PROJET AUTOBLOG


Framablog

Site original : Framablog

⇐ retour index

Mise à jour

Mise à jour de la base de données, veuillez patienter...

et pendant ce temps-là, du côté de l’open source…

dimanche 4 janvier 2015 à 00:23

Voilà des années qu’on nous prédit que l’année suivante sera celle de Linux sur le desktop mais on est encore bien loin de son adoption sur l’ordinateur familial des Dupuis-Morizeau[1]. D’autant que la ligne de front s’est maintenant déplacée vers les mobiles, les tablettes, les objets connectés…
Le tableau du champ de bataille serait plutôt sombre, le libre et l‘open source peinent à exister parmi les mastodontes qui s’affrontent. Mais voici comme pour nous consoler un petit lambeau de ciel bleu : le bilan que tire Glyn Moody de ce qu’il considère comme la domination victorieuse de l‘open source — Comment ça ? — On comprend mieux quand on remarque que son billet ici traduit est placé dans la rubrique Open Entreprise

2015 : l’Open Source a gagné, mais ce n’est qu’un début.

Après les succès de 2014, jusqu’où ira-t-elle ?

par Glyn Moody

Article original : 2015: Open Source Has Won, But It Isn’t Finished
Traduction Framalang : Diab, sinma, goofy, AFS, lamessen, KoS, Narcisse, cpio

185px-Glyn_Moody_1__cropped_.jpgÀ l’aube d’une nouvelle année, la tradition veut que l’on fasse une rétrospective des 12 mois précédents. Mais en ce qui concerne cette rubrique, il est facile de résumer ce qui s’est passé : l‘open source a gagné. Reprenons depuis le début :

Les supercalculateurs. L’hégémonie de Linux dans le top 500 des supercalculateurs est telle que c’en est presque gênant. Les chiffres de novembre 2014 montrent que 485 des 500 premiers systèmes tournent sous une version de Linux ou une autre. Un seul d’entre eux tourne sous Windows. C’est encore plus impressionnant si l’on regarde le nombre de cœurs concernés. Là, on retrouve Linux sur 22 581 693 cœurs, tandis que Windows n’en fait tourner que 30 720 ; cela signifie que non seulement Linux domine, mais aussi que sa position est particulièrement forte sur les plus gros systèmes.

L’informatique dans le nuage. La Fondation Linux a proposé l’année dernière un rapport intéressant qui analysait l’utilisation de Linux dans le cloud par les grandes entreprises. Il montrait que 75 % d’entre elles utilisent Linux comme plateforme principale contre 23 % pour Windows. Il est difficile de traduire cela en parts de marché car les solutions hybrides doivent être prises en compte. Toutefois, en raison de la popularité actuelle de l’informatique délocalisée, il est évident que l’on peut considérer que l’utilisation de Linux est importante et croissante. Concrètement, la même étude a montré que le déploiement de Linux dans le cloud était passé de 65 % à 78 % quand Windows chutait de 45 % à 36 %. Bien entendu, certains considéreront que la Fondation Linux n’est pas totalement objective ici, mais malgré cela et compte tenu des incertitudes statistiques, on voit clairement dans quelle direction l’on va.

Les serveurs web. L‘open source domine ce secteur depuis près de 20 ans — une performance. Cependant la répartition des parts de marché à récemment évolué de façon intéressante : à un moment donné, IIS de Microsoft a réussi à dépasser Apache en nombre total de serveurs web, mais, comme l’explique Netcraft dans son analyse la plus récente, il faut y regarder à deux fois :

C’est le second mois d’affilée que l’on enregistre une forte baisse du nombre total de sites web, faisant de ce mois celui qui en totalise le moins depuis janvier. Comme c’était le cas en novembre, ces pertes se sont concentrées sur un nombre limité de sociétés d’hébergement, avec les dix plus fortes baisses qui représentent plus de 52 millions de noms de domaine. Les sites actifs et les ordinateurs visibles sur le web n’ont pas été affectés par ces pertes. Les sites concernés étaient essentiellement des fermes de liens, avec très peu de contenu unique. La majorité de ces sites fonctionnaient avec Microsoft IIS, l’amenant à dépasser Apache dans l’enquête de juillet 2014. Cependant, les récentes pertes ont entraîné une chute de 29.8 % des parts de marché de ce système d’exploitation, qui se situe désormais à plus de 10 points (en pourcentage) derrière Apache.

Ainsi, la « percée » de Microsoft est plus virtuelle que réelle, car elle repose en grande partie sur des sites de liens sans grand contenu utile. Du reste, les chiffres de Netcraft sur les sites actifs brossent un tout autre tableau : Apache aurait 50,57 % des parts de marché, suivi par Nginx avec 14,73 %. Microsoft IIS arriverait péniblement derrière avec un pourcentage assez faible de 11,72 %. Ce qui signifie que l‘open source représente environ 65 % du marché des serveurs Web actifs – pas tout à fait au niveau des supercalculateurs, mais c’est tout de même plutôt bien.

Les systèmes mobiles. Ici, l’avancée de l‘open source, à travers Android, se poursuit. Les derniers chiffres montrent que 83,6 % des smartphones livrés au troisième trimestre 2014 tournent sur Android, en augmentation par rapport aux 81,4 % du même trimestre l’année précédente. Apple baisse, passant de 13,4 % à 12,3 %. Sur le marché des les tablettes, Android suit une trajectoire identique : au second trimestre 2014, Android atteignait environ 75 % des ventes mondiales, alors que celles d’Apple se situaient aux alentours de 25 %.

Les systèmes embarqués. Bien qu’il soit plus difficile de quantifier les parts de marché de Linux sur l’important marché des systèmes embarqués, les chiffres d’une étude de 2013 indiquent qu’environ la moitié des systèmes embarqués utiliseraient ce système d’exploitation.

L’Internet des objets. À plus d’un titre, il s’agit simplement d’un autre avatar des systèmes embarqués, à la différence qu’ils sont conçus pour être connectés en permanence. Il est encore trop tôt pour parler de parts de marché, mais comme je l’ai récemment expliqué, le framework open source AllSeen arrive en tête. Ceux qui brillent par leur absence, de façon frappante, ce sont les concurrents propriétaires crédibles ; il semble extrêmement probable que l’Internet des objets verra l’adoption de l‘open source aux mêmes niveaux que les supercalculateurs.

Bien sûr, un tel niveau de réussite soulève toujours la question : quelle est l’étape suivante ? Étant donné que l‘open source approche de la saturation dans de nombreux secteurs, une baisse est-elle inévitable à l’avenir ? En réponse à cette question, je recommande la lecture d’un essai qui donne à réfléchir, écrit en 2013 par Christopher Kelty pour le Journal of peer production et bizarrement intitulé : « Il n’y a pas de logiciel libre ». Voici comment il débute :

Le logiciel libre n’existe pas. Cela m’attriste étant donné que j’ai écrit un livre entier sur le sujet. Mais il s’agit aussi d’un point que je tente de traiter dans mon livre. Le logiciel libre, et son frère jumeau l‘open source, est en constant devenir. Il n’existe pas sous une forme stable, permanente ni pérenne, et c’est ce qui fait une partie de sa force.

En d’autres termes, 2014 nous a déjà apporté toutes sortes de formidables logiciels libres, mais nous pouvons être sûrs que 2015 nous en apportera bien davantage, car ils poursuivent indéfiniment leur évolution. SpitefulCat.jpg

Crédit photo
Glyn Moody par Stuart Yeates – (CC BY-SA 2.0)

Note

[1] Notre sympathique famille-témoin de Normandie

et pendant ce temps-là, du côté de l'open source…

samedi 3 janvier 2015 à 23:23

Voilà des années qu’on nous prédit que l’année suivante sera celle de Linux sur le desktop mais on est encore bien loin de son adoption sur l’ordinateur familial des Dupuis-Morizeau[1]. D’autant que la ligne de front s’est maintenant déplacée vers les mobiles, les tablettes, les objets connectés…
Le tableau du champ de bataille serait plutôt sombre, le libre et l‘open source peinent à exister parmi les mastodontes qui s’affrontent. Mais voici comme pour nous consoler un petit lambeau de ciel bleu : le bilan que tire Glyn Moody de ce qu’il considère comme la domination victorieuse de l‘open source — Comment ça ? — On comprend mieux quand on remarque que son billet ici traduit est placé dans la rubrique Open Entreprise

2015 : l’Open Source a gagné, mais ce n’est qu’un début.

Après les succès de 2014, jusqu’où ira-t-elle ?

par Glyn Moody

Article original : 2015: Open Source Has Won, But It Isn’t Finished
Traduction Framalang : Diab, sinma, goofy, AFS, lamessen, KoS, Narcisse, cpio

185px-Glyn_Moody_1__cropped_.jpgÀ l’aube d’une nouvelle année, la tradition veut que l’on fasse une rétrospective des 12 mois précédents. Mais en ce qui concerne cette rubrique, il est facile de résumer ce qui s’est passé : l‘open source a gagné. Reprenons depuis le début :

Les supercalculateurs. L’hégémonie de Linux dans le top 500 des supercalculateurs est telle que c’en est presque gênant. Les chiffres de novembre 2014 montrent que 485 des 500 premiers systèmes tournent sous une version de Linux ou une autre. Un seul d’entre eux tourne sous Windows. C’est encore plus impressionnant si l’on regarde le nombre de cœurs concernés. Là, on retrouve Linux sur 22 581 693 cœurs, tandis que Windows n’en fait tourner que 30 720 ; cela signifie que non seulement Linux domine, mais aussi que sa position est particulièrement forte sur les plus gros systèmes.

L’informatique dans le nuage. La Fondation Linux a proposé l’année dernière un rapport intéressant qui analysait l’utilisation de Linux dans le cloud par les grandes entreprises. Il montrait que 75 % d’entre elles utilisent Linux comme plateforme principale contre 23 % pour Windows. Il est difficile de traduire cela en parts de marché car les solutions hybrides doivent être prises en compte. Toutefois, en raison de la popularité actuelle de l’informatique délocalisée, il est évident que l’on peut considérer que l’utilisation de Linux est importante et croissante. Concrètement, la même étude a montré que le déploiement de Linux dans le cloud était passé de 65 % à 78 % quand Windows chutait de 45 % à 36 %. Bien entendu, certains considéreront que la Fondation Linux n’est pas totalement objective ici, mais malgré cela et compte tenu des incertitudes statistiques, on voit clairement dans quelle direction l’on va.

Les serveurs web. L‘open source domine ce secteur depuis près de 20 ans — une performance. Cependant la répartition des parts de marché à récemment évolué de façon intéressante : à un moment donné, IIS de Microsoft a réussi à dépasser Apache en nombre total de serveurs web, mais, comme l’explique Netcraft dans son analyse la plus récente, il faut y regarder à deux fois :

C’est le second mois d’affilée que l’on enregistre une forte baisse du nombre total de sites web, faisant de ce mois celui qui en totalise le moins depuis janvier. Comme c’était le cas en novembre, ces pertes se sont concentrées sur un nombre limité de sociétés d’hébergement, avec les dix plus fortes baisses qui représentent plus de 52 millions de noms de domaine. Les sites actifs et les ordinateurs visibles sur le web n’ont pas été affectés par ces pertes. Les sites concernés étaient essentiellement des fermes de liens, avec très peu de contenu unique. La majorité de ces sites fonctionnaient avec Microsoft IIS, l’amenant à dépasser Apache dans l’enquête de juillet 2014. Cependant, les récentes pertes ont entraîné une chute de 29.8 % des parts de marché de ce système d’exploitation, qui se situe désormais à plus de 10 points (en pourcentage) derrière Apache.

Ainsi, la « percée » de Microsoft est plus virtuelle que réelle, car elle repose en grande partie sur des sites de liens sans grand contenu utile. Du reste, les chiffres de Netcraft sur les sites actifs brossent un tout autre tableau : Apache aurait 50,57 % des parts de marché, suivi par Nginx avec 14,73 %. Microsoft IIS arriverait péniblement derrière avec un pourcentage assez faible de 11,72 %. Ce qui signifie que l‘open source représente environ 65 % du marché des serveurs Web actifs – pas tout à fait au niveau des supercalculateurs, mais c’est tout de même plutôt bien.

Les systèmes mobiles. Ici, l’avancée de l‘open source, à travers Android, se poursuit. Les derniers chiffres montrent que 83,6 % des smartphones livrés au troisième trimestre 2014 tournent sur Android, en augmentation par rapport aux 81,4 % du même trimestre l’année précédente. Apple baisse, passant de 13,4 % à 12,3 %. Sur le marché des les tablettes, Android suit une trajectoire identique : au second trimestre 2014, Android atteignait environ 75 % des ventes mondiales, alors que celles d’Apple se situaient aux alentours de 25 %.

Les systèmes embarqués. Bien qu’il soit plus difficile de quantifier les parts de marché de Linux sur l’important marché des systèmes embarqués, les chiffres d’une étude de 2013 indiquent qu’environ la moitié des systèmes embarqués utiliseraient ce système d’exploitation.

L’Internet des objets. À plus d’un titre, il s’agit simplement d’un autre avatar des systèmes embarqués, à la différence qu’ils sont conçus pour être connectés en permanence. Il est encore trop tôt pour parler de parts de marché, mais comme je l’ai récemment expliqué, le framework open source AllSeen arrive en tête. Ceux qui brillent par leur absence, de façon frappante, ce sont les concurrents propriétaires crédibles ; il semble extrêmement probable que l’Internet des objets verra l’adoption de l‘open source aux mêmes niveaux que les supercalculateurs.

Bien sûr, un tel niveau de réussite soulève toujours la question : quelle est l’étape suivante ? Étant donné que l‘open source approche de la saturation dans de nombreux secteurs, une baisse est-elle inévitable à l’avenir ? En réponse à cette question, je recommande la lecture d’un essai qui donne à réfléchir, écrit en 2013 par Christopher Kelty pour le Journal of peer production et bizarrement intitulé : « Il n’y a pas de logiciel libre ». Voici comment il débute :

Le logiciel libre n’existe pas. Cela m’attriste étant donné que j’ai écrit un livre entier sur le sujet. Mais il s’agit aussi d’un point que je tente de traiter dans mon livre. Le logiciel libre, et son frère jumeau l‘open source, est en constant devenir. Il n’existe pas sous une forme stable, permanente ni pérenne, et c’est ce qui fait une partie de sa force.

En d’autres termes, 2014 nous a déjà apporté toutes sortes de formidables logiciels libres, mais nous pouvons être sûrs que 2015 nous en apportera bien davantage, car ils poursuivent indéfiniment leur évolution. SpitefulCat.jpg

Crédit photo
Glyn Moody par Stuart Yeates - (CC BY-SA 2.0)

Note

[1] Notre sympathique famille-témoin de Normandie

Réveillons… la lutte pour nos libertés numériques avec l’EFF (notamment)

mercredi 31 décembre 2014 à 13:00

Avant d’entrer en résistance contre la surveillance, il nous faut lutter contre notre faculté à oublier, tant tout nous invite à passer à autre chose. La surveillance, elle, ne connaît pas la trêve des confiseurs.
C’est pourquoi le rapide bilan proposé par l’EFF (Electronic Frontier Foundation) est précieux et s’accompagne d’une perspective pour 2015, celle de poursuivre le combat au plan de l’information mais aussi à celui de l’action judiciaire et politique.
Faut-il vraiment rappeler au lecteur que de notre côté de l’Atlantique aussi, une action vigilante et continue sur ces deux plans est évidemment nécessaire, aux côtés en particulier de la Quadrature du Net, qui a besoin de notre soutien permanent à ses initiatives, et pas seulement de notre soutien financier.
Que 2015 soit pour tous une année heureuse qui nous fasse faire un petit pas de plus vers des libertés numériques précieuses mais fragiles.
C’est à nous d’y veiller.

Ce que nous avons appris sur l’espionnage de la NSA en 2014 — et les combats que nous mènerons en 2015

Article original sur le site de l’EFF
Traduction Framalang : KoS, Sky, AFS, Achille, r0u, goofy

Après 2013, une année record où une lumière crue a été projetée sur les programmes de surveillance secrets de la NSA, à la fois de la part des lanceurs d’alerte et par les actions en justice engagées grâce à la Loi pour la liberté d’information (Freedom of Information Act), le rythme des révélations en 2014 a significativement ralenti.

Mais ce n’est pas parce que tous les secrets de la NSA ont été révélés.

En fait, quelques-unes des informations les plus significatives sur les programmes de surveillance de la NSA restent encore secrètes. Malgré l’une des plus importantes fuites de l’histoire américaine et malgré la promesse de déclassifier autant que possible des informations sur ces programmes, près de deux ans plus tard, le gouvernement continue de refuser de fournir au public les informations dont il a besoin. Par exemple, les responsables du gouvernement continuent à ne pas répondre à une question simple mais d’importance vitale : quel type d’information la NSA collecte-t-elle sur des millions ou des centaines de millions d’Américains, et sur des citoyens de tous les autres pays par la même occasion ? Et le gouvernement refuse toujours de communiquer les décisions les plus importantes du tribunal de surveillance du renseignement extérieur (United States Foreign Intelligence Surveillance Court : la cour secrète chargée en principe de contrôler les programmes de surveillance gouvernementaux).

Malgré un ralentissement en 2014, nous avons appris encore davantage de choses sur les programmes de surveillance de la NSA que nous ne connaissions pas auparavant :

Malgré l’émergence de toutes ces informations, beaucoup trop demeurent encore secrètes.

Mais 2015 est pleine d’espoirs. Déjà, suite à des poursuites judiciaires engagées par l’EFF grâce à la Loi pour la liberté d’information, une cour fédérale a ordonné au gouvernement de rendre publique au début de l’année 2015 une partie des avis encore secrets rendus par l‘United States Foreign Intelligence Surveillance Court.
Nous avons également lancé une campagne pour réformer l’ordre exécutif 12333, et dans cette campagne, nous pressons le gouvernement à être clair par rapport au type d’informations collectées sur des millions de personnes à travers le monde. Que ce soit devant une cour fédérale ou dans l’opinion publique, en 2015 nous continuerons à nous battre pour le droit de savoir. L’EFF se bat pour les droits numériques de chacun, n’hésitez pas à les soutenir

eff.png

lqdn.png

Réveillons… la lutte pour nos libertés numériques avec l'EFF (notamment)

mercredi 31 décembre 2014 à 12:00

Avant d’entrer en résistance contre la surveillance, il nous faut lutter contre notre faculté à oublier, tant tout nous invite à passer à autre chose. La surveillance, elle, ne connaît pas la trêve des confiseurs.
C’est pourquoi le rapide bilan proposé par l’EFF (Electronic Frontier Foundation) est précieux et s’accompagne d’une perspective pour 2015, celle de poursuivre le combat au plan de l’information mais aussi à celui de l’action judiciaire et politique.
Faut-il vraiment rappeler au lecteur que de notre côté de l’Atlantique aussi, une action vigilante et continue sur ces deux plans est évidemment nécessaire, aux côtés en particulier de la Quadrature du Net, qui a besoin de notre soutien permanent à ses initiatives, et pas seulement de notre soutien financier.
Que 2015 soit pour tous une année heureuse qui nous fasse faire un petit pas de plus vers des libertés numériques précieuses mais fragiles.
C’est à nous d’y veiller.

Ce que nous avons appris sur l’espionnage de la NSA en 2014 — et les combats que nous mènerons en 2015

Article original sur le site de l’EFF
Traduction Framalang : KoS, Sky, AFS, Achille, r0u, goofy

Après 2013, une année record où une lumière crue a été projetée sur les programmes de surveillance secrets de la NSA, à la fois de la part des lanceurs d’alerte et par les actions en justice engagées grâce à la Loi pour la liberté d’information (Freedom of Information Act), le rythme des révélations en 2014 a significativement ralenti.

Mais ce n’est pas parce que tous les secrets de la NSA ont été révélés.

En fait, quelques-unes des informations les plus significatives sur les programmes de surveillance de la NSA restent encore secrètes. Malgré l’une des plus importantes fuites de l’histoire américaine et malgré la promesse de déclassifier autant que possible des informations sur ces programmes, près de deux ans plus tard, le gouvernement continue de refuser de fournir au public les informations dont il a besoin. Par exemple, les responsables du gouvernement continuent à ne pas répondre à une question simple mais d’importance vitale : quel type d’information la NSA collecte-t-elle sur des millions ou des centaines de millions d’Américains, et sur des citoyens de tous les autres pays par la même occasion ? Et le gouvernement refuse toujours de communiquer les décisions les plus importantes du tribunal de surveillance du renseignement extérieur (United States Foreign Intelligence Surveillance Court : la cour secrète chargée en principe de contrôler les programmes de surveillance gouvernementaux).

Malgré un ralentissement en 2014, nous avons appris encore davantage de choses sur les programmes de surveillance de la NSA que nous ne connaissions pas auparavant :

Malgré l’émergence de toutes ces informations, beaucoup trop demeurent encore secrètes.

Mais 2015 est pleine d’espoirs. Déjà, suite à des poursuites judiciaires engagées par l’EFF grâce à la Loi pour la liberté d’information, une cour fédérale a ordonné au gouvernement de rendre publique au début de l’année 2015 une partie des avis encore secrets rendus par l‘United States Foreign Intelligence Surveillance Court.
Nous avons également lancé une campagne pour réformer l’ordre exécutif 12333, et dans cette campagne, nous pressons le gouvernement à être clair par rapport au type d’informations collectées sur des millions de personnes à travers le monde. Que ce soit devant une cour fédérale ou dans l’opinion publique, en 2015 nous continuerons à nous battre pour le droit de savoir. L’EFF se bat pour les droits numériques de chacun, n’hésitez pas à les soutenir

eff.png

lqdn.png

Que reste-t-il de l’Internet que nous aimons ?

dimanche 28 décembre 2014 à 23:42

David Rovics[1] est un chanteur et compositeur américain engagé dans la tradition des Bob Dylan et Pete Seeger, il n’est pas avare de protest-songs, s’attaquant par exemple à la mondialisation, aux interventions militaires des États-Unis, aux multinationales… Il soutient divers mouvements contestataires comme Occupy Wall Street et bien d’autres. Il met son abondante discographie en libre téléchargement et déclare :

N’hésitez pas à télécharger ces chansons gratuitement. Faites-en l’usage que vous voulez. Envoyez-les à des amis, vous pouvez les graver, les copier, les passer à la radio, sur Internet, n’importe où. La musique est un bien commun. Ignorez les entreprises compères de l’industrie de la musique qui vous disent le contraire. Télécharger de musique n’est pas du vol, vous ne faites de mal à personne, je vous assure.

David_Rovics_photo-by-_Karney_Hatch_-CC-by-2.0.jpg

Mais aujourd’hui ce n’est pas de lutte politique ni de création libre qu’il nous parle. Né en 1967, il est assez âgé pour avoir vu se succéder les phases rapides du développement d’Internet et de la manière dont la communication entre les internautes en a été facilitée ou affectée.
C’est donc un peu sur l’air de « c’était mieux avant » qu’il fait part de ses inquiétudes. Bien sûr cela peut faire sourire et il en est bien conscient. Essayons toutefois d’envisager le regard rétrospectif auquel il nous invite comme un moyen d’éclairer ce qui en en train de se produire ici et maintenant : que deviennent les collectifs de médias indépendants, les réseaux développés si facilement il y a peu avec les listes de diffusion et quelle place reste-t-il aux producteurs de contenus à l’heure où chacun est invité à déverser sur sa page Facebook une notable quantité d’importance nulle ?
À l’heure où les blogueurs francophones indépendants se raréfient ou jettent l’éponge, où les activistes du libertés numériques doivent appeler au secours pour que leur structure soit financièrement viable, faut-il se résigner à un délitement progressif des espaces fabuleux de liberté que nous offrait Internet il y a quelques années à peine ?
Il n’est pas impossible que les braises encore vives rallument la flamme. Partout des îlots de résistance aux GAFAM existent et se fédèrent parfois en archipels. À notre modeste échelle par exemple, nous avons contribué avec le beau succès de Framasphère à un regain d’intérêt pour Diaspora* comme réseau alternatif. Le tissu associatif des libristes est aujourd’hui dense, multiforme, et croise souvent la trajectoire de nombreux réseaux militants : qui sait si n’émergera pas une phase nouvelle où les Facebook et autres Twitter seront aussi has been que le sont devenus les Skyblogs[2] et autres Caramail ?

Comment Facebook a tué Internet

L’arme du crime : 10 milliards de mises à jour de nos statuts

Par DAVID ROVICS
Article original paru dans le magazine Counterpunch How Facebook Killed the Internet
Traduction Framalang : KoS, simon, goofy, Bussy, r0u

Facebook a tué l’Internet, et je suis tout à fait sûr que la grande majorité des gens ne l’ont même pas remarqué.

Je vois d’ici la tête que vous faites, vous tous, et je devine vos pensées…
— Encore un qui se plaint de Facebook. Oui je sais que c’est une énorme entreprise tentaculaire, mais c’est la plateforme que nous utilisons tous.
— C’est comme se plaindre de Starbucks. Après tout, les cafés indépendants ont été chassés de la ville et vous êtes encore accro à l’expresso, qu’est-ce qu’on peut y faire ?
— Comment ça « tué » ? Qu’est-ce qui a été tué ?

Je vais essayer de vous l’expliquer. Pour commencer je précise que je ne sais pas quelle est la solution. Mais je pense que toute solution doit commencer par identifier clairement la nature du problème.

Tout d’abord, Facebook a tué l’Internet, mais si ce n’était pas Facebook, ç’aurait été autre chose. L’évolution des réseaux sociaux était probablement aussi inévitable que le développement des téléphones cellulaires qui peuvent surfer sur Internet. C’était une évolution naturelle pour Internet.

Voilà pourquoi c’est aussi particulièrement inquiétant. Parce que la solution n’est pas Znet ni Ello. La solution n’est pas dans de meilleurs réseaux sociaux, de meilleurs algorithmes, ou des réseaux sociaux gérés par une fondation sans but lucratif plutôt que par une entreprise qui brasse des milliards de dollars. De même que la réponse à une société où chacun a sa propre voiture personnelle n’est pas d’avoir davantage de véhicules électriques. Pas plus que la réponse à une société aliénée où chacun possède son propre téléphone portable pour le regarder n’est pas de monter une compagnie de téléphone dont on serait collectivement propriétaire.

Beaucoup de gens, de la base à l’élite, sont ravis du phénomène des réseaux sociaux. je suis sûr que parmi les rares personnes qui liront ceci, certaines en font partie. Nous nous répandons en expressions comme « la révolution Facebook » et nous célébrons ces nouvelles plateformes Internet qui rassemblent les gens du monde entier. Oh je ne dis pas que ces réseaux n’ont pas divers aspects positifs. Je ne prétends pas non plus que vous devriez cesser d’utiliser les plateformes de réseaux sociaux, y compris Facebook. Ce serait comme dire à un habitant du Texas qu’il devrait aller travailler en vélo, alors que l’ensemble de l’infrastructure de chaque ville de l’État est prévue pour les 4×4.

Mais nous devrions comprendre la nature de ce qui nous arrive.
conversation.png

Depuis l’époque où les journaux sont devenus monnaie courante jusqu’au début des années 1990, pour l’écrasante majorité de la population de la planète, ceux qui avaient un accès facilité à une tribune publique étaient les rares qui se préoccupaient d’écrire une lettre à son directeur de publication. Une infime portion de la population était constituée d’auteurs ou de journalistes qui accédaient ainsi à une tribune publique de façon plus ou moins occasionnelle ou régulière. Certains rédigeaient à cette époque pré-internet l’équivalent d’un billet spécial de rétrospective de fin d’année qu’ils photocopiaient et diffusaient à quelques dizaines à peine d’amis et de proches.

Au cours des années 60 on a assisté à l’émergence massive de la presse indépendante, « underground » dans chaque ville petite ou grande des États-Unis et dans bien d’autres pays. La diversité des opinions et des informations s’est considérablement accrue, et pour y avoir accès, il suffisait à n’importe qui d’habiter à proximité d’une université ou de pouvoir aller au kiosque à journaux avec quelques centimes en poche.

Dans les années 90, avec le développement de l’Internet — avec les sites web, les listes de diffusion — les communications ont littéralement explosé et la presse underground des années 60 faisait pâle figure en comparaison. La plupart des gens qui vivaient dans des pays comme les États-Unis ont cessé de se téléphoner (mais continué à se parler), j’ai pu le constater. Beaucoup de ceux qui n’écrivaient jamais une seule lettre ni rien d’autre se sont mis à utiliser leur ordinateur pour s’envoyer des mails les uns aux autres, voire à de multiples destinataires à la fois.

Nous, les quelques-uns qui avions l’habitude, avant l’ère d’Internet, de diffuser périodiquement des bulletins d’information sur nos publications, nos idées, les dates à venir de nos concerts, les produits ou services que nous cherchions à vendre, etc. eh bien nous avons été ravis de voir arriver les mails et la possibilité d’envoyer aussi facilement nos bulletins sans dépenser une fortune en affranchissement postal ni perdre un temps considérable à mettre sous enveloppes. Pendant une brève période, nous avons eu accès au même public, aux mêmes lecteurs qu’auparavant, mais nous pouvions dès lors communiquer avec eux à distance gratuitement.

C’était, pour beaucoup d’entre nous, l’âge d’or d’Internet, entre 1995 et 2005 à peu près. Il y avait le problème croissant des spams de diverses sortes. Comme les courriers indésirables d’aujourd’hui, mais en plus grand nombre encore. Les filtres anti-spam ont commencé à s’améliorer, et ont largement éliminé le problème pour nous.

Les listes de diffusion auxquelles nous étions abonnés étaient des listes de diffusion modérées. Les sites web que nous utilisions le plus étaient interactifs mais modérés, comme Indymedia. Dans toutes les villes du monde, petites ou grandes, on trouvait un collectif local Indymedia. N’importe qui pouvait poster des choses, mais il y avait des personnes en chair et en os qui décidaient si cela pouvait être publié et si oui, où le publier. Comme pour n’importe quel processus de décision collective, c’était difficile, mais beaucoup d’entre nous trouvaient que le jeu en valait la chandelle. Le résultat de ces listes de discussion et des sites Indymedia modérés fut que nous avons tous gagné une certaine aisance à découvrir et discuter des idées et des évènements qui concernaient notre ville, notre pays, notre monde.

Et puis sont arrivés le blogging et les médias sociaux. Tout individu avec un blog, une page Facebook, un compte Twitter etc. est devenu son propre diffuseur. C’est grisant n’est-ce pas ? Savoir que vous avez un public mondial de dizaines, centaines, peut-être milliers de personnes (si vous commencez à être connu ou que quelque chose devient viral) à chaque fois que vous postez quelque chose. Pouvoir mener une conversation dans les commentaires avec des gens du monde entier qui ne se rencontreront jamais. C’est vraiment fou.

Mais alors, la plupart des gens ont arrêté d’écouter. La plupart ont arrêté de jeter un œil sur Indymedia. Indymedia, dans le monde entier, est pratiquement mort[3]. Les journaux, de droite, de gauche et du centre ont déjà fermé ou sont en train de mettre la clé sous la porte, qu’ils soient en ligne ou non. Les listes de discussion n’existent plus. Les algorithmes ont remplacé les modérateurs. Les gens ont commencé à prendre les bibliothécaires pour des vestiges de l’Antiquité.

Aujourd’hui à Portland, dans l’Oregon, l’une des villes les plus engagées politiquement aux Etats-Unis, il n’y a pas de liste de discussion ou de site web qui puisse vous dire ce qui se passe dans la ville dans un format lisible et compréhensible. Il existe différents groupes avec divers sites web, pages Facebook, listes de discussion etc. mais rien pour la communauté progressiste dans son ensemble. Rien de bein efficace en tout cas. Rien d’aussi fonctionnel que les listes de diffusion qui existaient dans tout le pays il y a 15 ans de cela.

À cause des limitations techniques d’Internet pendant une brève période, il y a eu quelques années d’un « équilibre heureux » entre une petite élite qui produisait la majeure partie du contenu écrit que la plupart des gens dans le monde lisaient, et la situation dans laquelle nous nous trouvons maintenant, noyés dans un déluge d’informations, pour la plupart des bêtises sans intérêt, du bruit de fond, un brouillard épais qui vous empêche de voir au-delà de ce qu’éclairent parfois des feux de croisement.

C’était un âge d’or, mais dû surtout aux circonstances, et tout à fait temporaire. Dès qu’il a été facile pour les gens de lancer un site web, un blog, un Myspace ou une page Facebook etc. l’âge du bruit de fond a commencé, inévitablement, comme une évolution naturelle de la technologie.

Et la plupart des gens n’ont pas remarqué ce qu’il s’est passé.

Pourquoi est-ce que je dis ça ? Tout d’abord je ne sors pas ça de nulle part. J’ai discuté avec beaucoup de personnes pendant plusieurs années et beaucoup d’entre elles pensent que les médias sociaux sont la meilleure invention depuis le fil à couper le beurre. Et qu’est-ce qui les en empêche ?

Moi, je le pense, et d’autres comme moi aussi, parce que les personnes qui avaient l’habitude de lire et de répondre à ce que j’envoyais à travers ma liste de contacts ne sont plus là. Ils n’ouvrent plus leurs courriels et s’ils le font, ils ne les lisent plus. Et le média que j’utilise — blog, Facebook, Twitter, etc. — n’y change rien. Bien entendu, il reste des gens qui le font, mais la plupart s’occupent maintenant d’autres choses.

facebook_opium.png

Et que font-ils donc ? J’ai passé presque toute la semaine dernière à Tokyo, j’ai visité toute la ville, passé beaucoup d’heures dans le train chaque jour. Beaucoup de gens assis dans le train du retour, durant ma première visite au Japon en 2007, dormaient, comme maintenant. Mais ceux qui ne dormaient pas étaient presque tous en train de lire un livre. Aujourd’hui, il est difficile de voir ne serait-ce qu’un seul livre. La plupart des gens regardent leur smartphone. Et ils ne lisent pas un livre avec (oui, j’ai souvent jeté un œil). Ils jouent à des jeux, ou plus souvent, consultent leur fil de nouvelles sur Facebook. Et c’est pareil aux État-Unis et partout ailleurs où j’ai eu l’occasion de voyager.

Est-ce que ça vaut le coup de remplacer les modérateurs par des algorithmes ? Les rédacteurs par du bruit de fond ? Les journalistes d’investigation par des photos de votre chat ? Les labels indépendants et les stations de radios communautaires par une multitude de fichiers audio téléchargeables mal enregistrés ? Les collectifs de médias indépendants par des millions de mises à jour de statuts sur Facebook et Twitter ?

Je pense que non, mais voilà où nous en sommes. Comment pouvons-nous sortir de cette situation, éclaircir le brouillard, et nous remettre à utiliser notre cerveau ? Je voudrais bien le savoir.

Crédit images
David Rovics, photo par Karney Hatch (CC-by-2.0)
A conversation, dessin de Khalid Albaih (CC-by-2.0)
Facebook is the opium of the people, photo par Taco Ekkel (CC-by-2.0)

Notes

[1] Le site de David Rovics : http://www.davidrovics.com/

[2] Tiens, ils existent encore et nous incitent à ne plus bloquer les pubs…

[3] Note de la rédaction : ici l’auteur simplifie sans doute un peu trop pour suggérer une influence déclinante. Le réseau Indymedia (voir sa page Wikipédia) est relativement actif par exemple pour la France à Nantes ou Lille, Grenoble, etc.