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AbulÉdu : début d’une renaissance ?

lundi 20 juin 2016 à 17:17

Si vous vous intéressez au libre pour l’école primaire, vous connaissez forcément AbulÉdu. Si ce n’est pas le cas, vous pouvez vous rafraîchir la mémoire avec les précédents articles parus ici même : le premier et le deuxième.
Deux grosses annonces sont tombées ces derniers jours dans l’écosystème AbulÉdu ; une mauvaise et une bonne qui, nous l’espérons, deviendra excellente. Pour nous expliquer tout cela, rencontrons les membres de l’association AbulEdu-fr

Commençons tout de suite par la mauvaise nouvelle, la société RyXeo, qui édite la solution libre AbulÉdu, est en liquidation judiciaire après 13 ans d’existence. Pour quelles raisons ?

RyXéo, la fin d'une histoire, mais l'aventure continue !

RyXéo, la fin d’une histoire, mais l’aventure continue !

Les grandes catastrophes sont souvent provoquées par une multitude de petits problèmes, c’est ce qui est arrivé à RyXéo :

Bref, tout ceci mis bout à bout nous a conduit à la catastrophe qu’on connaît. Ajoutez une baisse d’implication commerciale du patron de la boite qui s’est recentré sur la technique depuis plusieurs mois et vous avez malheureusement un cocktail détonant.

 

Une des difficultés n’est-elle pas également de s’adresser aux écoles primaires et donc aux mairies ? Les sociétés qui proposent des solutions aux collèges et lycées ont plus de facilité.

Je ne pense hélas pas que nous verrons beaucoup de collèges équipés avec des solutions basées sur le logiciel libre. Effectivement certains collèges sont équipés avec des serveurs basés sur des solutions libres mais la plupart des postes individuels sont sous windows. Et le récent accord n’est pas prêt de changer la donne.

 

Treize ans, cela reste une superbe aventure. Une anecdote, un souvenir particulier à nous faire partager ?

Des tonnes. La plus intéressante c’est l’anecdote qui porte le nom de… RyXéo tout simplement : c’est qu’on a prouvé que c’était possible de vivre correctement d’un rêve, d’une utopie, qu’on peut facturer pour du logiciel libre, qu’on peut le faire, qu’il ne faut pas être résigné à acheter des produits en conserve et à les consommer comme des programmes télévisés. Qu’on peut se prendre en main et qu’on peut prendre en main l’avenir numérique des outils d’éducation de nos enfants… C’est possible, on l’a fait, on le prouvait jour après jour. Une boite de 8 personnes qui tient plus de 10 ans c’est pas une coïncidence, c’est pas un hasard, c’est pas un « accident », c’est que ça marche pour de vrai.

 

RyXeo étant en liquidation, c’est la fin d’AbulÉdu ?

Le projet AbulÉdu n’est pas mort, c’est un projet issu du monde associatif et porté par une communauté. RyXéo en était certes le moteur, puisqu’il a permis de salarier développeurs et graphistes et de faire avancer ce projet tout en le rendant attractif, mais il continuera sa route avec deux autres moteurs identifiés, les associations AbulÉdu-fr et Abul et peut-être d’autres. C’est une des forces du logiciel libre, il nous permet cette continuité et de rebondir.

 

Quel va être justement le rôle de l’association AbulÉdu-fr ?

Pour être complet, il y a deux associations qui unissent leurs forces pour la continuité du projet AbulÉdu : l’association AbulÉdu-Fr mais aussi l’Abul qui compte parmi les pionniers dans la promotion du logiciel libre en France. Dans cette nouvelle gouvernance qu’il va falloir inventer, AbulÉdu-fr peut s’appuyer sur son savoir faire autour des usages et des relations avec les utilisateurs, l’Abul quant à elle pourra se concentrer sur l’infrastructure technique.

Abul et AbulÉdu-fr : deux associations pour soutenir le projet AbulÉdu avec vous.

Abul et AbulÉdu-fr : deux associations pour soutenir le projet AbulÉdu avec vous.

 

Sans être exhaustif, pouvez-vous nous présenter quelques grands projets mis en place par AbulÉdu-fr ?

Le premier qui me vient à l’esprit est Babytwit tant son succès a été rapide et grandissant. Il s’agit d’un site de micro-blogging libre et éthique dédié principalement à la communauté éducative. Une alternative à Twitter dont la publicité est absente et où les données personnelles des utilisateurs ne sont pas monnayées. Je pourrais également citer QiRo, site de questions-réponses où tout le monde peut poser une question ou apporter une réponse. Comment ne pas également parler de data.abuledu.org, banque de ressources brutes sous licences libres (dont Framasoft héberge d’ailleurs un miroir) ?

À ce propos, j’aimerais souligner la partie plus « invisible » de l’activité des membres de l’association : « data » rassemble 30 000 ressources qui ont toutes été proposées, décrites, indexées et modérées par la communauté. Certains membres de l’association accompagnent régulièrement des classes dans la mise en œuvre de projets numériques, d’autres sont très présents sur Babytwit et y animent des activités ou répondent aux messages des élèves.

Comme il ne s’agit pas d’être exhaustif, je ne parlerai pas de la rédaction de tutoriels ou de documentations, des comptes-rendus d’expérimentation, de la prescription de nouveaux services…

Qiro, le service de questions / réponses de l'association AbulÉdu-fr

Qiro, le service de questions / réponses de l’association AbulÉdu-fr

 

Vous lancez donc, et c’est la bonne nouvelle, une campagne de financement participatif. Avec quels objectifs ?

L’enjeu primordial est de rendre accessibles un ensemble de ressources pédagogiques et d’outils numériques en dehors de toutes pressions commerciales, au nom de la neutralité, de l’éthique et de l’idée que l’on se fait de l’éducation. Pour y contribuer nous pensons essentiel de passer d’un modèle économique d’éditeur de logiciels à un modèle associatif où chaque nouveau développement ne sera financé qu’une seule fois pour être ensuite disponible pour tous. Cela implique de trouver d’autres moyens de développement de nos ressources, mais aussi d’adapter les ressources actuelles à ce nouveau fonctionnement. C’est pourquoi nous visons deux paliers (l’un à 25000€ et l’autre à 50000€) dont vous trouverez les détails ici sur la page de la campagne.

Il faut sauver AbulÉdu et nous avons besoin de votre aide financière pour cela.

Campagne de financement participatif pour le projet AbulÉdu.

Campagne de financement participatif pour le projet AbulÉdu.

 

Cette année (oui, dans l’éducation nationale on parle en année scolaire) on a beaucoup entendu parler de l’éducation nationale pour ses liens très étroits avec des logiciels privateurs. Le ministère a-t-il connaissance du projet AbulÉdu et de sa pertinence pour ses écoles ?

Oui, le projet AbulÉdu est connu au ministère. Le serveur AbulÉdu par exemple est référencé dans le guide pratique de mise en place du filtrage des sites Internet sur le site EducNet.

De plus, suite à l’accord passé entre Microsoft et le ministère au mois de novembre dernier nous avons écrit au ministère pour exprimer notre sentiment vis à vis de ce partenariat et également rappeler l’existence du projet AbulÉdu. Au mois de janvier nous avons été reçus par un représentant de la Direction du Numérique Éducatif. Nous avons pu présenter le projet AbulÉdu dans son ensemble, notre interlocuteur était très attentif. Enfin, nous avons constitué un dossier de demande de subvention au mois de mars. La balle est maintenant dans le camp du ministère, nous saurons prochainement si un projet tel qu’AbulÉdu a sa place dans les écoles françaises.

 

À votre avis, quels sont les principaux freins de la percée du logiciel libre dans l’éducation ?

À mon avis, le souci principal est lié au « point de vue » ou plutôt au paradigme : le logiciel libre porte des valeurs là où le logiciel propriétaire s’appréhende d’un point de vue économique. Le logiciel libre ouvre son code source pour que chacun puisse se l’approprier, le modifier selon ses besoins et bien sûr le redistribuer là où le logiciel propriétaire verrouille tout, empêche toute diffusion autrement que par ses réseaux et tant pis s’il ne correspond pas tout à fait à tes besoins : soit tu changes de besoin, soit tu achètes la prochaine version.

Le logiciel libre refuse l’exploitation et la revente des données des utilisateurs, là où le logiciel propriétaire en fait un commerce démesuré.

Malheureusement, de nos jours, on préfère parler de données économiques brutes que de valeurs éthiques.

 

Comme vous le savez, à Framasoft, on essaie de sensibiliser à l’emprise croissante des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) dans tous les aspects de notre vie. Quand on parle GAFAM et éducation, on pense naturellement à Microsoft ou Apple. Mais Google perce de plus en plus avec des solutions comme Classrooms ou OpenOnline. Pour l’instant, Google Education vise plutôt le marché universitaire, mais n’a pas caché son ambition de couvrir l’ensemble des cycles. Les solutions Google commencent-elles à apparaître sur vos radars ?

Actuellement, le 1er degré (élèves de maternelle jusqu’au CM2) n’est pas concerné par Google Classrooms ou OpenOnline. Je devrais dire, n’est pas encore concerné. En effet, un appel à projet visant l’équipement des collégiens et des écoliers en EIM (équipement mobile individuel) a été lancé par le ministère, on en est maintenant à la 3e phase. Il y a fort à parier que de nombreux équipements seront basés sur Android offrant ainsi à Google une porte d’entrée dans les écoles.

 

Merci à l’équipe d’AbulÉdu pour cet entretien.

Soutenir AbulÉdu sur sa page de financement participatif.

Pour un requiem libre et athée

mardi 14 juin 2016 à 08:08

La tradition musicale du requiem est dès l’origine inhérente à la liturgie chrétienne au point qu’il faut attendre le XVIIIe siècle pour assister à la création de requiems « de concert », donc exécutés en dehors d’une célébration funèbre à caractère religieux.

Aujourd’hui, Denis Raffin propose d’aller plus loin encore et vient de passer plusieurs années à l’élaboration d’un requiem athée, qui comme il nous l’explique, vise à rendre hommage au souvenir des disparus en exaltant plutôt… la vie, hors de toute transcendance.

Qui plus est, sa création musicale est non seulement libre de références à la divinité mais aussi libre de droits et élaborée avec des logiciels libres. De bonnes raisons pour lui donner la parole et prêter une oreille curieuse à son requiem.

Peux-tu te présenter brièvement et nous dire par quel parcours tu en arrivé à ce projet un peu surprenant ?

2016_06_denis

Je suis un compositeur amateur, épris de musique classique depuis mon enfance. Jusqu’à présent, j’ai surtout composé de courtes pièces pour mon entourage. C’est la première fois que je me lance dans une œuvre d’une telle ampleur. J’ai composé les premières notes en 2013 (il y a 3 ans, oui oui…) et je viens enfin de terminer d’ébaucher les 5 mouvements qui constituent l’œuvre.

Justement, en prenant connaissance de ton projet, maintenant en phase finale, on ne peut s’empêcher de se dire que tu es soit très courageux soit inconscient : s’attaquer à un tel format musical demande de l’estomac, non ? et je ne parle même pas des monuments du genre (Mozart, Brahms, Berlioz, Verdi et tant d’autres… ) qui peuvent impressionner. Tu veux t’inscrire dans l’histoire de la musique à leur suite ?

J’ai toujours adoré les grandes œuvres religieuses, notamment funèbres. On y trouve une noirceur plus ou moins désespérée, mêlée à un fort besoin de consolation et de lumière (de résilience). Il y a peut-être un peu de mégalomanie dans mon projet, je ne le nie pas. Mais en réalité, il s’agit surtout de répondre à un double besoin : celui de m’obliger à dépasser le stade de compositeur du dimanche et celui d’aborder frontalement un thème qui me hante depuis mon adolescence : celui de la finitude de nos existences. J’ai voulu célébrer par une œuvre monumentale un événement très important dans ma propre existence : j’ai fini par admettre que j’allais mourir.

Brrr ce n’est pas très gai tout ça… On peut concevoir le désir de rendre hommage aux disparus, mais pourquoi célébrer la mort ?

Attention, pas de contre-sens ! Je ne célèbre pas la mort ! Mais assumer ma finitude m’a permis de comprendre des choses simples. D’abord que la vie est un bien précieux car éphémère et fragile. En ce sens, il faut savoir la respecter, la protéger, refuser de se contenter d’une vie où on se « laisse vivre ». Et surtout résister aux vols de nos existences que constituent le sur-travail, les guerres, la consommation, etc. Ensuite, nos existences si courtes prennent beaucoup plus de sens quand on les replace au sein de cycles naturels et historiques qui les dépassent. J’appelle, dans Un requiem athée, à « cultiver le grand jardin du monde ». À agir, humblement, chacun à son échelle, à construire un monde meilleur, tout en profitant au mieux de celui qui nous est offert. Il n’y a rien de morbide dans tout ça, non ?

Un requiem athée et libre, mais pas triste !

Un requiem athée et libre, mais pas triste !

 

Comme tu l’exposes en détails sur cette page tu n’es pas le premier à vouloir créer un Requiem athée. Pourquoi ajouter ta version, est-ce qu’il te semble qu’il y a ces dernières années une urgence (la question toujours vive de la laïcité ?) ou bien la naissance de ton projet correspond-elle à un cheminement plus personnel ?

La question de la laïcité, et en particulier de la cohabitation entre religieux et non-religieux, ne fait pas partie de ma démarche. Simplement, il y avait un manque dans l’histoire de la musique : il existe très peu d’œuvres athées traitant du thème de la mort.

Parler aux athées en général n’est d’ailleurs pas une mince affaire, car les athées ne constituent pas une école de pensée homogène. Le cheminement que je propose dans le texte est nécessairement très personnel. Par exemple dans sa dénonciation de l’immanence ou dans son appel non voilé à la rébellion (« La colère de l’Homme »). Cela dit, je n’ai pas hésité à réécrire le 2e mouvement de mon requiem (« Non credo ») lorsque ceux qui ont suivi sa composition l’ont accusé d’un trop grand dogmatisme. J’espère sincèrement que mon texte ne constitue pas un obstacle à l’appréciation de la musique, quels que soient les points de désaccord que puissent avoir mes auditeurs avec mes idées.

Comment définirais-tu ta musique ? On dit souvent que la musique contemporaine est difficile d’accès pour les oreilles non-initiées, est-ce le cas pour ton requiem ?

Pour les connaisseurs, il s’agit d’une écriture qui s’autorise tous les langages : tonal, modal, chromatique et atonal. Pour ceux qui ne sont pas habitués à écouter de la musique classique, disons que c’est une œuvre globalement facile à suivre, mais avec des passages assez ouvertement dissonants. La durée totale est raisonnable pour le néophyte (environ 45 minutes), tout en laissant le temps de s’imprégner d’un univers musical que je souhaite assez riche.

Pourquoi faire le choix de logiciels libres et placer ton œuvre en gestation dans le domaine public ?

Faire-part de liberté sur le site du projet

Faire-part de liberté sur le site du projet

La principale raison du choix de la licence CC-0 est philanthropique : c’est un cadeau que je souhaite faire à l’humanité. Par ailleurs, je suis intimement convaincu que le modèle actuel des droits d’auteur freine la création au lieu de la protéger. Il y a une excellente conférence de Pouhiou sur ce thème.

D’ailleurs, c’est un peu grâce à Pouhiou que je me suis décidé à créer un blog pour présenter ma composition en cours de réalisation. Dans son premier tome du cycle des Noénautes, il expose les interactions qu’il a pu avoir avec ses lecteurs sur son blog tout au long de l’écriture du roman et je me suis dit : et pourquoi pas utiliser ce dispositif pour mon requiem aussi ? Pour ceux que ça intéresse, j’ai exposé ma position dans cet article : vive la musique libre, à bas les droits d’auteur !

Pour ce qui est du choix des logiciels libres pour composer, il s’est imposé de lui-même : j’ai toujours milité pour la diffusion des logiciels libres (y compris dans l’Éducation Nationale à l’époque où j’y ai travaillé) et ça n’aurait pas été cohérent d’utiliser des logiciels privateurs pour réaliser une telle œuvre, non ? J’utilise essentiellement Musescore. même si les fonctionnalités sont un peu limitées par rapport aux gros logiciels payants du commerce. J’envisage d’utiliser Lilypond pour les dernières étapes de la composition (orchestration, cadences non mesurées, mise en page, etc.).

requiem-guitare

Tu as une formation musicale (on s’en doutait) et tu as donc été un temps professeur dans l’Éducation Nationale, mais en ce moment de quoi vis-tu, car on imagine bien que créer un requiem n’est pas une activité très lucrative ?

J’ai été successivement ingénieur du son, professeur de physique-chimie en collège et grand voyageur. Je suis actuellement ouvrier agricole (dans le maraîchage bio). Je compose sur mes temps libres, soir et week-end. Au début du projet, je m’étais mis à temps partiel pour trouver le temps de composer. Clairement, j’aimerais consacrer plus de temps à la composition dans les années qui viennent. Pour une raison simple : si je ne prends pas le temps de composer mes œuvres, qui le fera à ma place ?

De quoi as-tu besoin maintenant pour mener ton projet vers sa phase finale : de contributions techniques, musicales, d’interprètes, d’argent… ? C’est le moment de lancer un appel…

L’étape la plus importante est terminée : toute l’œuvre est ébauchée. On peut d’ailleurs écouter des exports (avec des sons synthétiques) sur le site du projet. Il reste deux étapes avant de pouvoir entendre l’œuvre pour de bon.

D’abord, il faut que j’écrive l’orchestration de l’œuvre. Je n’ai encore jamais eu à faire ça et c’est assez technique. J’apprécierai une aide pour cette étape : j’ai besoin de quelqu’un d’un peu expérimenté pour me relire, me corriger, me faire des suggestions, etc. Je pense m’adresser aux classes d’orchestration des conservatoires pour trouver ce genre de profils.
Ensuite, il faudra réunir des interprètes. Et là, les choses se compliquent… Car il faudra trouver de l’argent pour rémunérer tout ce monde (un orchestre, un chœur et 4 solistes). J’ai plus de questions que de réponses : mon œuvre pourrait-elle intéresser une institution ? Aurais-je un public suffisamment motivé pour réussir un crowdfunding ? J’avoue que ça me soulagerait grandement si quelqu’un de plus compétent que moi pouvait prendre en charge cette partie-là du travail !

Allez on s’écoute le « Non credo » ? Les autres mouvements sont disponibles sur le site de Denis.

Que nos lecteurs mélomanes et musiciens se manifestent et fassent passer le mot : ce projet original et libre mérite d’aboutir à des interprétations publiques et pourquoi pas des enregistrements. À vous de jouer ♫ !

Opération « Dégooglisons » à Nevers les 24/25/26 juin

lundi 13 juin 2016 à 20:42

Mi-avril, les services de la ville de Nevers, dans le cadre de leur Année du Numérique, ont pris contact avec nous pour nous proposer d’animer, avec Nevers Libre (le tout récent GULL local) un événement d’envergure autour de la thématique de la décentralisation d’internet.

On y parlera donc essentiellement de la concentration des pouvoirs des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), mais aussi auto-hébergement, biens communs, et bien évidemment logiciels libres !

Opération Dégooglisons à Nevers

Les temps forts

Nous commencerons dès le vendredi 24 juin par une présentation du manifeste et de la charte de notre futur projet CHATONS, qui sera suivie par une projection-débat du documentaire « Les Nouveaux Loups du Web ». C’est l’occasion pour nous de remercier le cinéMazarin de nous accueillir. Vous pouvez pré-reserver vos places !

Dès le samedi matin et jusqu’au dimanche soir, vous pourrez retrouver à l’Inkub vos structures préférées sur un village du libre : April, Cozy Cloud, FabLab de Clamecy, FFDN, Framasoft, Nevers Libre, La Quadrature du Net, OpenStreetMap, PIQO, SavoirsCom1, Ville et Agglomération de Nevers.

La journée débutera par une introduction au logiciel libre (April), et se poursuivra par la présentation des enjeux de la décentralisation (Framasoft), la démonstration d’outils (Cozy Cloud, notamment), et le cas d’un secteur “non-informatique” impacté (celui de la presse, avec nos amis de NextINpact).

Le dimanche verra sa matinée consacrée à une « carte blanche à Louis Pouzin » inventeur du datagramme, précurseur d’internet et natif de la Nièvre. Il participera notamment à une table ronde sur l’enjeu de la question d’un internet neutre et décentralisé, au côté le La Quadrature, de la Fédération FDN, et bien d’autres. Enfin, le week-end s’achèvera par une dernière table ronde qui visera à prendre un peu de recul en abordant la question des « communs numériques » à l’heure de GAFAM.

Les nouveaux loups du web

Le « off »

Le samedi soir, un BarCamp sera organisé. Pour rappel, un BarCamp est une « non-conférence », donc les sujets ne sont évidemment pas définis, car c’est vous qui décidez 😉

Par ailleurs, en parallèle des conférences, des ateliers s’enchaîneront le samedi et le dimanche, autour du thème de ces journées : contributions à OpenStreetMap ou Wikipédia, utilisation de Cozy Cloud, démonstration d’outils Framasoft, ateliers d’auto-hébergement, etc.

Ces temps sont volontairement ouverts à tou-te-s afin d’avoir un programme « souple » permettant à chacun de participer et de partager ses questions et ses connaissances.

Venez !

Pour nous retrouver, rien de tel qu’une Framacarte 😉

 

Voir en plein écran

Le programme complet

Vendredi 24/06

APRES MIDI

Lieu : Lycée Raoul Follereau, 9 Bd St-Exupéry, Nevers

  • 14H Intervention « Internet et vie privée : je t’aime, moi non plus ? » (Framasoft)

SOIRÉE

Lieu CinéMAZARIN, 120 rue de Charleville, Nevers
  • 20H à 20H30 : Conférence de presse : Annonce manifeste et charte CHATONS, par Framasoft.
  • 20H30 : projection-débat du documentaire « Les Nouveaux Loups du Web », de Cullen Hoback (1h15)

Avez vous déjà lu les conditions générales d’utilisation des données privées présentes sur chaque site internet que vous visitez, ou sur les applications que vous utilisez ? Bien sûr que non. Et pourtant, ces mentions autorisent les entreprises à utiliser vos informations personnelles dans un cadre au delà de votre imagination. Le film vous révèle ce que les entreprises et les gouvernements vous soustraient en toute légalité, à partir du moment où vous avez cliqué sur « J’accepte », et les conséquences scandaleuses qui en découlent. La projection du film sera suivie d’un débat animé par l’association Framasoft.

Samedi 25/06

Lieu : l’Inkub, site Pittié, 5 rue du 13eme de ligne, Nevers

Tout au long de la journée, retrouvez sur le « village associatif » différentes associations qui pourront vous présenter différents aspects du logiciel et de la culture libres. Différents ateliers animés par ces mêmes structures pourront vous permettre de pratiquer (« Comment contribuer à Wikipédia ou OpenStreetMap ? », « Utilisation de CozyCloud », « Créer un fournisseur d’accès à internet libre de proximité », « Mieux contrôler sa vie privée avec Firefox », etc.)

MATIN

  • 10/12H : Conférence « Qu’est ce que le Logiciel libre ? »

Cette conférence vise à présenter au grand public ce qu’est le logiciel libre, son histoire, ainsi que les enjeux de ce mouvement qui est loin de n’être que technique.

Intervenantes : Magali Garnero, Odile Benassy, Association April

APRÈS MIDI

  • 14H/15H30 : conférence « Nos vies privées sont-elles solubles dans les silos de données de Google ? »

L’emprise de Google, Apple, Facebook, Amazon ou Microsoft ne cesse de croître. Non seulement sur internet, mais aussi dans bien d’autres domaines (robotique, automobile, santé, presse, média, etc). L’association Framasoft s’est fixé l’ambitieuse mission de montrer qu’il était possible – grâce au logiciel libre – de résister à la colonisation d’internet et à marchandisation de notre vie privée.

Intervenants : Pierre-Yves Gosset, Pouhiou, Association Framasoft

  • 16H00/17H30 : conférence « Google, un big brother aux pieds d’argile ! »

Cozy permet à n’importe qui d’avoir son serveur web et de l’administrer à travers une interface très simple. Il offre la possibilité d’installer des applications web et de stocker ses données personnelles sur un matériel que l’on maîtrise. Contacts, calendriers, fichiers… Tout est au même endroit !

Intervenant : Benjamin André, CEO et co-fondateur de Cozy Cloud

  • 18H00/19H30 : Paroles croisées « La presse à l’heure des GAFAM »

Tous les secteurs sont impactés par l’omniprésence et la puissance des géants du numérique (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, etc.). La presse n’est pas épargnée. Comment s’adapter aux changements de pratiques des lecteurs ? Comment résister à la pression des plateformes ? Quels sont les modèles économiques existants ou à inventer ? Quels sont les impacts sur le métier de journaliste ? En croisant les expériences d’un journal historiquement “papier” à dimension régional et celui d’un site d’informations spécialisé né sur internet, nous essaieront de mettre en valeur les enjeux d’une presse à traversée par le numérique.

Intervenants : David Legrand, directeur des rédactions de NextInpact, Jean Philippe Berthin, rédacteur en chef du Journal du Centre

Animateur : Pierre-Yves Gosset, Framasoft

A partir de 20H : BARCAMP : « Venez découvrir et contribuer à des projets libres (OpenStreetMap, Wikipédia, Firefox, Cozy, etc.) »
Wikipédia définit le barcamp comme « une non-conférence ouverte qui prend la forme d’ateliers-événements participatifs où le contenu est fourni par les participants qui doivent tous, à un titre ou à un autre, apporter quelque chose au Barcamp. C’est le principe pas de spectateur, tous participants. »

Dimanche 26

Lieu : l’Inkub, site Pittié, 5 rue du 13eme de ligne, Nevers

MATIN

  • 10h à 10h45 : Carte blanche à Louis Pouzin
  • 11H/13h00 : Table ronde citoyenne : “Un internet neutre et relocalisé : quels enjeux pour les territoires ?”

« Le “cloud”, c’est l’ordinateur de quelqu’un d’autre. ». Au travers des regards et expériences de différents acteurs tentant – chacun à leur façon – de promouvoir un internet et des services de proximité au service des citoyen, la table ronde vise à explorer les pistes de résistance à une appropriation d’internet par quelques entreprises.

Intervenants : Fédération FDN, Association April, La Quadrature du Net, Stéphane Bernier (DSI Ville de Nevers), Quentin Bouteiller (Nevers Libre), Louis Pouzin

Animateur : Benjamin Jean (Inno3)

APRES MIDI

  • 14H/16H : table ronde “Les communs numériques”

Pour conclure ces journées, cette table ronde vise à « prendre de la hauteur » en posant la question essentielle de la présence des « communs » à l’heure du numérique, mais aussi des pressions sociétales, lobbyistes, économiques auquel ces ressources doivent faire face.

Intervenants : Odile Benassy (April), Christian Quest (Président OpenStreetMap France), Pouhiou (Collectif SavoirsCom1)

Animateur : Jérémie Nestel

  • 16H : Clôture de l’événement : Alain Bourcier, Vice Président de l’Agglomération de Nevers en Charge du Numérique

 

Téléchargez le programme complet en version PDF.

 

Nous remercions chaleureusement tous les partenaires de cet événement (Ville/agglo de Nevers, Nevers Libre, PIQO, etc.) ainsi que toutes les structures ayant répondu présentes, et nous espérons vous voir nombreuses et nombreux pour partager ce moment avec nous !

 

Partenaires de l'opération

 

Framavox : discutez, décidez, et faites entendre votre voix !

mardi 7 juin 2016 à 08:09

Dans les associations, les collectifs, les groupes de travail… ou même lorsque l’on passe sa nuit debout, il est un point essentiel de la collaboration : comment prendre des décisions ensemble ?

Bien entendu, le numérique peut être un outil formidable en cela : même séparés géographiquement, on peut discuter, se positionner, changer d’avis au cours des échanges. Chose amusante, c’est le logiciel libre qui répond le mieux à ces problématiques (à tel point que nous avons eu du mal à trouver une alternative « made in GAFAM » à cette nouvelle offre pour notre carte Dégooglisons Internet ^^ !)

Tour de Framavox en deux listes à puces

Nous sommes donc fiers de mettre en avant les fonctionnalités du logiciel libre Loomio dans ce nouveau service : Framavox.

Voici un outil collaboratif de prise de décisions qui vous permet de :

 

Le tout agrémenté de fonctionnalités très pratiques :

Tout cela est à votre disposition sur Framavox.org !

Le tutoriel pour l’auto-hébergement est disponible dans le Framaclahoude.

Démonstration en vidéo (réalisée par Fréderic Véron, qui a gentiment répondu à notre sollicitation)

 

Framavox illustré en un exemple concret

Le Groupe d’Action pour le Gras a des décisions à prendre…

Sandrine (dont la vie associative est bien remplie…) est une membre du G.A.G., le « Groupe d’Action pour le Gras » dont la devise est « Le gras, c’est la vie. » Les membres de cette association ont du mal à se réunir physiquement pour prendre toutes les décisions nécessaires.

Elle décide donc de créer un groupe pour l’association sur Framavox… C’est simple : elle se crée un compte, puis elle s’y connecte pour créer le groupe.

01 framavox creer groupe

Sandrine décide de créer un groupe fermé, car elle voit dans la documentation de Loomio (traduite en français par l’infatigable groupe Framalang) qu’elle pourra modifier ce paramètre ultérieurement.

Dès la création, une première discussion de « bienvenue » est créée. L’œil de lynx de Sandrine y repère bien vite :

02 framavox bienvenue commente

Bon, pour continuer, il lui faut du monde avec qui échanger. Qu’à cela ne tienne, elle décide d’inviter John et Olivia à tester l’outil avec elle pour le compte de l’association.

03 framavox inviter des personnesEt, tant qu’à faire, autant créer la première discussion sur un sujet clivant, brûlant, un sujet qui divise le Groupe d’Action pour le Gras : la margarine.

04 framavox creer discussion

L’outil invite aux échanges, John et Olivia s’en donnent à cœur joie, comme on peut le lire dans la colonne des échanges de cette nouvelle discussion.

05 framavox discussionPrise d’un doute subit, Sandrine se demande si les objections de John sont liées au fait que la margarine est une graisse végétale (lui qui adore les graisses animales). Elle se demande surtout si d’autres membres du GAG ne font pas partie d’une « majorité silencieuse » qui souhaiterait que l’asso défende en priorité les graisses animales.

Elle décide donc de lancer un vote rapide, une « proposition », afin que l’on valide le positionnement de l’asso avant que de poursuivre les échanges.

06 framavox decision colonne droiteLe résultat est unanime : personne dans l’association ne veut se restreindre à la promotion exclusive des graisses animales.

Cette question (fondamentale, il faut bien le dire) étant réglée, les échanges se poursuivent… jusqu’au point où il est temps de décider : le G.A.G. se lance-t-il (ou non) dans cette campagne de promotion « Margarine, ma passion » ?

Sandrine décide de peaufiner la proposition afin que chacun-e comprenne l’interprétation des votes possibles. Elle utilise donc la syntaxe markdown pour mettre son texte en page.

08 framavox proposition 2 combine fleche

Bon… John a décider de poser son veto sur cette action, en votant « Bloquer »… mais le vote n’étant pas clos, Olivia veut mieux comprendre sa position, et se demande s’il a bien toutes les cartes en main. Elle décide de le notifier en écrivant « @johnbutter » afin qu’il reçoive ce message dans ses emails.

09 framavox notificationJohn, qui n’aime pas la margarine parce que c’est une « copie du beurre » (il préfère l’huile de coco, le bougre), n’avait pas pensé à ces arguments. Il répond donc directement à son email de notification depuis sa messagerie :

10 framavox réponse emailEt il se connecte à Framavox afin de changer son vote de « Bloquer » à « S’abstient ».

11 framavox vote modifiéSandrine est heureuse de voir en temps réel les échanges et les positions évoluer sur cette discussion, qui reste ouverte encore quelques jours, le temps que les autres membres du Groupe d’Action pour le Gras se connectent à leur tour.

12 framavox proposition 2 resultatComme le G.A.G. est une association très active, il y a toujours plusieurs sujets brûlant sur lesquels discuter, échanger et se positionner.

Par exemple, pendant tous ces échanges margariniers, il y a eu en parallèle une autre discussion créée par Olivia, pour inventer une action autour de ses recettes à l’huile d’olive.

13 framavox nouvelle discussion

La morale de cette histoire…

C’est qu’on espère voir les recettes d’Olivia paraître sous licence libre ! (vous pouvez rejoindre le groupe Framavox du GAG si vous voulez tester ^^)

C’est surtout que les équipes de Loomio ont conçu un outil qui peut faciliter grandement la vie de collectifs faisant le choix de prendre des décisions collaborativement.

C’est enfin que Framavox est un nouvel outil à votre disposition.

Le tuto pour l’installer sur vos serveurs est d’ores et déjà disponible sur framacloud.org.

Et oui, vous avez le droit de vous demander à quoi on carbure quand on cherche des exemples. C’est en vente libre, promis.

 

Pour aller plus loin :

Un guide Framabook pour les communautés

dimanche 5 juin 2016 à 11:11

Une communauté, comment ça marche ?
Et surtout comment faire pour que ça marche bien, que ça s’épanouisse et que ça dure ?

Nous sommes bien placés pour le savoir à Framasoft, la vie quotidienne d’une communauté se fait le plus souvent en mode bazar — peut-être devrais-je dire à la gauloise — jusqu’à ce qu’une bonne volonté à l’esprit plus cartésien prenne en charge une mise en ordre efficace, avec processus, deadline et animation d’une équipe (nous appelons ça des « comités »). Heureusement notre projet pluriannuel et planétaire dégooglisons internet nous fixe les grandes lignes d’une action qui reste empirique au jour le jour. Heureusement aussi que nous pouvons compter sur vous pour nous propulser, car c’est ainsi que nous avançons.
Bref, nous avons beaucoup à apprendre du nouveau Framabook que nous vous présentons aujourd’hui, car il s’agit d’un ouvrage fondé sur l’expérience et des cas concrets, et dont la démarche est celle d’un guide pas à pas pour une gestion optimale d’une communauté autour d’un projet libre. Vous allez le découvrir dans ce précieux manuel, les trois compères qui l’ont conçu n’ont rien oublié, car tous les détails qu’ils abordent peuvent s’avérer décisifs pour une communauté.
Avant d’ouvrir le Framabook qui vous attend, faisons connaissance avec Patrick et les deux Stéphane qui nous viennent d’INRIA, nous en saurons plus sur leurs motivations et l’esprit dans lequel ils ont travaillé.

Vous publiez aujourd’hui un guide très complet et riche en recommandations sur la façon d’animer une communauté. Selon votre expérience, on innove plus facilement à partir d’organisations communautaires qu’à partir de structures verticales et officielles ?

Les communautés de pratique qui se construisent autour de projets ouverts font partie des structures humaines les plus fécondes en innovations que l’on connaisse. Je dirais que l’on innove plus facilement avec des structures de type communautaire, pair à pair, encore faut-il qu’elles soient dynamiques.

Une des clés de succès est de bien choisir son modèle de gouvernance. Le modèle de gouvernance en « approche descendante » (top down) est souvent un frein à l’émergence de nouveautés, c’est même un puissant stérilisateur d’innovation. Cependant, les organisations qui ont choisi ce modèle sont alors davantage utilisatrices et/ou consommatrices d’innovation… Il est important de collaborer aussi avec ces structures. Une fois que les projets ont pris de l’élan, elles peuvent avoir du sens car elles permettent d’institutionnaliser les innovations produites.

Je crois que ces deux modes d’organisation sont complémentaires, à la condition cependant de laisser les inventions germer puis se transformer en innovations selon leur mouvement naturel qui est bottom-up.

Et dans l’institut de haut niveau où vous travaillez, on est plutôt bottom-up ou top-down ?

Le modèle Inria est selon nous à la fois une structure top down et une structure bottom up. L’écosystème bottom up est constitué des chercheurs et ingénieurs de recherche alors que le top down est représenté par les équipes de valorisation. L’organisation bottom up (accompagnée d’actions encourageant la prise d’initiatives) facilite l’émergence de projets très divers et dont l’usage dans la société est insoupçonné (quel impact ?)… en somme la structure bottom up produit de l’innovation et la structure top down pioche dedans. Tel est le cas pour Inria, pas forcément pour les projets FLOSS…

Vous publiez un guide dont le sous-titre est « Animer une communauté autour d’un projet ouvert », c’est parce que vous trouvez que les communautés libristes ne sont pas bien « animées » ?
Pas du tout ! Il nous semblait d’une part que ce sujet n’était pas encore largement traité et d’autre part que la diffusion et la mise en commun de nos expériences pouvaient être utiles. Stéphane Ribas apporte, en tant qu’expert en management de communautés, une assistance à l’ensemble des équipes de recherche et aux projets de développement logiciel au sens large chez Inria. Comme la demande est bien trop large pour être traitée par un seul spécialiste, ce guide a été écrit pour tenter d’amplifier la diffusion des quelques principes de base de la gestion de communauté.

On sent une volonté d’éducation populaire à la lecture de ce guide, qui dépasse le seul cadre du développement logiciel…

Éduc pop… oui. On est animés par une motivation intrinsèque incroyable : transmettre le savoir et le savoir-faire, se rendre utiles. Disons qu’on se rend bien compte de l’utilité de ce que l’on fait et c’est extrêmement motivant.

Ce guide est le fruit d’un travail collaboratif de longue haleine, qu’il a fallu coordonner et mener à terme, pas trop compliqué ?

Stéphane Ribas — Eh bien mes deux collègues ont dû supporter mon hyperactivité pendant presque 6 ans… Les périodes de disponibilité et les phases de l’écriture n’étaient pas toujours les mêmes, du coup la plupart des solutions sont venues d’un effort de coordination : calage de journées de travail dédiées au guide, Skype, etc. Il faut dire que la rédaction de ce guide est venue se superposer à des vies déjà bien remplies…

Patrick Guillaud — Notre proximité et le partage quotidien de nos interrogations, préoccupations et parfois de nos succès nous ont permis de finalement partager une vision commune et cohérente à partir de trois prismes ou angles de vue un peu décalés.

Est-ce que le choix de Framabook comme éditeur découle de l’aspect collaboratif de ce guide ou y a-t-il d’autres raisons qui vous ont poussés à placer cet ouvrage dans les communs ?
Patrick G. — Je crois que l’une des raisons qui nous poussent à agir est justement le fait que nous sommes de fervents supporters de la philosophie du libre, car nous sommes convaincus de son efficacité. Il ne faut pas oublier non plus que nous avons la chance de travailler dans un institut public de recherche, ce qui nous place dans des conditions idéales pour mettre cette philosophie en action, même si l’on voit de plus en plus d’entreprises privées y venir également. Cependant, après des années à travailler dans ce domaine, je crois que nos convictions vont bien au-delà, et nous sommes sûrement davantage aujourd’hui des supporters du mouvement appelé openness … D’ailleurs les conseils prodigués dans le guide Logiciels et Objets Libres s’appliquent aussi à d’autres domaines. On a mis un peu beaucoup d’openness dans ce guide (désolé pour l’anglicisme).

Il ne faut pas empêcher la transmission du savoir et du savoir-faire. À l’époque de la recherche de phénomènes autour de l’électricité, certains « scientifiques » présentaient des expériences au public comme des phénomènes magiques. C’était une mise en scène sans grande explication sur la logique de fonctionnement, l’explication était réservée à une toute petite partie de l’élite. Une deuxième école de pensée existait déjà, elle avait pour objectif de transmettre ce savoir au plus grand nombre, de pratiquer une sorte de médiation scientifique, de vulgarisation de la science. C’est bien sûr dans cette démarche que s’inscrit notre travail.

Le choix de la triple licence : LAL 1.3, GNU FDL 1.3 et CC By-SA 3.0, c’est par gourmandise ou par militantisme ?

Patrick Guillaud — Gourmandise ou militantisme ? Si je revendique le premier terme sans complexe, j’associerais volontiers celui d’activisme au second. En effet, l’un des principes qui fondent nos activités est celui d’action dont je dirais même qu’il précède notre discours militant et nous permet de le construire. On aurait pu aussi remplacer gourmandise par recherche du plaisir et militantisme par conviction.

Plus sérieusement, comment et pourquoi avez-vous choisi ces licences ?
En fait, nous avons suivi les conseils de Framasoft, mais en même temps nous convaincre était facile : nous avons plusieurs éditeurs dans le monde de la recherche qui ont mis en place des licences qui ne favorisent pas si facilement le partage et la diffusion, ou ne laissent pas de place à la reconnaissance de l’auteur… Nous avons donc très naturellement accepté la proposition de Christophe.

Vous donnez dans cet ouvrage des interviews et des cas concrets qui sont intéressants et qui complètent utilement les recommandations théoriques. Mais chez Inria, qui est une très vaste structure collaborative, comment se passe « l’animation » de la communauté ?

Patrick G. — Au sein d’Inria l’animation des communautés (je le mets au pluriel parce qu’elles sont nombreuses) se faisait au gré des vents et des courants et dépendait entièrement du contexte : lorsque l’équipe comptait un leader, charismatique et bon manager, elle était parfaite, mais parfois c’était plus compliqué. Dans ce genre de cas, un brin de méthode — on appelle ça « les bonnes pratiques » — ne peut pas faire de mal. Et c’est la fonction principale de Stéphane Ribas que d’améliorer les choses en la matière. Cela ne permet certainement pas de tout régler partout, mais cela permet de limiter la casse dans certains contextes difficiles, et surtout, à travers des activités de diffusion et « d’évangélisation », cela peut aider significativement les communautés un peu livrées à elles-mêmes de monter en compétence sur ce sujet et donc de gagner en efficience.

Stéphane R. — Il faut aussi ajouter le rôle très important de Stéphane Ubéda et de son rôle au sein d’Inria en 2011, qui ont grandement facilité la mise en place d’un service autour de la gestion de communauté, de manière plus formelle que cela ne se pratiquait auparavant au sein de l’institut. Patrick était responsable de l’animation de plusieurs projets clés dans les domaines de la science et de la société et il a beaucoup travaillé sur l’attractivité de l’institut auprès des étudiants et jeunes diplômés. En somme il a fait le community manager pour plusieurs projets structurants.

Il existe une différence sensible entre les deux exemples de cas concrets, très structurés et se déroulant dans le milieu de la recherche universitaire et/ou industrielle, et les deux projets exposés en interviews, Mozilla et Debian, pour lesquels un certain degré d’empirisme est de mise, avec un mode d’organisation non-directif qui laisse davantage de place à l’autonomie. Est-ce que vous ne voyez pas là une différence entre les projets du monde du Libre associatif et ceux du monde universitaire ?
Stéphane R. (rire) — En fait je ne suis pas sûr que la vision extérieure que l’on peut avoir d’Inria corresponde tout à fait à ce qui se passe à l’intérieur de l’institut. Les infrastructures sont entièrement au service de ses équipes de recherche, 200 environ, réparties dans et autour des huit centres implantés au niveau national. Les actions menées depuis le top management de l’institut ont plus pour but de coordonner que de contrôler. Du coup ce sont en réalité les chercheurs qui dirigent leur barque et les velléités de comportement exagérément top down sont assez efficacement filtrées. Il est permis de supposer que c’est l’un des facteurs qui font que l’institut conserve un niveau de pointe en recherche.

Vous parlez des bonnes pratiques et vous faites état de réussites (AspireRFID, Poppy Project) mais ne peut-on aussi tirer des leçons utiles des échecs ? Pour prendre à l’envers la démarche de votre ouvrage, qu’est-ce qui est défaillant lorsqu’une communauté ne fonctionne pas ?
Pour tout dire nous avons commis un article (publié chez OSS 2011) intitulé Comment tuer une communauté avec un diaporama

Vous ne craignez pas de décourager un peu ceux qui voudraient débuter dans la gestion-animation de communauté ? Parce que, dites donc, c’est copieux tout ce processus idéal… et ça prend du temps ! Ce n’est pas possible pour une communauté de bénévoles, si ?

Oui, cette question de savoir quoi mettre et où s’arrêter a été souvent débattue. Pour l’anecdote, au départ l’idée était de produire un petit document d’une vingtaine de pages maximum, vite écrit (mouahahaha), facile à diffuser et à lire, ne donnant que quelques principes-clés. Aujourd’hui on en rit mais au milieu du gué, euh…

On a voulu faire simple mais à la fois complet. On pense que vous pouvez créer une communauté de 10 membres comme une communauté de 800 membres et plus… Le guide s’adresse à ces deux possibles configurations. On peut le lire de différentes manières : on peut s’arrêter au premier chapitre qui donne les grandes lignes de la méthode. On peut aussi, si on le souhaite, rentrer dans les détails grâce à une lecture plus approfondie du reste des chapitres. Mais on peut aussi lire ce guide en picorant certains passages, certains chapitres. Il faut prendre ce guide comme une sorte de « bible » qui vous suivra tout au long de votre vie de Community Manager.

ensemble

Votre ouvrage s’adresse à des communautés institutionnelles assez structurées pour avoir une personne ou une équipe dédiée à l’animation, mais que conseilleriez-vous à des petites associations ?
Notre idée, souvent débattue également, c’est que, compte tenu du fléchage et des redites d’un chapitre sur l’autre qui permettent une lecture fractionnée ou partielle, le guide devrait être compatible avec de tout petits groupes.

D’ailleurs nous avons appliqué certaines parties pratiques du guide à un projet regroupant 5 à 7 personnes (un logiciel de preuves mathématiques) pour qu’il grossisse ! Nous avons suggéré au chef de ce projet de faire une journée de conférence à Paris où il a invité ses coopétiteurs dans le domaine, et l’avons incité à organiser une journée d’échange avec eux.

Au départ le porteur du projet n’en menait pas large mais il a trouvé l’idée intéressante. Finalement cette journée s’est avérée un joli succès : pleine d’échanges, de prises de contacts, bref, tout ce petit monde s’est retrouvé en mode coopération/compétition et le soir tout le monde était à la fois enchanté et ami. Suite à cette conférence, la communauté à plus que doublé, elle regroupe à présent vingt personnes à travers une liste de diffusion dynamique, où les collaborations sont quotidiennes. Cela peut prêter à sourire, mais ce qui nous importe c’est que le chef de projet soit heureux d’avoir créé une dynamique sur un sujet très, très pointu. Bien sûr, on en peut comparer un tel projet avec un projet grand public.

Je conseille d’utiliser ce guide comme un patchwork… à vous de picorer… picorer, picorer ! C’est vraiment un guide pour débutant, gourmand et grand spécialiste. Il est fait pour un large public et l’élaboration de mini-projets, de projets de taille moyenne, et de grands projets !

 Si vous aviez eu plus de temps/espace de publication, quel autre aspect auriez-vous abordé ? Ce sera pour une prochaine publication ?

Personnellement, je reviendrais sur la méthode pour choisir une licence, il manque des éléments tel que prendre en compte les objectifs du projet, ce que l’on veut partager et les valeurs que l’on veut transmettre. Je compléterais donc bien cette partie même si nous expliquons dans les deux cas concrets comment nous avons choisi les licences : selon les objectifs, le partage, les valeurs.

Nous sommes en 2016, et il y a encore beaucoup de mythes autour de ce sujet ! Je pense que les licences FLOSS décrivent suffisamment de règles pour ne pas ajouter des couches supplémentaires. Beaucoup trop de personnes se focalisent aussi sur le modèle économique au lieu de mettre en œuvre une gouvernance appropriée (avec le partage et les valeurs qui correspondent). On peut changer plus facilement de modèle économique que de modèle de gouvernance ou de licence. D’ailleurs je déconseille de tomber amoureux de son modèle économique ! Je compléterais bien le guide avec un chapitre sur le modèle économique appelé « consortium ».

Quelles sont les utilisations et/ou transformations que vous espérez pour ce guide ? Qui, selon vous, pourrait s’en emparer voire l’adapter ou le modifier ?

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Ce nouveau guide est maintenant disponible sur Framabook

J’aimerais aussi travailler sur les communautés d’apprentissage telles qu’on les retrouve dans le monde éducatif. Il y aurait de quoi écrire un autre guide, qui ne serait pas redondant avec celui-ci : les techniques pour motiver et faire collaborer un monde de professeurs entre eux ne sont pas si simples et ne correspondent pas toujours aux motivations des communautés de pratique.

Enfin et surtout, on aimerait que les gens réagissent sur un wiki à propos du guide et nous donnent leur avis, ajoutent leurs conseils, leurs expériences… Et pourquoi pas faire une version 2 annotée avec les avis du public ?

Nous lançons aussi un appel à contribution pour nous aider à traduire le livre en espagnol, en anglais, en italien…

Nous vous laissons « 3 mots de la fin »…

— À plusieurs on est meilleurs !
— Community over code !
— Doing business on Open Source is not selling a code that we did not pay but earn his life around a code that is not sold.