terme de « république », peut être trop contraignant, par le terme de « société ». Société numérique en lieu et place de la république numérique ? En rabattre sur les exigences de fraternité, d’égalité et de liberté vers une loi a minima peu conforme aux exigences de la république, mais bien suffisante pour la société. On ne peut s’empêcher de faire le lien avec la très thatcherienne et libérale exclamation : « such a thing as society ! », dans un contexte où il était demandé à cette responsable britannique de prendre au sérieux le traitement social de la pauvreté.

Remplacer « république » par « société », est-ce donner congé à bon compte à la juste revendication d’une interopérabilité, d’une auditabilité, soit, en un mot, de choix numériques qui garantissent une dimension publique vraiment publique et une dimension privée vraiment privée, purement et simplement ? La république oblige. La société, tout autant.

À ce moment de croisée des chemins pour le Libre, puisque c’est maintenant l’ensemble des Sénateurs qui doit examiner le projet de loi, esquissons en quelques traits de quelle liberté heureuse ce combat pour la priorité au logiciel libre est fait.

En tant que libristes, nous sommes, en quelque sorte, des allumeurs de réverbères. Une variante des lanceurs d’alerte. Un peu ce que les lucioles sont aux colibris. Nous essayons de sensibiliser sur le non auditable, le non interopérable, l’obscurantisme des verrous logiciels, des chausse-trappes, des rentes de situation. Allumeur de réverbère, c’est un beau métier.

 

allumeur de réverbère dessin de saint exupéry pour le Petit Prince

Copyright © 2016 Le Petit Prince – Eh non, l’ouvrage n’est toujours pas dans le domaine public en France.

 

Celui du Petit Prince, dans l’accélération folle de la succession des jours et des nuits, réduits chacun à une minute, suivait néanmoins la consigne : éclairer quand il le fallait, éteindre quand il le fallait. Saint-Exupéry suggère de celui-là qu’il est un peu lampiste. La consigne lui a été donnée quand le jour durait un jour, et la nuit une nuit. Mais lampiste encore au sens d’autrefois : celui qui veille à l’allumage des lampes.

Ma main au feu que la régie lumière du projet de loi « pour une république numérique », puis « pour une société numérique » soit plus proche du Prince de Machiavel, régulateur et opératoire, que de la philosophie des Lumières, émancipatrice. Le pire est de faire croire que le logiciel libre peut porter atteinte aux appels d’offre, un vilain petit canard juridique, monstre mal bâti. Démon ? Seulement au sens du démon de Socrate, cette voix intérieure qui est médiation entre les situations et les concepts. Free Software, doux démon. Loin des tentations de la Pomme et autres gaffes à âmes.

reguler-internet

Faut-il, pourtant, se résoudre, abjurer ? « Eppure, si muove », aurait dit, ou en tous cas pensé, Galilée. Que l’on traduit d’ordinaire par « et pourtant, elle tourne ». Il parlait de la Terre, dans la perspective de l’héliocentrisme honni par les potentats d’alors. Aller contre l’évidence de la logique des êtres parlants d’étudier, utiliser, améliorer, redistribuer, en sécurisant leurs échanges et en ayant une visibilité sur ce qu’il veulent partager ou garder pour eux ?

Ceux qui prennent les libristes pour de joyeux lampistes — pas au sens d’autrefois —, et les vessies pour les lanternes, et les enfants du bon dieu pour des canards sauvages, feraient bien de s’aviser que le bon sens finit toujours par prévaloir sur les mauvais prétextes.

Il y a quelque chose comme une raison dans l’histoire. Si ce n’est pas sous cette législature, tôt ou tard, le free software finira par s’imposer. Mais ce serait mieux maintenant.

Devil-Girl-300px

Devil girl by GDJ,  Public Domain

Pour ma part, c’est tout vu. Je roule en GNU/Linux. Je m’habille en Debian. Je n’ai pas encore de RoLeX pour réussir ma vie, mais je suis, j’eXisTe en LaTeX. Je priorise avec l’April. Je dégooglise avec Framasoft. Je neutralise avec LQDN. J’ai jeté aux orties mes menottes numériques. Contre les portes dérobées, je mets en garde les autres, avec d’autres. Et à toi, Free Software, je dis ma sympathie, que diable !

 

Notre gitlab évolue en Framagit. C’est très efficace !

mardi 19 avril 2016 à 14:23

Warning : cet article parle de forge logicielle qui sert à développer collaborativement du code. Il est donc un peu velu et technique, mais il fera plaisir aux plus « barbu-e-s » d’entre vous !

Préviousselaid, chez Framasoft : nous avions besoin d’une forge logicielle comme outil interne à l’asso… parce que même si nous ne développons pas (ou exceptionnellement) de logiciel libre ; les mettre en avant, les améliorer (parfois), les promouvoir et ouvrir des services au monde, ben ça demande de créer, maintenir, échanger et améliorer du code !

Nous nous étions donc installé Gitlab à la main, sur un coin de serveur, juste pour nous…  Étant les seuls utilisateurs, on s’est dit que ce ne serait pas grave s’il n’était pas toujours à jour, à traquer la dernière version… (oui : nous sommes moins exigeants sur nos outils internes que pour les services que nous ouvrons au grand public ^^).

Franchement, merci Google !

Merci, parce qu’à chaque fois que vous prenez des décisions unilatérales aux dépens de vos utilisateurs-produits, vous nous offrez l’occasion de prouver que le Libre offre des alternatives bien plus respectueuses des personnes qui vous ont confié leur vie numérique (et leur code).

Le jour où nous avons appris que Google Code fermait ses portes, nous avons donc décidé d’ouvrir les nôtres. Cela nous a aussi permis de sensibiliser au fait que, dans le mode des codeurs et développeuses, GitHub est devenu un point central et monopolistique assez inquiétant.

githubdown L’excuse n°1 des programmeurs pour se lâcher sans scrupules : « GitHub est en panne » — Hé, au boulot les gars ! — Github est en panne ! — Ah bon, continuez alors.

L’excuse n°1 des programmeurs pour se lâcher sans scrupules :
« GitHub est en panne »

— Hé, au boulot les gars ! — Github est en panne !
— Ah bon, continuez alors.

 

Forcément, l’ouverture à tous de notre git et les nouvelles fonctionnalités des nouvelles versions de Gitlab (une nouvelle version tous les 22 du mois) nous ont incités à mettre à jour plus régulièrement, ce qui prend plusieurs heures à chaque fois… et plusieurs fois par mois, car des versions correctives sont régulièrement publiées.

Améliorer le Framagit… une priorité

Ceci, ajouté à l’utilisation grandissante de notre forge qui allait bientôt poser des problèmes de taille de disques, nous a amenés à migrer (le 17 mars dernier) notre Gitlab vers une machine avec plus de disque et surtout avec une installation utilisant les paquets dits « omnibus ».

Ces paquets omnibus nous ont permis d’installer Gitlab à l’aide d’un simple apt-get install gitlab-ce plutôt que de suivre la longue procédure d’installation manuelle. Non seulement l’installation est simplifiée, mais — et c’est surtout là la plus-value que nous en attendions — mettre à jour Gitlab devient tout aussi simple avec une seule commande apt-get dist-upgrade.

Résultat : notre Gitlab suit scrupuleusement la publication des nouvelles versions, avec leur lot de nouvelles fonctionnalités !

GitPourTous

Pour fêter cela, nous avons étrenné un nouveau nom de domaine… inspiré par vous ! Avouons-le, «Git point Framasoft point orrrrrrrgueh », ça accroche un peu en bouche. De partout, nous avons entendu parler du « Framagit » : alors tant qu’à faire, autant l’appeler comme vous le faites déjà. Bien entendu, il n’est nul besoin de modifier vos URL, elles restent valides… mais la nouvelle est à votre disposition !

Et si on ajoutait de l’intégration continue ?

Derrière ce terme barbare se cache une fonctionnalité très pratique : on crée une « recette » qui sera exécutée dans une machine virtuelle à chaque push. Cela peut par exemple permettre de lancer une suite de tests pour vérifier que l’on n’a rien cassé. 🙂

Pour utiliser cette fonctionnalité, il faut disposer de ce que l’on appelle un runner, c’est à dire un logiciel qui va récupérer la recette et l’exécuter. Il est possible d’installer un runner sur n’importe quel ordinateur, même votre ordinateur de bureau.

Pour ceux qui ne souhaitent pas gérer leur runner eux-mêmes, Framasoft met à disposition deux runners partagés entre tous les utilisateurs de Framagit, que vous pouvez utiliser comme bon vous semble. Notez toutefois que Gitlab indique que quiconque utilise un runner partagé peut accéder aux informations des projets utilisant ce runner : il vaut mieux monter votre propre runner pour vos projets sensibles.

De plus, en utilisant les runners partagés de Framasoft, il est possible que votre projet soit mis en file d’attente, en attendant que les recettes précédentes aient fini de s’exécuter… à vous de voir !

Pouhiou-le-moldu-du-code lisant cet article, allégorie.

Pouhiou-le-moldu-du-code lisant cet article, allégorie.

Vous voulez des pages Gitlab ? Nous aussi !

Github permet à tout un chacun d’héberger un site statique. Gitlab propose une fonctionnalité similaire mais hélas, uniquement dans sa version entreprise… Nous utilisons pour notre part la version communautaire qui est la version libre de Gitlab… donc sans les pages Gitlab.

Nous avons donc ouvert un ticket pour demander que cette fonctionnalité soit incluse dans la version communautaire. Si vous aussi vous aimeriez voir cela arriver, aidez-nous tout simplement en votant sur https://gitlab.com/gitlab-org/gitlab-ce/issues/14605.

En attendant, profitez d’une forge logicielle à jour et libre sur Framagit.org !