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La nouvelle du lundi 20:42

lundi 22 janvier 2024 à 20:42

Chaque jour de cette semaine, à 20:42, une nouvelle de 2042 concoctée avec amour par les participant⋅es des ateliers #solarpunk #UPLOAD de l’Université Technologique de Compiègne (UTC).

Aujourd’hui, ça clashe sévère à la radio pirate…

Panique à bord de Padakor

Un texte du collectif Radio Padakor soumis à la licence CC-BY-SA 4.0

– Yo, les clodos !

Depuis qu’une députée avait utilisé ce terme pour désigner des réfu-clims, il avait essaimé dans les milieux militants, devenant un salut amical. Une façon de se rappeler pourquoi on luttait. Justement, Luciole avait besoin d’entretenir sa hargne. Elle serrait fort le micro.

– Le monde d’avant ne demande qu’à revenir. À nous de l’en empêcher. J’annonce la naissance de Radio Padakor, média d’information indépendant, local, éthique, vénère.

Elle balança London Calling.


Nouvelle journée, nouvelle émission. Un horaire, 18:30 et une fréquence, 98.6 FM : c’est tout ce dont l’équipe de Radio Padakor (AirPD) a besoin pour accomplir sa tâche informationnelle.

Aujourd’hui, autour de la petite table se trouvent deux invités : Jarvis le jardinier, un habitué des ondes qui n’est plus à présenter, et Victoire, une experte environnementale venue pour partager son point de vue sur la situation à Compiègne.

Après une brève introduction, l’émission peut enfin commencer. Le vieil homme qu’est Jarvis prend la parole le premier. Aujourd’hui, il est venu parler de tomates.

Agacé par les interférences qu’il entend dans son retour casque, il fait des signes au pauvre Mathias qui se débat avec sa console pour tenter de résoudre ces aléas techniques.

— Le bouleversement climatique nous a apporté son lot de catastrophes, mais il a fourni quelques compensations. On peut désormais envisager de cultiver des tomates en Picardie, à l’air libre, sur sol vivant. Il n’y a plus besoin de sélectionner des variétés hybrides et on peut facilement utiliser les graines issues des fruits de l’année précédente.

— Tout de même, ça doit être moins efficace » fait remarquer l’experte.

Jarvis, surpris d’avoir été interrompu, dévisage la jeune femme.

— C’est comme ça que fonctionne la nature ; c’est pour ça que les fruits produisent des graines.

— Ouais, ça va bien pour manger deux-trois salades de tomates par an, mais pas plus…

— Ça fait des décennies que je cultive des tomates, et croyez-moi, j’obtenais déjà de beaux rendements avant qu’il ne fasse aussi chaud en Picardie.

Il reprend.

— Il y a une contrainte à connaître, impérativement : c’est le principe de rotation. La tomate est gourmande en azote. Le sol qu’elle laisse derrière elle est appauvri. Il faut donc éviter de replanter des tomates au même endroit année après année, au risque de voir diminuer sa production. Idéalement, on attendra cinq ans avant de replanter des tomates dans une parcelle.

Il se tourne vers Victoire pour lui décocher cette flèche du Parthe : « C’est peut-être ça que vous ignoriez, madame. »

— Bah, de l’azote, on peut toujours en apporter, rétorque-t-elle sans s’émouvoir.

— Alors, en effet, il est indispensable d’amender sa terre. C’est bien pour ça qu’on fait du compost. Mais attention. La tomate est sensible au mildiou. Les pieds de tomates arrachés après la dernière récolte ne vont pas au compost. C’est dangereux, on risque de véhiculer la maladie. Je rappelle que le mildiou s’installe très rapidement. Il faut lutter contre lui dès les premiers signes, avec le meilleur des fongicides, le purin d’ortie. Je vous proposerai une émission sur l’ortie un de ces jours, c’est vraiment une plante fascinante, qui a de très grandes qualités.

— Une plante envahissante et urticante, merci bien ! ironise Victoire.

— Mais enfin, vous n’y connaissez rien ! L’ortie est une des clés de voûte de nos écosystèmes. Elle contient tous les acides aminés essentiels et représente un apport idéal en protéines végétales.

Pour en revenir aux tomates, vous pouvez désormais planter toutes les variétés pour lesquelles vous trouverez des graines. Toutes pousseront facilement sous nos latitudes, à condition de les protéger de l’humidité persistante qui apportera le mildiou. On arrose au pied, jamais les feuilles, et pas si souvent que ça ! Quand vous les cuisinez, conservez les graines que vous laverez et laisserez sécher afin de préparer l’année suivante.

Enfin, dernier conseil : ne laissez pas vos sols nus quand vous aurez arraché vos pieds de tomates désormais inutiles. Plantez des légumes d’automne peu exigeants, comme des légumineuses (par exemple des fèves) ou des légumes racines (carottes, navet, sans oublier notre betterave picarde) ou encore des engrais verts comme les épinards, la moutarde qui vont régénérer votre sol.

Mathias s’est laissé surprendre par cette fin abrupte. Il pensait que Jarvis, comme à son habitude, se laisserait emporter par la passion et parlerait plus longtemps.

— Merci, Jarvis, c’était très intéressant, comme toujours. Nous allons maintenant demander à Victoire de se présenter et de nous parler de son travail.

— Oui, dit Jarvis, taquin. Victoire, comment justifiez-vous votre existence ?

Ceux qui le connaissent bien doivent sourire derrière leur poste de radio ; il a coutume d’utiliser cette question d’Isaac Asimov.

La jeune femme explique qu’elle est écologue, arrivée dans la région depuis peu, sensible à la situation critique dans laquelle se trouvent les habitants de Compiègne. Radio Campus ayant refusé de lui donner la parole, dit-elle, la scientifique en quête de visibilité s’est tournée rapidement vers l’alternative plus libre qu’est AirPD.

En premier lieu, elle déclare vouloir parler de ce que l’entreprise qui l’emploie, Écorizon, apportera à la ville.

Mathias intervient.

— Oui, les habitants s’interrogent, ils craignent que l’installation de cette entreprise qui produit des semences modifiées génétiquement ne soit néfaste à Compiègne.

— De fait, la situation écologique est déjà critique, rappelle l’experte. En effet, la pollution de l’air est faible puisque l’utilisation des voitures individuelles a été divisée par dix depuis que les véhicules thermiques ont été interdits dans les Hauts-de-France, cependant la pollution des sols et des eaux reste forte.

Victoire ne manque pas d’évoquer, notamment, la situation écosystémique des eaux de l’Oise, et plus spécifiquement la prolifération des écrevisses de Louisiane, une espèce invasive qui brutalise la faune locale et détruit petit à petit les berges. Elle n’oublie pas de souligner que ces écrevisses, comme beaucoup d’autres d’espèces colonisatrices, sont apparues dans la région il y a plusieurs années, notamment à cause d’éleveurs peu scrupuleux. L’arrivée d’une nouvelle industrie en ville rappelle à tous et toutes les pénibles souvenirs du capitalisme décomplexé du siècle passé.

Cependant, l’experte soulève une question : « Peut-on réellement comparer la situation actuelle à la précédente ? ».

Mathias et Jarvis se regardent, quelque peu incrédules.

L’experte poursuit, afin d’expliciter ses propos. En effet, Écorizon serait, elle, bien plus soucieuse de l’environnement. La preuve en est : elle propose un projet de compensation écologique, de dépollution du canal.

Jarvis intervient rapidement et demande comment tout ceci est censé se dérouler, alors même que l’entreprise polluera l’eau et le sol par ses rejets organiques et chimiques.

La jeune femme ne se démonte pas ; elle a décidément réponse à tout. En réalité, les rejets seront minimes, explique-t-elle au micro.

— Pour ce qui est des déchets chimiques, ils restent rejetés en petites quantités et surtout toujours en dessous des seuils fixés par les réglementations sanitaires européennes. Dans le cas des résidus organiques, pas de souci non plus, il suffit de les laisser se décomposer et cela permettra même de revitaliser des sols. Tout a déjà été pensé, vous voyez.

Jarvis l’interrompt prestement :

— Comment des résidus organiques sont-ils censés se décomposer pour nourrir les sols, si les déchets en question sont issus de plants OGM spécifiquement conçus pour se conserver le plus longtemps possible après leur récolte ? »

Victoire ignore complètement cette intervention, probablement à cause de la difficulté de répondre face à un argument aussi pertinent, et déroule son discours comme si de rien n’était.

L’écologue monopolise l’antenne. Désormais, c’est sur les écrevisses qu’elle veut revenir. Ces crustacés sont, outre son dada manifeste – bien qu’on puisse, paradoxalement, observer une broche en forme de crabe sur la veste de la scientifique – une catastrophe pour l’écosystème local.

En effet, arrivées il y a quelques années, de toute évidence en ayant remonté l’Oise grâce aux porte-conteneurs naviguant sur le Canal Seine-Nord, ces dernières sont une des préoccupations écologiques de la ville, si ce n’est la plus grande. Les écrevisses de Louisiane étaient déjà un problème bien avant leur débarquement à Compiègne.

Elle enchaîne sur un véritable exposé.

— Il y a vingt ans, les écrevisses de Louisiane avaient colonisé près de 80 % du sol français. L’Oise restait pourtant épargnée de leur présence. Dès 2035, une fois le canal achevé, des doutes furent émis sur la possibilité qu’elles puissent, via les péniches, arriver jusqu’ici. Aujourd’hui, elles sont installées depuis près de cinq ans, et tout le monde en connaît les conséquences n’est ce pas ?

« Tout un chacun sait ce que font ces animaux invasifs, à savoir propager des maladies décimant la faune locale, en plus d’occuper des niches écologiques autochtones. Leur nidification pose un autre problème sérieux : l’érosion des berges. On parle ici en effet de galeries creusées à même la terre ou l’argile, fragilisant petit à petit les berges de l’Oise, ce qui provoque, au fil du temps, la destruction des zones de pêche et des zones portuaires locales.

« À ce problème de taille, Écorizon apporte pourtant une solution plus qu’inespérée : l’éradication des écrevisses de Louisiane serait comprise au sein du programme de compensation écologique proposé par la firme. Pour ce faire, nous proposons de relâcher, de manière ciblée, sur une zone limitée et temporairement, une toxine issue des de l’usine de traitement des eaux de l’Oise. Cette dernière ne viserait que les écrevisses, évidemment.

Jarvis est stupéfait : cela n’a aucun sens, il doit encore intervenir. Le vieil homme ne manque donc pas de couper la parole de l’écologue, une nouvelle fois, par un violent « *Shut up  !* » tout droit sorti de son cœur d’Écossais.

Il confronte la soi-disant écologue à ses propos, il la questionne : comment une toxine, prétendument aussi efficace, pourrait-elle ne cibler que les écrevisses ?

Victoire, de nouveau, ne se démonte pas : la toxine, prétend-elle, passe uniquement par les branchies des crustacés. Jarvis s’énerve : les poissons aussi ont des branchies, cette toxine leur serait également inoculée.

— Faire mourir les quelques espèces locales encore présentes pour éradiquer une espèce envahissante, ce serait de la folie. Ce serait signer l’arrêt de mort de tout un écosystème qui, s’il est aujourd’hui fragilisé, serait demain complètement vide de vie. En plus, faire passer un de vos déchets comme un remède miracle, c’est vraiment du *bullshit !* »

Jarvis se tourne alors vers Mathias qui anime l’émission :

— Comment avez-vous pu inviter une pareille fantaisiste, qui ne sait pas de quoi elle parle et qui balance des contre-vérités depuis tout à l’heure ? »

La gêne de Mathias est palpable. Il essaie de répondre, mais sa voix se perd dans un bafouillis incompréhensible. Plutôt problématique pour un animateur radio ! D’autant que c’est le moment que choisissent les interférences pour revenir brouiller l’émission du signal. Il est encore plus désemparé quand son téléphone affiche un SMS de Luciole : « MAIS QU’EST-CE QUE TU FOUS ? STOPPE TOUT DE SUITE LA DIFFUSION ! ! ! ».

en gros plan un micro de studio

Photo pxhere.com licence CC0

Jarvis enfonce le clou.

— Je pensais que l’équipe de Radio Padakor était plus rigoureuse que celle de Radio Campus, avec un véritable esprit journalistique. Je me rends compte que ce n’est pas le cas. Franchement, je regrette d’être venu et je ne reviendrai pas. »

Il pose violemment son casque sur la table, se lève et quitte le studio d’enregistrement.

La jubilation de Victoire se lit sur son visage : elle va pouvoir dérouler ses arguments sans être interrompue.

Mathias se secoue et récupère la main en coupant le micro de son invitée avant qu’elle ait eu le temps de reprendre la parole.

« Le temps qui nous était imparti arrive à son terme. Je remercie chaleureusement nos deux invité⋅es, je vous prie d’excuser les petits problèmes techniques que nous avons rencontrés. Vous retrouverez Luciole demain à la même heure. »

Dans sa précipitation, il lance What a Wonderful World, le morceau originellement proposé par Victoire pour clôturer l’émission, mais qui désormais résonne tout à fait différemment.

 

 

Bibliographie

 

 

Mickey dans le domaine public

lundi 22 janvier 2024 à 11:38

Vous en avez sans doute entendu parler : Mickey entre enfin dans le domaine public. Enfin… c’est un peu plus compliqué que ça… Notre dessinateur Gee vous explique tout ça.

Note : cette BD reprend partiellement la chronique que Gee a donnée mardi dernier dans l’émission de radio de l’April, Libre à vous ! (dont le podcast sera disponible prochainement). Si la chronique et la BD partagent une trame commune, elles ne sont pas identiques mais complémentaires.

Mickey dans le domaine public

Le copyright étatsunien est un drôle d’animal qui, pendant des décennies, a grandi avec un autre animal : une petite souris.

1976. Un cadre de chez Disney dit : « Dites, avec ce copyright qui expire au bout de 50 ans, notre Mickey Mouse de 1928 va entrer dans le domaine public dans 3 ans… Ça va pas du tout. » Un politicien indépendant et intègre répond : « Oula, en effet ! Passons la durée du copyright à 75 ans après la publication de l'œuvre ! »

1998. Même image, le mec de chez Disney dit : « Dites, avec ce copyright qui expire au bout de 75 ans, notre Mickey Mouse de 1928 va entrer dans le domaine public dans 5 ans… Ça va pas du tout. » Un politicien indépendant et intègre répond : « Oula, en effet ! Passons la durée du copyright à 95 ans après la publication de l'œuvre ! »

2020. Même image, le mec de chez Disney dit : « Dites, avec ce copyright qui expire au bout de 95 ans, notre Mickey Mouse… » Le politicien le coupe en criant : « ÇA VA BIEN, MAINTENANT ! »

Bon, je ne suis pas sûr que ce soit un vrai sursaut de décence qui soit à l’origine de cet arrêt de l’augmentation de la durée du copyright

Quoi qu’il en soit, après bien des années d’attente, cette fois c’est fait :

Mickey Mouse entre dans le domaine public.

Mais alors attention, pas n’importe lequel : juste celui de Steamboat Willie, le fameux film d’animation de 1928.

Une image montre le Mickey de 1928, en noir et blanc, avec des gros yeux, pas de gants blancs, etc. Lui, c'est bon. Une autre image indique « Mickey de Fantasia (1940) », mais montre un autre personnage, « Marcel Morbac », une alternative libre, vu qu'on n'a pas le droit de réprésenter l'officiel… Marcel : « Salut ma couille, ça biche ? »

Ajoutons à ça la tripotée de marques que Disney a pris soin de déposer autour de sa mascotte…

Gee et la Geekette regardent une image de Mickey au gouvernail d'un bateau. La Geekette demande : « Devinette : cette image est-elle extraite du dessin animé de 1928 dans le domaine public ? Ou bien de la séquence d'intro de TOUS les films d'animation de Disney depuis 2007, marque déposée ? » Gee, dubitatif : « Euuuh … » La Geekette : « Questions subsidiaires : quel droit s'applique donc à cette séquence ?  Disney peut-il te poursuivre si tu l'utilises ? » Gee : « Euuuuuuh… » Le smiley, blasé : « Dans le doute, on va s'abstenir. C'est bien le but. »

Ajoutons aussi le nouveau design rétro de Mickey, très ressemblant à celui de 1928, que Disney a balancé en 2013, entre le fromage et le dessert. Histoire qu’il y ait toujours un petit doute sur lequel vous utilisez…

Gee, ironiquement, devant un comparatif : « Comme on dit, le confort du nouveau dans le charme de l'ancien… Le copyright du nouveau sur le design de l'ancien… » Le comparatif montre le Mickey de 1928, et le Mickey de 2013, remplacé à nouveau par Marcel Morbak qui dit : « Me revoilà, les aminches. On s'fait un p'tit morpion pour passer le temps ? »

Après, ne rigolons pas trop fort sur les délires du copyright étatsunien… de notre côté de l’Atlantique, c’est pas beaucoup plus reluisant.

La Geekette explique d'un air blasé : « Chez nous, c'est 70 ans après LA MORT de l'auteur ou autrice que ça entre dans le domaine public… » Gee, souriant : « Et donc, comme Antoine de Saint-Exupéry est mort en 1944, le Petit Prince n'est entré dans le domaine public qu'en 2015. »

La Geekette s'exclame soudain : « NON ! En tout cas, pas en France ! » Gee fait un bond en arrière en criant : « Hein ?! » La Geekette explique : « Saint-Ex étant mort pour la France, il profite d'une extension de droits d'auteur de 18 ans et n'entrera dans le domaine public qu'en 2033 ! » Gee : « What ze feuk ?! »

Je sais, là, vous allez me dire…

Mais POURQUOI cette extension ?

La justification est très simple :

Un connard cravaté explique, souriant mais transpirant, devant la Geekette et le Geek, pas convaincus. Il dit : « Ben comment vous dire… comme il est mort pour la France, il est mort jeune… et du coup il a pas pu écrire tous les bouquins qu'il aurait dû écrire… À cause de la France… Donc c'est logique que ses livres publiés soient protégés plus longtemps, comme ça il peut… enfin, ses descendants… lointains…  en 2030 quoi… ses descendants pourront continuer à gagner de la thune dessus, et c'est…  j'sais pas, c'est juste ? C'est équitable ? »

Bon, vous en pensez c’que vous voulez, mais moi je trouve qu’on nous prend un peu pour des moutons dans une boîte, avec cette histoire.

Gee : « Notez que le livre est dans le domaine public ailleurs : en Belgique, par exemple*. Le lien est en note de bas de page, mais évidemment, si vous résidez en France, NE CLIQUEZ PAS DESSUS, parce que ce serait quand même pas très gentil. » Marcel Morbak est là et commente : « Faudrait être sévèrement burné pour cliquer là-dessus. » Le smiley le regarde d'un air mauvais en disant : « Tu veux pas foutre le camp, toi ? »

Vous pouvez télécharger le livre dans le domaine public belge depuis saintexupery-domainepublic.be. Sauf si vous êtes en France, bien sûr, je le répète, mais déconnez pas, hein.

De toute façon, chez nous aussi on sait faire joujou avec le droit des marques, donc les héritiers de Saint-Exupéry ont déposé le Petit Prince comme marque de commerce, et c’est plié.

Gee commente : « Je propose donc qu'on réédite cette jolie histoire sous un autre nom. En Belgique, bien sûr. Je suggère “Le Petit Prolo”, vu que j'ai jamais pu encadrer les nobles. » Le Petit Prolo est représenté à côté : « S'il vous plaît, dessine-moi un patron. En prison. »

Bref, je suis personnellement d’avis que l’art est libre par essence, parce qu’il forme notre imaginaire collectif et qu’il est donc démocratiquement juste de se l’approprier, de le transformer et de le partager.

Gee lit : « Une jolie citation, pour conclure : “Avant la publication, l’auteur a un droit incontestable et illimité. (...) Mais dès que l’œuvre est publiée l’auteur n’en est plus le maître. C’est alors l’autre personnage qui s’en empare, appelez-le du nom que vous voudrez : esprit humain, domaine public, société. C’est ce personnage-là qui dit : Je suis là, je prends cette œuvre, j’en fais ce que je crois devoir en faire, moi esprit humain ; je la possède, elle est à moi désormais.*” » Un politicien s'énerve : « Quelle est la crème d'intégriste islamo-gauchistes qui a pondu cette ânerie ? » Gee : « Victor Hugo. » Le politicien : « Ah. »

Citation extraite du Discours d’ouverture du Congrès Littéraire International du 17 juin 1878 (à retrouver sur Wikisource).

Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 19 janvier 2024 par Gee.

Sources :

Bon, et bien sûr, ce serait dommage de terminer cette BD sans vous proposer une affiche officielle pour le personnage de Marcel Morbak :

Parodie de l'affiche Steamboat Willie : « L'alternative libre à Mickey, Marcel Morbak, dans Steamboat Zizi ». On voit Marcel dans la même position que Mickey, tenant le gouvernail à deux mains, et avec également un gros joint allumé dans une autre main (vu qu'il en a quatre). Le sol semble être fait de peau humaine très poilue. Note : dessin sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessiné le 19 janvier 2024 par Gee.

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)

Khrys’presso du lundi 22 janvier 2024

lundi 22 janvier 2024 à 07:42

Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.


Tous les liens listés ci-dessous sont a priori accessibles librement. Si ce n’est pas le cas, pensez à activer votre bloqueur de javascript favori ou à passer en “mode lecture” (Firefox) ;-)

Brave New World

Le rapport de la semaine

Spécial Palestine et Israël

Spécial femmes dans le monde

Spécial France

Spécial femmes en France

Spécial médias et pouvoir

Spécial pénibles irresponsables gérant comme des pieds (et à la néolibérale)

Spécial recul des droits et libertés, violences policières, montée de l’extrême-droite…

Spécial résistances

Spécial GAFAM et cie

Les autres lectures de la semaine

Les BDs/graphiques/photos de la semaine

Les vidéos/podcasts de la semaine

Les trucs chouettes de la semaine

Retrouvez les revues de web précédentes dans la catégorie Libre Veille du Framablog.

Les articles, commentaires et autres images qui composent ces « Khrys’presso » n’engagent que moi (Khrys).

Ateliers Solarpunk – UPLOAD : bientôt des nouvelles de 2042

jeudi 18 janvier 2024 à 19:39

… et des extraits aujourd’hui pour l’apéritif !

Les ateliers de l’UTC  de l’opération #Solarpunk #UPLOAD ont été plus que fructueux ! Si vous avez raté le début, parcourez cet article récent et cet autre…

Sept groupes de participant⋅es ont collectivement imaginé puis scénarisé et finalement… rédigé des nouvelles dont voici quelques échantillons et dont nous publierons l’intégralité ici même au cours de la semaine prochaine.

En attendant, vous pourrez dès ce vendredi 19 janvier les écouter présenter leur travail et interpréter quelques passages sur la radio https://grafhit.net/ (et sur le 94.9 FM si vous êtes dans le Compiègnois). Soyez à l’écoute à partir de 12h !

 

Une radio punk, des dirigeables, un musée d’avant l’effondrement, des étudiant⋅es les mains dans la terre, d’autres bloqués sans réseau, une ferme et des dortoirs à rénover… C’est parti pour vous mettre l’eau à la bouche !

Soleil bicolore rouge/noir sur fond vert/jaune pour symboliser le solarpunk."Ancom or Ansyndie Solarpunk flag" by @Starwall@radical.town is licensed under CC BY-SA 4.0.

 

1.Un début de vive altercation sur Radio_Padakor, ça risque de tourner au vinaigre entre le jardinier et l’écologue experte de la startup…

… à ce problème de taille, continue Victoire, Écorizon apporte pourtant une solution plus qu’inespérée : l’éradication des écrevisses de Louisiane sera comprise au sein du programme de compensation écologique proposé par la firme. Pour ce faire, nous proposons de relâcher, de manière ciblée, sur une zone limitée et temporairement, une toxine issue des traitements de l’usine dans les eaux de l’Oise. Cette toxine ne viserait que les écrevisses, évidemment.
Jarvis est stupéfait : cela n’a aucun sens, il doit encore intervenir. Le vieil homme ne manque donc pas de couper la parole de l’écologue, une nouvelle fois, par un violent « Shut up ! » tout droit sorti de son cœur d’Écossais.
Il confronte la soi-disant écologue à ses propos, en la questionnant : comment une toxine, prétendument aussi efficace, pourrait-elle ne cibler que les écrevisses ?
Victoire, encore, ne se démonte pas : la toxine, prétend-elle, passe uniquement par les branchies des crustacés. Jarvis s’énerve : les poissons aussi ont des branchies, cette toxine leur serait également inoculée !

extrait de Panique à bord de Padakor, récit complet sous licence CC-BY-SA Radio_Padakor, à paraître lundi prochain sur le Framablog

 

2. à l’UPLOAD, ça discute après l’effort dans le jardin collectif partagé…

« Pas mal, lâcha Émile, pour une première, vous vous en sortez plutôt bien !
— Merci, c’est pas si dur en fait le jardinage ! Il y a des petites techniques à apprendre et puis notre potager se retrouve rempli de bons fruits et légumes, répondit Maura enthousiaste.
— C’est vrai, mais il y a aussi toute la partie entretien du potager ! objecta le jardinier. Il y a dans toutes disciplines des parties moins agréables mais essentielles qui nous rendent encore plus fiers du travail accompli. »
Puis il se tut, il semblait méditer.
Théo saisit cette opportunité pour s’introduire dans la conversation.
« Moi quand je travaille sur les dirigeables, je suis toujours fier du travail accompli !
— Oh non, pas encore tes dirigeables ! s’exaspéra Maura.
— Vous saviez que les nouveaux dirigeables à panneaux solaires émettaient seulement l’équivalent d’1 % des émissions CO2 d’un avion pour du fret-
— Théo, reste concentré sur le potager ! lui intima Maura.
— Vous ferez moins les malins quand j’aurai un poste d’ingénieur dans une des usines d’assemblage !
— Les usines fluviales ? demanda le jardinier intrigué. »

extrait de Mission dirigeable ! récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître mardi prochain sur le Framablog

 

3. Des enfants de 2042 visitent l’exposition « Compiègne avant la sobriété »…

Louka s’était rapproché d’une ancienne carte de la région, il était surpris car il voyait de longs chemins de couleur sombre qui serpentaient de ville en ville.
« C’est quoi Papa ? c’est tout gris, dit l’enfant en pointant du doigt ces longs tracés.
– Ça tu vois, c’est une autoroute. Et là ce sont des routes nationales, ici les routes départementales et là les rues de la ville, expliquait Thomas.
Thomas poursuivit, décrivant à ces enfants ces voies de transports qu’ils n’avaient pas connues.
– À cette époque, nous utilisions des voitures pour nous déplacer. Une voiture c’était 4 sièges plus ou moins mis dans une boite. Puis on mettait cette boite sur quatre roues, on lui ajoutait un moteur avec de l’essence, et ça roulait…
Thomas continua en précisant que chaque voiture avait un « propriétaire » et de ce fait, on en faisait un usage individuel la plupart du temps. Il montra une photo où figurait une file de véhicules anciens.
– Mais, elle étaient énormes ces voitures ! Pourquoi elles étaient si grosses si on était seul dedans ? … ça sert à rien ! s’étonna Louka.
Face à la surprise de son fils, Thomas soupira. Il lui revint en mémoire les heures de bouchon pour aller travailler dans un bureau d’une compagnie d’assurance située à 25 km de chez lui.

extrait de Compiègne avant les années sobres, récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître mercredi prochain sur le Framablog

 

4. Quand on veut profiter de la cantine communautaire de l’UPLOAD, on participe d’abord…

C’était le Corridor, le lieu de livraison de la nourriture. Didier sortit de son gros sac à dos des courgettes, des pommes et des poires. Une étudiante les lui prit, le remercia, et alla les donner en cuisine. Daniel fut surpris qu’elle ne donne pas de l’argent à son ami en échange.
« Allons manger maintenant ! s’exclama Didier.
– Attends… mais on est pas étudiants, on a pas le droit. Et pourquoi elle ne t’a pas payé ?
– Le principe du ReR, la cantine « Rires et Ratatouille », repose sur la collaboration de chacun à son bon fonctionnement. Pour y avoir accès, les élèves suivent des cours et des activités en rapport avec l’agriculture, et les personnes extérieures peuvent y manger si elles apportent de la nourriture ou aident en cuisine. On a apporté des fruits et des légumes, on peut maintenant manger sans payer. Allez, à table ! »

extrait de Jardins de demain, jardins malins, récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître jeudi prochain sur le Framablog

bouton d'accès avec une empreinte digitale "Fingerprint Biometric Lock" by Flick is licensed under CC BY-NC-SA 2.0.

5. Dans le bâtiment d’accès sécurisé où ils viennent de travailler toute l’après-midi, un groupe d’étudiant⋅es cherche à quitter les lieux…

Quelques heures passent encore, sans plus aucune interruption. Une fois leur première série d’expériences terminée, tous se dirigent vers la porte. Dylan pose son index sur le lecteur d’empreintes mais celui-ci s’allume en rouge. La sortie lui est refusée.
– Et merde, on est bloqués, la porte ne s’ouvre pas !
– Arrête de faire une blague c’est pas drôle, répond Adrien.
Les autres essaient à leur tour, en vain.
C’est Noah qui comprend tout à coup :
– Ah oui ! Ça doit être parce qu’il est plus de 14h.
– Comment ça ? chuchote Candice d’une voix blanche.
– Vous ne vous souvenez pas de l’annonce des opérateurs de télécom ? Ils avaient décrété que les réseaux de l’Oise allaient devenir intermittents. Internet n’est actif qu’entre 11h et 14h puis entre 22h et 6h. Ça ne vous dit vraiment rien ?

extrait de Un réseau d’émotions, récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître vendredi prochain sur le Framablog

 

fromage à croûte orange en forme de cœur

Rollot par Bycro- Travail personnel, CC BY-SA 4.0

6. Est-ce que cet éleveur qui veut rénover son exploitation va pouvoir trouver des compétences à l’UPLOAD ?

— je suis dans l’élevage bovin et la production de lait. Mais ça devient dur et j’aimerais bien transformer une partie de mon vieux corps de ferme en un endroit sympa où les gens pourront acheter du fromage, du lait frais, du maroilles ou d’la tome au cidre. En plus de tout cas, j’prévois aussi d’avoir un coin pour avoir du stock… Tout ça, pour mettre en place du circuit court. Ça m’permettrait aussi de vendre les rollots que j’fais à plus juste prix.
— Ça me semble de très bonnes idées ! Je suis la responsable projet de l’UPLOAD, et nous recherchons des propositions des collaborations entre nos élèves en dernière année et les habitants de l’agglomération. Avez-vous…
Joël, d’une voix franche quelque peu irritée, coupe la parole à son interlocutrice.
— Je te coupe tout de suite m’dame, j’pense pas que ce genre de projet puisse être confié à des gamins étudiants. Faut des têtes bien pleines, des gens qui savent faire des calculs de structure, thermique et autres. J’ai pas envie que mon bâtiment tombe sur la tête des clients ou que mes fromages tournent.

extrait de Réno pour les rollots, récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître vendredi prochain sur le Framablog

 

7. Pour rénover les dortoirs délabrés de l’UPLOAD, on choisit lowtech ou hightech ?

Apu, animé par la conviction que des solutions simples pouvaient avoir un impact majeur, commença à partager son histoire.

« Stella, tu sais, à Mumbai, j’ai vu comment des matériaux locaux simples peuvent faire une différence dans la vie quotidienne. Les briques en terre crue, par exemple, sont abondantes et peuvent être produites localement, réduisant ainsi notre empreinte carbone. »
Stella, initialement sceptique, écouta attentivement les explications d’Apu tout en esquissant quelques notes sur son propre cahier.
« Les briques en terre crue peuvent être une alternative aux matériaux de construction conventionnels, » suggéra Apu, esquissant un plan sur son cahier. « Elles peuvent être produites localement, réduisant ainsi notre empreinte carbone. »
Stella répondit :
« C’est intéressant, Apu, mais il faut voir au-delà de la simplicité. Moi je verrais bien des panneaux solaire, des éoliennes qui se fondent dans l’architecture, et l’utilisation de l’énergie hydraulique par exemple avec un barrage.

extrait de Renaissance urbaine, récit complet sous licence CC-BY-SA à paraître samedi prochain sur le Framablog

Soleil vert/jaune sur fond bleu/vert, "Solarpunk flag, blue diagonal" by @Starwall@radical.town is licensed under CC BY-SA 4.0.

Pourquoi se syndiquer dans l’informatique ?

jeudi 18 janvier 2024 à 17:33

On le sait, le syndicalisme ne se porte pas formidablement bien dans notre pays. Et dans certains métiers, il ne va pas forcément de soi. C’est pourquoi l’article de Cécile et Thomas, publié initialement sur 24joursdeweb nous a semblé essentiel, et nous sommes ravi⋅es de le partager ici.

Quand on parle de syndicalisme, on a souvent l’image de « Jojo-le-syndiqué-de-la-cégété », qui brûle des pneus devant l’usine en mangeant des merguez en manif. Ou encore de la mafia qui ne travaille que pour ses propres intérêts particuliers.

Dans l’informatique, milieu de cadres, le syndicalisme est tantôt mal vu, tantôt inexistant, souvent considéré comme inutile. Après tout, nous sommes des privilégié·es !

Pourtant quelques bribes commencent à émerger dans notre secteur. Il y a eu le mouvement, plutôt associatif, « On est la tech »  d’informaticien·nes, qui se sont mobilisé·es lors des premières manifestations contre le système de la retraite à points.

Dans le milieu du développement de jeux vidéo, bon nombre de syndicats ont agi contre les violences sexistes et sexuelles (on peut penser aux — trop nombreux — scandales chez Ubisoft et Quantic Dream).

Alors pourquoi des gens se syndiquent dans l’informatique ?

Être majoritairement cadres et avoir un salaire à plus de 40 K ne fait pas de nous des patrons. On reste des employé·es qui doivent arriver à l’heure au bureau et qui subissent de gros coups de pression dans les moments de rush.

D’un point de vue marxiste, nous sommes et nous restons du côté des « exploités » et pas des « propriétaires » ! (On vous rassure, on ne va pas vous faire un cours sur le marxisme… quoique !).

Vous allez me dire qu’il y a pire comme exploitation. Et vous avez raison… jusqu’à un certain point ( !).

D’abord sur le côté temporaire. S’il est vrai qu’actuellement la conjoncture est plutôt bonne dans notre industrie, nous ne sommes pas à l’abri d’un retournement économique, qui est d’ailleurs dans l’actualité. Celleux qui ont vécu la crise des années 2000 de l’informatique peuvent en témoigner.

Par ailleurs, l’informatique est un métier où l’on vieillit avec ses technologies et ses modes : que vaudra votre expertise Node.js, votre certification Scrum Master ou votre expertise Window Server 2023 dans vingt ans ? Dans quarante ans ?

Parce que oui, au cas où vous ne l’auriez pas vu, vous risquez fortement de bosser jusqu’à soixante-sept ans ! Tout le monde n’aura pas la chance d’être un papy Cobol !

À quoi servent les syndicats ?

L’idée d’un syndicat est de regrouper des personnes qui partagent le même intérêt.

On trouve comme cela des syndicats de patron·es (MEDEF, CGPME…) et des syndicats de travailleuses et travailleurs. (Pour les plus connues : CGT, CFDT, SUD/Solidaires, FO…)

Les « intérêts » des salarié·es sont souvent les mêmes un peu partout et depuis toujours ; ça peut se résumer à : gagner plein d’argent, avoir une bonne ambiance au boulot (de préférence, sans harcèlement) et beaucoup de temps libre !

Les syndicats sont donc des personnes qui cherchent à se battre pour cela. Ils vont avoir quatre outils pour le faire :

  • les instances de négociation dans l’entreprise (on reviendra plus bas sur le CSE) ;
  • la loi ;
  • les pressions diverses ;
  • la grève.

Le comité social et économique (CSE) et les délégués syndicaux

Dans les entreprises de plus de onze salarié·es, il doit y avoir un CSE. Un lieu où les représentant·es des salarié·es, qui sont élue·es par les salarié·es, discutent avec la direction (qui elle n’est pas élue, mais qui a eu la bonne idée d’être riche au bon moment !) de sujets variés. Toutes les questions peuvent être posées à la direction, qui a pour obligation d’y répondre… avec plus ou moins de bonne foi !

Chaque syndicat ou liste qui a reçu plus de 10 % des voix aux élections va avoir des délégué·es syndicaux (DS). Ces fameux DS vont signer (ou ne pas signer) des accords d’entreprise avec la direction de l’entreprise.

Typiquement, il y a sûrement un accord d’entreprise sur le télétravail, sur l’accueil spécifique des personnes en situation de handicap ou sur les congés menstruels/hormonaux… Grâce à notre bon président (humour noir), les accords d’entreprise peuvent être moins bons que ce que propose le code du travail.

Les délégués syndicaux sont aussi ceux qui négocient les augmentations en fin d’année.

Enfin, c’est le CSE qui gère les activités sociales et culturelles (ASC), c’est-à-dire l’argent qui est donné pour les salarié·es pour les œuvres socioculturelles (les places de ciné, les réductions pour la salle de sport, la colonie de vacances de l’entreprise…).

Warning : dans notre milieu de cadres, il n’est pas rare de trouver des syndicats « jaunes », c’est à dire des syndicats pro-direction qui sont prêts a signer les pires accords d’entreprise pour les salarié·es en échange d’avancement de carrière ou de planques diverses dans la boîte…

Autre point, le CSE a aussi la responsabilité de veiller à la sécurité physique et psychologique des salarié·es. Cela se fait dans le sous-groupe du CSE appelé CSSCT : commission santé, sécurité et conditions de travail.

Bon, habituellement, les métiers de l’informatique ne présentent que peu de risques physiques, si ce n’est des problèmes de dos et aux yeux à rester trop longtemps devant un écran. Cela reste très soft par rapport à des gens travaillant dans d’autres secteurs, comme en usine ou dans le bâtiment.

En revanche, pour les questions psychologiques, c’est autre chose. Les syndicats ont un vrai rôle pour faire remonter les questions de harcèlement, de stress divers et de burnout. Même si la loi n’est pas très précise ni claire sur ces questions, faire remonter que le petit chef X est un harceleur ou qu’il y a eu quatre burnouts dans le service de M. Bidule auprès du PDG de la boîte fait toujours son petit effet.

La loi

Salarié·es comme RH ne connaissent pas toujours le droit du travail ni la loi. Le rôle des syndicats dans l’entreprise est là pour rappeler le droit du travail aux salarié·es, mais aussi à la direction quand elle se trompe ou oublie d’appliquer la loi (oups !). Et le droit du travail en France est assez lourd, mouvant et complexe.

D’ailleurs, il y a aussi une certaine superposition du droit qu’il faut avoir en tête : le Bureau International du Travail (BIT), les directives européennes, la loi française, le droit du travail, les conventions de branche et les accords d’entreprise.

Pour nous, cadres de l’informatique, on dépend très souvent de l’accord de branche qui regroupe les bureaux d’études techniques, les cabinets d’ingénieurs-conseils et les sociétés de conseils. L’accord s’appelle « SYNTEC » et a été mis à jour en mai dernier.

Connaître tout le droit est quasiment impossible. C’est pour cela que les élu·es au CSE ont des jours de délégation pour se former aux bases du droit du travail. Il y a aussi toutes les connaissances légales que les syndiqué·es apprennent et comprennent en discutant avec d’autres syndiqué·es.

Mais le gros du travail est souvent assuré par un avocat spécialiste en droit du travail.
En effet toutes les centrales syndicales ont des partenariats avec des avocats qu’ils peuvent mobiliser quand ils ont des demandes juridiques.

D’ailleurs saviez-vous que le statut de cadre (convention SYNTEC) oblige l’employeur à payer le train en première classe lors des voyages professionnels ?

Les pressions diverses

La loi, c’est bien, mais ça ne fait pas tout. Et surtout les procédures légales sont parfois longues, pour à la fin ne pas obtenir grand chose.

On aimerait vivre dans monde de bisounours où en demandant gentiment à la direction, elle nous donnerait des augmentations, des primes de télétravail et des jours de congés payés pour les enfants malades. Dans la réalité, il faut parfois savoir montrer les dents pour négocier.

Soyons francs, il y a des moments où mettre un petit coup de pression à la direction est bien plus efficace que des années de batailles juridiques.

Pour ça, les syndicats ont deux grands types de techniques : la communication interne et la communication externe.

La communication interne

En interne, on a vu que le CSE pouvait faire passer des messages à la direction.

Ces messages et ces questions sont écrites et portées à la connaissance des salarié·es. Cela permet souvent de mettre la direction face à ses contradictions.

Madame la RH, comment expliquez vous l’augmentation des dividendes aux actionnaires de 30 % quand les salarié·es ont une augmentation de 0,5 % en moyenne ?

Mais la communication interne, c’est aussi des mails possibles aux salarié·es :  dans une grosse boîte de jeux vidéos très connue, il était de notoriété publique que certains services et certains managers pratiquaient du harcèlement sexuel. Problème : aucune femme ne voulait porter plainte.

Il a suffi d’un mail à l’ensemble de la boîte (plusieurs milliers de personnes) appelant à dénoncer les violences sexistes et sexuelles qu’elles auraient subies et ce, notamment dans le service bidule de M. X ou machin de M. Z, pour que des femmes aient l’immense courage de porter plainte.

Effet corollaire, au minimum, les managers des services en question ont regardé leurs pompes pendant quelques mois après, ont raté leur augmentation et — après quelques mois — ont enfin fini par se faire virer !

La communication externe, plus compliquée mais aussi très redoutable

Aujourd’hui beaucoup de sections syndicales ont un compte X/Instagram/Mastodon ou un blog plus ou moins actif où ils dénoncent les problèmes de leur boîte. Quand sur le hashtag du nom de la boîte tu trouves diffusés au grand jour tous les problèmes de l’entreprise, tu écorches l’image de la boîte et la « marque employeur ».

Ça fait réfléchir à deux fois les directions avant de faire des saloperies…

Si on va plus loin ou que l’entreprise est connue, on peut aussi avoir des articles dans la presse spécialisée.

La grève

Le dernier outil qui reste aux syndicalistes, c’est la grève. L’arrêt de travail pur et simple. On est sur du classique et du médiatique mais ça reste un outil important pour pouvoir apporter du rapport de forces dans les négociations.

Même lorsque que c’est symbolique, la grève permet de désorganiser, fait prendre du retard sur des projets et, au final, peut faire perdre de l’argent à un actionnaire.

On ne va pas se mentir, jusqu’ici dans l’informatique en France, on n’a pas souvent eu des grèves massives qui ont eu un impact significatif sur le cours de la bourse de nos boîtes.

Mais on constate que, depuis les manifestations sur les retraites, on a des rangs qui grossissent à chaque nouvelle manifestation.

Faut-il avoir un poster de Lénine au-dessus de son lit pour être syndiqué ?

Alors oui et non. Vous le savez sans doute, certains syndicats sont plus « politiques » que d’autres. C’est-à-dire qu’ils vont s’intéresser à des sujets plus ou moins éloignés du monde du travail et de l’entreprise : les OGM, le conflit israélo-palestinien, la lutte contre l’extrême droite…

D’autres, au contraire, vont préférer se « mettre des œillères » et ne s’intéresser qu’à ce qu’il se passe dans l’open-space.

Une autre grille d’analyse est la dichotomie « syndicalisme de service » versus « syndicalisme de lutte ».
Les premiers sont souvent dans le « dialogue » avec la direction, les seconds vont plus volontiers aller au conflit.
Les premiers sont souvent qualifiés de « syndicalisme mou » voire de « traîtres » et les seconds sont souvent qualifiés « d’excités », de « brailleurs ».

À vous de voir ce qui vous intéresserait comme style de syndicalisme et pour cela, le meilleur moyen c’est d’aller parler avec les gens. Si les grandes organisations syndicales s’inscrivent dans ces axes (plus ou moins politique ; syndicalisme de service ou de lutte), sur le terrain, dans les entreprises, on peut avoir par les personnes des choses totalement différentes.

Oui, un militant Solidaires-Informatique peut être un vendu mou du genou et oui, il est possible qu’une section CFTC organise une grève dans une boîte en solidarité avec le peuple palestinien !

(Bon, c’est rare, mais justement, allez voir par vous-mêmes, sur le terrain, ce qu’il en est !)

Mais au final, pourquoi se syndiquer, qu’est-ce que j’y gagne ?

On peut y voir un intérêt personnel. Se syndiquer, c’est souvent profiter d’un réseau et d’un service juridique. Toutes les organisations syndicales ont des partenariats avec des avocats spécialisés en droit du travail et en cas de coup de dur, ça peut s’avérer très utile.

Se syndiquer, c’est aussi payer une cotisation : tous les mois, on alimente une grande caisse commune, qui permet de compenser les pertes de salaires pendant les grèves.

Et comme les syndicats de l’informatique ne font pas souvent grève, on a souvent des caisses bien garnies, qui permettent de donner à des associations chouettes, à des logiciels libres ou simplement d’autres syndicats qui ont des besoins plus urgents de solidarité.

Certain·es se syndiquent pour faire de la politique sur le terrain, avec des résultats directs et loin des partis politiques. Histoire d’appliquer ses idéaux sur quelque chose de visible : ses collègues de bureau.

D’autres se syndiquent par amitié, parce que c’est les copains de la machine à café, est-ce scandaleux ?
D’autres aussi — souvent en fin de carrière — se syndiquent pour changer de travail : parce que les liens humains finissent par intéresser davantage que les lignes de code… À moins que ce ne soit parce que l’expertise technique qu’ils avaient en début de carrière ne vaut plus rien aujourd’hui.
En se syndiquant, on trouve une place utile dans la société. On en a connu qui se syndiquent pour des raisons familiales : une tradition de CGTistes qui ont résisté pendant la Seconde Guerre mondiale et qui prennent leur carte de père en fille. Certain·es payent juste leur cotisation et ne s’engagent pas plus. D’autres sont ultra actifs sur le terrain mais refusent de payer leur carte par principe.

Bon, disons le tout net on ne fait pas du syndicalisme « pour gagner quelque chose ». C’est beaucoup d’énergie, beaucoup de temps, des risques sur sa carrière pour de maigres victoires.

Personnellement, j’ai connu quelqu’un qui s’est syndiqué parce qu’un jour je lui ai juste dit que le chef Bidule était un connard notoire. C’était le genre de petit chef qui pousse tout son service à bout en pinaillant sur des détails inutiles qui se transformaient en « manque de professionnalisme » dans ses mots. Ses équipes finissaient par bosser le soir et le week-end, le gars en question avait fini par entrer dans une sorte de dépression. Il m’a dit que mes mots l’avaient rassuré sur ses capacités et son professionnalisme. Je n’aurais jamais pensé que mes bêtes petits mots, assez banals, iraient jusqu’à ce qu’il adhère à un syndicat. Mais ça m’a rendue un peu fière.

Je crois qu’il y a parfois un côté « psychanalyste de comptoir d’entreprise » dans le syndicalisme. Et peut-être que c’est cela ma raison de me syndiquer.

Qu’importe votre motivation, qu’importe vos raisons profondes et vos besoins.

Se syndiquer, dans l’informatique ou ailleurs, c’est engager un contre-pouvoir, c’est créer de l’espoir pour soi, pour le bureau, et pour un monde meilleur.

Cet article est un appel à se syndiquer.

Image à la une en CC BY SA :  sur Flickr