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Après sept ans de négociations, l’accord d’investissement entre la Chine et l’Union européenne coince. En cause, les révélations sur le travail forcé au Xinjiang publiées ces derniers mois, notamment la semaine dernière dans Libération et sur la BBC.
Il est reproché à Alibaba de créer des contrats où un vendeur n’aurait pas la possibilité de proposer ses services ou ses produits en dehors du réseau Alibaba. C’est comme si, en signant pour faire apparaître ses produits sur Amazon, une entreprise française n’avait plus le droit de les vendre à la Fnac ou chez Darty. […] avec sa rivale Tencent, elle forme une sorte de duopole qui possède des centaines de millions d’utilisateurs, proposant des services allant du commerce à la téléphonie en passant par les déplacements ou le jeu vidéo et la banque. […] Il est suspecté que les déclarations de Jack Ma contre le système bancaire et d’assurance chinois, contrôlé par le parti et qui d’après lui a une mentalité de « prêteur sur gages », ne sont pas étrangères à l’attention que porte le gouvernement aux activités du consortium
Les putois à pieds noirs, une espèce menacée proche des visons, pourrait transmettre la Covid-19 à l’homme. Pour ne pas avoir à les abattre, des scientifiques ont mis au point un vaccin pour eux.
Les longues files de camions s’amassant à la frontière ont boosté les fabricants et les importateurs de WC portables.
In an effort to achieve its goal of inoculating 100 million Americans by Q1 2021, the U.S. Department of Health and Human Services partnered with data-mining firm Palantir to develop a software platform called Tiberius.
Une société américaine a reconnu jeudi 24 décembre qu’elle aurait pu mieux faire après avoir piégé ses employés par e-mail, leur faisant miroiter un bonus de Noël en pleine crise économique, alors qu’il s’agissait en réalité d’un test de sécurité informatique.
Une étude italienne relayée par le Guardian a montré la présence de microplastiques dans 4 placentas sur 6 étudiés. Une première.
Le gendarme de la concurrence vient de donner son aval à Bouygues Telecom pour le rachat des opérateurs virtuels NRJ Mobile, Auchan Télécom, Cdiscount Mobile, CIC Mobile et Crédit Mutuel Mobile. Mais sous conditions.
Mais dans le même temps, le Conseil d’Etat leur offre de sérieux motifs d’espoir, en validant partiellement leurs arguments : si la situation sanitaire s’améliore, le maintien de la fermeture générale des cinémas et autres lieux de spectacles, attentatoire aux libertés, ne pourra pas être « justifiée par la seule persistance d’un risque de contamination de spectateurs par le virus SARS-CoV-2 », juge-t-il.
La refonte de la formation des professeurs, dont le principe a été arrêté par la loi Blanquer en 2019, est censée remplacer une formation trop théorique par plus de « professionnalisation ». La part des disciplines critiques y est condamnée au profit d’une logique managériale.
Une ordonnance parue au Journal officiel permet désormais au gouvernement d’adapter les modalités des examens en fonction de l’évolution de l’épidémie de coronavirus.
Absence de répartition des tâches ménagères et de la garde des enfants, ralentissement des carrières : le télétravail confiné a accentué les inégalités femmes-hommes. Le récent accord national interprofessionnel ne risque pas d’améliorer la situation.
“il a essayé de m’étranger, j’ai pu me sauver”, qu’il la menaçait de mort, “je croyais qu’il nous tuerait tous”. Elle explique avoir alerté la police, les gendarmes et l’aide à l’enfance : “J’ai même écrit à Marlène Schiappa [alors secrétaire d’Etat en chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes]. Rien n’a été fait. On m’a dit à chaque fois qu’il allait certainement se calmer.”
Les agents pourront scruter les relevés de compte, d’assurance-vie et de téléphonie pour traquer la “fraude” mais aussi la solvabilité des allocataires. Cette loi de finances 2021 ne prévoit évidemment aucune mesure contre les fraudes fiscales et patronales (cotisation, chômage partiel).
Le 17 décembre 2020, le Conseil d’État, saisi par la Ligue de protection des oiseaux (LPO), a annulé l’arrêté de la ministre de la Transition écologique du 31 juillet 2019 qui avait autorisé la chasse de 6.000 courlis cendrés pour la saison 2019-2020. Cette chasse avait été autorisée malgré la directive oiseaux et le Code de l’environnement, qui imposent un moratoire pour les espèces en danger, le fait que cette espèce soit classée vulnérable sur la liste rouge de l’UICN et l’avis négatif du comité d’experts sur la gestion adaptative.
l’indignation a été très grande de la part de beaucoup de Français qui craignent que cette militante du parti présidentiel ne déclare une guerre sans merci aux opposants à Emmanuel Macron.
Alors que le nombre en réanimation est surveillé comme le lait sur le feu, chiffre communiqué chaque jour se révèle exact… à quelques dizaines ou centaines près. La raison ? Les hostos n’arrivent pas toujours à renseigner les sorties en temps réel. Du coup, les autorités sanitaires ont inventé le terme pittoresque de lits fantômes pour désigner les lits dont on ne sait pas s’ils sont toujours occupés par des patients ou s’ils sont libres depuis des jours, voire des semaines.
Un projet de décret dont APMnews/TICsanté a obtenu copie détaille le fonctionnement d’un système d’information (SI) de suivi de la vaccination contre le Sars-CoV-2, baptisé “Vaccin Covid”. […] L’utilisation de “Vaccin Covid” sera “obligatoire”, a-t-on ajouté de même source. Le projet de décret obtenu par APMnews/TICsanté ne prévoit pas d’obligation, note-t-on.[…] ces données pseudonymisées seront également accessibles par le Health Data Hub et la Cnam “aux seules fins de faciliter l’utilisation des données de santé pour les besoins de la gestion de l’urgence sanitaire et de l’amélioration des connaissances sur le virus”.
c’est donc le dimanche 20 décembre que la circulaire Vidal est arrivée. Une circulaire ahurissante […]“Dès la semaine du 4 janvier, vous pourrez accueillir sur convocation (sic) les étudiants nouvellement entrés dans l’enseignement supérieur (double sic) en situation de grande vulnérabilité (non mais putain ? ! ?), cela dans la limite de 10 personnes par groupe (oh et puis merde tiens).” […] Même les messes et lieux de culte ont obtenu du conseil d’état une jauge en termes de superficie. Mais l’université ? Mais les 2,5 millions d’étudiant.e.s qui en sont la chair et le sang ? Rien. Que dalle. Juste cet éternel mépris. 10 en amphi. […] Et comment s’organiser concrètement pour les accueillir le 4 Janvier en ayant l’info le 20 décembre et tout en sachant que cet accueil se fera pour 3 jours puisque le 7 Janvier d’autres mesures sanitaires nationales seront annoncées ? […] La circulaire indique que les tuteurs étudiant.e.s […] pourront contribuer et participer à cet accueil sauf que … personne dans aucune université n’est au courant de la procédure concrète permettant de lancer ces recrutements.
Déposé hier, le projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires fait bondir sur les sièges de la Haute assemblée, à droite comme à gauche. En cause, la possible restriction de déplacement pour les personnes non vaccinées mais aussi l’inscription de mesures privatives de libertés dans le droit réglementaire.
À force de dissimuler des objectifs tactiques de contrôle politique et social sous des objectifs stratégiques de sécurité globale, l’Exécutif et le Législatif génèrent plus d’hostilité que de sécurité.
Dans la seconde partie de son entretien accordé à l’Express, le chef de l’État, toujours malade et à l’isolement, réaffirme son tournant sécuritaire et sa volonté d’incarner l’ordre face à ses opposants.
La loi “sécurité globale” est une loi du “jour d’après”, c’est-à-dire d’aujourd’hui. Car le gouvernement craint que les effets ravageurs de la crise économique ne conduisent à une situation socialement explosive et politiquement incontrôlable. “Quoi qu’il en coûte pour les salariés et les jeunes”, tel est le programme qui s’annonce. […] Un tour de vis supplémentaire sur les libertés publiques est donc nécessaire. Les lois liberticides ont pour objectif de terroriser et réprimer celles et ceux qui sont victimes de la crise et qui ne l’acceptent pas. Le gouvernement ne cache même plus ses objectifs : trois décrets sont publiés en décembre 2020 qui permettent le fichage des personnes en raison de leurs « opinions politiques, des convictions philosophiques, religieuses ou une appartenance syndicale »
Les développements de cet automne en France sont extrêmement inquiétants, et dénotent l’engagement du pouvoir, et de Macron lui-même, sur une pente menant vers un régime autoritaire.
Une adolescente de 15 ans a porté plainte pour « violences et humiliations policières ». La jeune fille avait été blessée lors d’une manifestation contre la loi « sécurité globale », le 12 décembre dernier, à Marseille. Son interpellation filmée avait fait le tour des réseaux sociaux. Elle a été placée en garde à vue mercredi 23 décembre, pour « violences sur policier ».
Les avocats de l’homme interpellé ont notamment dénoncé “une réelle impunité, un laxisme, qui confirme un racisme systémique”.
The Free Software Foundation (FSF) supports the work of several important free software projects through fiscal sponsorship in a program we call Working Together for Free Software. Donations to any of the Working Together for Free Software projects directly benefit the work that can be done.
Les géants américains Microsoft et Google viennent de participer à une grosse levée de fond pour le compte de l’application Josh, le rival indien de Tiktok, désormais application non grata sur l’immense marché indien.
quand Amazon n’est pas accusé de copier les produits, le géant n’hésite pas à appliquer une politique de la terre brûlée en vendant des objets à perte.
In the early hours of Saturday, December 19, one day before their new terms of service took effect, Instagram shut down a page associated with CrimethInc. with no explanation or justification. The account had never been suspended before, nor received so much as a warning. Well over 40,000 people were following it. The issue was not a violation of the terms of service—rather, this is a political measure to suppress the voices of dissidents, expanding Facebook’s August 2020 decision to ban an array of pages associated with anarchist journalists and publishers.
Une analyse sur le rapport entre les forces de l’ordre et les transformations de l’État depuis une cinquantaine d’années.
Qu’est-ce que le néolibéralisme ? Un programme de destruction des structures collectives capables de faire obstacle à la logique du marché pur.
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La Chine semble avoir utilisé les réseaux de téléphonie mobile dans les Caraïbes pour surveiller les abonnés américains dans le cadre de sa campagne d’espionnage contre les Américains, selon un expert en sécurité des réseaux de téléphonie mobile qui a analysé des données de signaux sensibles.
Depuis l’affaire de la Crimée et l’intensification de l’activité des forces russes dans son environnement proche, la Suède a opéré un changement de cap à 180 degrés en matière de politique de défense. Et ce n’est pas fini. Ce pays membre de l’Union européenne [et qui s’interroge sur une éventuelle adhésion à l’Otan] va augmenter ses dépenses militaires à près de 8,8 milliards d’euros.
La société de renseignement privée israélienne Rayzone Group semble avoir eu accès au réseau mondial de télécommunications via un opérateur mobile dans les îles anglo-normandes au cours du premier semestre 2018, permettant potentiellement à ses clients à ce moment-là de suivre les emplacements des téléphones portables dans le monde entier.
« Je voulais être transparente, peut-être un peu trop transparente », a déclaré Eva De Bleeker, alors que ce tableau des prix était censé rester confidentiel.
Dans le cadre de la loi sur les services numériques (DSA), dont un projet a été obtenu par EURACTIV, les plateformes seront confrontées à la perspective de milliards d’euros d’amendes si elles ne respectent pas les nouvelles règles dans tous les domaines, notamment la transparence de la publicité, le retrait des contenus illégaux et l’accès aux données.
Bien que la résolution ne mentionne pas une seule fois le mot « backdoor », les « solutions techniques et opérationnelles » qu’elle préconise pour permettre l’accès aux données cryptées sont des « backdoors »…
La majorité qui soutient Viktor Orban a notamment interdit l’adoption aux couples de même sexe et inscrit la notion de “genre” dans la Constitution.
Devenue l’une des premières femmes autochtones à entrer au Parlement en 2018, Deb Haaland va de nouveau marquer l’Histoire. Elle aura notamment la charge de la préservation des ressources naturelles.
Selon une étude menée dans dix-huit pays sur cinquante ans, les baisses d’impôts pour les plus riches ne génèrent ni croissance ni emplois.
L’OMS estime que la pollution de l’air provoque 4,2 millions de décès par an dans le monde. En plus, l’exposition des ménages à des cuisinières et des combustibles sales provoque le décès de 3,8 millions de personnes. Et 91 % de la population mondiale connait des taux de pollution de l’air qui dépassent les directives de l’OMS.
Emmanuel Macron est le quatrième dirigeant a avoir contracté le virus, après le président des Etats-Unis, Donald Trump, celui du Brésil, Jair Bolsonaro, et le Premier ministre britannique, Boris Johnson.
Mercredi, le « dîner politique » autour d’Emmanuel Macron était entièrement masculin. À la mairie de Paris, Anne Hidalgo vient de se faire verbaliser pour avoir promu trop de femmes.
Prévue il y a dix jours mais reportée à sa demande, l’audition du ministre de l’Intérieur a eu lieu ce lundi. Placé sous le statut de témoin assisté, Darmanin échappe pour le moment à une mise en examen. Mais son avenir Place Beauvau se trouve questionné.
La différence entre M. Vecchi et le procureur qui se pourvoit en cassation, c’est que le procureur a tout son temps. On le sait bien, à force de jouer sur les voies de recours, le procureur peut espérer la décision qu’il souhaite. M. Vecchi pourrait bien obtenir raison trois fois, quatre fois même, le procureur peut inlassablement continuer. Il n’éprouve pas de fatigue, lui, pas d’inquiétude, pas de crainte. Il n’a pas à dépenser d’argent pour se défendre, il n’a pas à s’occuper de la paperasse, on le fait pour lui. L’affaire peut durer. Il peut jouer sa chance deux fois, trois fois, il finira bien par gagner. Il y a là un détournement de la procédure, un usage autoritaire, mécanique, qui a de quoi troubler. On trouve dans cet automatisme du parquet, dans cette culture de la répression, une trace évidente de l’origine inquisitoriale de la fonction, cela devrait nous inspirer quelque méfiance.
L’association lycéenne FIDL dénonce “la violence” de Jean-Michel Blanquer “vis-à-vis des organisations qui ne partagent pas ses positions politiques.”
L’entreprise ferroviaire est le principal utilisateur français de l’herbicide conçu par Monsanto. […] “On a trouvé une solution qui reste herbicide”[…] Il s’agit d’un produit composé à plus de 95 % d’acide pélargonique, un produit de biocontrôle (utilisant des produits naturels) et d’une molécule de synthèse de la famille des sulfonylurées […] “Ca donne un mélange qui s’approche du glyphosate sans l’atteindre”, ce qui imposera de passer deux fois par an avec des matériels plus précis. La nouvelle solution donne tout de même satisfaction, même si elle est beaucoup plus chère, plus visqueuse et exige d’embarquer de plus grands volumes. Mais elle ne suscite pour l’instant pas de polémique
Résumons : Ne pas couvrir la manifestation ? Fait. Parler d’autre chose en compagnie de politiques ou de commentateurs connus qui plus est pour leur hostilité à l’égard de cette cause ? Fait.
Dans le second degré, le ministère prépare directement la suppression de 1800 suppressions de postes. Annonce vouloir compenser ces suppressions de postes par 1847 équivalents temps-plein en heures supplémentaires.[…] Alors que la situation sanitaire justifie des recrutements massifs, le ministre Blanquer choisit d’accroître encore la pression qui pèse sur les enseignant-e-s.
Le gouvernement n’a donc les mains liées par aucun acteur, et peut librement prendre tout arrêté ou tout décret en matière de fichiers de police. Quid alors du contrôle, a posteriori, de ces textes ? […] Avec une CNIL relativement impuissante, un Conseil d’État souvent peu protecteur et des textes réglementaires qui semblent prévoir une collecte de données toujours plus importante, les fichiers de police ont un bel avenir devant eux
les digues semblent tomber progressivement. L’interconnexion des bases de données combinée aux moyens de surveillance vidéo (caméras individuelles, drones, vidéo protection fixe), et aux technologies de reconnaissance faciale ferait craindre une surveillance de masse.
Ce samedi, il y avait une ambiance dystopique à voir ces CRS arrêter le moindre porteur de pancarte alors qu’un manège diffusait une musique sirupeuse de Noël, et que tout le monde se pressait dans les commerces. C’est peut-être à cela que ressemble le fascisme. Une poignée de personnes qui tente de résister, pendant que la grande majorité de braves gens détourne le regard de la répression.
C’est du jamais vu en France. Nous glissons lentement mais sûrement vers un régime autoritaire, un Etat illibéral, un Etat de police. Moins les politiques de ce gouvernement apparaissent comme légitimes, plus celui-ci utilise la répression et l’étouffement des libertés pour les imposer.
Dès le samedi soir, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, se félicitait sur Twitter de l’efficacité de l’encadrement de la manifestation parisienne : “Force est restée à la loi. Plusieurs centaines de casseurs étaient venus pour commettre des violences. La stratégie de fermeté anti-casseurs – 142 interpellations et encadrement du cortège – a permis de les en empêcher, de protéger les commerçants”. Mais on ne tarderait pas à découvrir que la plupart des arrestations ne furent suivies d’aucune poursuite, signe qu’elles étaient vraisemblablement abusives. Depuis, les témoignages s’accumulent, dénonçant le comportement des forces de l’ordre qui cherchaient manifestement à terroriser les manifestants par des interventions répétées, violentes et arbitraires au coeur du cortège.
Après avoir passé 48 heures en garde à vue à la suite de la manifestation du 12 décembre, Moun, une femme gilet jaune, est mise en examen à cause d’un parapluie. Son avocat dénonce une affaire « choquante » et « ridicule ».
Pour celleux qui ne le savent pas encore, ils ont attrapé la « cheffe du black bloc ». Et, oh surprise ! C’est une dame d’un âge respectable, la cinquantaine, habituée des manifs du samedi et qui a osé ouvrir un pébroc de couleur arc-en-ciel lors de la manif de samedi dernier. Parce que ce jour là… il pleuvait. […] Ce dont rêve Darmanin, ce sont des défilés silencieux, tête baissés, mains croisées, visage contrits et bouches fermées. On ne sait plus bien si on doit s’excuser de manifester, remercier qu’on puisse sortir dans la rue ou s’ils veulent que la manifestation ressemble à un cortège d’enterrement. Histoire de saluer comme il se doit la casse de tout un pays qu’on envoie au mur ou de se préparer au deuil de tout ce qu’ils vont encore casser.
Cette condamnation s’inscrit dans la lignée du sévère traitement judiciaire subi par les gilets jaunes. Bien qu’aménageable, la peine prononcée apparaît bien lourde au vu des faits reprochés. Soit « une paume de main sur un bouclier, un outrage non caractérisé »
Le ministère de la Justice a publié des séries statistiques de 40 ans. De quoi voir les grandes tendances de notre système pénitentiaire et pénal, de plus en plus répressif : le nombre de personnes écrouées est passé de 36 900 en 1980 à 82 300 en 2020
Jules est mort au mitard de la maison d’arrêt de Seysses dans la nuit du 5 au 6 décembre. Il avait 20 ans. L’administration pénitentiaire prétend qu’il s’est pendu, mais les prisonniers sont formels : Jules ne s’est pas suicidé.
En 2016, Max participe à un blocage et est interpellé pour un pétard qu’il n’a pas lancé. La machine répressive s’emballe ; dix policiers se plaignent d’acouphènes. Il y a quelques jours, un tribunal l’a condamné à verser 82 000 euros à ces policiers.
Dites-moi Monsieur, comment un étudiant de 21 ans qui vient simplement exprimer sa colère la plus légitime peut-il se retrouver à tenter d’installer un garrot sur le bras d’un inconnu qui vient littéralement de se faire arracher la main sous ses propres yeux, à seulement deux ou trois mètres de lui. Comment en suis-je arrivé là ? Comment en sommes-nous arrivés là ?
Le ministre de l’Intérieur a reçu vendredi les syndicats des forces de l’ordre. Les policiers auraient notamment obtenu la gratuité des transports publics. L’article 24 semble toujours à l’ordre du jour.
Depuis 2017, le gouvernement a emprunté le chemin exactement inverse. La doctrine de maintien de l’ordre mise en œuvre est celle d’une escalade – nasses, armes mutilantes, intervention de services non formées au maintien de l’ordre… – portant atteinte à la liberté de manifester, malgré l’intervention du Conseil constitutionnel pour censurer les dispositions législatives les plus attentatoires. […] Le gouvernement s’est appuyé depuis deux ans, pour contenir les mouvements sociaux, sur une police par ailleurs exsangue, dont les conditions de travail demeurent délétères, et portent les personnels à la désillusion et au repli sur soi […] Il est temps pour nous, magistrats, en lien avec les policiers, de favoriser un réel changement, en portant un regard lucide sur ce que produit le cadre légal, et sa mise en œuvre dans nos pratiques. […] La réponse actuelle du pouvoir en place est exclusivement démagogique, l’émergence de ce débat venant contrecarrer les plans d’un ministre de l’Intérieur choisi à dessein par le président de la République, désireux de muscler son discours sur la sécurité. […] le gouvernement ne répond qu’au coup par coup aux événements de l’actualité pour tenter d’éteindre le feu, en dehors de tout respect des équilibres institutionnels.
Alors que le déploiement de la 5G suscite une large opposition populaire, La Quadrature du Net et la Fédération FDN des fournisseurs d’accès associatifs (FFDN) interpellent aujourd’hui les responsables publics français. L’enjeu ? Œuvrer à la démocratisation des politiques dans le secteur des télécoms. Comment ? En favorisant le développement de réseaux construits et gérés par et pour la population.
M. Macron applique […] sans quasiment de contre-pouvoir institutionnel sa politique néolibérale et une poursuite du recul sidérant des libertés publiques — des libertés bien mal protégées, au demeurant, par une Constitution qui affirme pourtant dans son préambule « son attachement aux droits de l’Homme ». La Constitution de la 5e République devient un bréviaire du despotisme.
L’article 24 de la proposition de loi porte en l’état « atteinte à la liberté d’expression », estime la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
Pourquoi un cours de rue ? Parce que les prières de rue ont permis d’ouvrir les églises. Quoi d’autre ? Et qu’un référé de la conférence des évêques de France a suffi pour que le conseil d’état oblige le gouvernement à exploser le seuil de 30 personnes pour le ramener à un nombre de personnes au mètre carré. Mais que notre référé à nous, universitaires, n’a rien donné. Parce que le jeune président de la startup nation qui était en fait un vieux con comme les autres a décidé que 2,5 millions d’étudiant.e.s seraient les derniers de sa putain de cordée. […] J’ai juste besoin de comprendre pourquoi des gens démographiquement plutôt bardés de comorbidités et de fragilités diverses […] peuvent se retrouver à plus de 6 par mètre carré pour chanter et manger des osties distribuées à la main dans des églises mal ventilées, et pourquoi des jeunes gens et jeunes filles de 18 à 25 ans ont interdiction jusqu’en Février de se retrouver dans des amphis ou dans des salles de cours avec les mêmes jauges et l’ostie en moins
La Commission européenne se plaît à le rappeler : l’encadrement légal des services numériques n’a pas changé depuis la directive dite « e-commerce », en 2000.[…] À ce titre, les plateformes – Facebook par exemple – sont toujours considérées comme des hébergeurs, et non des éditeurs. […] C’est la raison pour laquelle les régulateurs, depuis quinze ans, frappent toujours au même endroit, afin de raccourcir ce délai de réaction. Avec deux dangers majeurs : transformer les géants technologiques en force de police privée, et automatiser leur politique de modération. Pour, au final, renforcer leur pouvoir.
Une coalition de 38 Etats a lancé des poursuites contre le géant de l’Internet pour pratiques anticoncurrentielles. Cet assaut simultané des autorités est « historique », estime le procureur général du Nebraska.
Un petit micro présent sur le bracelet écoute ainsi ce que vous dites puis, comme le rapporte le testeur ahuri du Washington Post, vous signale si vous parlez de manière trop « irritée », « condescendante », « dédaigneuse », « dogmatique » ou « autoritaire ».
The implicit vision guiding most of our integrity work today is one where all human discourse is overseen by perfect, fair, omniscient robots owned by [CEO] Mark Zuckerberg. This is clearly a dystopia, but one so deeply ingrained we hardly notice it any more.
Les campagnes d’affichage s’appuient de plus en plus sur le conditionnement, les émotions ou les pulsions sans qu’aucune caractéristique sur le produit ne soit mentionnée. […] en étant exposé au cours de la semaine à 6 000 publicités (nombre inférieur à la fourchette basse des estimations actuelles), un individu a 99 % de chances de revoir au moins une même publicité quinze fois, ce qui est un nombre suffisant de répétitions pour qu’un conditionnement Pavlovien se produise.
Libéralisme économique et autoritarisme politique alimentèrent dans leurs relations réciproques une crise de légitimité qui ne cessa jusqu’au bout de s’approfondir. […] « La destruction du système de gouvernement parlementaire, rappelle l’historien Christian Witt, ne date ni de Hitler, de Schleicher ou de Papen, mais de Brüning, qui a amorcé le processus en imposant des mesures financières et économiques au moyen de l’article 48 »
Il y a une politique claire, menée par la haute administration pour neutraliser les conséquences du droit et surtout de la loi. C’est un programme antiparlementaire. C’est aussi un programme antienvironnemental. En fin de compte, de quoi le pouvoir de dérogation est-il le nom ? Il ne s’agit rien moins que d’autoriser légalement les préfets à contourner le droit, c’est une atteinte – encore une – à toutes les valeurs que portent la Constitution, la démocratie et la responsabilité politique.
la forme Macron c’est l’envers, c’est l’homme avalé qui se croit toutes forces dehors, qui nie qu’il se trouve en fâcheuse posture. Enfoncé dans sa logique il ne voit ce qui l’entoure que depuis ce qu’il imagine, ne devant son salut qu’à la puissance du reptile qui se sait véritable maitre à bord. La forme Macron du crocodile c’est le libéralisme technophile qui, se frottant au réel, a décidé de faire primer son idée sur ce qu’elle met en œuvre.
La perte de vie due au COVID-19 n’est donc pas un bug dans le système, mais une caractéristique de conception. Puisque le COVID-19 révèle le noyau infecté d’un empire uniquement capable de reproduire la maladie, une réorganisation radicale de la vie à l’échelle mondiale devient un impératif absolu – la question de la révolution est maintenant une question d’évolution. Tout comme un virus insère ses gènes pour transformer le génome de l’hôte, altérant le corps même s’il continue d’assurer ses fonctions habituelles, un processus de reconstitution caché (ou de destitution) précède la rupture sociale.[…] La phase lysogène peut être considérée comme une période de ’paix sociale’, asymptomatique et sans signes visibles de bouleversement. Ces périodes sont l’occasion d’un processus d’incubation, au cours duquel les partisans du réel ont le temps d’infecter le corps social avec des ensembles d’instructions et de cadres codés, de sorte que lorsque la phase lytique s’installe (toujours de manière imprévisible), nous avons des formules auxquelles nous pouvons faire référence tandis que la physique qui soutient notre monde ensemble s’effondre.
Plutôt que nous jeter dans le vide pour en finir, jetons-nous vivement dehors. Allons rappeler aux amnésiques que le but d’une vie pourrait être le bonheur physique, l’événement cyclique de pleine énergie (le mouvement libre, le sport, la souple danse), pas seulement le fait d’échapper à la maladie. Allons montrer que le bonheur social devrait être l’événement libre : non pas seulement le visage à découvert, sans masque et filmé par un drone, mais le visage ouvert, prêt à la fête et aux rondes joyeuses. Allons dire que les visages nous manquent. Allons montrer leur erreur à ceux qui se contraignent à penser, pour supporter les confinements, que tout va mal dehors. Allons au soleil, en forêt, dans la rue…. Faisons-le parce que c’est bon pour notre santé
Samedi dernier, des citoyens pacifiques ont été arrêtés arbitrairement au cœur d’une manifestation qui se déroulait sans accrocs. Entretien avec Olivier Fillieule, sociologue.
Selon l’INSEE, 840 000 emplois pourraient avoir été détruits en France en 2020. La Banque de France estime quant à elle que le phénomène se poursuivra en 2021 avec 350 000 destructions d’emplois.
à la veille de Noël et des débats avec le cousin et la belle-sœur au sujet de Zemmour et du voile islamique, armez-vous de ces quelques infos et d’un peu de patience, et vous partagerez la bûche dans la joie et l’amour.
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Voici la cinquième partie de l’essai que consacre Cory Doctorow au capitalisme de surveillance (parcourir sur le blog les épisodes précédents – parcourir les cinq premiers épisodes en un seul PDF de 50 pages ).
Billet original sur le Medium de OneZero : How To Destroy Surveillance Capitalism
Traduction Framalang : Claire, Fabrice, goofy, Jums,
, anonymesQuand bien même nous exercerions un contrôle démocratique sur nos États et les forcerions à arrêter de piller les silos de données comportementales du capitalisme de surveillance, ce dernier continuera à nous maltraiter. Nous vivons une époque parfaitement éclairée par Zuboff. Son chapitre sur le sanctuaire – ce sentiment de ne pas être observé – est une magnifique ode à l’introspection, au calme, à la pleine conscience et à la tranquillité.
Quand nous sommes observé⋅e, quelque chose change. N’importe quel parent sait ce que cela signifie. Vous pouvez lever la tête de votre bouquin (ou plus vraisemblablement de votre téléphone) et observer votre enfant dans un état profond de réalisation de soi et d’épanouissement, un instant où il est en train d’apprendre quelque chose à la limite de ses capacités, qui demande une concentration intense. Pendant un court laps de temps, vous êtes sidéré⋅e, et vous observez ce moment rare et beau de concentration qui se déroule devant vos yeux, et puis votre enfant lève la tête, vous voit le regarder, et ce moment s’évanouit. Pour grandir, vous devez être vous-même et donner à voir votre moi authentique, c’est à ce moment que vous devenez vulnérable, tel un bernard-l’hermite entre deux coquilles.
Cette partie de vous, tendre et fragile, que vous exposez au monde dans ces moments-là, est bien trop délicate pour être révélée à autrui, pas même à une personne à laquelle vous faites autant confiance qu’un enfant à ses parents.
À l’ère numérique, notre moi authentique est inextricablement mêlé à de notre vie en ligne. Votre historique de recherche est un enregistrement en continu des questions que vous vous posez. Votre historique de géolocalisation est un registre des endroits que vous cherchiez et des expériences que vous avez vécues en ces lieux. Votre réseau social révèle les différentes facettes de votre personnalité ainsi que les gens avec qui vous êtes en contact.
Être observé pendant ces activités, c’est perdre le sanctuaire de votre moi authentique. Mais il y a une autre manière pour le capitalisme de surveillance de nous dérober notre capacité d’être véritablement nous-même : nous rendre anxieux. Ce capitalisme de surveillance n’est pas vraiment un rayon de contrôle mental, pas besoin de ça pour rendre quelqu’un anxieux. Après tout, l’anxiété est le synonyme d’agitation, et pour qu’une personne se sente agitée, il n’y a pas vraiment besoin de la secouer. Il suffit d’aiguillonner et de piquer et de notifier et de bourdonner autour et de bombarder de manière intermittente et juste assez aléatoire pour que notre système limbique ne puisse jamais vraiment s’y habituer.
Nos appareils et nos services sont polyvalents dans le sens où ils peuvent connecter n’importe quoi ou n’importe qui à n’importe quoi ou à n’importe qui d’autre, et peuvent aussi exécuter n’importe quel programme. Cela signifie que ces rectangles de distractions dans nos poches détiennent nos plus précieux moments avec nos proches, tout comme les communications les plus urgentes et les plus sensibles (de « je suis en retard, peux-tu aller chercher les gamins ? » jusqu’à « mauvaise nouvelle du docteur, il faut qu’on parle TOUT DE SUITE »), mais aussi les pubs pour les frigos et les messages de recrutement nazis.
À toute heure du jour ou de la nuit, nos poches sonnent, font voler en éclat notre concentration, détruisent le fragile maillage de nos réflexions quand nous avons besoin de penser des situations difficiles. Si vous enfermiez quelqu’un dans une cellule et que vous l’agitiez de la sorte, on appellerait ça de la torture par privation de sommeil, et ce serait considéré comme un crime de guerre par la Convention de Genève.
Les effets de la surveillance sur notre capacité à être nous-mêmes ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Certain⋅e⋅s d’entre nous ont la chance de vivre à une époque et dans un lieu où tous les faits les plus importants de leur vie sont socialement acceptés et peuvent être exposés au grand jour sans en craindre les conséquences sociales.
Mais pour beaucoup d’entre nous, ce n’est pas le cas. Rappelez-vous que, d’aussi loin qu’on s’en souvienne, de nombreuses façons d’être, considérées aujourd’hui comme socialement acceptables, ont donné lieu à de terribles condamnations sociales, voire à des peines d’emprisonnement. Si vous avez 65 ans, vous avez connu une époque où les personnes vivant dans des « sociétés libres » pouvaient être emprisonnées ou punies pour s’être livrées à des pratiques homosexuelles, pour être tombées amoureuses d’une personne dont la peau était d’une couleur différente de la leur, ou pour avoir fumé de l’herbe.
Aujourd’hui, non seulement ces pratiques sont dépénalisées dans une grande partie du monde, mais en plus, elles sont considérées comme normales, et les anciennes prohibitions sont alors vues comme des vestiges d’un passé honteux et regrettable.
Comment sommes-nous passés de la prohibition à la normalisation ? Par une activité privée et personnelle : les personnes dont l’homosexualité étaient secrète ou qui fumaient de l’herbe en secret, ou qui aimaient quelqu’un d’une couleur de peau différente de la leur en secret, étaient susceptibles de représailles si elles dévoilaient leur moi authentique. On les empêchait de défendre leur droit à exister dans le monde et à être en accord avec elles-mêmes. Mais grâce à la sphère privée, ces personnes pouvaient former des liens forts avec leurs amis et leurs proches qui ne partageaient pas leurs manières de vivre mal vues par la société. Elles avaient des conversations privées dans lesquelles elles se dévoilaient, elles révélaient leur moi authentique à leurs proches, puis les ralliaient à leur cause au fil des conversations.
Le droit de choisir le moment et la manière d’aborder ces conversations a joué un rôle fondamental dans le renversement des normes. C’est une chose de faire son coming out à son père au cours d’une sortie de pêche à l’écart du monde, c’en est une autre de tout déballer pendant le repas de Noël, en présence de son oncle raciste sur Facebook prêt à faire une scène.
Sans sphère privée, il est possible qu’aucun de ces changements n’aurait eu lieu et que les personnes qui en ont bénéficié auraient subi une condamnation sociale pour avoir fait leur coming out face à un monde hostile ou alors elles n’auraient jamais pu révéler leur moi authentique aux personnes qu’elles aiment.
Et donc, à moins que vous ne pensiez que notre société ait atteint la perfection sociale – et que vos petits-enfants vous demanderont dans 50 ans de leur raconter comment, en 2020, toutes les injustices ont été réparées et qu’il n’y avait plus eu de changement à apporter –, vous devez vous attendre à ce qu’en ce moment même figurent parmi vos proches des personnes, dont le bonheur est indissociable du vôtre, et dont le cœur abrite un secret qui les empêche toujours de dévoiler leur moi authentique en votre présence. Ces personnes souffrent et emporteront leur chagrin secret dans leur tombe, et la source de ce chagrin, ce sera les relations faussées qu’elles entretenaient avec vous.
Une sphère privée est nécessaire au progrès humain.
L’absence de vie privée peut empêcher les personnes vulnérables d’exprimer leur moi authentique et limiter nos actions en nous privant d’un sanctuaire. Mais il existe un autre risque, encouru par tous et pas seulement par les personnes détenant un secret : la criminalité.
Les informations d’identification personnelle présentent un intérêt très limité pour contrôler l’esprit des gens, mais le vol d’identité – terme fourre-tout pour désigner toute une série de pratiques délictueuses graves, susceptibles de détruire vos finances, de compromettre votre intégrité personnelle, de ruiner votre réputation, voire de vous exposer à un danger physique – est en pleine expansion.
Les attaquants ne se limitent pas à utiliser des données issues de l’intrusion dans une seule et même source.
De nombreux services ont subi des violations qui ont révélé des noms, des adresses, des numéros de téléphone, des mots de passe, des préférences sexuelles, des résultats scolaires, des réalisations professionnelles, des démêlés avec la justice, des informations familiales, des données génétiques, des empreintes digitales et autres données biométriques, des habitudes de lecture, des historiques de recherche, des goûts littéraires, des pseudonymes et autres données sensibles. Les attaquants peuvent fusionner les données provenant de ces violations pour constituer des dossiers très détaillés sur des sujets choisis au hasard, puis utiliser certaines parties des données pour commettre divers délits.
Les attaquants peuvent, par exemple, utiliser des combinaisons de noms d’utilisateur et de mots de passe dérobés pour détourner des flottes entières de véhicules commerciaux équipés de systèmes de repérage GPS et d’immobilisation antivol, ou pour détourner des babyphones afin de terroriser les tout-petits en diffusant du contenu audio pornographique. Les attaquants utilisent les données divulguées pour tromper les opérateurs téléphoniques afin qu’ils leur communiquent votre numéro de téléphone, puis ils interceptent des codes d’authentification à deux facteurs par SMS pour pirater votre courrier électronique, votre compte bancaire ou vos portefeuilles de crypto-monnaie.
Les attaquants rivalisent de créativité pour trouver des moyens de transformer les données divulguées en armes. Ces données sont généralement utilisées pour pénétrer dans les entreprises afin d’accéder à davantage de données.
Tout comme les espions, les fraudeurs en ligne dépendent entièrement des entreprises qui collectent et conservent nos données à outrance. Les agences d’espionnage paient voire intimident parfois des entreprises pour avoir accès à leurs données, elles peuvent aussi se comporter comme des délinquants et dérober du contenu de bases de données d’entreprises.
La collecte excessive de données entraîne de graves conséquences sociales, depuis la destruction de notre moi authentique jusqu’au recul du progrès social, de la surveillance de l’État à une épidémie de cybercriminalité. La surveillance commerciale est également une aubaine pour les personnes qui organisent des campagnes d’influence, mais c’est le cadet de nos soucis.
Les géants de la tech ont longtemps pratiqué un exceptionnalisme technologique : cette idée selon laquelle ils ne devraient pas être soumis aux lois et aux normes du commun des mortels. Des devises comme celle de Facebook « Move fast and break things » [avancer vite et casser des choses, NdT] ont provoqué un mépris compréhensible envers ces entreprises à la rhétorique égoïste.
L’exceptionnalisme technologique nous a tous mis dans le pétrin. Il est donc assez ironique et affligeant de voir les critiques des géants de la tech commettre le même péché.
Les géants de la tech ne forment pas un « capitalisme voyou » qui ne peut être guéri par les remèdes traditionnels anti-monopole que sont le démantèlement des trusts (forcer les entreprises à se défaire des concurrents qu’elles ont acquis) et l’interdiction des fusions monopolistiques et autres tactiques anticoncurrentielles. Les géants de la tech n’ont pas le pouvoir d’utiliser l’apprentissage machine pour influencer notre comportement de manière si approfondie que les marchés perdent la capacité de punir les mauvais acteurs et de récompenser les concurrents vertueux. Les géants de la tech n’ont pas de rayon de contrôle mental qui réécrit les règles, si c’était le cas, nous devrions nous débarrasser de notre vieille boîte à outils.
Cela fait des siècles que des gens prétendent avoir mis au point ce rayon de contrôle mental et cela s’est toujours avéré être une arnaque, même si parfois les escrocs se sont également arnaqués entre eux.
Depuis des générations, le secteur de la publicité améliore constamment sa capacité à vendre des services publicitaires aux entreprises, tout en ne réalisant que des gains marginaux sur la vente des produits de ces entreprises. La complainte de John Wanamaker selon laquelle « La moitié de l’argent que je dépense en publicité est gaspillée, mais je ne sais pas quelle moitié » témoigne du triomphe des directeurs de la publicité qui ont réussi à convaincre Wanamaker que la moitié seulement de ce qu’il dépense était gaspillée.
L’industrie technologique a fait d’énormes progrès dans la capacité à convaincre les entreprises qu’elles sont douées pour la publicité, alors que leurs améliorations réelles en matière de publicité, par opposition au ciblage, ont été plutôt modestes. La vogue de l’apprentissage machine – et l’invocation mystique de l’« intelligence artificielle » comme synonyme de techniques d’inférence statistique directe – a considérablement renforcé l’efficacité du discours commercial des géants de la tech, car les spécialistes du marketing ont exploité le manque de connaissance technique des clients potentiels pour s’en tirer avec énormément de promesses et peu de résultats.
Il est tentant de penser que si les entreprises sont prêtes à déverser des milliards dans un projet, celui-ci doit être bon. Pourtant, il arrive souvent que cette règle empirique nous fasse faire fausse route. Par exemple, on n’a pratiquement jamais entendu dire que les fonds d’investissement surpassent les simples fonds indiciels, et les investisseurs qui confient leur argent à des gestionnaires de fonds experts s’en sortent généralement moins bien que ceux qui confient leur épargne à des fonds indiciels. Mais les fonds gérés représentent toujours la majorité de l’argent investi sur les marchés, et ils sont soutenus par certains des investisseurs les plus riches et les plus pointus du monde. Leur vote de confiance dans un secteur aussi peu performant est une belle leçon sur le rôle de la chance dans l’accumulation de richesses, et non un signe que les fonds de placement sont une bonne affaire.
Les affirmations du système de contrôle mental des géants de la tech laissent à penser que cette pratique est une arnaque. Par exemple, avec le recours aux traits de personnalité des « cinq grands » comme principal moyen d’influencer les gens, même si cette théorie des cinq grands n’est étayée par aucune étude à grande échelle évaluée par des pairs, et qu’elle est surtout l’apanage des baratineurs en marketing et des psychologues pop.
Le matériel promotionnel des géants de la tech prétend aussi que leurs algorithmes peuvent effectuer avec précision une « analyse des sentiments » ou détecter l’humeur des gens à partir de leurs « micro-expressions », mais il s’agit là d’affirmations marketing et non scientifiques. Ces méthodes n’ont pas été testées par des scientifiques indépendants, et lorsqu’elles l’ont été, elles se sont révélées très insuffisantes. Les micro-expressions sont particulièrement suspectes car il a été démontré que les entreprises spécialisées dans la formation de personnes pour les détecter sont moins performantes que si on laissait faire le hasard.
Les géants de la tech ont été si efficaces pour commercialiser leurs soi-disant super-pouvoirs qu’il est facile de croire qu’elles peuvent commercialiser tout le reste avec la même habileté, mais c’est une erreur de croire au baratin du marketing. Aucune déclaration d’une entreprise sur la qualité de ses produits n’est évidemment impartiale. Le fait que nous nous méfions de tout ce que disent les géants de la tech sur le traitement des données, le respect des lois sur la protection de la vie privée, etc. est tout à fait légitime, car pourquoi goberions-nous la littérature marketing comme s’il s’agissait d’une vérité d’évangile ? Les géants de la tech mentent sur à peu près tout, y compris sur le fonctionnement de leurs systèmes de persuasion alimentés par l’apprentissage automatique.
Ce scepticisme devrait imprégner toutes nos évaluations des géants de la tech et de leurs capacités supposées, y compris à la lecture attentive de leurs brevets. Zuboff confère à ces brevets une importance énorme, en soulignant que Google a revendiqué de nouvelles capacités de persuasion dans ses dépôts de brevets. Ces affirmations sont doublement suspectes : d’abord parce qu’elles sont très intéressées, et ensuite parce que le brevet lui-même est notoirement une invitation à l’exagération.
Les demandes de brevet prennent la forme d’une série de revendications et vont des plus étendues aux plus étroites. Un brevet typique commence par affirmer que ses auteurs ont inventé une méthode ou un système permettant de faire absolument tout ce qu’il est possible d’imaginer avec un outil ou un dispositif. Ensuite, il réduit cette revendication par étapes successives jusqu’à ce que nous arrivions à l’« invention » réelle qui est le véritable objet du brevet. L’espoir est que la personne qui passe en revue les demandes de brevets – qui est presque certainement surchargée de travail et sous-informée – ne verra pas que certaines (ou toutes) ces revendications sont ridicules, ou du moins suspectes, et qu’elle accordera des prétentions plus larges du brevet. Les brevets portant sur des choses non brevetables sont tout de même très utiles, car ils peuvent être utilisés contre des concurrents qui pourraient accorder une licence sur ce brevet ou se tenir à l’écart de ses revendications, plutôt que de subir le long et coûteux processus de contestation.
De plus, les brevets logiciels sont couramment accordés même si le déposant n’a aucune preuve qu’il peut faire ce que le brevet prétend. C’est-à-dire que vous pouvez breveter une « invention » que vous n’avez pas réellement faite et que vous ne savez pas comment faire.
Avec ces considérations en tête, il devient évident que le fait qu’un Géant de la tech ait breveté ce qu’il qualifie de rayon efficace de contrôle mental ne permet nullement de savoir si cette entreprise peut effectivement contrôler nos esprits.
Les géants de la tech collectent nos données pour de nombreuses raisons, y compris la diminution du rendement des stocks de données existants. Mais de nombreuses entreprises technologiques collectent également des données en raison d’une croyance exceptionnaliste erronée aux effets de réseau des données. Les effets de réseau se produisent lorsque chaque nouvel utilisateur d’un système augmente sa valeur. L’exemple classique est celui des télécopieurs [des fax NdT] : un seul télécopieur ne sert à rien, deux télécopieurs sont d’une utilité limitée, mais chaque nouveau télécopieur mis en service après le premier double le nombre de liaisons possibles de télécopie à télécopie.
Les données exploitées pour les systèmes prédictifs ne produisent pas nécessairement ces bénéfices. Pensez à Netflix : la valeur prédictive des données extraites d’un million d’utilisateurs anglophones de Netflix n’est guère améliorée par l’ajout des données de visualisation d’un utilisateur supplémentaire. La plupart des données que Netflix acquiert après ce premier échantillon minimum viable font double emploi avec des données existantes et ne produisent que des gains minimes. En attendant, le recyclage des modèles avec de nouvelles données devient plus cher à mesure que le nombre de points de données augmente, et les tâches manuelles comme l’étiquetage et la validation des données ne deviennent pas moins chères lorsqu’on augmente l’ordre de grandeur.
Les entreprises font tout le temps la course aux modes au détriment de leurs propres profits, surtout lorsque ces entreprises et leurs investisseurs ne sont pas motivés par la perspective de devenir rentables mais plutôt par celle d’être rachetés par un Géant de la tech ou d’être introduits en Bourse. Pour ces entreprises, cocher des cases à la mode comme « collecte autant de données que possible » pourrait permettre d’obtenir un meilleur retour sur investissement que « collecte une quantité de données adaptée à l’entreprise ».
C’est un autre dommage causé par l’exceptionnalisme technologique : la croyance selon laquelle davantage de données produit toujours plus de profits sous la forme de plus d’informations qui peuvent être traduites en de meilleurs rayons de contrôle mental. Cela pousse les entreprises à collecter et à conserver des données de manière excessive, au-delà de toute rationalité. Et comme les entreprises se comportent de manière irrationnelle, bon nombre d’entre elles vont faire faillite et devenir des navires fantômes dont les cales sont remplies de données qui peuvent nuire aux gens de multiples façons, mais dont personne n’est plus responsable. Même si les entreprises ne font pas faillite, les données qu’elles collectent sont maintenues en-deça de la sécurité minimale viable – juste assez de sécurité pour maintenir la viabilité de l’entreprise en attendant d’être rachetées par un Géant de la tech, un montant calculé pour ne pas dépenser un centime de trop pour la protection des données.
Pendant la première décennie de son existence, Facebook est entré en concurrence avec les réseaux sociaux de l’époque (Myspace, Orkut, etc) en se présentant comme l’alternative respectant de la vie privée. De fait, Facebook a justifié son jardin clos, qui permet aux utilisateurs d’y amener des données du Web, mais empêche les services tels que Google Search d’indexer et de mémoriser les pages Facebook, en tant que mesure de respect de la vie privée qui protège les utilisateurs des heureux gagnants de la bataille des réseaux sociaux comme Myspace.
En dépit des fréquentes promesses disant qu’il ne collecterait ou n’analyserait jamais les données de ses utilisateurs, Facebook a lancé à intervalles réguliers des initiatives exactement dans ce but, comme le sinistre Beacon tool, qui vous espionne lorsque vous surfez sur le Web puis ajoute vos activités sur le web à votre timeline publique, permettant à vos amis de surveiller vos habitudes de navigation. Beacon a suscité une révolte des utilisateurs. À chaque fois, Facebook a renoncé à ses actions de surveillance, mais jamais complètement ; inévitablement, le nouveau Facebook vous surveillera plus que l’ancien Facebook, mais moins que le Facebook intermédiaire qui suit le lancement d’un nouveau produit ou service.
Le rythme auquel Facebook a augmenté ses efforts de surveillance semble lié au climat compétitif autour de Facebook. Plus Facebook avait de concurrents, mieux il se comportait. À chaque fois qu’un concurrent majeur s’est effondré, le comportement de Facebook s’est notablement dégradé.
Dans le même temps, Facebook a racheté un nombre prodigieux d’entreprises, y compris une société du nom de Onavo. À l’origine, Onavo a créé une application mobile pour suivre l’évolution de la batterie. Mais les permissions que demandaient Onavo étaient telles que l’appli était capable de recueillir de façon très précise l’intégralité de ce que les utilisateurs font avec leurs téléphones, y compris quelles applis ils utilisent et comment.
Avec l’exemple d’Onavo, Facebook a découvert qu’il était en train de perdre des parts de marché au profit de Snapchat, une appli qui, comme Facebook une décennie plus tôt, se vend comme l’alternative qui respecte la vie privée par rapport au statu quo . À travers Onavo, Facebook a pu extraire des données des appareils des utilisateurs de Snapchat, que ce soient des utilisateurs actuels ou passés. Cela a poussé Facebook à racheter Instagram, dont certaines fonctionnalités sont concurrentes de Snapchat, et a permis à Facebook d’ajuster les fonctionnalités d’Instagram ainsi que son discours marketing dans le but d’éroder les gains de Snapchat et s’assurer que Facebook n’aurait pas à faire face aux pressions de la concurrence comme celles subies par le passé par Myspace et Orkut.
La manière dont Facebook a écrasé Snapchat révèle le lien entre le monopole et le capitalisme de surveillance. Facebook a combiné la surveillance avec une application laxiste des lois antitrust pour repérer de loin la menace de la concurrence par Snapchat et pour prendre des mesures décisives à son encontre. Le capitalisme de surveillance de Facebook lui a permis d’éviter la pression de la concurrence avec des tactiques anti-compétitives. Les utilisateurs de Facebook veulent toujours de la confidentialité, Facebook n’a pas utilisé la surveillance pour les convaincre du contraire, mais ils ne peuvent pas l’obtenir car la surveillance de Facebook lui permet de détruire tout espoir d’émergence d’un rival qui lui fait concurrence sur les fonctionnalités de confidentialité.
Un mouvement de décentralisation a essayé d’éroder la domination de Facebook et autres entreprises des géants de la tech en proposant des alternatives sur le Web indépendant (indieweb) : Mastodon en alternative à Twitter, Diaspora en alternative à Facebook, etc, mais ces efforts ont échoué à décoller.
Fondamentalement, chacun de ces services est paralysé par le même problème : tout utilisateur potentiel d’une alternative de Facebook ou Twitter doit convaincre tous ses amis de le suivre sur une alternative décentralisée pour pouvoir continuer à avoir les bénéfices d’un média social. Pour beaucoup d’entre nous, la seule raison pour laquelle nous avons un compte Facebook est parce que nos amis ont des comptes Facebook, et la raison pour laquelle ils ont des comptes Facebook est que nous avons des comptes Facebook.
Tout cela a contribué à faire de Facebook, et autres plateformes dominantes, des « zones de tir à vue » dans lesquelles aucun investisseur ne financera un nouveau venu.
Et pourtant, tous les géants d’aujourd’hui sont apparus malgré l’avantage bien ancré des entreprises qui existaient avant eux. Pour comprendre comment cela a été possible, il nous faut comprendre l’interopérabilité et l’interopérabilité antagoniste.
L’« interopérabilité » est la capacité qu’ont deux technologies à fonctionner l’une avec l’autre : n’importe qui peut fabriquer un disque qui jouera sur tous les lecteurs de disques, n’importe qui peut fabriquer un filtre que vous pourrez installer sur la ventilation de votre cuisinière, n’importe qui peut fabriquer l’essence pour votre voiture, n’importe qui peut fabriquer un chargeur USB pour téléphone qui fonctionnera dans votre allume-cigare, n’importe qui peut fabriquer une ampoule qui marchera dans le culot de votre lampe, n’importe qui peut fabriquer un pain qui grillera dans votre grille-pain.
L’interopérabilité est souvent une source d’innovation au bénéfice du consommateur : Apple a fabriqué le premier ordinateur personnel viable commercialement, mais des millions de vendeurs de logiciels indépendants ont fait des programmes interopérables qui fonctionnaient sur l’Apple II Plus. La simple antenne pour les entrées analogiques à l’arrière des téléviseurs a d’abord permis aux opérateurs de câbles de se connecter directement aux télévisions, puis ont permis aux entreprises de consoles de jeux et ensuite aux ordinateurs personnels d’utiliser une télévision standard comme écran. Les prises téléphoniques RJ11 standardisées ont permis la production de téléphones par divers vendeurs avec divers formes, depuis le téléphone en forme de ballon de foot reçu en cadeau d’abonnement de Sports Illustrated, aux téléphones d’affaires avec haut-parleurs, mise en attente, et autres, jusqu’aux répondeurs et enfin les modems, ouvrant la voie à la révolution d’Internet.
On utilise souvent indifféremment « interopérabilité » et « standardisation », qui est le processus pendant lequel les fabricants et autres concernés négocient une liste de règles pour l’implémentation d’une technologie, comme les prises électriques de vos murs, le bus de données CAN utilisé par le système de votre voiture, ou les instructions HTML que votre navigateur internet interprète.
Mais l’interopérabilité ne nécessite pas la standardisation, en effet la standardisation émerge souvent du chaos de mesures d’interopérabilité ad hoc. L’inventeur du chargeur USB dans l’allume-cigare n’a pas eu besoin d’avoir la permission des fabricants de voitures ou même des fabricants des pièces du tableau de bord. Les fabricants automobiles n’ont pas mis en place des contre-mesures pour empêcher l’utilisation de ces accessoires d’après-vente par leurs consommateurs, mais ils n’ont pas non plus fait en sorte de faciliter la vie des fabricants de chargeurs. Il s’agit d’une forme d’« interopérabilité neutre ».
Au-delà de l’interopérabilité neutre, il existe l’« interopérabilité antagoniste ». C’est quand un fabricant crée un produit qui interagit avec le produit d’un autre fabricant en dépit des objections du deuxième fabricant, et cela même si ça nécessite de contourner un système de sécurité conçu pour empêcher l’interopérabilité.
Le type d’interopérabilité antagoniste le plus usuel est sans doute les cartouches d’encre d’imprimantes par des fournisseurs tiers. Les fabricants d’imprimantes affirment qu’ils vendent les imprimantes en-dessous de leur coût et que leur seul moyen de récupérer les pertes est de se constituer une marge élevée sur les encres. Pour empêcher les propriétaires d’imprimantes d’acheter leurs cartouches ailleurs, les entreprises d’imprimantes appliquent une série de systèmes de sécurité anti-consommateurs qui détectent et rejettent les cartouches re-remplies ou par des tiers.
Les propriétaires d’imprimantes quant à eux défendent le point de vue que HP et Epson et Brother ne sont pas des œuvres caritatives et que les consommateurs de leurs produits n’ont aucune obligation à les aider à survivre, et donc que si ces entreprises choisissent de vendre leurs produits à perte, il s’agit de leur choix stupide et à eux d’assumer les conséquences. De même, les compétiteurs qui fabriquent des cartouches ou les re-remplissent font remarquer qu’ils ne doivent rien aux entreprises d’imprimantes, et que le fait qu’ils érodent les marges de ces entreprises est le problème de celles-ci et non celui de leurs compétiteurs. Après tout, les entreprises d’imprimantes n’ont aucun scrupule à pousser un re-remplisseur à fermer boutique, donc pourquoi est-ce que les re-remplisseurs devraient se soucier de la bonne santé économique des entreprises d’imprimantes ?
L’interopérabilité antagoniste a joué un rôle hors normes dans l’histoire de l’industrie tech : depuis la création du « alt.* » dans l’architecture de Usenet (qui a commencé à l’encontre des souhaits des responsables de Usenet et qui s’est développé au point d’être plus important que tout le Usenet combiné) à la guerre des navigateurs (lorsque Netscape et Microsoft ont dépensé d’énormes ressources en ingénierie pour faire en sorte que leur navigateur soit incompatible avec les fonctionnalités spéciales et autres peccadilles de l’autre) à Facebook (dont le succès a entre autres été dû au fait qu’il a aidé ses nouveaux utilisateurs en leur permettant de rester en contact avec les amis qu’ils ont laissés sur Myspace parce que Facebook leur a fourni un outil pour s’emparer des messages en attente sur Myspace et les importer sur Facebook, créant en pratique un lecteur Myspace basé sur Facebook).
Aujourd’hui, la validation par le nombre est considérée comme un avantage inattaquable. Facebook est là où tous vos amis sont, donc personne ne peut fonder un concurrent à Facebook. Mais la compatibilité antagoniste retourne l’avantage concurrentiel : si vous êtes autorisés à concurrencer Facebook en proposant un outil qui importe les messages en attente sur Facebook de tous vos utilisateurs dans un environnement qui est compétitif sur des terrains que Facebook ne pourra jamais atteindre, comme l’élimination de la surveillance et des pubs, alors Facebook serait en désavantage majeur. Vous aurez rassemblé tous les potentiels ex-utilisateurs de Facebook sur un unique service facile à trouver. Vous les auriez éduqués sur la façon dont un service Facebook-like fonctionne et quels sont ses potentiels avantages, et vous aurez fourni un moyen simple aux utilisateurs mécontents de Facebook pour dire à leurs amis où ils peuvent trouver un meilleur traitement.
L’interopérabilité antagoniste a été la norme pendant un temps et une contribution clef à une scène tech dynamique et vibrante, mais à présent elle est coincée derrière une épaisse forêt de lois et règlements qui ajoutent un risque légal aux tactiques éprouvées de l’interopérabilité antagoniste. Ces nouvelles règles et les nouvelles interprétations des règles existantes signifient qu’un potentiel « interopérateur » antagoniste aura besoin d’échapper aux réclamations de droits d’auteurs, conditions de service, secret commercial, ingérence et brevets.
En l’absence d’un marché concurrentiel, les faiseurs de lois ont délégué des tâches lourdes et gouvernementales aux sociétés de Big Tech, telles que le filtrage automatique des contributions des utilisateurs pour la violation des droits d’auteur ou pour des contenus terroristes et extrémistes ou pour détecter et empêcher le harcèlement en temps réel ou encore pour contrôler l’accès au contenu sexuel.
Ces mesures ont fixé une taille minimale à partir de laquelle on peut faire du Big Tech, car seules les très grandes entreprises peuvent se permettre les filtres humains et automatiques nécessaires pour se charger de ces tâches.
Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle rendre les plateformes responsables du maintien de l’ordre parmi leurs utilisateurs mine la compétition. Une plateforme qui est chargée de contrôler le comportement de ses utilisateurs doit empêcher de nombreuses techniques vitales à l’interopérabilité antagoniste de peur qu’elles ne contreviennent à ses mesures de contrôle. Par exemple si quelqu’un utilisant un remplaçant de Twitter tel que Mastodon est capable de poster des messages sur Twitter et de lire des messages hors de Twitter, il pourrait éviter les systèmes automatiques qui détectent et empêchent le harcèlement (tels que les systèmes qui utilisent le timing des messages ou des règles basées sur les IP pour estimer si quelqu’un est un harceleur).
Au point que nous sommes prêts à laisser les géants de la tech s’autocontrôler, plutôt que de faire en sorte que leur industrie soit suffisamment limitée pour que les utilisateurs puissent quitter les mauvaises plateformes pour des meilleures et suffisamment petites pour qu’une réglementation qui ferait fermer une plateforme ne détruirait pas l’accès aux communautés et données de milliards d’utilisateurs, nous avons fait en sorte que les géants de la tech soient en mesure de bloquer leurs concurrents et qu’il leur soit plus facile de demander un encadrement légal des outils pour bannir et punir les tentatives à l’interopérabilité antagoniste.
En définitive, nous pouvons essayer de réparer les géants de la tech en les rendant responsables pour les actes malfaisants de ses utilisateurs, ou bien nous pouvons essayer de réparer Internet en réduisant la taille de géants. Mais nous ne pouvons pas faire les deux. Pour pouvoir remplacer les produits des géants d’aujourd’hui, nous avons besoin d’éclaircir la forêt légale qui empêche l’interopérabilité antagoniste de façon à ce que les produits de demain, agiles, personnels, de petite échelle, puissent se fédérer sur les géants tels que Facebook, permettant aux utilisateurs qui sont partis à continuer à communiquer avec les utilisateurs qui ne sont pas encore partis, envoyant des vignes au-dessus du mur du jardin de Facebook afin que les utilisateurs piégés de Facebook puissent s’en servir afin de grimper aux murs et de s’enfuir, accédant au Web ouvert et global.
(à suivre)
Aujourd’hui spécial copinage, mais quand un projet libre est porté par des valeurs et des convictions que nous partageons, il serait dommage de ne pas vous en faire profiter.
Un (encore) jeune développeur indépendant qui envisage lucidement de vivre de son travail et le documente soigneusement, ça mérite une interview qui pourra donner des idées à plusieurs, du moins espérons-le.
Bon allez Marien dis-leur qu’on te connaît un peu par ici, balance ta bio vite fait…
Mince, je suis démasqué ! C’est vrai que ça fait un moment que je traîne mes basques chez Framasoft, puisque j’ai rejoint l’association en 2015. J’ai la chance d’avoir vécu sa renaissance avec la campagne Dégooglisons Internet, puis Contributopia. Mon plus grand fait de claviers a été de mettre en place Framaboard. Depuis, j’essaie surtout de faire des choses en interne quand l’énergie m’en prend, comme prendre soin de notre wiki. On m’a également vu faire quelques mèmes (ça vous dit quelque chose l’interview de la #teamMémé ?). Pour terminer, je suis devenu coprésident de l’asso en 2019. Voilà, pour l’aspect « conflit d’intérêts », c’est fait !
À part ça, j’ai une formation d’ingénieur en informatique et suis principalement développeur. Je suis tombé dans la marmite du logiciel libre quand j’étais lycéen et tout ce que j’ai pu développer ou écrire sur mon temps libre a toujours été placé sous une licence libre. Le logiciel que j’ai initié et qui a reçu le plus large (et meilleur) accueil est FreshRSS, un agrégateur de flux RSS (un outil pour centraliser les articles de plein de sites différents). Je m’en suis éloigné quelques années, laissant à la communauté le soin de s’en occuper, j’y reviens par le biais de Flus.
Si vous voulez en savoir plus et que vous êtes du côté de Grenoble, c’est toujours un plaisir d’aller boire un coup ensemble ou se croiser aux Contrib’ateliers (hors période de conf… vous avez compris hein).
Comment se prononce ton projet ? Flu ? Flusse ? Fluzio ? Fluzefreu ?
Flûte !
Plus sérieusement, je prononce « Flu », comme « flux », et je ne comprends pas pourquoi absolument tout le monde semble vouloir prononcer « Flusse ». Mais honnêtement, ce n’est pas grave : chacun‧e sa prononciation ! Les variantes ont tendance à m’amuser et, à vrai dire, je trouve fluzio plutôt sympa à prononcer.
En fait, prononcez comme vous le souhaitez, mais soyez créati‧ves !
Ça sert à quoi, Flus ? Il y a déjà des agrégateurs de flux, j’en ai un, avec plein de trucs dedans d’ailleurs.
Pourquoi passer à Flus ? Et d’abord est-ce que ce sera facile ?
La première chose à savoir c’est qu’il y avait Flus 1, agrégateur de flux RSS, et désormais Flus 2, média social de veille.
Le premier Flus, celui que j’ai lancé fin novembre 2019, est un service basé sur FreshRSS. Il est accessible à l’adresse flus.io. Ce service était un ballon d’essai : je voulais me frotter à la mise en place d’un service payant en ligne pour essayer d’en vivre sans savoir exactement ce que ça impliquait. Il s’agit d’un agrégateur de flux RSS standard que j’ai du mal à vendre puisqu’il existe pléthore d’alternatives. Je n’avais de toutes façons pas pour ambition de vendre un simple agrégateur de flux RSS : je voulais faire évoluer le logiciel. Toutefois, la base de code commence à dater (les premières lignes datent de 2011) et il aurait été compliqué de l’amener dans la direction radicalement différente que j’envisageais. C’est ainsi qu’est né Flus, deuxième du nom.
Flus 2, c’est donc maintenant un nouveau service, sur la base d’un logiciel tout neuf. Il a ouvert ses portes récemment, le 11 décembre, en version bêta à l’adresse flus.fr. Concrètement, il s’agit pour l’instant de stockage de liens couplé à un système de suggestions de lecture. Il permet notamment de placer les liens que l’on souhaite consulter plus tard dans ses « signets ». Le journal fait ensuite des suggestions de lecture depuis ces derniers, ainsi qu’à partir des liens partagés par les autres utilisateur‧ices, en fonction de notre temps disponible. C’est une manière de s’informer sans se perdre dans un fil d’actualités sans fin. Enfin, les liens que l’on trouve intéressants peuvent être rangés dans des collections thématiques, à partager avec le reste de la communauté !
L’une des caractéristiques importantes dans ce projet, c’est qu’il est conçu dès le départ en collaboration avec une UX designer : Maiwann, que certain⋅es connaissent bien par ici. Nous faisons en effet notre maximum pour rendre le service le plus facile d’utilisation possible : lorsqu’on détecte un problème d’utilisabilité, on tente de le corriger. C’est pourquoi les retours sont très importants !
Mon projet est de réaliser ensuite un service qui permette de s’informer en ligne en lui associant la puissance des fonctionnalités sociales (ce que n’ont en général pas les agrégateurs de flux RSS), mais en repensant en profondeur les interactions des utilisateurs et utilisatrices (que j’identifie comme un gros problème sur Twitter, Facebook, ou même Mastodon). Les prochaines étapes importantes pour Flus 2 devrait donc être le support des flux RSS (pour avoir plus de contenu sur la plateforme), puis les interactions au sein de communautés.
Tu dis que tu proposes Flus comme « un lieu apaisé », qu’est-ce que c’est que ce truc-là ? Une appli pour lire les nouvelles en faisant du yoga ?
Lorsque j’ai présenté Flus comme « un lieu apaisé », c’était pour l’identifier en opposition aux réseaux sociaux plus traditionnels.
Sur la plupart des réseaux sociaux (ex. Twitter, Mastodon), n’importe qui peut interagir avec n’importe qui. Comme tout est public par défaut, on se retrouve avec des interactions non sollicitées, des « clashs » entre personnes qui ne peuvent de toutes façons pas se blairer, ou encore des incompréhensions dues au fait qu’on ne se connaît tout simplement pas. Il y a une dimension très libérale à ce type d’expérience utilisateur qui permet à chacun de discuter avec chacune (et inversement). Je regrette que cette vision se soit imposée au point d’être devenue incontournable.
Avec Flus je compte explorer un imaginaire différent en me basant sur la notion de communauté que je tire initialement de Mastodon, et qui me semble être une conséquence heureuse du choix technique de la fédération (un protocole qui permet à des personnes sur différents serveurs de discuter entre elles). Au sein de Flus, pas de fédération prévue pour l’instant : les communautés seront un concept intrinsèque au service. Elles se construiront de préférence entre personnes qui se connaissent, avec des avis globalement convergents et une manière de penser proche. Les interactions ne seront possibles par défaut qu’au sein des communautés.
Cette manière de faire pose évidemment la question de la bulle de filtre et du cloisonnement des idées, j’en suis bien conscient. Les interactions entre communautés seront donc possibles, mais sur la base de la sollicitation et de l’acceptation de chaque partie.
Il faudra penser les outils et mécanismes intelligemment afin de permettre une expérience riche, améliorant la qualité générale des échanges, avec des communautés qui fassent corps pour protéger les individus, sans pour autant les cloisonner. Il devrait également être possible d’ouvrir son espace individuel, mais ce ne sera pas activé par défaut.
C’est beaucoup de boulot, mais je le trouve extrêmement enthousiasmant. Mais enfin, c’est notre boulot à Maiwann et moi ! Le vôtre serait plutôt de nous prévenir des risques et problèmes que nos solutions lèvent. Si nous arrivons à relever le défi, alors nous aurons effectivement ce que j’appelle « un lieu apaisé » qui manque selon moi cruellement.
Dis donc tu ne gagnes pas trop de sous avec Flus tu as un gagne-pain à côté ? (comme hélas un tas de développeurs du libre qui ont un side-project) Ou bien alors c’est quoi donc ton business model ?
Flus est un service payant et je souhaite réussir à en vivre. J’ai défini mon tarif de manière transparente dans un billet de blog, soit 3 € par mois ou 30 € par an. À cela, j’ai ajouté un système de cagnotte commune : celleux qui ont des moyens suffisants peuvent payer un peu plus, tandis que les personnes qui ne sont pas prêtes à payer ou n’en ont pas les moyens peuvent bénéficier de la générosité des premières. Le service reste ainsi abordable à n’importe qui et moi, je peux me payer à manger.
C’est aujourd’hui mon activité principale, mais c’est vrai que la première année n’a pas été évidente. Vendre un agrégateur de flux RSS n’est pas aisé puisqu’il en existe déjà beaucoup. Si on prend une casquette marketing : le marché est saturé ! Je remercie infiniment les personnes qui m’ont soutenu jusque-là, certaines ont même renouvelé leur abonnement plusieurs fois. Leur aide m’a permis de couvrir les charges et de démarrer.
Heureusement, j’ai eu le privilège de quitter mon précédent boulot sur la base d’une rupture conventionnelle. Cela m’a permis de vivre pendant 2 ans grâce au chômage sans avoir à trop me soucier des questions d’argent et donc consacrer mon temps à Flus l’année passée. J’arrive néanmoins en fin de droits, je vais donc désormais vivre en grande partie sur mes économies. Les mois qui vont suivre vont être déterminants pour savoir si je peux vivre de Flus ou non. J’ai différents plans en fonction du revenu que je serai en mesure de générer, allant de la reconversion professionnelle (eh oui !) à la poursuite du projet.
Le lancement du nouveau service m’a permis de confirmer qu’il y avait une attente et l’accueil a été chaleureux. Ce mois de décembre aura été le meilleur depuis le début de mon activité en termes de chiffre d’affaires. Je suis confiant dans le fait que les fonctionnalités qui arriveront par la suite sauront combler un public encore plus large. Rendez-vous dans quelques mois pour savoir si j’ai transformé l’essai ?
Tu as fait l’effort de documenter toute ta démarche et l’évolution de Flus sur ton blog : pourquoi prendre le temps de le raconter ?
Oui, tu parles du carnet. Pour moi, le libre c’est le partage et ça dépasse le logiciel. J’avais envie de documenter mon parcours d’une manière que je connais : en tenant un blog. Ça a été ma démarche dès les prémices du projet puisque, avant d’ouvrir le carnet, j’ai même commencé à en parler sur mon blog personnel.
C’est, d’une certaine manière, un moyen de remercier toutes celles et ceux qui ont partagé avant moi leur démarche. Je pense notamment à nicosomb avec wallabag.it, à la série d’interviews « vivre du logiciel libre » sur LinuxFR, mais également aux discussions que j’ai eues avec d’autres personnes dont le modèle s’éloigne du mien mais qui ont permis d’alimenter ma réflexion. Là encore, ça participe à édifier un autre imaginaire : vivre du Web, ce n’est pas uniquement monter une startup, lever des fonds et placer ses espoirs dans le fait de se faire racheter par une boite plus grosse, créant ainsi des silos toujours plus incontournables. On peut aussi monter des choses à notre échelle, sans ambition plus large que simplement pouvoir vivre de son activité. Je crois que c’est une vision que j’ai héritée de mes parents qui sont exploitants d’une petite exploitation de fruits rouges et que j’ai toujours vus heureux de faire ça.
Le carnet, c’est également un moyen de montrer que le projet vit. C’est raconter les hauts (« Wow, je pensais pas développer ça si vite ! ») et les bas (« J’ai réussi à rien faire cette semaine à cause de la chaleur »). C’est réinjecter une bonne grosse dose d’humain dans ce qui pourrait n’être qu’une interface humain-base de données. Si Flus fonctionne et peut inspirer des personnes, j’ai envie qu’elles puissent retrouver les traces de ce que j’ai fait ; pour faire pareil, ou complètement autrement. Enfin, si Flus doit ne pas fonctionner, c’est faire en sorte qu’il en reste toujours quelque chose pour les suivant‧es.
Tu sais sûrement que les Chevaliers Blancs du Web Libre sont à l’affût et vont te le claironner : tu restes vraiment sur GitHub pour ton dépôt de code ou bien… ?
C’est très juste, et j’ai envie de dire qu’ils auraient bien raison si mon objectif était le leur. Or, il y a quelque chose qui me gêne profondément dans cette injonction à faire comme « ci » ou comme « ça » : c’est supposer que ce choix ne se justifie pas et/ou que je n’ai pas conscience des enjeux derrière ce choix. Cela joue justement des mécanismes que je dénonce chez les autres réseaux sociaux : un manque d’écoute, un manque de considération des choix de l’autre. Pour reprendre les termes de la question : je comprends parfaitement que des personnes soient « à cran » (parce que Microsoft, parce que puissance centralisatrice), mais cela ne justifie absolument pas de « claironner » des injonctions à changer de plateforme. Ça, c’était pour la forme.
Sur le fond, bien sûr que j’ai envie d’aligner ce choix avec mes convictions : la question est non seulement sur la table, mais le changement est également prévu. Seulement, je ne peux pas dire quand, car ce n’est pas planifié. Ce changement, c’est des questions supplémentaires : quelle plateforme ? hébergé par mes soins ou par un tiers ? est-ce que je pourrai toujours faire tourner ma suite de tests facilement ? etc. Et comprenez bien que je ne demande pas de solutions, je connais probablement la plupart de celles qui pourraient m’être proposées ; c’est une question de choix à faire, et je suis le seul à pouvoir les prendre. Tout ça, c’est du temps, de l’énergie et du jus de cerveau qui ne seront pas passés sur d’autres sujets que j’ai jugés aujourd’hui comme plus prioritaires.
En bref : aujourd’hui le changement de forge logicielle n’est pas prioritaire sur d’autres sujets, mais il est bel et bien prévu.
Si on veut contribuer à Flus, on fait ça où ? Quelles sont les différentes manières d’y contribuer ?
La manière la plus évidente et la plus efficace, c’est d’utiliser Flus et de renouveler votre abonnement à la fin du premier mois gratuit. Parce qu’en vivre, ça signifierait passer plus de temps dessus et donc améliorer Flus pour mieux répondre à vos problèmes. Je cherche à consacrer mon énergie à ce projet, mais pour avoir de l’énergie, il faut que je puisse manger 😬
Au-delà de la dimension pécuniaire, vous pouvez parler de Flus autour de vous. Je compte beaucoup sur le bouche-à-oreille pour me faire connaître et tout partage, billet de blog ou recommandation, est important.
Vous pouvez également me remonter les bugs que vous rencontrez et les problèmes auxquels vous faites face. Il y a un formulaire à cet effet. Vos retours sont extrêmement précieux pour améliorer le service et me permettent de mieux comprendre vos attentes (tout en gardant en tête que je donne moi-même une direction au projet). J’essaye de participer autant que possible aux Contrib’ateliers grenoblois, ainsi qu’au Confin’ateliers en ligne pour glaner vos retours.
Chose importante qui n’est pas commune dans le logiciel libre : je n’ai pas prévu de rendre le développement communautaire à court terme. Je n’ai en fait pas besoin d’aide pour ce qui touche au code, et intégrer des contributions me demanderait du temps que je ne souhaite pas investir pour l’instant. Écrire du code est une chose complexe qui s’inscrit dans une réflexion sur l’expérience utilisateur (donc un travail en commun avec Maiwann) et sur sa maintenabilité (lisibilité, durée dans le temps, etc.) Je pourrai reconsidérer cette décision plus tard (en particulier si ma situation financière devient stable), mais pour l’instant : oubliez les pull requests !
Un petit mot de la fin ? (dans ta contributopie, il y a quoi ? ça se passe comment ?)
Dans ma contributopie à moi, je vais commencer très égoïstement en disant que Flus a réussi à trouver son public et que j’ai regroupé une petite équipe pour bosser avec moi dessus (allez, on va dire entre 5 à 10 max ?) Ça peut paraître pas grand-chose comme ça, mais voyons ce que ça implique.
Déjà, cela signifie que le projet est un succès. Payer ne serait-ce que 5 personnes avec ce modèle économique simple et transparent, c’est déjà énorme. On peut donc considérer que Flus est effectivement devenu ce lieu apaisé dont je parle plus haut dans cette interview : plus d’écoute, des échanges de meilleure qualité, moins de colère.
À l’inverse, garder une équipe à 10 personnes max, c’est savoir refuser des personnes et les rediriger ailleurs. Flus est sous licence libre, n’importe qui peut l’installer et proposer son propre service. N’importe qui peut également s’inspirer de Flus pour créer des alternatives. Refuser de grossir indéfiniment, c’est devenir un îlot qui doit échanger et s’effacer au profit des autres. Ça implique des mécanismes d’importation et d’exportation des données, ça implique des standards, ça implique plus de liberté pour les utilisateur‧ices.
Puisque, dans cette contributopie, le projet tourne, cela signifie que j’ai activé la clause « tant que j’arrive à en vivre, le service sera maintenu pour ses utilisateur‧ices ». Concrètement cela signifie que les inscriptions pourront être fermées à moyen ou long terme, mais que les personnes qui l’utilisent ne risquent pas de voir le service fermer parce que l’envie m’en prendrait. C’est une assurance pour la pérennité du projet.
Dans ma contributopie, il y a également des initiatives et des structures qui aident les personnes à se lancer pour vivre de leur activité en ligne. Une sorte d’entre-aide coopérative dont le collectif CHATONS est un avatar parmi d’autres. Flus serait un acteur qui continue de partager son expérience et aide éventuellement à la maintenance d’autres services.
Bref, ma contributopie n’est peut-être pas bien éloignée de celle que Framasoft, en tant qu’association, imagine. Ce n’est pas un hasard, mais ça ne fait jamais que restreindre les idées… Alors dans ma contributopie, il y a aussi des tas d’autres contributopies de formes et d’horizons différents !
Liens utiles :
La vérification par les faits (fact-checking en anglais) est une pratique journalistique qui a toujours existé. Cependant, l’augmentation massive de la quantité d’informations à disposition des citoyen⋅nes (via les chaînes d’informations en continu, les médias en ligne, les réseaux sociaux, etc.) pose la nécessité de vérifier dans quelle mesure ces informations sont conformes aux faits auxquels elles se réfèrent. C’est pourquoi de nombreux services de fact-checking ont vu le jour ces dernières années, souvent portés par des médias traditionnels.
Il y a déjà quelque temps, on avait entendu parler de CaptainFact, un service collaboratif de vérification des faits, et certain⋅es parmi nous avaient installé l’extension dans leur navigateur. Parce qu’on souhaitait en savoir plus sur leur service, on leur a proposé de répondre à quelques questions.
Alors, c’est quoi exactement CaptainFact ?
CaptainFact c’est une plateforme collaborative et open source de vérification des faits. Aujourd’hui elle permet de vérifier les vidéos Youtube et Facebook, en direct ou a posteriori. Demain nous espérons pouvoir vérifier tous types de contenus, comme des articles et d’autres pages web. Le but est de contrer la désinformation et les fake news, au profit de plus d’esprit critique et d’une meilleure qualité de l’information !
C’est pour qui ?
L’outil est intuitif et peut être utilisé par tout le monde. Il s’adresse néanmoins particulièrement :
Qui est à l’origine de ce projet ?
Le projet est né de la réflexion de Benjamin Piouffle, développeur, à l’approche des présidentielles de 2017. Il faisait le constat qu’il n’y avait aucun outil permettant d’éclairer le débat politique, aucun moyen pour un votant de vérifier ce que les candidats affirmaient. De ce constat, Il a conçu une version bêta de CaptainFact, avec l’ambition de permettre la vérification de toutes sortes de sujets sur la base d’une vidéo. Puis il s’est entouré d’utilisateurs investis sur la plateforme. Certains sont devenus Ambassadeurs du projet, d’autres ont apporté leurs contributions intellectuelles et d’autres encore ont soutenu le projet par quelques dons.
Aujourd’hui, comment fonctionne concrètement CaptainFact ?
Sur CaptainFact, à la manière de ce qui se passe sur Wikipédia, les utilisateurs du site s’entraident pour vérifier des informations en trois étapes :
– la vidéo est ajoutée sur le site
– les informations à vérifier sont extraites de la vidéo
– la communauté confirme ou réfute les citations extraites avec des sources
Ensuite, les vérifications apparaissent à l’écran de tous les utilisateurs de l’extension navigateur de CaptainFact lorsqu’ils regardent une vidéo YouTube. Lorsqu’un contributeur source une information sur CaptainFact, tous les internautes qui consultent cette information voient aussi sa vérification grâce à l’extension navigateur.
C’est quoi cette histoire de points à collecter ? C’est pas un peu infantilisant ? Pis d’abord qui décide de les attribuer et pour quoi faire ? (j’ai rien compris, moi)
Il s’agit de points de réputation. Chaque contributeur obtient des points en fonction de sa participation sur la plateforme. Plus vous obtenez de points et plus vous obtenez de possibilités sur la plateforme. Cette approche permet de donner un certain « crédit » aux utilisateurs qui ont reçu des votes positifs pour la qualité de leurs contributions. Ces points étant pour la plupart obtenus par les votes de la communauté sur les contributions, cela permet aussi de nous prémunir contre les intentions malveillantes, car un utilisateur qui fait de mauvaises contributions sera rapidement sanctionné par la communauté.
Pourquoi la vérification collaborative serait-elle plus fiable que le fact-checking d’équipes dédiées ? Pourquoi devrais-je avoir plus confiance en CaptainFact qu’en d’autres fact-checkers ?
Edward Snowden décrit bien pourquoi le fact-checking mérite tant d’être effectué par tous les citoyens, plutôt que de se reposer seulement sur des groupes d’experts ou sur une autorité de confiance :
Le problème des fake news ne se résout pas par l’action d’une autorité, mais plutôt parce que nous, en tant que participants, en tant que citoyens, en tant qu’utilisateurs de ces services, nous coopérons les uns avec les autres. En débattant et en échangeant nous pourrons isoler ce qui est faux et ce qui est vrai.
Des médias spécialisés dans le fact-checking comme CheckNews ou les Décodeurs sont importants, mais peuvent être sujets à des biais, à cause de leur ligne éditoriale, de la sélection de leurs sujets, leur manque d’exhaustivité, des conflits d’intérêt financier, etc. Aussi, ces initiatives laissent toujours les citoyens spectateurs, passifs et consommateurs de l’information.
Sur CaptainFact, tout le monde peut initier ou contribuer à une vérification. Sans prétendre pouvoir apporter une vérité absolue, le fact-checking collaboratif permet des vérifications tout aussi plurielles qu’il y a de contributeurs, d’opinions et d’horizons différents.
Dans votre manifeste vous vous dites « neutre ». Quelle est la neutralité vers laquelle vous tendez au juste ?
La neutralité sur CaptainFact consiste à ne pas prendre position autrement que par la vérification ou la contextualisation sourcée des informations. CaptainFact met à disposition un outil technique neutre, car il permet à tous de vérifier les informations de son choix, de manière démocratique, sans contraintes éditoriales.
Une grosse proportion des sources controversées sont politiques (au sens étroit ou au sens étendu). Comment rester « neutre » ?
Nos vies sont régies par la politique, au sens de l’organisation de la cité. Toutes les décisions prises sont d’ordre politique, il est donc important d’orienter les personnes sur la teneur des discours, afin de ne pas biaiser leurs choix politiques. Nous avons tous au sein de l’équipe nos idées et convictions, et le potentiel démocratique du projet lui donne une dimension politique, mais nous souhaitons fournir un outil qui permette à l’internaute de se forger sa propre opinion, sans l’influencer. Lorsqu’une vidéo est vérifiée sur CaptainFact, elle n’a pas pour but de tirer une conclusion définitive sur l’intervenant, mais bien de contextualiser ou mettre en évidence ce qui est juste, ce qui est faux, voire ce qui est invérifiable.
Vous ne craignez pas d’être euh… « noyautés » par des groupes d’influence de tous poils ? Comment vous pensez vous préserver de divers biais ?
Le risque existe, mais nous nous efforçons d’attirer différentes communautés pour maintenir une diversité des utilisateurs. Finalement, plus on attirera des groupes de tous bords, plus on aura une richesse des contributions. Et comme tous ces groupes seront soumis aux votes de la communauté des utilisateurs de CaptainFact comme n’importe quelle contribution, nous pensons que le pouvoir de l’intelligence collective saura nous préserver de biais liés à des groupes d’influence.
CaptainFact a fait le choix des logiciels libres pour son site web, mais continue à utiliser de nombreux services proposés par les géants du web (Discord, YouTube, Facebook), il reste encore du chemin à faire, non ?
Et pas qu’un peu ! L’idéal serait effectivement de se passer des géants du Web. Le problème à l’heure actuelle, c’est que ces plateformes sont les plus importantes à fournir du contenu. Pour pouvoir toucher le plus grand nombre d’internautes sur le travail réalisé sur CaptainFact, l’utilisation de ces plateformes nous parait indispensable, en attendant la bascule vers de nouveaux outils plus éthiques, plus respectueux des données privées et plus transparents.
Il faut également tenir compte de l’aspect technique, ajouter la possibilité de vérifier des vidéos sur PeerTube par exemple, nécessite du développement, mais nous manquons de temps et de ressource pour développer cette possibilité. Mais nous essayons de nous affranchir de ces géants étape par étape, par exemple nous utilisons Framapad pour écrire ce fabuleux article de manière fabuleusement collaborative ! Et le forum que nous avons mis en place il y a quelques mois utilise le logiciel Discourse.
Quels sont vos projets à venir ?
Nous avons plein d’ambitions pour CaptainFact, mais nos priorités du moment sont de :
Et comme souvent sur le Framablog, on vous laisse le mot de la fin !
Merci ! En fait on vous cache pas que comme beaucoup de projets libres, pour continuer d’évoluer, CaptainFact est en galère de dev ! Donc si vous connaissez un dev (ou si vous êtes un dev) qui veut à la fois lutter contre la désinformation et jouer avec de l’Elixir, du Phoenix et du React : contactez-nous !
Contact : https://captainfact.io/help/contact
GitHub : https://github.com/CaptainFact